Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 16 février 2013

“Indignés de Cons”: Marcel Sel leur pique la crise…


Ce n’est assurément pas un hasard si le petit Marcel Sel devenu grand cultive toujours, d’évidence freudiennement, une passion pour les scoubidous, référence récurrente de son dernier
ouvrage “ Indignés de Cons".
C’est que l’homme aime jouer avec les fils conducteurs, tantôt noirs et jaunes (“Les secrets de Bart De Wever”), tantôt pour démêler ceux, si tellement noués serrés, qui transforment l’économie en un bigntz de noeuds explosifs tellement top compliqués que le citoyen lambda s’en sent scoubidonné d’impuissance.
Se doutant bien que l’actuelle horreur économique n’est pas vraiment chose normale même si on vous dit, vous serine doctement que les contraintes sont neutres et s’imposent à chacun.
C’est à ce maquillage des brèmes que s’est attaqué Marcel Sel, qui a cette grande qualité désormais perdue par les politiques marketés : savoir vulgariser, expliquer; oui, faire comprendre.
Pour tenter de faire bouger les lignes d’une certaine atonie démocratique dans une crise devenue, ben que oui, permanente. 
On n’ose penser au nombre de sites ou d’opuscules consultés, on n’ose s’imaginer les interminables conciliabules dopés aux “capsules chatoyantes de Nespresso” (un des menus plaisirs de notre société de p’tites joies trompeuses) avec Karine Quarant-Schmidt (qui a collaboré à l’ouvrage) pour un seul objectif. Faire en sorte que celui qui n’entrave que pouic aux impénétrables “lois du marché” et à l’inaccessible tribalisme langagier des économistes conseillers des Princes oligarques, subitement se dise, l’ouvrage refermé: “Mais, bon sang, mais c’est bien sûr, mais j’ai compris”.
Sur ce plan, avec l’aide tonique et quasi toonesque de ses marionnettes  (John Bigvirus, Dédé, Toto Lulu ou Rockeux-Foulure)  le livre de Marcel Sel fait bingo dans le tour du proprio. 
Il leur pique carrément la crise, aux économistes assermentés de l’ombre organisée.
Pour enfin comprendre les subprimes, la planche à billets, les agences de notation, l’enjeu du poids de la dette et autres, on pouvait difficilement faire mieux.
C’est extrêmement clair, simplifié sans simplismes, limpidifié à l’humour roulez-jeunesse et plein d’intérêt pas que notionnel.
(et parfois la réalité dépasse la fiction: l’auteur croit fictionner en inventant, à titre d’exemple de dérision, la “Bigbank”. Eh ben, il s’est trouvé réellement des banquiers-courtiers pour se donner ce nom outrancier…)
Ceci étant fait, qu’en tirer comme conclusion ? Né au départ d’une zizanie de salières (Marcel Sel n’étant pas vraiment d’accord avec Stéphane Hessel et  le fourre-tout idéologique des Indignés -“Autant, écrit-il, abattre un F16 avec un scoubidou”), son bouquin propose in fine, une autre voie. Celle de la citoyenneté simplement redécouverte.
Je vous demande, dit-il, de vous intéresser à la politique, de lire un journal chaque matin, d’interpeller vos élus”, bref, comme il dit, “de les emmerder au jour le jour”.
Pour reprendre d’abord possession de la démocratie.
Marcel Sel subodore là, mine de rien - sans aller aussi loin- quelque chose de très juste. Tout ce qu’il aligne est bien réel : chacun est désormais, dans cette démocratie qui se porte mal, de plus en étranger à l’autre; une certaine “citoyenneté aseptisée” à toutes les sauces (mouvement citoyen, attitude citoyenne) démode le syndicalisme; tous les menus plaisirs privés (fut-ce le gadget à 9€ de chez Lidl) l’emportent sur le politique au sens noble…
La bonne question soulevée par “Indignés de Cons” ne serait-elle pas finalement celle-ci: n’entre-t-on pas, mine de rien, si on n’y prend garde, dans une société au despotisme tout à fait neuf: sans dictateurs, sans SS fussent-ils de carnaval.
Juste un “despotisme démocratique” ou l’adversaire, le danger principal, c’est simplement nous-mêmes.

Michel HENRION

“Indignés de Cons” : “La crise expliquée aux cancres et aux économistes” par Marcel Sel (avec la collaboration de Karine-Quarant-Schmidt). 212 pages. Editions “La Boîte à Pandore”. 17,90€ selon la cotation Bloomberg.