Le propos est de Bart De Wever. C'est le seul à retenir parce qu' il est clair: “ Toute coalition communale avec le Belang est impossible”.
Mieux: si, après le scrutin du 14 octobre 2012, l’un ou l’autre élu local de la N-VA, dévoré par le désir ravageur de s’asseoir à tout prix dans un fauteuil maïoral, décidait de s’allier avec le diable de l’extrême-droite, ce serait la procédure d’exclusion.
On verra évidemment, à l’automne, si ces déclarations d’intention résisteront toujours à la tentation du pouvoir. Mais c’est en tout cas à cette aune là -celle du jeu des alliances pour diriger une commune de Flandre- qu’il sera alors permis de jauger, voire de juger la N-VA.
Pas parce que, dans la plus grande tradition de la politique politicienne, un certain nombre de quidams locaux, spontanément ou invités, changent aujourd’hui de droite, répondant souvent à des particularités locales. (la célèbre bourgmestre CD&V d’Alost, Ilse Uyttersprot, y a moins d’élus que le Belang, fracturé depuis lurette)
Pour l’heure, en Flandre, la pièce politique est claire: tous les partis traditionnels sont tétanisés, non seulement par les sondages, mais aussi par la mécanique de proximité déployée sur le terrain par la N-VA, de nombreux anciens sympathisants de la Volksunie y retrouvant force et vigueur.
Les clés de la communication de la N-VA?
C’est simple: Bart le charismatique amaigri à la télé et un déluge incessant d’actions de proximité.
Conférences, meetings, rencontres, porte à porte, quiz (ça fait un tabac), apéritifs, souper aux crèpes ou vin-fromage, karting (si), soirées-spaghetti, N-VA cafés, soirées bingo, promenades dans la nature (même avec Jan Peumans à Banneux), barbecues, Fêtes du printemps en veux-tu en voilà.
C’est clair: la N-VA mouille sa chemise, Bart en premier ( jusqu’à aller causer à l’Academy des Majorettes à Kapellen…)
Bref, du terrain. La recette de ce qui fait aujourd’hui gagner une élection, à fortiori un scrutin communal. (ce n’est pas le PS qui démentira la technique)
Rien d’étonnant donc à ce que d'aucuns, au Nord, agitent le bouchon parce que la N-VA laisse réussir l’examen d’entrée (screening) à une première échappée d’anciens Belang. C’est de bonne guerre psychologique pour effrayer ceux qui, en juin 2010, ont voté pour la première fois pour un parti nationaliste. Objectif: créer le trouble et tenter d’assimiler, avec des arguments plutôt artistiques (pas de vrai grain à moudre dans le programme de Bart), la N-VA au Belang. Comme si de plus ou moins vagues types, parfois d’ailleurs fort peu convaincants dans leurs communes, allaient s’emparer du pouvoir dans un parti déjà si structuré.
M-R Morel, N-VA avant de virer Belang: Forza Flandria. |
D’où la stratégie déployée à Tongres par l’OpenVLD où à Anvers par le CD&V: s’allier, créer des cartels pour contenir la vague, exclure la N-VA. Avec, du coup, des réactions controversées, de Rik Torfs à Pieter De Crem qui, lui, a réussi à maintenir à Aalter un pur cartel CD&V-N-VA.
“Quelle est la différence, dit brutalement le ministre de la Défense, entre CD&V et N-VA ? Je cherche encore... S'il y en a, elles sont dans la nuance, et nous les aplanissons".
Euh, Wouter ?
Rien de neuf dans tout cela: après le scrutin de juin 2010, une enquête avait déjà montré que d’innombrables Belang (jusqu’à des “cadres” hauts placés du parti fascisant) avaient préféré voter "utile" et N-VA. Et De Wever avait annoncé la couleur: bienvenue à cet “électorat pro-identitaire flamand, de droite, cynique et plaidant pour une approche relativement musclée de la criminalité" (étude KUL). Juste que tout candidat au militantisme N-VA est censé à tout le moins passer préalablement une sorte de stage d’attente, de “screening” plus ou moins solide selon les réputations.
Ok pour le combat de la Flandre, mais pas de xénophobie à la N-VA. L’intégration des immigrés, c’est sa particularité dans le populisme européen.
Ce qui n’empêche, qu’à l’instar d’un Sarkozy (2007 et 2012), on vire stratégiquement à droite pour tenter de puiser dans le réservoir de voix du Belang. (tiens, on en profite pour rappeler que Patrick Buisson, ex-rédac chef de l’hebdo d’extrême-droite ”Minute”, conseille Nicolas Sarkozy pour ce même objectif vis à vis du FN)
Sous Di Rupo, après des mois de négociations roses-grises-noires à la même table, la “diabolisation” de la N-VA est aujourd’hui clairement plus que tendance. Et la communication-savonnette du Premier ministre en arriverait presque à faire oublier aux francophones un léger détail: le poids électoral de Bart (1.135.617 voix, premier parti du pays en 2010) qui attend la coalition tripartite au tournant. Si pas au premier (communales), au plus tard au second, en 2014, pour la totale (fédérales, régionales, européennes).
Les ressorts du mouvement flamand sont souvent mystérieux pour les francophones:
pour ce qui est de l’indépendance de la Flandre, il existe, de fait, une certaine “Forza Flandria”. Qui ira chanter de concert d’ici peu à la Fête du Chant flamand.
Pour le reste, et De Wever ne cesse de le marteler, la N-VA est toujours le meilleur ennemi du Belang. A preuve le dernier coup plus ou moins fourré de Bruno Valkeniers, président théorique du machin brun, criant à une chasse à ses mandataires.
Ce qui est nié par la N-VA, avec un argument fort: elle n’est pas en pénurie de nouveaux membres, c'est le moins que l'on puisse dire
“M’allier avec le Belang, a clairement dit De Wever, ce serait aller à l’abîme pour la N-VA. Pour le moment, c’est exclu.Tant que leur coeur de métier, ce sera le grand show anti-Islam, le grand spectacle anti-immigrés, pas question de les laisser sortir du cordon sanitaire”. (Doorbraak, novembre 2011)
Et même les dissidents du Belang, ceux qui ont fait grand bruit à Gand avec leur groupe de “Belfort”, n’iront pas pour autant rejoindre Siegfried Bracke sur ses listes. Ben non. Pas plus qu’il n’y aura d’alliance à Anvers (alors que l’addition des deux forces assurerait sans doute le maïorat à Bart DeWever) .
Oh, bien sûr, on jouera sans doute à la marge, oh il y aura assurément - tradition omnipoliticienne- des débauchages ou des ralliements. Mais le plus gros des nouvelles troupes viendra, du CD&V; de l’Open VLD aussi, voire même encore du SPa. Oh, il y aura des combines, encore des déménagements opportuns tous azimuts , bref tout ce qui peut faire contribuer à faire “gagner, gagner, gagner” la N-VA mais –et c’est la clé de l’analyse- on ne nouera pas d’alliances communales avec le Belang.
Il y a donc une part d’irrationnel et de méconnaissance dans les réactions au quota de migrants du Belang: c’est de la peur, de la crainte mais, politiquement, du plutôt non-fondé.
En retombant chaque fois sur la même réflexion de fond: dites, est-ce que c’est mal qu’un parti démocratique de centre-droit (c’est ainsi que se définit la N-VA, présente au gouvernement flamand) en arrive à faire oublier le fameux “dimanche noir” qui vit, jadis, triompher l’extrême-droite la plus noire?