Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

dimanche 31 mars 2013

Balise médiapolitique: Le circuit court de Pépé Reynders ( ma chronique de l'hebdo Marianne Belgique du 17/03/13)

 
Balise médiapolitique

Le circuit court de Pépé Reynders



Il n’y a pas que les bébés à avoir besoin de communication pour survivre. Leurs grands-pères itou, surtout s’ils sont en politique.
Curieux hasard: deux de nos ex-ministres des Finances ont ainsi choisi de balancer soudain de l’enfance sur les réseaux sociaux. Le message envoyé par Steven Vanackere, CD&V déchu, est on ne peut plus clair: victime de ce qu’il estime être une cabale, il se ressource, fort du soutien de petites et pures frimousses.
Celui de Didier Reynders, à nouveau grand-père mais cette fois de jumeaux, l’est quasi tout autant. Soupçonné d’avoir croche-piédé son successeur, le nouveau-né dans les bras lui permet surtout d’indiquer qu’il a ainsi l’esprit “loin du PTB et du CD&V”, entendez de ceux qui l’agressent sans cesse.
Dans les deux cas, si l’image reste pudique, elle n’en poursuit pas moins cet objectif médiapolitique classique qu’est le retour d’empathie. “Pourquoi un grand-père politique n’aurait-il pas le droit de partager sa joie?” diront certains, touchés par l’affect des photos, reflets de valeurs familiales consensuelles. “Pourquoi le personnage public ne garde-t-il pas cet intime pour sa seule sphère privée?” grinceront d’autres, plus critiques.
On ne va pas se raconter d’histoires: lorsqu’un politique aussi observé et averti que Reynders place Olivia et Théo sur ses comptes Facebook aux milliers d’ “amis” et en rajoute une couche (Pamper’s dans ce cas) en les tweetant  à ses 23.000 abonnés de Twitter, c’est bien davantage qu’une simple joie partagée. On est dans la com’ de la corde, ou plutôt- pardon- du fil internet affectif. On est dans la dimension sensible, dans le jardin secret, dans le signe de proximité, bref dans la pipolisation. Qui, pour faire simple, se repère à toute mise en avant d’un fait mineur sans lien direct avec les fonctions qu’occupe un politique. Est-ce mal ? Pas forcément du tout: pourquoi les sujets qui touchent souvent le plus directement l’homme de la rue devraient-ils être automatiquement rejetés ? Nul ne doute des compétences de Dédé Reynders, souvent jugé froid et distant. Pépé Reynders, lui,  entend prouver que sa vie n’est pas que seule ambition dévorante.
Ce ne serait qu’un avatar de plus de la logique du marché électoral -qui impose l’identification avec l’électeur lambda-
si Reynders n’avait dérogé ici au jeu classique de la pipolisation. Qui passe d’habitude par le tandem photos léchées-pages glacées d’un maga populaire. L’homme, qui n’est pas un manche en réseaux sociaux, a, mine de rien, gardé tout le contrôle du processus médiapolitique. Deux photos d’amateur, donc hyper-Mr Tout-le-Monde, juste balancées sur le Net. (ah, ces tulipes, ce bar, ce cadre-photo allumé à l’arrière plan…) En devinant pertinemment que des médias classiques repéreraient la perle naturelle et se chargeraient de la faire briller.
Directement du producteur à l’électeur. Comme quoi, le circuit court, ça marche aussi en culture de pipolisation.


Michel Henrion.