Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 28 octobre 2014

L’improbable reconversion fédérale des nationalistes de Bart De Wever (MBelgique 17/10/14)




En politique, tout est image. Et l’oeil du citoyen lambda compte souvent plus que la pensée. Lorsqu’ils ont découvert la photo, les images du nouveau gouvernement Michel, le wallon et le bruxellois ont eu d’évidence un sentiment d’étrangeté
C’était le remake de la Télé des Inconnus. Avec d’abord cette panoplie de nouveaux promus MR sortant soudain des frontières de leur fief électoral. Avec surtout la présence massive de tous ces nouveaux ministres fédéraux de la N-VA, aux rires un peu trop nerveux. Et surtout bizarrement parfumés “trop flamands”, bien plus flamands en quelque sorte que les ministres flamands de comme-d’habitude auxquels le wallon ou le bruxellois est habitué. Oh, sans doute les plus âgés se souviennent-ils d’Hugo Schiltz ou de Jef Valkeniers, deux leaders de feu la flamingante Volksunie qui, jadis, furent pendant trois ans (1988-1991) de gentils ministres de la pentapartite de Martens VIII. Noyés d’ailleurs dans la masse d’une véritable rafle de 32 ministres et secrétaires d’Etat.

Ici, en médiapolitique, tous les mots étaient soudain remplacés par des images. Comme si se matérialisait soudain  la large prise de pouvoir des nationalistes de la N-VA sur le 16 rue de la Loi. Que Bart De Wever aurait –évidemment- même pu occuper perso, s’il n’avait pas eu l’intelligence stratégique de rester sciemment dans les coulisses. D’où il gèrera assurément ses ministres mais sans partrop,interférer.  D’où il  pourra aussi sortir à tout moment pour doper l’image ou les sondages électoraux de sa N-VA.

Au pied de l’escalier de la Chambre, belges et bruxellois ont découvert le cliché officiel du gouvernement Michel : mais ils ont photographié aussi la position minoritaire des francophones dans l’Etat belge. (et c’est logique: les nationalistes détiennent à eux seuls 33 des 65 sièges flamands de la nouvelle coalition de 85 députés sur 150)



La N-VA rejoue la Révolution de 1830



Jusqu’ici, avec la présence classique d’un Verhofstadt de Gand (toujours idolâtré au Sud du pays alors qu’il ne pèse plus guère en Flandre), d’un Dehaene de Vilvorde, plus récemment du phénomène Maggie De Block de Merchtem, le cliché restait flou. La N-VA fait la mise au point.Le débarquement en force de la N-VA c’est le poids des jaunes et noir.

A la création mouvementée de l’Etat belge, en 1830-1831, le juriste libéral hutois Joseph Lebeau –celui qui s’opposa à la candidature de Louis d'Orléans au trône de Belgique- forma le tout premier gouvernement. Oh, vraiment le minimum. Très peu de portefeuilles. Notamment les Finances, pour faire vivre le pays. L’Intérieur, pour faire respecter l’ordre public. Et évidemment, à l’époque, un Ministre de la Guerre (aujourd’hui, on préfère dire “Défense” mais c’est kif).

Aujourd’hui, le N-VA Steven Vandeput  a remplacé le bien oublié colonel Constantin d'Hane-Steenhuyse. Qui a dégradé le CD&V Pieter De Crem et accédé au poste simplement parce qu’il est limbourgeois: et qu’il se fait que l’armée belge est un des plus grands employeurs de cette région des Flandres.

Aujourd’hui, le N-VA Johan Van Overtveldt,  prend la place de Charles de Brouckère, premier ministre à gérer les Finances et qui, en 1835, créa d’ailleurs la première “Banque de Belgique”.

Aujourd’hui encore, le très controversé N-VA Jan Jambon succède, dans l’histoire, à Étienne de Sauvage au très important département de l’Intérieur; qui gère bien entendu la police mais aussi, eh oui, les lois linguistiques.

“Jambon à l’Intérieur? Symboliquement, tout est dit” s’exclamait l’autre jour un élu francophone.

Coincidence étrange de l’histoire politique: mis à part les Affaires Etrangères, les nationalistes flamands se sont donc adjugés curieusement toutes les compétences qui fondèrent, en 1830,  cet Etat belge qu’ils aiment si peu.

C’est quelque part leur propre “Révolution de 1830”, cet accès au pouvoir fédéral ultime. (après Anvers et le Gouvernement flamand).



Le retour de bâton de la diabolisation





C’est déjà un fait: en Wallonie et à Bruxelles, le gouvernement Michel ne connaîtra pas ce qu’on appelle, en politique, l’état de grâce. Cette période parfois éblouissante ou l’électeur donne un quasi blanc-seing à la nouvelle équipe, lui laissant le temps de lancer à son aise réformes et projets.

L’explication est limpide: cela tient largement à la seule présence de la N-VA, parti épouvantail s’il en est au Sud du pays, alors qu’elle est bel et bien –qu’on l’aime ou pas- une formation démocratique. De droite ou de centre-droite certes, nationaliste et républicaine certes,  sans doute détestable aux yeux  d’aucuns, mais démocratique. Nul parti flamand ne le contestera, à commencer par les socialistes flamands, jusqu’il y a peu associés à la N-VA au Gouvernement flamand.. 

En fait, le MR va payer, devra encaisser le retour de bâton de sa longue contribution au mouvement général francophone de diabolisation absurde de la N-VA.

Le hic, pour Charles Michel, c’est que cette même N-VA est désormais le poids lourd de son attelage gouvernemental. Et que, pour nombre de francophones (en dehors de l’électoral libéral qui semble suivre ses dirigeants) c’est un peu comme si la N-VA prenait le pays en otage.

Et que, médiapolitiquement, tout propos, toute attitude, tout écart d’un ministre N-VA du gouvernement Michel sera aussitôt montré du doigt par la lourde opposition francophone PS-cdH-Ecolo-PTB.



Ruiner l’adversaire





Il ne faut jamais oublier que, en politique, l’adversaire est supposé être maléfique: et que ruiner l’adversaire est la loi de base, fut-elle cruelle, de ce qu’on appelle le “jeu politique”.



La normalisation de la N-VA, versus francophone, est loin d’être acquise. Si on peut penser que Johan Van Overtveldt  (qui n’a pas fait le V para-N-VA devant le roi Philippe) peut surprendre positivement  aux Finances; si on peut prévoir que le N-VA Steven Vandeput, qui va gérer l’armée, ne va pas trop se profiler, d’autres ministres N-VA vont assurément être plus difficiles à gérer pour Charles Michel, qui devra freiner cette “droite décomplexée”.



C’est compliqué: voici des nationalistes de combat qui, après des années de propos enflammés, dans d’innombrables meetings de convaincus ou sur les bancs de la Chambre, doivent soudain se reconvertir en ministres fédéraux du Roi, suppoés gérer aussi dans l’intérêt des wallons et des bruxellois.



Un Théo Francken, déjà peu diplomatique dans le style, sans langue de bois aucune dans les médias flamands, pitbull N-VA comme construit pour ses compétences (Asile et Immigration) est-il capable de tenir compte, ne fut-ce qu’un peu, des sensibilités francophones? On a plus que des doutes: il y a des N-VA que le Premier Ministre aura assurément bien du mal à protéger d’eux-mêmes.



Que fera Jan Jambon, cet adepte de la Fête du Chant flamand, cet homme dont on fouille désormais sans cesse le supposé “passé noir”,  de tout le “symbolisme belge”?  Va-t-il  rendre fantômatiques, à l’instar de nombre de bourgmestres N-VA, les portraits de Philippe et Mathilde des murs du ministère de l’Intérieur?  Sans doute que non. Mais comment chantera-t-il la Brabançonne lors de certaines cérémonies officielles?



Deux N-VA pour commémorer le 70ème anniversaire de la guerre 40-45 en 2015





“Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons “ a lâché l’autre jour Jan Jambon  (qui participait à l’opération “mediablitz” De Wever  entendant que ses ministres occupent  stratégiquement le maximum d’espace médiatique).



Retenez déjà cet enjeu-ci. La Seconde Guerre mondiale s’est  terminée officiellement en Europe le 8 mai 1945, à 23h01. Or,  il se fait qu’en  2015, le Gouvernement Michel se devra d’organiser, comme partout en Europe, d’importantes commémorations pour ce 70ème anniversaire de la fin de l’horreur nazie.

En dehors du Premier Ministre, qui donc sera au premier plan pour organiser ces manifestations d’anniversaire de 40-45?

Deux ministres N—VA: Steven Vandeput(Défense) et, pour l’Intérieur, le …même Jan Jambon.

Le pilon dans le poulet, c'est bon ;  le pilon N-VA dans l'ancien combattant, ça risque d’être secouant. 





Michel HENRION.