Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 14 novembre 2011

L’inertie politique creuse le fossé Nord-Sud: ou comment la N-VA agite la peur au ventre de la Flandre de basculer vers la “Zone Ouzo”…

Théodore Dalrymple, le gourou de Bart De Wever.
 “Pourquoi devrais-je me sentir solidaire de l’Afrique ? Je ne me sens pas non plus solidaire de la Grèce…” déclarait ce week-end l’écrivain Theodore Dalrymple au Laatste Nieuws, dans une fort intéressante interview.
Un point de vue qu’on se contenterait d’enregistrer sans plus si le conservateur et sceptique Dalrymple (de son vrai nom Anthony Daniels) n’était le “gourou” philosophique affiché de Bart De Wever.
Dont il n’aurait, ceci soit en passant, d’ailleurs pas trop apprécié qu’il pleure si publiquement à l’enterrement de Marie-Rose Morel (ex-Belang) puisque son dernier opus s’en prend précisément tout entier au “sentimentalisme excessif de nos sociétés”
Dénonçant cette “abondance d’émotions fausses et surévaluées”, cette époque ou chacun “doit démontrer publiquement qu'il est un homme sensible”. 
Bref, ce “ culte du sentiment” qui fait que la Monarchie britannique s’en est retrouvée ébranlée à la mort de Diana, la Reine Elisabeth n’y allant pas d’une larme en public. 
"Quarante millions d'ours en peluche ne peuvent  pas se tromper », écrit ironiquement Dalrymple pour qui l’époque doit revenir à la “sobriété”.
“Dans le passé, écrit-il, la classe ouvrière, si elle ne pouvait se permettre quelque chose, ne l’achetait pas. Nos politiques sont les premiers coupables d’avoir permis de vivre à crédit…”
On vous raconte ça parce que, au 520ème jour d’attente lugubrée d’un gouvernement, on voit bien combien cette philosophie là plait de plus en plus à une certaine Flandre.
Au delà des péripéties des diverses haltes politiques du train de l’inertie, c’est un fait marquant: l’interminable formation accentue encore, mine de rien, la  fracture Nord-Sud. 
Bien embêté lorsque l’accord communautaire fut noué, Bart De Wever ne peut que jouer de voir les négociations budgétaires ainsi s’empêtrer jusqu’à l’absurde  (deux budgets)
Alors que la N-VA, censée être l’obstacle à tout, a quitté la table depuis quasi… 130 jours.
Ce n’est un secret pour personne rue de la Loi: le risque est grand, sinon déjà assuré, de se réveiller brutalement un matin de toutes ces dodomontades politiques avec une coûteuse dégradation de la cote belge (AA+ sous surveillance) par les agences de notation.
Ce n’est un secret pour aucun citoyen, l’opinion fut-elle atone n’étant tout de même pas dupe: c’est une cascade de mesures et de taxes rétroactives qui l’attend. Malgré les veloutés de regard des politiques pendant les JT, ceux-ci vont lui présenter  la facture de ces mêmes 520 jours et de l’amorphisme depuis 2007 .
 Cela recoupe ce que dit Dalrymple, le caustique loustic philosophe de droite:
“ Comment se prémunir contre les conséquences économiques de l’imprudence, de l’immature, de l’enfantin, de l’idiot, de ce qui vire carrément à un comportement criminel. "
Donc, Bart De Wever pousse sa goualante désormais devant chaque micro: « Si l’on suit Di Rupo, on se jette dans la tempête de l’euro, dans la “zône Ouzo” .
Le  boss de la N-VA sait mieux que quiconque combien la Flandre craint, au ventre, tant et tant pour sa prospérité.
Et de creuser, par un discours très tranché, le vrai fossé Nord-Sud, les derniers chiffres  (le spread à un niveau record) démontrant combien les marchés se méfient:
 « Avec l’économie de la Flandre, nous aurions pu aisément suivre l’Allemagne, mais dans le contexte belge, nous nous retrouvons au rang de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne », dit De Wever.
Sous-entendu dans sa machinerie pensatoire : la Belgique est, pour nous les flamands, un boulet inefficace. Sous-entendu, marre des transferts financiers vers Bruxelles et la Wallonie, vers “Athènes-sur-Meuse”,  tout comme l’athéiste Dalrymple ne voit pas de raison évidente d’aider les grecs ou les africains…
L’enjeu a de quoi faire frissonner dans les foyers: la Belgique va-t-elle basculer vers le “Sud décadent” ou le “Nord si responsable” ? (à cela près que salaires de merde et pauvreté explosent en Allemagne: le nombre de pauvres vient d’y passer de 8 millions à 15 millions…)
Cela fait 180 jours que le formateur semble endosser son même pull gris pour une négociation grise dans un paysage politique gris à l’avenir plus noir que gris. 
Avec des libéraux flamands qui, croyant se refaire, renaudent sans cesse sans craindre de  préparer sans doute leurs propres grises funérailles. Avec un futur Premier ministre contesté dans ses méthodes avant même d’être en place. Avec cette évidence que si cette formation aboutit enfin, on va vers un gouvernement fragile, certains négociateurs ne lui donnant pas six mois.
Fragile parce que les marmelades tripartites, dans l’histoire de ce pays, ça n’a jamais vraiment plu. Fragile parce qu'un Premier Ministre francophone doit d'évidence payer le prix de son accession au 16 rue de la Loi. Fragile parce que, malgré les concessions obligées, le Nord du pays supportera difficilement un Premier wallon, francophone, socialiste et surtout- ah, le sac à irritations- imparfaitement bilingue pour nombre de flamands. Fragile parce qu’il risque d’être, par les mesures à prendre, aussi socialement contesté qu’impopulaire. Fragile parce que la N-VA attendra patiemment l’heure de rebattre les cartes: les élections de 2014, c’est déjà dans 930 jours.
Et que les graines de l’autonomie, sur un terreau aussi enrichi aux dissensions, au compost des peurs et au fumier d’égoismes organiques, ça peut germer vite.