Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 2 mars 2015

Omerta dans nos écoles: les professeurs en ont assez (Comment éjecter de l’enseignement les radicaux qui entendent le polluer?) (MBelgique)



C’est la fin de l’Omerta. De cette loi du silence tacite qui règne encore par trop dans l’enseignement. Parce que les directions sont parfois mal informées elles-mêmes de ce qui se passe dans leurs propres classes. Parce que c’est plus confortable de sous-estimer, voire de celer, les difficultés pourtant relatées par la filière des éducatrices.
Parce que, surtout, des articles dans les médias, ça peut vous abîmer, vous ternir vite fait la sacro-sainte réputation d’une école. “Circulez y’a rien à voir: pas de souci ici”.

C’est en cela que le gros dossier ouvert à l’Athénée Royal d’Anderlecht Léonardo da Vinci, avec en son coeur le sulfureux et borderline professeur de religion islamique Yacob Mahi, est un tournant pour la libération de la parole. En quelques semaines, voici qu’on découvre tour à tour qu’un professeur de mathématiques du réputé lycée Jacqmain aurait tenu des propos antisémites;; qu’on signale qu’un professeur de Woluwé tient des propos d’extrême-droite; qu’on prend au sérieux les persécutions de Sarah, une élève juive forcée de quitter l’Athénée Bockstael; qu’on apprend que la commune d’Uccle a écarté en son temps un professeur de religion israélite qui refusait de serrer la main des femmes…

Et ce n’est qu’un début: on prend le pari que l’actualité prochaine nous apportera désormais récurremment son lot de tribulations, de révélations scolaires sur des nuisibles. Avec une question de fond: comment faire pour éjecter des écoles des personnages qui polluent la neutralité de l’enseignement par leurs propos fondamentalistes, xénophobes, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, antisémites ou islamophobes ?  Comment faire, plus précisément, pour que les cours de religion ne puissent devenir des Chevaux de Troie dans certaines écoles? Pour que des professeurs dogmatisés qui exercent un très fort ascendant sur les jeunes ne puissent continuer à les manipuler?



Des enseignants solides



Bonne nouvelle: le salut viendra en partie des enseignants eux-mêmes. Il y a heureusement des directions aux fortes personnalités, qui veillent à appliquer les règlements sans rien transiger ni négocier. Qui savent que l’école doit parfois se faire intransigeante. Surtout vis à vis des quelques uns qui veulent en faire, mine de rien, un lieu d’opposition entre communautés.

On en compte plein, heureusement d’enseignant(e)s, solides. Qui ne fuient nullement les difficultés en auto-censurant, en classe, les thèmes “sensibles” ou “difficiles”.

Comme ce prof d’histoire de Leonardo da Vinci qui entend bien enseigner encore et toujours ce qu’est la libre-expression, un thème qui insupporte particulièrement le professeur islamique d’Anderlecht. Qui ne supporte apparemment pas non plus que son collègue remette en question les moyenâgeuses us et coutumes d’Arabie Saoudite, ce pays où l’on fouette hebdomadairement les blogueurs épris de liberté d’expression…

Comme ces autres enseignants qui, dans certaines écoles, sont irrités par ces professeurs prosélytes qui abîment finalement  peu à peu la “marque de l’enseignement officiel”. Ceux qu’aucun préfet n’a le droit de contrôler (pas question d’assister à un cours), qui n’ont ni le même traitement, ni la même hiérarchie. Qui ignorent les femmes, même leurs collègues de travail, lorsqu’elles parlent; et détestent encore plus les associations féministes. Qui intimident les autres enseignants musulmans, à qui ils parlent parfois en arabe, histoire de n’être pas compris de tous. Et qui, surtout, infiltrent parfois subtilement les jeunes esprits d’idées radicales dont l’école n’a nul besoin: dénigrement de l’égalité hommes-femmes, des philosophes des Lumières, de l’Histoire, des Sciences, des cours de Gymnastique-Piscine, de la mixité, des voyages scolaires…



Le besoin criant d’une étude objective



Ca se résume en une formule: oui, le tour que prend le problème devient parfois tellement hard que ce sont les professeurs eux-mêmes qui sont fatigués de la loi du silence.

Ici, une précision: on sait bien, combien ce sujet est délicat, car souvent agité par certains politiques d’extrême-droite ou de droite-extrême qui ont fait de l’islamophobie -parfois à en vomir- leur fonds de commerce électoral.

Le libre-examen postulerait précisément que la Fédération Wallonie-Bruxelles, à l’instar de ce qui s’est fait en France, ait le cran de mener elle-même une enquête approfondie, fut-elle dérangeante: et d’ainsi photographier la réelle amplitude d’un problème qu’on ne saurait glisser sous le tapis.

On a depuis longtemps surpris certains professeurs –une minorité, certes, mais très militante- à tenir des discours limites dans le cadre de leur cours. Comme la lecture de textes homophobes parlant aimablement, par exemple, de "pendre les homosexuels par les testicules". Des dossiers circonstanciés ont même parfois été constitués par des chefs d'établissement: mais sans que grand chose ne bouge dans la hiérarchie. Encore et toujours la culture de l’Omerta si chère aux obscures réunions du Pouvoir Organisateur. Chut: silence à tout prix.





Les élèves “mis en poche”



On attend pour la mi-mars le rapport des quatre préfets wallons envoyés à Anderlecht pour mener l’indispensable enquête. Mais il nous étonnerait que celui-ci ne conforte les témoignages recoupés que nous avons recueilli dans les milieux enseignants de l’Athénée.

Qui ont besoin de se sentir soutenus. Qui expriment un vrai ralbol, un authentique malaise quant à la manière subtile dont M. Yacob Mahi “communautarise” l’école, incite à mettre en doute ce qu’enseignent d’autres professeurs, tout en veillant –ce proche des Frères Musulmans est habile, criant à la persécution à la moindre mise en cause de son système- à dûment respecter les prescrits imposés par l’inspection.

L’homme, par sa forte influence, a “mis ses élèves en poche”, nous confie un enseignant. “Il peut très bien donner son cours de manière on ne peut plus correcte et, dans un moment plus relax, plus détendu avec ses élèves, leur balancer mine de rien l’une ou l’autre de ces opinions limite antisémites, homophobes ou anti-euthanasie qu’il développe de manière décomplexée dans des conférences ou dans les medias”. Du genre:“Oui, les jeunes partis en Syrie ne posent aucun problème d’intégration dans notre pays. Ils sont de bons vivants belges et surtout beaucoup sont de brillants élèves”.











D’où un autre solide problème: peut-on incriminer ou non un professeur  pour les propos qu’il tient en dehors du cadre scolaire?

La réponse est apparemment floue, ce qui postulerait, si cela se confirme, une réforme du statut disciplinaire.

Dans la “Lettre ouverte” qu’il a envoyé à la presse pour se défendre, et rédigée dans le plus pur vocabulaire complotiste, Yacob Mahi rendait ainsi, une fois de plus, hommage à Roger Garaudy, son “maître à penser”, accessoirement négationniste des chambres à gaz.

“Rien que cette référence là fait que M. Yacob Mahi devrait être destitiué immédiatement” a lâché cette semaine la députée FDF Joëlle Maison, qui, elle, ne fait pas dans le mou si cher aux responsables de l’enseignement. Qui ont si peur de faire de Yacob Mahi un martyr “à la Dieudonné” et marchent donc sur des oeufs.



Ne pas mélanger avec le dossier des cours philosophiques



Toute salle de classe est un espace finalement assez intime.  Et, au travers du cas Yacob Mahi, c’est tout le problème du danger prosélyte qui est posé. Pas celui de l’évolution des cours de religion/morale qui est tout un autre dossier. Et qui doit, de fait,  évoluer au plus vite, mettre progressivement fin à l’actuelle et aberrante séparation des élèves. Et éviter dans le futur, avec la multiplication des cultes en demande de reconnaissance -dont le bouddhisme- une multiplication des budgets. (l’Etat reconnait déjà le culte catholique, orthodoxe, protestant, anglican, israélite et islamique)

La ministre Milquet (cdH) a déjà décidé de faire se rejoindre tous les élèves pour une heure sur deux dès la rentrée scolaire 2015. C’est encore insuffisant mais c’est déjà ça: les cours philosophiques sont, plus que jamais, une bonne idée pour décrisper, dépassionner, pour créer une culture prenant en compte la diversité des civilisations et des religions.

La Fédération Wallonie-Bruxelles pourrait d’ailleurs faire encore un pas intéressant, en s’alignant sur la Flandre. Ou ces fameux cours de morale/ religion si controversés sont devenus facultatifs alors qu’ils restent étonnamment obligatoires chez les francophones. (pour rappel, la Constitution impose juste aux écoles officielles de proposer lesdits cours, pas forcément de les suivre)

On a parfois accusé Joëlle Milquet de par trop sympathiser -le CDH étant en quelque sorte devenu électoralement le “parti des religions”- avec les tendances communautaristes; mais on est de ceux qui estiment que #cestjoelle a aussi une vision des “lignes rouges” qu’on ne saurait franchir. Comme Yacob Mahi et d’autres le font d’évidence, aussi allégrément que subtilement.

Il y a quelques années, le ministre Pierre Hazette (#MR) avait déjà réagi en bloquant, par un formidable pressentiment, la nomination dudit Mahi comme inspecteur islamique. (ils sont trois pour 650 profs)

On n’ose imaginer ce que serait devenu le “corps” des professeurs islamiques avec un tel contrôle militant.

A l’heure ou l’on constate une montée en puissance du phénomène religieux chez les jeunes, ou d’aucuns proposent à ces mêmes jeunes, pour casser le “vivre ensemble”, une “identité positive musulmane” se substituant à une identité “mal intégrée”, il est une exigence pour tout politique dans le combat contre l’obscurantisme: l’excellence. Surtout lorsque, comme on dit à l’Athénée Leonardo da Vinci, nul n’est préfète en son pays.



Michel HENRION