Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mercredi 9 juin 2010

LES TROUBLES DE L’ELECTION(39)/ BART DE WEVER SERA RECU AU PALAIS, MAIS APRES ? COMMENT LE ROI ET SON VICE-ROI S’EFFORCENT D’ENDIGUER TOUT CE QUI MENACE LE PALAIS…( de “la méthode Bébert”)

Le roi Albert II a fêté dimanche ses 76 ans. Il règne depuis 16 ans.
Jacques Van Ypersele de Strihou a 74 ans. Et se fait Vice-Roi depuis 27 ans.
Quelles petites fiches l’influent chef de Cabinet du Roi prépare-t-il déjà de sa fine écriture pour le Roi et son traditionnel défilé d’audiences d’après scrutin fédéral ?
C’est une question-clé, car s’il est un moment ou le Palais peut influer sur le cours des choses, c’est bien lors du processus de formation d’un nouveau gouvernement. En désignant Dupont plutôt que Dupont ; ou en lui confiant une mission un peu trop tôt ou  ou jamais ou encore plus tard… On rappelle  ainsi que Jean-Luc De Haene, jugé d'abord un peu trop frustre par le Roi Baudouin, dut un jour s’effacer un temps devant Wilfried Martens…
Quel scénario de crise le Palais nous prépare-t-il  si la NV-A, formation séparatiste- ce qui n’était pas le cas de la Volksunie- et républicaine, devient dimanche le premier parti du pays ? Si jamais Bart en arrivait à rôder (on n'en serait pas plus surpris que cela) autour des 800.000 voix de Leterme, la précédente idole flamande si vite brûlée ?  (et avant lui Steve Stevaert…)
Bart De Wever fut convié à Laeken en 2007: mais c'était du temps ou le  CD&V, par le cartel, lui donnait encore un certificat encore rassurant pour le Palais.
Bart sera reçu sans doute aussi cette fois, encore que rien ne soit vraiment sûr: le Palais nous a déjà réservé quelque surprise. ( mais c'est probable, sauf à générer une vive réaction en Flandre)
Si oui, cela ira-t-il au delà  d'une visite diplomatique ?
C’est au Palais de Laeken qu’aurait alors eu lieu une  “révolution copernicienne”…
On en doute donc fortement. Déjà qu’on y a la chair de poule dès qu’une région du pays se met  à remuer par trop: ce fut le cas jadis pour les régionalistes wallons, c’est aujourd’hui le cas pour les promoteurs du confédéralisme.
Une idée déjà défendue d’ailleurs… en 1988 par le CVP-CD&V Luc Vandenbrande, alors Ministre-Président du Gouvernement flamand. Qui avait affirmé mâlement vouloir “aller plus loin dans le sens confédéral.” Phrase bien banale du jour d’aujourd’hui mais qui valut à son auteur de se faire très vertement  tancer par feu le Roi Baudouin  et d’être ensuite carrément boudé par le Palais, à l’instar d’un Leo Tindemans pour son Pacte d’Egmont finalement raté…
Et feu Hugo Schiltz, lorsqu’il était Vice-Premier Ministre de la Volksunie, fut itou dûment prié de s’excuser et de retirer son propos (“la Belgique ne sera plus notre problème”) faute de quoi il aurait été exclu du gouvernement, a raconté Wilfried Martens.
 Mais la stratégie du Palais, pour freiner une évolution institutionnelle pas toujours à son goût, prend parfois des détours étranges. Pol Van den Driessche et Guy Polspoel, dans leur livre sur la monarchie, ont révélé ainsi que, jadis,  pour torpiller les accords du Lambermont, l’entourage du Roi s’était en quelque sorte allié, dans un concert momentané d’intérêts contradictoires, avec la Volksunie et …Geert Bourgeois (l’autre patron actuel de la NV-A).
Pour freiner la montée séparatiste en Flandre, le Palais a d’ailleurs usé, au fil des années, de diverses tactiques.
Ennoblir d’abord une kyrielle de personnalités flamandes, si possibles proches modérées du Mouvement flamand . Ensuite, envoyer Albert II (en 1994) à la commémoration de la bataille des Eperons d’Or pour lui faire chanter le “Vlaams Leeuw” (à l’instar d’ailleurs de son illustre ancêtre Baudouin en 1887)
Et, plus people, cette semaine, le numéro spécial de “ Nina” ( le coloré  magazine lifestyle flamand) était tout entier consacré à la découverte de la future Reine Mathilde. Opération évidente de com’ vers la Flandre qui est tout sauf un hasard. 
Ou l’on apprend certes que Mathilde “est une maman ordinaire qui fait elle-même les tartines “ mais aussi qu’elle porte des lunettes Armani, une Rolex (6.110 euros) des sacs de chez Delvaux et, pour la déco, fait appel à “Flamant Interiors”, qui n’ont de Flamant que leur nom de famille qui est aussi celui de leur chicos boutique bruxelloise.
De quoi assurément vivement intéresser Bart De Wever qui, à ses heures, affectionne de causer  évolution de la société et qui, il y a peu, s’en prenait à l’influence des suppléments du week-end de la presse Flamande. “ On perd la boussole, disait-il en substance. Ces magazines  du samedi décrivent les voyages les plus exclusifs, la cuisine la plus fine et des bagnoles de rêve.
Le matérialisme devient la seule valeur qui reste aux Flamands...”
Ce n’est un secret pour personne rue de la Loi : le Roi Albert II use et abuse de ce que les hommes politiques appellent entre eux la “méthode Bébert”, entendez l’avion militaire qui envoie souvent au Roi Albert II dossiers ou arrêtés à signer sous des cieux plus ensoleillés.
Et ce n’est pas davantage un secret que, depuis le décès du Roi Baudain, le “Vice-Roi” Van Ypersele, homme très discret, bourreau de travail et idéaliste extrême, déploie beaucoup d’énergie pour tout écrire (les discours royaux), tout contrôler, tout orienter, soit par des objections juridico-techniques soit par l’influence. Bref, faire tourner la boutique avec pour volonté de tout faire pour maintenir l’unité du pays. Un fervent catholique charismatique, avec une expérience d’innombrables cabinets politiques et une banque de données à nulle autre pareille (il est un des rares survivants des années 70-80). Et si le Palais est censé être d’une neutralité active, il ne faut pas aller très loin rue de la Loi pour entendre fuser soupçons et critiques,  l’homme étant souvent critiqué pour sa manière de soutenir en douce des sociaux-chrétiens: du  genre, ces dernières trois années, d'Yves Leterme.
Ce qui avait conduit, en son temps, Guy Verhofstadt a s’interroger assez vertement  sur ce pouvoir tissé autour du chef de l’Etat…
Un pouvoir qui ne semble, las, réagir qu’en fonction d’anciennes règles, d’anciennes méthodes, d’anciennes cartes de visite.
On l’a vu lors de la crise de l’Orange Bleue ou de la chute de Leterme en novembre 2009, le Palais faisant alors appel à tout ce que la Belgique comptait comme vieilles gloires politiques plus ou moins naphtalinées (dont Wilfried Martens, hors de la politique belge active et ignorant largement la très technique problématique de BHV )
En Flandre, Bart De Wever et Alexander De Croo sont désormais les deux hommes politiques les plus populaires. Et cette nouvelle génération politique là, le Palais ne la connaît donc que fort peu…
Comme disait Tristan Bernard, les rois doivent toujours se méfier des as.