Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 14 juin 2010

TROUBLES DE L'ELECTION(43)/ Et si le cannibale De Wever et le papillon Di Rupo se trouvaient ? (de la conjonction des ambitions des hommes)

Bart De Wever s’est doté d’un nouveau surnom: c’est le “ cannibale”.
Celui qui, à l’instar d’Eddy Merckx, rafle toutes les mises.
Et ce n’est pas fini: la victoire est un aimant.
Dans la perspective des communales de 2012 -c’est demain- et dans l’état de capilotade d’un perdant CD&V promis à bien des déchirements internes, gageons que bien des mandataires locaux vont déménager non sans quelque opportunisme vers les rangs du parti de Bart De Wever.
Et structurer davantage la base locale militante d’une NV-A déjà fortiche pour ce qui est de son formidable réseau d’universitaires et d’intellectuels sympathisants.
Et on ne serait, nous, pas autrement plus étonné que ça si, au détour de négociations fédérales qui positiveraient, la NV-A en profitait pour revendiquer in fine au passage- tout étant dans tout- le poste de Président du Gouvernement flamand, le seul vrai niveau de pouvoir qui l’intéresse…
En communication, un moment très fort de la soirée électorale, que j'ai relevé dans la spéciale télé de "Sans langue de bois", fut en tout cas cette petite phrase de la présidente désormais incontestée des socialistes flamands, Caroline Gennez .
Je félicite MON AMI Bart De Wever” a-t-elle lancé de sa tribune rouge.
En télé, on entendit alors des ooooh de surprise tétanisés sortir des rangs des militants du CDH habilement réunis pour fleurir Joelle Milquet et donner l’image d’une victoirette…
C’est que, tout au long de la campagne, les partis francophones n’ont eu de cesse :
- soit d’être dans le déni en agitant de l’Union qui fait la force, gommant BHV et autres mouvements de fond confédéralistes en Flandre…
- soit de diaboliser électoralement Bart De Wever, avec une dialectique très ambigue visant souvent mine de rien à faire confondre NV-A et Vlaams Belang.
Opération dangereuse et quelque peu écoeurante: agiter l’image du croquemitaine De Wever, ben oui, ça rapportait des voix mais, léger défaut, ça renforçait illico d’autant la NV-A en Flandre… (1)
Donc, l’heure est à la reconversion-exorcisme fissa rapidos de l’opinion francophone, à la grande réhabilitation express de Bart De Wever. Oh, on y met certes encore bien des méfiances (justifiées) mais on y vient très vite. Ce qui n’est d’évidence pas facile pour d’aucuns. ( Le “passeur de lumière” Francis Delperée et Joelle Milquet, ce matin, traînaient encore des pieds, la présidente doucement sortante du CDH qualifiant encore vraiment inutilement Bart De Wever de “Napoléon” et, bien plus gravos, niant encore jusqu'à l'absurde le message très clair envoyé par l’électeur flamand…)
Et on prend le pari qu’après avoir prudemment évité les medias francophones en campagne, Bart De Wever, qui entend rassurer le Sud, y sera plutôt présent dans les jours et semaines à venir. Qu’on va peu à peu, au Sud, découvrir sa personnalité pour le moins complexe, sa petite famille si médiatisée en Flandre. Qu’on va comprendre que ce n’est évidemment plus son seul passage dans des jeux télé (“Het Slimste Mens”) qui explique cette vague électorale jaune.
Formidable communicateur, Bart De Wever avait déjà fait attention à tous les détails dimanche soir : le drapeau européen -une étoile remplacée par un lion- supplantant le drapeau flamand, (on était loin des images très arrogantes de la fête à Leterme de 2007 !), un discours main plutôt tendue, plutôt rassurant, stratégiquement ouvert et positif et en français bien sûr. Même Geert Bourgeois, le “Robespierre” de De Wever, s’est prêté au jeu de l’interview en francophone.
Bref, les “vuvuzelas” du flamingantisme n’étaient volontairement pas tonitruantes…
Clair, direct, l’humour acéré, rhétorique redoutable, gageons qu’on entendra désormais pas mal Bart De Wever désormais côté francophone. Et qu’il pourrait vite, son style direct aidant, y devenir même, si, si, assez populaire. Est-ce hérétique d’intuitionner que bien des wallons, bien des francophones, ne sont plus demandeurs de rien mais de  quelque chose de banal: être simplement vraiment gouvernés.
On ne cessera jamais de répéter que voter pour Bart De Wever, c’était vu de Flandre poser un vote modéré. Et que l’homme, en bon ancien de la Volksunie, dont c’est le triomphe posthume, (pour rappel, la VU fit jusqu’à 20 sièges du temps des Schiltz et Anciaux) ne veut en aucun cas d’un ”parti stérile” qui ne prendrait pas ses responsabilités.
On ignore évidemment tout de ce qui peut se passer. Il est assez limpide qu’Elio Di Rupo a eu des négociations informelles avec le CD&V pour nouer un axe évident et que certains contacts ont eu lieu, indirectement, via les socialistes flamands, avec la NV-A. Mais après…
Bart DeWever se voit un destin historique en Flandre. Elio Di Rupo a, depuis des années, déployé, lui, des trésors de stratégies diverses et une persévérance inouie pour pouvoir se hisser un jour au 16 rue de la Loi.
Si les deux ambitions s’accordent, s’équilibrent, on risque demain d’être surpris.

Tiens, en feuilletant mes archives de communication, j’ai retrouvé ce vieux discours d’Elio Di Rupo. L’honnêteté intellectuelle commande évidemment de ne pas l’utiliser au pied de la lettre ( le mot “confédéralisme” était alors, évidemment, prononcé dans le climat de l’époque), mais, sur le fond, c’est très intéressant. On cite :

Qu’allons-nous faire de ce pays? s’interrogeait Elio Di Rupo en 1988. “ D’abord, me semble-t-il, combler le fossé de l’incompréhension(…) La fusion des flamands et des wallons , artificiellement opérée en 1831, s’est avérée au fil du temps un mélange hétéroclite, parfois explosif. Et il est vain de souhaiter son maintien. En revanche, l’avènement d’une Belgique fédérale ou confédérale à édifier de façon équilibrée et stable répondrait aux aspirations des deux Communautés et chacune pourrait tirer profit efficacement de sa différence culturelle et économique..” (session extraordinaire de la Chambre du 14 mai 1988).

Si jamais Bart, qui entend entrer dans l’histoire et Elio, qui entend être au sommet, au delà de leurs personnages, de leur ego, de leurs discours de show politique convenu, se trouvaient miraculeusement, ça pourrait  devenir très inattendu.

(1) Ca laisse des traces: ce lundi matin encore, une photo circule sur le Net, manipulatrice. C’est un banal instantané d’une milliseconde de Bart De Wever, saisi par un objectif le bras droit tendu, un hasard dans sa gestuelle de communication festive de dimanche soir au “ Claridge”. Bref, on essaie de faire accroire que Bart De Wever aurait fêté son succès d’un salut para-nazi. Beurk.