Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 16 novembre 2010

Inondations: la communication stagnante des politiques se noie jusqu’à en oublier l’émotion…


C’est compliqué, en communication, de réagir à une catastrophe.
Ce n’est pas une raison pour jouer les absents, ni pour faire ou dire n’importe quoi.
Ce n’est pas que ces inondations aient été techniquement mal gérées: les gouverneurs de province, dont c’est la première responsabilité, gèrent plutôt bien les désolations du Sud ou du Nord du pays.(que la météo des prochains jours pourraient bien relancer)
Le hic, la carence, ce fut une sorte d’indifférence stagnante de par l’absence de la présence politique symbolique.
En dehors des responsables très directement concernés par leur ville (Raymond Langendries à Tubize, Charles Michel à Wavre…) et  des obligés comme la Ministre OpenVLD de l’Intérieur, Annemie Turtelboom, on n’a vu aucun grand responsable politique - mais ou étaient disparus Yves Leterme et ses Vice-Premiers ? -  enfiler les bottes de la simple compassion. En ces temps d'éternelles affaires courantes, le pouvoir fédéral n'est même pas celui des affaires coulantes. Certes, on est à des années-lumière de Katrina. Mais d’aucuns sont morts, noyés. Et ceux-là qui hantent tant et tant les marchés et les abords des gares en période électorale s’étaient pourtant soudainement évaporés, bien plus vite que l’eau des rigoles saturées.
Oubliant que même s’ils sont impuissants, que même s’ils n’ont aucun pouvoir magique face à des intempéries subitement exacerbées, que même s’ils n’y connaissent que dalle en hydrologie, il leur restait à porter – en communication, pas forcément les pieds dans l'eau- l’intervention, la parole de l’émotion.
 Bref, laisser parler leur coeur. Avec sincérité ou un grain d’hypocrisie ou d’opportunisme, c’est selon: mais prendre en charge en quelque sorte un certain rôle d’assistanat social.
L’exercice n’est pas simple, d’ailleurs: le Prince Philippe, qui est dans le fond le seul à s’y être mouillé avec retard, reprenant un rôle traditionnellement dévolu, ( fourgué, aurait-on tendance à dire aujourd’hui) à la monarchie, s’est fait quelque peu allumer en Flandre, jugé par trop cérémonieusement entouré, par trop souriant face à la détresse, manquant de réelle compassion…( le prince Laurent frappe humainement plus fort de la raclette...)
Il ne suffit pas seulement de tenir un discours devant un micro: le ministre du Climat Paul Magnette a beau balancer des généralités sur le réchauffement climatique, le ministre-Président wallon Rudy Demotte polémiquer avec le Nord sur les vannes des écluses de la frontière linguistique, il manque juste ce que l’homme de la rue attend, à tort ou à raison: de l’émotion dans le discours politique.
 Dans le fond, l’opinion sait bien que ses représentants n’ont  que peu de prise sur ce réel là. Et lorsque le CDH se laisse aller à un communiqué-bateau (c’est presque le cas de le dire) réclamant un curage idyllique des ruisseaux wallons, il fait évidemment pire que bien: d’abord parce que son impro est démentie vertement illico par les hydrologues et ensuite parce qu’il met dangereusement en avant des auto-soupçons d’inaction politique…
A notre époque de “démocratie technique”, l’idéologie de la sécurité vient, bien sûr, de se réveiller.
Les habitants de Bruxelles ont soudain découvert qu’ils étaient vulnérables. Et si Kris Peeters a, lui, enfilé des bottes en caoutchouc pour visiter des sinistrés de Flandre, ce n’en est pas moins déjà la fête à son gouvernement. Qui, dans sa monomanie d’équilibre budgétaire à tout prix, n’a plus tiré toutes les leçons des inondations de 2003. On y a  donc retardé plein de plans de gestion des bassins. Pire: le ministre Muyters (N-VA) , responsable du Budget et des Finances mais aussi de l'Aménagement du territoire flamand, a freiné une flopée de mesures de gestion de l’eau, des intérêts privés l’emportant souvent-comme partout- sur l’intérêt général; comme si l’administration flamande, tout simplement parce qu’elle est flamande, était toujours dans le juste. En fait, la Flandre découvre que sa politique de l'eau est nulle. Et, pour avoir dit àla télé "qu'il faudrait apprendre à vivre avec les inondations", la ministre  Joke Schauvliege est fustigée pour son incompétence.
On connaissait déja, selon la formule de Schnitzler, trois sortes d'hommes politiques : ceux qui troublent l'eau ; ceux qui pêchent en eau trouble ; et ceux, plus doués, qui troublent l'eau pour pêcher en eau trouble. Désormais, il convient d’en ajouter une quatrième: ceux qui répugnent à se mouiller. Car, ces dernières heures, question communication, les politiques ont été vraiment plutôt à côté de la plaque (de caniveau). Méconnaissant qu’au travers de ces intempéries, c’était une très forte sensibilité environnementale qui revenait soudain à l’avant-plan. Jusqu’à Bart De Wever  s’est laissé prendre au piège de l’indifférence.
Lui qui a pourtant lu Cicero et Quintilien qui, tous deux, chacun dans leur style, pensaient déjà, non sans raison, que l’émotion jouait un rôle essentiel dans l’éloquence politique…