Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 26 novembre 2010

Hypothèse de moins en moins hérétique: les avantages d'un reboot électoral (à la Saint-Valentin ou à la Saint-Glinglin)


Petit exercice mental. Prenez 30' pour imaginer: si on revotait, quels seraient diable les slogans, les thèmes de cette campagne électorale-bis totalement inédite?
Et quel serait cette fois le réel positionnement des partis?
Qui ne pourraient plus biaiser sinon duper, se complaire dans des contes de semi-fées ou racoler en évitant, comme en juin dernier, les vrais sujets de fond.
Allez, vous imaginez  Joëlle Milquet recoller encore son belgicain “L’Union fait la force ?” Ou Paul Magnette y aller de son argument décisif: que “Tomates-Crevettes” se dit itou “ Tomates-Crevettes” au Nord  et que donc ou-qu’il-est-le-problème ?
Pensée hérétique à l’encontre de l’hypocrisie ambiante de ceux qui pourtant n’en pensent pas moins et s’y préparent: et si un nouveau scrutin changeait vraiment la donne ? Dont celle de la N-VA.
Qu’importe que Bart De Wever soit ou non un madré aventurier politique. Que son projet secret ait été, péripétie après péripétie, de  surtout s'adjuger, avant de revoter, des concessions francophones illico gravées comme quasi acquises dans le marbre noir de Flandre. Et pas qu’un peu: on en est rue de la Loi, même avec le théoriquement sympathique mais pas moins flamand Vande Lanotte, à débattre des subtilités, sinon des pièges du “splead rate”. Un terme qui rapproche d’évidence les enjeux politiques du citoyen lambda ! Et est accessoirement un des mécanismes techniques de l’autonomie et donc de la concurrence fiscale. Le truc qui était encore totalement tabou pour Di Rupo il y a un siècle, entendez en septembre.
Et si de nouvelles élections, diabolisées apocalyptiques, avaient aussi quelque avantage ?  A commencer par gommer déjà les ambiguïtés de la N-VA.
Le pari électoral va-tout de Bart De Wever, ce serait de s’adjuger –directement ou indirectement- 50% des sièges flamands en écrémant tout ce qui traîne de mal en point à droite: le Belang est encore un joli réservoir (491.000 voix) et ce qui reste des libertaires de la Liste De Decker une jolie gourde pour soif électorale (130.000 voix).
 Mais puisque cette crise est désormais déjà assurée de devenir sous peu la plus longue de l’histoire de Belgique, un nouveau vote pour la N-VA serait moins impulsif que lorsqu’il s’agissait simplement pour les flamands de punir l’inaction de leurs leaders. Ou les promesses jaune et noires de Leterme et de ses cinq-minutes-de-courage-politique jamais chronométrées.
On avait vu ainsi, en juin, des délégués syndicaux gauchisants s’enflammer bizarrement pour le parti politique le plus proche... du patronat flamand; et des sondeurs conclure que 180.000 électeurs du parti indépendantiste avaient voté N-VA pour...un retour à la Belgique brabançonnienne du Roi, la Loi, la Liberté sans un poil de fédéralisme. Si Bart refaisait un triomphe, on peut penser que ce  serait alors en meilleure connaissance de cause de l’électeur flamand.
 Hormis le biais que Bart sera de nouveau, dès le 6 décembre (avec ...la socialiste Caroline Gennez) la star de l' "Allerslimste Mens" , le jeu à folle audience de la télé flamande. Le scrutin après la popularité dopée par la télé: y'a pas à dire, le plan marketing est presque parfait.
 Quant au CD&V qui sera alors officiellement présidé par Wouter Beke, dont on ne sait s’il surprendra ou ne dérangera personne, il lui faudrait choisir. Et peut-être évoluer. Entre ceux qui n’entrevoient leur sauvetage qu’en supergluant à la N-VA, jusqu’à imaginer encore pour quelques uns un cartel à l’envers. Et ceux qui remontent le courant pour affirmer leur spécificité comme au bon vieux temps du CVP, tablant sur un tassement de la N-VA. De toute façon pas en moins bon flamand: la descente en flammes de l’initiative Vande Lanotte par Kris Peeters a frappé fort, ces dernières heures, pour remettre illico de l' ordre flamand. Le CD&V a, cette fois, dans la course au meilleur confédéraliste, surpris la N-VA ....Une seule évidence: Beke et Peeters sont déjà en campagne.
Côté francophone, on comprend que l’idée d’un reboot électoral fasse frémir Ecolo ou le CDH, pour qui juin 2010 fut déjà un revers.
 Pour le MR, c’est un pari. La Présidence étant remise en jeu, mais dans un calendrier chèvrechoutiste douteux ( Reynders mènerait toujours toute éventuelle campagne jusqu'au 12 février...) , on peut, si l'opinion oublie le "déjeûner chez Bruneau", y escompter un effet d’aubaine avec un double espoir. Celui de se “refaire” quelque peu en sièges et peut-être d’être suffisamment fort pour jouer dans la coalition rêvée de Bart De Wever: celle davantage colorée libérale.
 Celle qui fait que, chaque matin, Elio Di Rupo se rappelle qu’il compte 26 députés; et que ce n’est qu’à ce poids seul que le PS doit d’être incontournable. Et peut-être là aussi préfèrera-t-on un jour (sans évidemment jamais le dire) des élections (dont le PS aura de bonnes chances de sortir encore dopé) plutôt que d'accepter des textes dangereux.

Le risque d'une fracture entre wallons et bruxellois...

 C’est un phénomène neuf  qui vient de débouler en politique belge : tout ce dossier de l’IPP (prélevé ou non sur le lieu du travail, calcul par navetteurs, etc... ) est porteur en soi d’un sérieux risque de fracture entre francophones: les tensions entre Bruxellois et Wallons pourraient s’aviver. Et pas que d’un peu: les premiers signes de grincements de dents stridents sont là.
Ensuite, la soupe, après amendements du Nord ("exigences" dit la N-VA), pourrait se révéler vraiment imbuvable. Avec ses conséquences à long terme: prestations sociales diminuées, subsides en berne, impôts ou taxes à la hausse pour les Wallons . Là aussi, après tout, il vaudrait peut-être mieux des élections pour contourner ce piège là.
Essayez d'imaginer encore un instant le climax: la N-VA oserait-elle afficher, cette fois, son indépendantisme ? Les francophones basculeraient-ils davantage vers le "plan B" ?
Il reste juste un hic : c’est que nul ne veut prendre la responsabilité de les déclencher, lesdites élections. Par trop impopulaires, oh ça oui. Cela devra donc être de la responsabilité de l’autre. De ce maudit Bart De Wever pour les francophones. De ces entêtés de Wallons et de francophones dans la version sous-titrée Nord.
D’où cette perpétuelle volonté de continuer à négocier affichée de part et d’autre, alors que peu se passe, comme un trompe l’oeil de Bollywood: l'heure est au leurre.
On en est là: l’engouement pour la crise bat de l’aile. Le belge s’est adapté à la situation. Avec une sorte de blues général, de fatalisme, de morosité. Noël approche et tout le monde est occupé ou désabusé, doutant de la capacité des politiques à encore vraiment emballer un accord. Les partis, y compris la N-VA, si donneuse de leçons en la matière, s'installent dans la non-gouvernance permanente. Avec le risque que les marchés financiers décotent méchamment la Belgique sur les places boursières, provoquant une panique tellement forte dans la population qu'un gouvernement naîtra, bon gré mal gré, en quelques jours.
Donc, à part une attaque des spéculateurs sur un pays s'affichant affaibli- la réalité surgit toujours pour rattraper les grands discours- on ne voit, hélas, guère que des élections-reboot pour sauter plus loin.
Car, même si les soldes approchent, ne comptez pas sur Bart pour un discount de ses positions.