Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

dimanche 6 octobre 2013

Les illusions de l’hypercommunication: si Di Rupo a changé de chemise, c’était pour se tailler un costume d’homme d’Etat…

 

La communication, c’est d’abord un regar
Pour le francophone, l’image d’un Di Rupo torse nu, c’est avant tout celle d’un Premier Ministre. Qui, pour d’aucuns, rompt par trop les codes protocolaires de ses hautes responsabilités.
Pour le flamand, habitué depuis lurette à pénétrer dans l’intimité de ses politiques, c’est juste celle d’un homme qui change banalement de chemise.
La com’, c’est aussi parfois une collision.
Adepte de l’hypercommunication, Di Rupo recycle en fait sans cesse les mêmes propos formatés, mesurés; exhume toujours les mêmes reliques familiales quasi muséales. Ca donne un ersatz d’intimité, mais ce n’est en rien de l’intime. Les anecdotes, les récits -même les plus graves, comme le complot Trusnach- sont dûment contrôlés, le discours aseptisé, sans jamais vraiment rien révéler de l’”être” Di Rupo. Comme si l’homme était devenu prisonnier d’un personnage qui pipoliserait constamment sur une ligne de crète en craignant tout faux pas.
Là est la clé: c’est sans doute pour donner l’illusion de cette intimité qui plait tant au Nord que Di Rupo a consenti à se laisser filmer torse nu. Ca n’a évidemment aucun intérêt (les images du maillot rouge de l’inauguration de la piscine de Mons sont bien connues des télés flamandes) hormis de conforter paradoxalement son image de “Monsieur Belgique”.
Car le jour du tournage, le 21 juillet, non seulement faisait-il torride, mais encore intronisait-on le Roi Philippe. Di Rupo torse nu envoie ainsi l’image subliminale d’un homme qui se dévoue pour son pays, qui ne prend quasi pas le temps de se rafraîchir… Qui change juste fissa de chemise et repart, inspiré par son sens de l’Etat belge.
Là, on crée de l’empathie: regardez, ce Di Rupo là, ce wallon là,  ne vit que pour sa fonction, son devoir, à qui il sacrifie tout. (une image de com à laquelle Yves Leterme s’était maladroitement essayé, montrant sa chambre à coucher du Lambermont utilisée lorsque son emploi du temps –et ses passions, ont dit les mauvais langues- l’empêchaient de regagner Ypres).
Croire à une rivalité physique Di Rupo-De Wever tient un peu du phantasme. Même s’il n’est pas faux de relever que tout homme politique affectionne viscéralement de donner une image de “bonne forme” à tout le moins de “dynamisme”.
Il faut regarder attentivement le désormais célèbre “teasing” (1) de l’émission de la télé flamande Vier. On sent bien qu’Eric Goens (l’homme à qui l’on doit déjà l’interview télé de Sybille de Selys-Longchamps, la maman de Delphine)  n’est pas arrivé à obtenir de Di Rupo ce qu’il a décroché d’un Tom Boonen ou d’une Maggie De Block dans sa chambre à coucher: des tranches de vie inhabituelles. D’ou ces quelques millisecondes de Di Rupo qui donnent  juste à imaginer que le montois pourrait enfin se dévoiler. C’est un appât, du miel pour télespectateurs.
L’illusion qui convenait à Elio Di Rupo a croisé le besoin d’illusion d’une télévision du Nord.
Ainsi va, en 2014, le piège de l’hypercommunication.

Michel Henrion

(1) http://www.vier.be/kroost/videos/kroost-nieuw-op-vier/105401