Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

jeudi 9 mai 2013

Qui sont ces blogueurs "influents"? Mon débat avec Marcel Sel sous la houlette de Dorian de Meeûs (La Libre du 9/05/2013)

"Être sur les réseaux sociaux et les blogs, cela ne nous fait pas gagner d’argent, ça c’est clair!"
Sur la toile, certains twittos ou blogueurs sont plus suivis que d’autres… Ils donnent leurs avis, recadrent des débats et partagent des infos pertinentes ou polémiques. Ils sont ainsi devenus des symboles des réseaux sociaux. LaLibre.be vous propose un entretien croisé entre Michel Henrion, ancien journaliste, consultant en communication et auteur du blog "Demain, on rase gratis!" et Marcel Sel, ancien rédacteur publicitaire, polémiste et auteur du blog "Un blog de Sel".
Vous êtes tous deux très actifs sur Internet : blogs, chroniques, Twitter, Facebook,… Mais qui êtes-vous dans la vie et quelle est votre expérience ?
Michel Henrion : Mon passé de journaliste a été élargi aux médias et à la communication en général. J’ai été très longtemps journaliste de presse écrite et j’ai travaillé 8 années dans la communication politique pour Guy Spitaels, qui était un ami. Aujourd’hui, j'use de cette expérience médiapolitique comme chroniqueur à RTL-TVI, Bel-RTL ou Marianne Belgique.
Marcel Sel : J’ai commencé en dilettante sur une radio libre comme journaliste. Cette expérience m’a marqué. Après, j’ai fait de la publicité en tant que rédacteur publicitaire. J’ai continué à faire de la communication plus institutionnelle en écrivant pour diverses entreprises.
Henrion : Notre point commun, c’est l’écriture et l’information par l’écrit.
Vous commentez énormément l’actualité, dans quel but ? Informer ou mettre votre grain de sel sur l’actu ?
Henrion : Là, je pense qu’il y a une différence entre Marcel et moi. Marcel est avant tout un polémiste, alors que j’essaie surtout de partager les infos pertinentes qui circulent. La communication a fortement évolué. Souvenez-vous du temps où la création d’un site internet pour une entreprise était une info en soi. Les blogs et la blogosphère ont connu leur moment de gloire vers 2007. Depuis, il y a eu l’émergence des réseaux sociaux, ce qui a provoqué une certaine porosité entre les supports : blogs, Facebook, sites d’infos, Twitter, YouTube, Dailymotion, Flickr et plein d’autres réseaux ou supports de contenus. Mon outil préféré est de loin Twitter, puis Facebook où l’interactivité est très forte. Les blogs sont un peu en déshérence, sauf celui de Marcel qui continue sur sa ligne… Quelqu’un qui ouvre un blog aujourd’hui, je lui souhaite bonne chance pour avoir une audience d’influence.
Justement, ce rôle d’influence… on y vient. Marcel Sel, sur votre blog et sur Twitter, vous êtes souvent donneur de leçon.
Sel : Oui, bien sûr ! (rires) Mais pourquoi vous m’attaquez ?
Je constate simplement que vous être régulièrement critiqué pour votre côté ‘donneur de leçon’.
Sel : Je me vois davantage comme un redresseur de torts, comme Zorro !
Henrion : Pour moi, Marcel est un polémiste. Ce qui est très différent de donneur de leçons. Il suscite et lance le débat.
Vous comprenez que certaines personnes trouvent agaçant que quelqu’un mette son grain de sel ainsi un peu partout ? D’ailleurs, juste avant cette interview vous avez attaqué Destexhe sur Twitter…
Sel : Destexhe n’est-il pas justement un donneur de leçon ? En réalité, ce que je fais, c’est réagir. Je ne donne pas mon avis sur la ponte des canards en Alaska ! Je pars de faits journalistiques qui – de mon point de vue – ne sont pas suffisamment ou pas bien interprétés. Evidemment, quand on donne son point de vue, on donne toujours l’impression de donner des leçons. Quant à mon attaque de Destexhe, il affirmait que les conclusions d’une étude PEW parue dans The Economist sur les musulmans dans le monde étaient « édifiantes ». J’ai attaqué Destexhe, car il a repris des chiffres comme ça. J’ai lu cette étude, ce qu’on y lit démontre qu’il y a des différences fondamentales entres les musulmans de pays divers et parfois voisins sur des questions comme la tolérance à l’homosexualité ou le fait d’imposer la charia à des non-musulmans… Cette étude très intéressante démontre qu’il n’y a pas un seul Islam. Et Destexhe, lui, balance sur Twitter un chiffre sorti de son contexte après avoir lu The Economist. Ca m’a choqué, car l’étude ne dit pas ça !
Henrion : Le monde de l’Internet est en train de faire basculer tous les rapports de notre société. Avec l’évolution des moyens de communication et l’échange des savoirs à la portée de tous, tous les intégrismes vont devenir des dinosaures.
Sel : Je ne le crois pas.
Henrion : Je le pense profondément. La prochaine génération sera métissée par le net dans les opinions et les cultures.
Sel : Les frontières entre les nations se racrapotant, j’ai plutôt le sentiment que les gens se regroupent en tant que laïques, catho-zombies (des non-pratiquants voire athées de culture catholique), musulmans de tel ou tel type ou autre identification…
Henrion : Les communautés virtuelles qui se forment pour défendre ou s’attaquer au transfert de Mme Martin à Malonne, pour défendre Luc Trullemans ou encore à propos de la Fondation Fabiola,… ce sont finalement des communautés très éphémères.
Ils se regroupent puis se retrouveront dans un autre combat virtuel ?
Henrion : Sauf que ce ne sont pas les mêmes… J’ignore quelle sera la prochaine polémique qui attirera autant de monde. Elle sera à n’en pas douter différente, mais elle retombera aussi vite.
Sel : On retrouve tout de même souvent les mêmes commentateurs sur les réseaux. Il y a une cohérence dans leur engagement et sur Trullemans, il y avait un bouton qu’il fallait percer…
L’ampleur des polémiques telles que la Fondation Fabiola ou Trullemans, vous les voyez venir ?
Henrion : Absolument pas. Personne n’aurait imaginé que ces polémiques allaient prendre une telle ampleur, y compris sur les réseaux sociaux. Cela aurait pu s’arrêter à ses excuses, si Trullemans n‘avait pas réitéré ses propos dans la presse. Il se passe parfois des choses qui sont difficiles à comprendre, d’autant que la monarchie est généralement très respectée en Belgique.
Sel : Quand j’ai vu que Trullemans était viré dans l’heure, je me suis dit « ouille, ça va être violent »! Une grande partie des réseaux attend les débats et le sujet du débat à venir. Je constate que mes chroniques sur l’islamophobie « éventuelle » sont les plus lus. On a clairement un vrai problème de société entre – je vais parler comme Destexhe – les blancs qui se font insulter dans la rue et les bruns qui subissent un délit de faciès. Un problème que personne n’a encore osé attaquer sérieusement au niveau politique. La société est totalement déboussolée…
Henrion : J’hésite souvent à poster un article sur l’islam, car je sais que cela va entraîner des centaines de commentaires à modérer.
Sur LaLibre.be, on n’avait jamais connu un tel tsunami de commentaires avec la polémique Trullemans. On a à plusieurs reprises été contraint de les suspendre, le temps d’un retour à la normale…
Sel : Il y a partout une radicalisation des commentaires. Je passe plus de temps à modérer les commentaires qu’à rédiger des articles.
Henrion : C’est parce qu’on est passé d’une presse unidirectionnelle à une presse du « J’aime » interactive. Tout mon plaisir réside dans la recherche d’une pépite virale d’information. C’est un peu le journalisme d’information qui devient un journalisme de communication… Avec le problème que pose la modération des articles, qui est un gros souci pour les groupes de presse et nos pages Facebook.
Sel : La modération est particulièrement compliquée. Parfois, je reste plusieurs minutes devant une phrase pour savoir si je dois le modérer ou pas…
Certains internautes sont organisés pour polluer les commentaires ?
Sel et Henrion : Oui !
Sel : Des groupes, comme le Vlaams Belang, s’organisent pour occuper les forums des sites d’information. Mais à côté de cela, il y a des organisations spontanées de militants de causes particulières.
Henrion : Internet permet ainsi le retour d’une presse d’opinion.
Sel : Mais je n’aime pas l’opinion partisane, en revanche, je pense que les journalistes devraient plus souvent commenter avec une opinion sincère, mobile,…
On dit de vous que vous faites partie des blogueurs les plus influents de Belgique, par le nombre de personnes qui vous suivent. Vous avez l’impression d’être influents ?
Henrion : Mon but est d’informer. L’influence est relative, mais réelle. Mais l’influence est limitée à 15-20 personnes actives sur Twitter ou sur des blogs.
Vous êtes très souvent sur Twitter ou sur votre blog… du réveil au coucher. Cela a-t-il eu un impact sur votre vie privée et sociale ?
Henrion : Oui. C’est chronophage d’être sur Twitter. On a le gsm, la tablette, l’ordinateur… Je commence ma journée avec Twitter et la finis avec elle.
Sel : Faire l’amour avec Twitter, ce n’est pas top ! J’évite à table…
Vous avez parfois des reproches d’amis ou autres ?
Sel : Oui.
Henrion : Parfois.
Vous ne craignez pas l’overdose ?
Henrion : Cela peut arriver. D’ailleurs, dès que je suis en vacances, on m’interpelle pour savoir si « tout va bien ? ».
Sel : Quand je prends un peu de recul, j’ai parfois comme un manque, un besoin de faire des relations virtuelles.
Financièrement, ça rapporte d’être un blogueur actif ?
Sel : Non, c’est de la notoriété, cela fait partie de la construction de notre image. Après, on vend des livres, des chroniques, des analyses,… Mais tout cela ne rémunère pas du tout le travail fait sur le blog.
Henrion : Ce n’est pas fait pour gagner de l’argent, ça c’est clair !


Entretien: @ddemeeus