Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 20 août 2013

Le Roi Philippe et les dangers de l’effet-papillon… (Marianne-Belgique du 6/07/13 après abdication)

 Balise Médiapolitique du 06/07/2013 (après l'abdication d'Albert II)
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 La politique, ce sont des mots. Et des signes. Exercer le pouvoir, c’est s’emparer de ce double langage.
Ce n’est pas un hasard si Albert 2 a dit son abdication debout. Ne plus s’asseoir à son bureau, c’était le signe évident que là n’était déjà plus sa place.
Davantage dans le style commedia dell’ Arte, Elio Di Rupo est un personnage tout aussi construit de mythes et de signes, parfois jusqu’à l’excès. Dont ce fameux noeud-papillon dont il est désormais prisonnier comme un oiseau de sa volière.
Frans Van Daele.
Qui, pour cette folle journée d’abdication, secrètement concoctée entre Palais et Premier Ministre (un titre qu’Albert 1er n’autorisa pour la première fois qu’en 1918, pour le bien oublié Léon Delacroix), était redevenu rouge. Comme un retour au naturel pour ce qui  est devenu son symbolique attribut du pouvoir, aux couleurs désormais  variables selon les situations et les environnements. (le Premier Ministre adore le violet light qu’il croit le hausser un chouia au dessus des partis)
Oui, le noeud de l’abdication avait été choisi rouge rouche.
Tout comme, lors de sa prestation de serment, déjà au Palais, devant Albert 2.
Rouge comme si Di Rupo, qui a la stratégie de l’anticipation chevillée au corps, se disait que tout était quelque part à commencer, comme en 2011. Car le départ d’Albert 2 et l’arrivée du Roi Philippe cache un tellurisme politique: le départ de celui qu’on a appelé le Vice-Roi, à savoir Jacques Van Ypersele de Strihou. Ce fervent catholique charismatique et idéaliste qui, depuis 30 ans, de sa fine écriture, avec une base de données à nulle autre pareille, influe quasi sur tout.
Ce n’est guère un secret pour le microcosme de la rue de la Loi: le Roi Albert 2 a  largement usé de ce que les hommes politiques appellent entre eux la “méthode Bebert”, entendez l’avion militaire qui envoyait sans cesse au soleil les dossiers ou arrêtés à signer.
A Laeken, sous des cieux moins ensoleillés, c’est Van Yp’ qui s’y colle . Et décide qui le roi rencontre ou ne rencontre pas. Qui prépare les audiences, les visites, les discours royaux, les remarques aux projets de loi, jongle du jeu des nominations. Et, surtout, exerçait un rôle-clé d’influence auprès du roi, qu’il s’agisse de gérer Laurent ou Delphine. Ou de multiplier les tactiques pour freiner Bart De Wever et la montée séparatiste en Flandre. Pour Di Rupo, c’est tout un pan de ce paysage qui va basculer. Ainsi, le prochain chef de cabinet du Roi Philippe (Frans Van Daele) sera-t-il  flamand, histoire d’intégrer la monarchie dans les nouveaux rapports de force; et peut-être plus, si on entend rétablir quelque peu les équilibres philosophiques au sein du Palais.
Certes, le monde politique a déjà bien pris ses marques: le prince Philippe n’est plus l’ “accident monarchico-industriel “largement décrit par d’aucuns mais un roi soudainement paré de toutes les qualités. C’est d’un monarchiste militant, Armand De Decker, qu’est sans doute venu, involontairement, l’avertissement le plus angoissant pour Di Rupo : “Philippe devra apprendre à se restreindre pour respecter toutes les sensibilités".
Bien lire: "se restreindre". De quoi avoir assurément le noeud-pap rouge pâle.  Car l’effet-papillon insécurisant, Elio déteste ça.

Michel HENRION