Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 20 août 2013

Les nouveaux revolvers médiatiques de Flandre. (Marianne Belgique du 10/08/13)

 
Balise Médiapolitique parue dans Marianne Belgique le 10/08/13


 Fut-il un brin en déshérence, le phénomène de la puissance politique des éditorialistes flamands se complète désormais, en Flandre, d’un nouvel axe médiapolitique. A savoir une déferlante, sur les plateaux télé ou dans les colonnes de la presse du Nord, de managers et d’économistes très médiatisés et aux avis souvent ravageurs. Leurs noms sont quasi inconnus des francophones: un Geert Noels (Gestion de patrimoine), un Marc Coucke (CEO d’Omega Pharma), un Jan De Nul (Dragage), pour qui “il y a 3 millions de fainéants en Belgique” ou encore un Jos Vaessen (Radiateurs) qui voit le pays virer “version light de la Grèce ou du Portugal avec un million de chômeurs dans les dix ans”. Tous contribuent au climax d’une Flandre obsédée par son déclin et ses handicaps de compétitivité dont le fédéral belge n’aurait que faire...
L’actuelle polémique sur le soutien ou non des médias flamands à la N-VA est somme toute absurde: en Flandre, tout ce qui se dit, se voit et s’écrit sur l’économique et le social recoupe, mine de rien, assez largement les mélodies de la N-VA. Un terrain tout bonus pour De Wever qui ne se privera pas de mettre en avant “toutes les réformes d’intérêt général dont le PS ne veut pas” et qui, habileté, sont justement aussi celles voulues par l’Europe.  Terrain qui convient aussi à Kris Peeters, le “numero uno” censé pouvoir limiter les dégâts du CD&V. Tellement bon manager des intérêts flamands que l’homme en apparaissait jusqu’ici intouchable et politiquement indestructible. Même si le bilan de son Gouvernement flamand, sans cesse en incandescence, n’est guère reluisant.
C’était compter sans un autre économiste controversé, Ivan Van de Cloot, dont les déclarations intrépides et les posts émotionnels ont secoué, ces temps ci, les médias sociaux du Nord.
Avec cette question pas triste: lors de sa toute récente mission à Houston, Kris Peeters a-t-il, oui ou non, dans un geste significatif, menacé d’un revolver imaginaire des journalistes portés à évoquer la déconfiture de Dexia, ce ruineux scandale d’Etat si joliment managé par quelques aventuriers au sein du CD&V et du sommet d’une ACW (Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) soudain déconfite.
Bref, y a-t-il eu intimidation politique, histoire de protéger les intérêts du CD&V et de sa constellation de pouvoirs?
Et l’économiste de s’interroger sur ce pays d’Omerta et de connivences où on cache vite sous le tapis tout ce qui peut gêner. A nouveau tout bonus pour la N-VA, qui adore cultiver l’anti-système et rêve de flétrir le pilier social-chrétien. Indignez-vous! sera le message.
Le plus intéressant à observer, c’est que Bart De Wever et Kris Peeters, -qui ne parle pas de “confédéralisme positif” par hasard- se sont en fait toujours fort ménagés. Le président de la N-VA n’attaque jamais vraiment le Ministre-Président flamand: on s’en prend plus subtilement au CD&V en général. C’est kif la même tactique  de com’ subtile qu’à Anvers, sans attaque frontale contre l’ancien bourgmestre Patrick Janssens.
Ces deux hommes là ne s’affrontent jamais vraiment. De Wever a besoin de Peeters car une entente relative est cruciale pour l’après mai 2014, au risque de tout perdre. Et Kris Peeters sait pertinemment bien que ce que veut De Wever, c’est d’abord saquer et exclure les socialistes d’un front flamand (N-VA +CD&V et OpenVLD si besoin)
C’en est en tout cas fini, médiapolitiquement, du sirop de rêve pour Kris Peeters: l’homme aura à encaisser, à l’instar d’un De Wever, ses doses de critiques et d’attaques. Notamment pour ce qui est de l’impuissance visible de Peeters à bouger les meules pour ce qui apparaît vital et crucial au Nord: le coût salarial.
En son temps,  le CD&V de Jean-Luc Dehaene fut, soudain, électoralement surpris par la fameuse crise de la dioxine. Un ressac économique de plus au Nord, une fermeture symbolique spectaculaire avant le scrutin, et le CD&V pourrait bien connaître cette fois sa crise impromptue de la compétitivité.


Michel HENRION