Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 8 octobre 2012

Pourquoi De Wever et Janssens sont dans un mouchoir, mais on ne sait lequel va pleurer: tentative de vulgarisation de sondages pas si contradictoires que ça…

 
La Bataille d’Anvers s’annonçait passionnante. Elle l’est. Car, même si la N-VA paraît avoir un avantage, celui-ci serait ténu. Et, si on analyse les sondages en fonction des marges d’erreur, on peut considérer que les De Wever et Janssens seraient vraiment dans un mouchoir. Mais on ne sait lequel va pleurer.
Il y a, au premier abord, de quoi être déconcerté. Ce 5/10, la VRT et le Standaard publiaient un sondage d’un institut à bonne réputation (TNS Média) donnant, à Anvers, 10% d’avance à la NVA de Bart De Wever (37,2%) sur la liste de Patrick Janssens. (27,7%) (800 sondés du 3 au 29 septembre avec une marge d’erreur de 3,5%.)
Mais, oups, ce dernier samedi (6/10) voila-t-y pas que la Gazet van Antwerpen publie un tout autre sondage de l’Institut Dedicated plaçant, lui, les deux ténors anversois quasi en photo finish. Soit 31,9% pour la N-VA, 31,1% pour le cartel SPa-CD&V. (603 anversois(e)s sondés par téléphone du 24 au 29 septembre avec une marge d’erreur de 4% maxi)
Comment est-ce possible ? Et qui croire ?
En technique de sondage, il n’y a pas de “meilleure méthode”: chacune a ses avantages et ses défauts. Mais, dans la hiérarchie de la fiabilité, le sondage électoral  “face to face” (le sondé discutant avec un enquêteur fiable) vaut mieux que le sondage par téléphone qui, lui-même, passe pour être plus fiable que le recours à un sondage internet.
C’est que le sondage internet a ses caractéristiques et ses biais:
-d’aucuns le remplissent n’importe comment juste pour gagner points ou cadeaux promis. (coffret Bongo, ce genre) D’aucuns, les habitués,  évitent dès le départ les choix multiples dont ils apprennent vite qu’ils  multiplient les sous-questionnaires et prolongent pas d’un peu la durée de l’exercice (jusqu’à 30’ parfois)
Surtout, le sondage par panel internet est anonyme. Avec son clavier comme seul interlocuteur, le sondé internet décide seul.  Et, du coup, a plus vite une opinion assez tranchée. C’est un électeur qui est plus souvent “très contre” ou “très pour”. Ce sont donc fréquemment des avis plus “extrémistes”. Avantage: les personnes interrogées voient les questions sur l’écran:  c’est mieux plutôt que d’écouter.
Autre léger biais: le sondage par internet ignotre les électeurs les plus âgés. (20% des belges n’ont pas de connexion)  Et tous les belges ne sont pas encore à l’aise avec les médias informatiques. 
Vous en connaissez assurément, dans votre entourage, de ces gens qui –même s’ils n’ont que la cinquantaine- sont déjà largués ou répugnent à l’ordinateur… (certains sondages Internet sont assortis, à cet effet, d’un complément par téléphone)
En technique de sondages, la méthode c’est assurément le “face à face” physique. Mais qui, en quantitatif (c’est à dire ce qu’il faut pour des sondages d’intentions de vote) se fait de plus en plus rare. Parce que c’est chérot peau des fesses. 
Et cette technique là non plus n’est pas sans défauts. L’enquêteur, s’il se promène dans les rues aux heures de bureau, ne récoltera souvent au mieux que l’avis d’inactifs (retraités, femmes au foyer…) S’il est mal encadré, mal payé, l’enquêteur peut aussi faire rédiger les réponses dans sa famille ou, pire, seul sur une table du café du coin, avec un bic multicouleurs……

Le téléphone permet, lui, davantage de contrôler que le Net: il y a un interlocuteur au bout du fil . Et donc, contrairement à l’internet, le sondé ose moins répondre n’importe quoi. (on peut penser que le vote Vlaams Belang, à Anvers, n'est d'ailleurs pas toujours avoué...) A condition de mixer lignes fixes et GSM, le sondage par téléphone offre donc beaucoup d’avantages: à commencer par le fait que tout le monde l’a.

Le hic, c’est qu’ il se fait que les deux sondages réalisés à Anvers ont été précisémlent réalisés par téléphone, donc avec une certaine fiabilité, même si l’on ignore des normes internes aux Instituts: la qualité des échantillons (très important), la similitude ou non des questions  posées, le nombre exact de répondants contactés… Il faut aussi toujours regarder les sondages avec les yeux des "marges d'erreur" (3,5% à 50% au maximum dans le sondage TNS, 4 %  au maximum dans le Dedicated ici au maximum) qui peuvent tirer un résultat vers le haut ou vers le bas.

Donc, chez TNS (3,2% à 30%), la N-VA  oscille entre 34,0% et 40,4%.
Donc, chez Dedicated, (3,7% à 30%) la N-VA varie entre  28,2% et 35,6%.
Donc, le cartel de Janssens oscille, chez TNS, entre 24,5% et 30,9%.
Donc, le cartel de Janssens varie, chez Dedicated, de 27,4% à 34,8%.

C’est un brin complexe, on le reconnaît. Mais, même si ça peut surprendre, on peut considérer que de Wever et Janssens fluctuent dans des zones qui se chevauchent parfois.
Il faudrait des grands moyens et un échantillon touchant aux limites des études pour les départager: (10.000 personnes pour aboutir à 1% de marge d’erreur !)

Mais il reste un indice très intéressant: les dates. Si TNS a étalé ses coups de fil du 3 au 29 septembre avec un gros paquet, nous disent-ils, de 350 sondés vers la fin), Dedicated les a passés dans un délai plus bref et surtout plus frais: du 24 au 29 septembre, au moment ou Patrick Janssens, homme de pub, déployait sa campagne dans une stratégie de courte durée autant qu’ intense.
D’ou cette interrogation: Janssens serait-il en train de réussir son sprint, pari impensable?  A nuancer, puisque le précédent sondage de Dedicated sur Anvers donnait déjà, en gros, les… mêmes résultats.
Les sondages ne votent pas, ce sont les gens qui votent.

Michel HENRION.