Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 15 octobre 2012

Vague jaune: le déni-oui-oui des partis francophones ou le danger d’un certain formatage des esprits…

 Lorsque sont apparus, dimanche, sur leur télé, les premiers graphiques à colonnes symbolisant graphiquement les résultats d’Anvers et autres villes flamandes genre Alost, certains francophones ont presque manqué d’en avaler leur télécommande de surprise.
C’est que, en 2006, la N-VA n’était qu’un maillon très discret du cartel avec le CD&V d’Yves Leterme.
C’est que, surtout, cela fait dix mois, sinon davantage, que les partis du Gouvernement Papillon tendent à faire presque oublier au wallon, au bruxellois lambda, l’existence de la N-VA. Ou, à tout le moins, à ne pas lui faire mesurer son poids: non pas celui de la Volksunie de jadis- dont on se passait sans difficultés- mais bien celui du premier parti du pays et du premier parti de Flandre. 
Qui, depuis quelques heures, s’est désormais doté d’une armée: celle de tous ces nouveaux mandataires dûment élus. Qui, d’ici le “super Sunday” de juin 2014 (selon la formule consacrée en Flandre, la “mère de toutes les élections”, où on votera fédéral, régional et européen) entendra encore activement pousser plus loin vers ce confédéralisme qui sauverait encore la Belgique. Et dont Di Rupo, dira De Wever,  ne veut même pas me parler.
 Il y a là une sorte de formatage des esprits qui en devient vraiment gênant.
Dimanche soir, sur les plateaux-médias, alors qu’un événement politique considérable venait de se dérouler en Flandre, c’était le festival des oeillères et du déni-oui-oui.
"Je reconnais le succès de la N-VA", arrachait-on au bourgmestre de Mons qui  en oubliait qu’il était avant tout Premier Ministre. ”Il  n’y a pas de lien entre les élections locales et fédérales" finissait-il par lâcher, reprenant son classique élément de langage soudain assez terni.  Thèse reprise en boucle, à l’envi, contre toute réalité, par le président a.i. du PS, Thierry Giet,  et nombre d’autres représentants francophones. (à l’exception d’Olivier Maingain et, pointe des pieds, d’Emily Hoyos)
Motus. Silence des agneaux. Rohypnol politique. 
La volonté de fermer les yeux de certains politiques bruxellois ou wallons ne manque décidément pas d’étonner.
Et quasi personne pour souligner le “Dimanche Noir” des fascistes du Belang, réduits à peau de chagrin jusque dans leur propre fief, cette ville d’Anvers ou vitupère le trio Dewinter, Annemans-Valkeniers (démissionnaire). Quasi personne pour relever que c’est tout de même pas si mal que tous ces électeurs qui votaient pour une extrême droite non-démocratique aient quitté ce camp là, aient franchi le cordon sanitaire pour rejoindre le parti de De Wever,  assurément de droite, mais sans nul doute démocrate.
Non: on préfère laisser planer le doute que Belang et N-VA, ce serait blanc bonnet ou bonnet blanc. Et ce qui me frappe, c’est toujours la stupéfaction de l’homme de la rue francophone lorsqu’il découvre, surtout ces heures-ci, qu’écolos de Groen ou socialistes du SPa (avec des syndicalistes pointus, antifacistes militants et tout) n’hésitent pas un instant à se mettre en cartel où à former des coalitions avec la N-VA. Parce que c’est, tout bonnement, un pion dérangeant mais normal du jeu démocratique en Flandre.
Souvenez-vous: au lendemain du 10 juin 2010, lorsque les politiques francophones découvraient (il n’est pas d’autre terme) la N-VA, De Wever était quasi le type super-sympa. Au fil de la crise des 541 jours, on l’a progressivement diabolisé, jusqu’à en faire un épouvantail , un repoussoir idéal. Christophe Deborsu, désormais journaliste à Vier mais wallon de tripes, n’a pas manqué de liberté d’esprit en disant l’autre jour ce qui est au “Soir”:`
" On peut voir dans l'histoire de De Wever plein de trucs bizarres, mais je suis authentiquement certain que le but de sa vie est de casser le Vlaams Belang et qu'il a réussi. C'est un très grand mérite qu'on doit lui reconnaître". Même si le premier coup a été donné par Patrick Janssens. De Wever est un démocrate pur."
On peut certes en débattre,  (y'a de quoi: l'homme a ses côtés troubles) mais le préjugé de fond est plus gros qu'une maison et trouve toujours preneur dans une opinion qui, généralement, ignore tout de l'autre Communauté. Souvenez-vous de l’enthousiasme qui avait saisi nombre de francophones après les mâles déclarations (à effet purement électoraliste) de l’OpenVLD Patrick Dewael à la Chambre, selon lequel il s’imposait surtout de ne pas s’allier avec la N-VA, quasi assimilé par le député Open VLD  à de l’extrême droite.
Depuis dimanche, les coalitions Open VLD-N-VA ont pourtant fleuri : Overijse, Alken, etc…  A commencer par Courtrai dont Vincent Van Quickenborne deviendra bourgmestre.  Précisément grâce à l’appui de cette même N-VA si décriée par Dewael ou Verhoftstadt.
Oui, on peut certes nuancer la “vague jaune” de la N-VA qui, parfois, en Flandre n’est que vaguelette. Mais oser affirmer que tout cela n’est que clapotis local et que l’atmosphère “qui est bonne, oui, l’atmosphère est bonne” ne changera en rien au 16 rue de la Loi, c’est là politique de l’autruche. Même si, pour l ’heure, les présidents des partis flamands de la coalition semblent garder leur sang-froid.

LE PIEGE FISCAL
 On sait bien que, dès les divers paquets de la réforme de l’Etat bouclés, le CD&V aura toutes les envies de claquer la porte, ayant engrangé ce qui l’intéressait.  (d’où l’astuce du Premier Ministre : procéder par phases, pour tenir autant que faire se peut les sociaux-chrétiens flamands de Wouter Beke)
Grave problème de communication:  on ne voit plus, ni le CD&V, ni surtout l’Open VLD, se suicider et accepter  pour ce qui est du budget, quelque taxation supplémentaire. Qui serait illico critiquée par De Wever, dont c'est devenu le thème majeur.  Tandis qu’à l’inverse, SPA et PS seront sous la pression non négligeable du PVDA et du PTB, dont l’émergence - il est vrai dans des endroits stratégiquement très ciblés par l’extrème-gauche- n’est tout de même pas anodine.
On peut certes se raconter des histoires en contenant ces élections communales à un niveau local.   
Par contre, on peut difficilement nier que  les élections provinciales ressemblent fort un test national. Dans ce cas, les socialistes sont en méforme et la N-VA encore un peu plus forte qu’en 2010.