Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mercredi 25 décembre 2013

Le basket-ball, ça se joue en éthique: Johan Vande Lanotte et Electrawinds. (Chronique Marianne Belgique du 15/12/13)

 
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Au Parlement, on a vu souvent des entrepreneurs se muer en politiques. Désormais, on y croise aussi des politiques qui mutent entrepreneurs. Pour le goût du pouvoir. Ou celui de l’argent. C’est que les rémunérations hyperboliques des CEO publics ou des cadres de la finance ont fait naturellement saliver d’aucuns, n’ayant pour vivre que leurs indemnités d’élus. Dont on découvre, aux hasards de l’actu, que certains ont constitué par exemple une mini-société de “conseil”: qui n’a généralement qu’un ou deux clients, genre intercommunale ou société publique. Tout comme d’autres- fréquemment des avocats élus- monnaient leur entregent et leurs carnets d’adresse. Or, si le pouvoir a ses délices, il a aussi ses poisons. Et les “affaires”, en politique, c’est un mal fulgurant. Il frappe ces temps-ci, comme un ouragan, le Vice-Premier Ministre Johan Vande Lanotte, l’homme fort du SPa, celui qu’on a surnommé “l’Empereur d’Ostende”. Bruno Tobback, le président des socialistes flamands, a beau dire sans rire “que Vande Lanotte avait fait plus pour cette ville que Léopold 2”, le coup est rude. Il s’y occupe, il est vrai, de tout, le passionné de basket-ball: de son club (sponsorisé par Telindus, d’où deux ans d’enquête du Parquet), du port (qu’il présida), de la mer (l’homme s’est fait désigner aussi Ministre de la Mer du Nord) et même du vent qui court. Ce vent qu’Electrawinds a capté dans ses filets de société d’énergie verte (éolien, biomasse, solaire), ceux-ci pêchant au fil des années des dizaines de millions d’euros publics. Et peu importe que Vande Lanotte en fut encore ou non le Président en titre: son nom suffisait à décrocher les lignes de crédit jusqu’au jour ou le système pyramidal Electrawinds a forcément chaviré.
Vous souvenez-vous, au moment de la fermeture de Ford-Genk, du discours de niveau 9 sur l’échelle de l’émotion, de la députée flamande Meyrame Kitir (issue du site limbourgeois) suppliant que l’on fasse quelque chose pour sauver l’usine historique? On fit peu: mais Electrawinds engrangea, elle, encore plein de millions d’euros: 152 au total.
Mal pris, car ce qui n’est pas illégal n’est pas forcément acceptable, car borderline du conflit d’intérêts, l’homme a lancé sa défense: ce n’est évidemment pas un hasard sir Freya Vanden Bossche a proposé soudain de média-clinquantes mesures anti-cumul auxquelles Vande Lanotte souscrit illico presto. Alors que ce qu’on reproche à Vande Lanotte n’a rien à voir avec les cumuls. C’est la vieille technique du contrefeu: “ If you can’t convince them, confuse them”.
On vous passe les péripéties du dossier: car ça n’ira pas beaucoup plus loin. D’autant plus que tous les rouages publics, pour le moins très politisés, qui ont alimenté l’entreprise foireuse en argent frais impliquent tous les autres partis, y compris la N-VA.(via le fondateur d’Electrawinds)
La Reine Fabiola a finalement eu moins de chance, avec sa Fondation, que Johan Vande Lanotte:
Fons Pereos, non plus, n’avait rien d’illégal. Cela manquait juste d’éthique élémentaire, comme les habitudes prises par  ce drogué de pouvoir qu’est Vande Lanotte qui vient de faire nommer, comme CEO surprise de la SNCB, son propre successeur à la Présidence d’Electrawinds, M. Jo Cornu.
Tiens, tout juste avant la débâcle publique. Tout comme juste avant le désastre de la Sabena, lorsque Vande Lanotte, déjà un brin léger, s’était fait rouler dans la farine par Swissair.
Johan Vande Lanotte, ce fou de basket, nous ferait plutôt penser à Lance Armstrong. Là aussi, tout le monde savait plus ou moins ce qui se passait mais nul ne voulait vraiment le voir. Parce qu’on intimidait (Vande Lanotte menace de procès, se fâche sur une journaliste de Terzake-VRT), parce qu’on rassurait. Ainsi la belle image de Johan Vande Lanotte se détricote-t-elle en Flandre à coups d’accrocs douteux, mais l’Empereur d’Ostende n’est pas encore nu.
C’est le destin de nombre de politiques. Qui se croient intouchables jusqu’au détail de trop, au tour de passe-passe de trop. Et il n’est dès lors d’autre issue que la retraite. Et la présidence du club de basket local. Ou là, on joue en éthique.

Michel HENRION