Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 13 décembre 2013

Le suicide des Télétubbies (la faiblesse de la gauche en Flandre) (Chronique de Marianne Belgique)



C’est une photo qui tourne sur les réseaux sociaux: celle de Bruno Tobback, président des socialistes flamands (SP.a), posant people et relax sur le ponton de son joli voilier. Erreur médiapolitique évidente. Qui renforce son image de “fils à papa”  (Louis Tobback, lui-même président des années nonante) et fait penser, sinon à la gauche caviar, à tout le moins à la gauche babord-sardine-à-l’huile
Pas malin. Pas bon pour un parti qui, malgré un vague relooking idéologique s’ouvrant à la liberté économique, aurait –si l’on croit les sondages- perdu encore bien des plumes électorales. A tel point que toutes les “gauches” confondues (SP.a, Groen, PVDA+) ne pèseraient plus qu’un bon 21%  au Nord du pays.
“Avec la N-VA, la Flandre a viré à droite” entend-on souvent comme antienne, versus francophone.
Vite dit. Car l’électeur qui affectionne aujourd’hui Bart De Wever est souvent celui-là même qui, il y a dix ans, votait pour « Steve Stunt » (« Steve tour de force »), entendez Steve Stevaert (qui s’adjugeait 600.000 voix de préference) Avant que ce président du SP.a n’abandonne la politique pour se lancer dans les affaires et tuer son image dans des épisodes foireux, avec ou sans sextape.
Vite dit. Car il est des nationalistes flamands au coeur à gauche qui votent momentanément N-VA, parce qu’elle leur apparaît comme le véhicule politique le plus direct pour conduire la Flandre à l’autonomie. L’exemple le plus connu est celui de Jef Turfs, ancien président du défunt Parti Communiste belge.
Vite dit: car la curiosité anatomique de la Flandre actuelle, c’est que la main qu’elle affectionne désormais, ce n’est ni la gauche, ni la droite, c’est plutôt tout simplement celle qui lui montre le chemin de l’efficacité.
Ce n’est pas la Flandre qui a tant changé: c’est l’environnement. L’effondrement de “l’Etat CVP” et surtout l’éclatement de la bulle économique qui permettait à Steve Stevaert de faire pousser les arbres jusqu’au ciel et d’offrir les transports en commun gratos…
Aujourd’hui, le storystelling qui plait en Flandre, c’est l’adaptation à la nouvelle donne de l’économie de crise. Il convient de “responsabiliser”, de “réformer”, de “restructurer” la Belgique, quasi à l’instar d’une entreprise. C’est pour ça que le discours d’un Bart De Wever fonctionne si bien en Flandre: c’est souvent ressenti comme assez peu idéologique et plutôt comme de la bonne gestion de temps de crise. C’est cela, la crise de la gauche en Flandre.
Pour les socialistes flamands, il est loin le temps ou triomphaient ceux qu’on appelait les “4 Télétubbies”, du nom de cette série pour très jeunes enfants mettant en scène les aventures de quatre personnages très colorés. A savoir  le quatuor Steve Stevaert, Patrick Janssens, Frank Vandenbroucke et Johan Vande Lanotte. Tous médiatiques, populaires, proches des flamands qui, richesse économique aidant, leur faisaient confiance.
L’emblématique Steve Stevaert évaporé, Vande Lanotte n’a cessé d’user son parti. Battu par Leterme et Verhofstadt, il propulsera une incertaine Caroline Gennez, quasi inconnue, comme successeur. Laquelle laissera comme seul souvenir d’avoir eu la riche idée d’écarter Frank Vandenbroucke, et de le renvoyer à l’Université. Quant à Patrick Janssens, son seul titre est d’être désormais l’ex-bourgmestre d’Anvers, celui battu par De Wever.
Aujourd’hui, le SP.a, sous l’influence du dernier des Télétubbies, Johan Vande Lanotte, ne donne plus que l’image d’un parti juste accro au pouvoir. Sans même prendre encore la peine de camoufler ça derrière l’un ou l’autre récit idéologique.
L’incroyable feuilleton de la nomination du CEO de la SNCB en est le témoin: Vande Lanotte, le “ministre des nominations” n’entendait y nommer qu’amie proche ou, en désespoir de cause, proche ami.
C’est le système belge qui est la police d’assurance du SP.a. Tant que le PS est fort en Wallonie, il est presque sûr de boire le pouvoir rose. Jusqu’à devenir aussi paresseux et maladroit que Tinky Winky. Ce n’est pas tant la Flandre qui a viré à droite: juste les Télétubbies qui se sont suicidés. Avec une grande efficacité.

Michel HENRION.