Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 13 décembre 2013

Le transformisme en politique: quand Elio Di Rupo était confédéraliste (chronique de Marianne Belgique du 16/11/13)


 “ Le confédéralisme, c’est un mot-valise”, lâchait il y a peu
Paul Magnette, président ff du PS,  à RTL-TVI. De fait, puisque dans la grande consigne empoussiérée où l’on remise les mots politiques d’opportunité, on peut archéologiser et dénicher un orateur qui, dans une session extraordinaire de la Chambre, l’après-midi du 14 mai 1988, se référait à l’auteur de la célèbre “Lettre au Roi” de 1912 .
“ Comme l’affirmait Jules Destrée, nous devons faire face à une grande réalité: il n’y a pas de Belge, c’est à dire que la Belgique est un Etat politique, qu’elle n’est pas une nationalité“
“La fusion des Flamands et des Wallons, artificiellement opérée en 1831, s’est avérée, au fil du temps un mélange hétérogène, parfois explosif. Et il est vain de souhaiter son maintien”.
En revanche,  poursuivait l’orateur- un certain Elio Di Rupo- l’avènement d’une Belgique fédérale ou confédérale à édifier de façon équilibrée et stable répondrait aux aspirations des deux Communautés, et chacune pourrait y tirer profit efficacement de sa différence culturelle et économique”. Vous avez bien lu: “fédérale ou confédérale”. Mais le Premier Ministre d’aujourd’hui se profilait déjà puisqu’il ajoutait cette phrase qu’il pourra tout aussi bien placer à l’envi dans la campagne électorale du printemps prochain: “ L’accord de gouvernement constitue une des dernières chances de ne pas diviser notre pays de manière anarchique”.
Qu’un politique endosse des rôles différents au fil de sa carrière, défende des opinions évolutives, rien que de plus normal.  En 1988, c’était encore l’époque du carrousel fouronnais et la Région de Bruxelles-Capitale n’avait même pas mis en place ses organes législatif et exécutif. C’est dire.
Non, le phénomène intéressant en marketing politique, c’est la rapidité avec lequel l’élu d’aujourd’hui se doit d’être flexible, adaptable. Comme l’a si bien relevé l’analyste français Christian Salmon,  “la versatilité n’est plus un défaut, ni une preuve d’opportunisme. Bien au contraire, elle est  exigée de l’homme politique qui doit se reconfigurer sans cesse pour capter l’attention”.
C’est au Nord, ou tout tourne autour du mot “confédéralisme”, que le phénomène est le plus frappant. La N-VA a mis brutalement au clair ce que ça signifiait pour elle (scindons tout, sauf ce qui est trop complexe) mais, transformisme immédiat, le discours que De Wever fait percoler est d’un engagement un brin mollasson pour ce qui est de sa concrétisation…
C’est, mine de rien, la main tendue au CD&V de Kris Peeters et à son “confédéralisme positif”, entendez surtout flou. Adaptation encore: on ne se distancie nullement du confédéralisme: on le met juste un temps dans le bon vieux frigo ronronnant trouble qui a si souvent servi à Martens, Dehaene ou Leterme. On y va, mais à un rythme moins rapide. A ce petit jeu du caméléon, c’est l’OpenVLD de Gwendolyn Rutten qui  fait le plus fort en jouant carrément l’amnésie collective. Pour un peu, on y attribuerait désormais ce point (adopté en 2002 par 128 voix contre 122) aux seuls méfaits de l’attirance d’un bar de congrès.  On y votera bientôt pour essayer de gommer le mot confédéralisme du programme bleu et y mettre en avant le “fédéralisme de coopération”. Un concept tellement coopérant qu’il postule aussi de légers détails comme la fin de la parité au gouvernement fédéral ou l’étouffoir de la sonnette d’alarme si chère aux francophones.
Mine de rien, le transformisme en  politique, tient souvent du fildeférisme. Il faudra décidément bien du talent au CD&V pour expliquer le subtil distingo entre son confédéralisme positif et celui de DeWever. Il faudra carrément du génie à l’OpenVLD  pour faire comprendre pourquoi le confédéralisme dont il ne veut plus était, au fond, bien meilleur que le confédéralisme de la N-VA.
Les conseils d’Arturo Brachetti sont les bienvenus.


Michel HENRION