Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 13 décembre 2013

Le pavois trompeur de Maggie De Block (chronique dans Marianne Belgique du 2/11/13)



La rue de la Loi a sa légende urbaine: après Tindemans, Steve Stevaert, Guy Verhofstadt, Yves Leterme, toutes ces idoles à date de péremption politique rapide, voici que serait venu le tour d’idolâtrer Maggie De Block, celle qui démoderait Bart De Wever. Ce président d’une N-VA déjà si secouée par le revirement irrité des médias flamands à son endroit, de ces rédacs chefs désormais à la recherche de la Nouvelle Star, d’un nouveau storytelling politique à vendre. A preuve, nous serine-t-on, l’irrésistible ascension de Maggie De Block, jusqu’à se glisser récemment en deuxième place sur la pavois des sondages en Flandre, juste entre Kris Peeters et Bart.
Las, la popularité, c’est un peu comme les parfums: il en est qui tiennent, d’autres bien plus légers, faits de senteurs de saisons…
C’est l’évidence: avec Maggie De Block, on est à mille lieux du culte de la personnalité suscité par un De Wever. On est plutôt dans l’histoire singulière d’une médecin entrée en politique et subitement très appréciée parce qu’elle soigne, sans prétention ni émotions apparentes, la santé électorale des libéraux du Nord. En faisant le ménage dans le secteur ô combien hypersensible en Flandre de l’asile et de l’immigration. L’homme de la rue flamand, N-VA ou Belang aidant, n’y voyait que du laxisme: l’atypique “Maggie” y fait donc son “petit possible” puisqu’elle a les mains libres. Elle n’a d’yeux que pour ses propres dossiers, ne se répand pas sans cesse dans les médias et, surtout, expulse régulièrement tout en fermant quasi toutes les portes, 
Et lorsqu’Alexandre De Croo lui abandonne le crachoir au Conseil des Ministres, c’est curieusement un personnage enjoué qui fait jovialement passer, quasi gaiement, des dossiers inflexibles qui, souvent, cachent les pires des drames humains. Sur lesquels l’équipe Di Rupo ferme plutôt les yeux puisque- cynisme politique oblige- la raison d’Etat convient d’aider les partis flamands de la majorité à contrer la N-VA. Et ce même s’il est plus que douteux que l’Open VLD puisse, en 2014, transformer en voix la popularité de Maggie.  Dont la force de conviction est d’ailleurs plutôt unilatérale. Ne pas trop compter sur Maggie Coeur de Bouillon pour convaincre la Flandre du bien-fondé de certaines complexités- afghanes ou lampedusiennes- qui ne plairaient guère à l’électeur de son coin.
C’est, en com’ politique, l’exemple-type du marketing du pseudo bon sens.
“Je ne puis tout de même pas aller enquêter moi-même en Afghanistan” a-t-elle ainsi lâché l’autre jour après le décès du jeune Aref. Bref, pas trop de raisonnements ni de considérations compliquées: vive le sens commun du flamand lambda. Le “bon sens” -celui qui est supposé naturel ou pragmatique- c’est la force de l’évidence pour Maggie, cette “ménagère qui revient du marché avec des dossiers dans son cabas”. Pour nombre de belges, “les politiques pensent trop alors qu’ils feraient mieux d’agir”: c’est là tout le secret du bouillon politique de Maggie. Même si le recours martelé au bon sens est souvent aussi un total renoncement à la pensée.
Ne pas s’illusionner: Maggie De Block n’est en rien l’impératrice de Flandre capable de succéder à un De Wever bien vivant.
Son succès, ce n’est pas une irrésistible ascension voulue: c’est une conjonction entre une politique forte d’attributions sensibles et une vraie force de travail. Que De Block se retrouve demain dans un département plus traditionnel et on prend le pari que cette popularité ne sera plus aussi hype. Oh, peut-être sera-t-elle un jour hissée à la présidence de l’OpenVLD: mais, autre phénomène, on sait aussi combien les présidents de parti flamands ne sont plus vraiment désormais ceux qui pèsent et comptent…

Michel HENRION