Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 17 mai 2010

TROUBLES DE L'ELECTION (11) / MR-FDF : UN SLOGAN PRO ET PSY QUI NE COLLE PAS AVEC SES CHEFS…(analyse de “ La garantie du respect”)



“L'intelligence n'est pas une garantie de bonne pensée. Elle ne garantit ni de l'erreur, ni des autres faiblesses humaines… [le réalisateur Jean-Michel Ribes]


C’est étrange, la vie politique: avec “ La garantie du respect”, le MR a sans doute, sur papier, le meilleur des slogans de cette campagne. Mais celui-ci ne l’empêchera pas de perdre les élections.
Oui, le MR s’est doté d’un excellent slogan, si si.
Oui, la déclinaison de sa campagne est pour l’heure plutôt très bien fichue, avec d’excellents photos  plutôt affectives et d’assez bons textes déclinant intelligemment ce thème de “la garantie du respect” pour les agriculteurs , (“Quand on aime la terre, on respecte ceux qui la travaillent”) les pensionnés, (“ Respecter nos aînés, c’est leur assurer une bonne pension”, histoire de chasser sur l'électorat PS) les insécurisés ( “ Je veux qu’on respecte mon droit de sortir sans avoir peur”, avec d’un peu trop jeunes ados bleuettes … ) ou les indépendants-travailleurs en bleu copyright MR de travail (“J’aime mon métier, je veux qu’on respecte le revenu de mon travail”)(manque juste un échantillon de restaurateur, histoire de rappeler la baisse TVA…)

Oui, c’est pro.
Oui, c’est propre.
Oui, c’est plutôt du bon boulot pub. Ca vise assez bien la cible libérale (avec le mot “ garantie”, on a presque l’impression qu’il s’agit d’un taux d’intérêt garanti du Ministère des Finances, d’un Fonds de garantie des dépôts, voire d’une "garantie avec respect"  prolongée jusqu'à 5 ans chez Mediamarkt ou autre…) et ça élargit l’électorat potentiel avec la notion très psy, très développement personnel, de “respect”. Qui n’a pas envie, effectivement, affectivement, au plus profond de soi, d’être respecté ?
Un mot émotionnel qui, ici, a en outre l’avantage de servir à tout : même et peut-être surtout à exiger des flamands le respect du droit des gens sur le territoire de la Flandre…
Le hic, c’est que le mot “respect”, ça ne loctite p’t’être pas glu glu top à l’image de Reynders ou du diabolisé Olivier Maingain…
Comme disait le philosophe, si vous voulez être respecté, commencez par être respectable et, en outre, assez costaud pour imposer le respect.
Respecter les autres est très difficile pour d’aucuns dans la mesure où, dans la majorité des cas, ils estiment avoir raison et pensent que leur façon de se comporter est quasi irréprochable.
A escopetter si violemment Elio di Rupo ou à Joelle Milquet, bien au delà des normes de la “politiétiquette”, à tant le prendre de haut,  à tant humilier – au sens psy du terme, c’est à dire être placé contre son gré et souvent de façon profondément douloureuse dans une situation qui est nettement inférieure à ce que vous, vous pensez mériter – Reynders ne suscite pas vraiment, à tort ou à raison, l’image d’un homme “respectueux” des autres.

Donc, un bon, un très bon slogan mais qui, porté par la personnalité de l’actuel Président du MR, souffre clairement d’un biais de crédibilité.
Il y aurait d’ailleurs assurément un roman stendhalien à écrire sur le très étrange destin de Didier Reynders qui, aux précédentes législatives, avait réussi l’impensable exploit de rafler au PS la place de premier parti de Wallonie, devenant le phare lumineux de la pensée du libéralisme gagnant.
Une victoire incontestablement historique mais qui se déglinguera dans les péripéties de l’interminable crise dite de “l’orange bleue”, s’effritera dans un cumul déraisonnable, s’engluera dans les oeillères de l’ego et d’un entourage par trop domestique, se délitera dans le bigntz Fortis et s’évanouira dans l’incroyable crise de zizanie interne du MR, parti salle de bal des plus folles rivalités et des ambitions percutantes du bulbe.
Certes, la vie politique, c’est de la cruauté pure.
Certes, la vie politique est faite de descente aux enfers et parfois de rétablissements miraculeux.
Certes, c’est peut-être dramatiquement injuste, mais chacun observe que pour l’heure, par un revirement médiatique boomerang dû largement à son comportement humain, le grand vainqueur de 2007 en arrive aujourd’hui à presque chkoumouner  son mouvement.
Alors, ce goût pour la communication politique clinquante autant que dépassée, ces images de congrès à l’américaine version fête au Camping 2, ce numéro éculé du leader bleu rassemblant yeah yeah on-va-gagner-regardez-comme-on-est beaux-zé-dynamiques ses troupes bleues star academiantes sur la scène, bizarrement, çà ne passe plus. Plus du tout. C’est plus l’époque, hé. Ca sonne tout faux, en com. Tout faux cul interne aussi.
Le chef va s’effacer après ces législatives: il y a été contraint : il l’a promis: il s’interroge bien sûr et navigue bien entendu pour son avenir perso. En changeant de ton,
en ne provoquant plus trop ( il ne résiste cependant pas au plaisir de publier un Tweet sur le "bain social des socialistes en Europe du Sud"), en  tentant de renouer tant bien que mal des liens politiques malmenés.
Mais en attendant, car il a ça dans le sang, car il n’est jamais aussi bon que quand il est contesté,  il essaie de prouver qu’il est encore fortiche à défaut d’être fort. Car, en politique, on assassine encore plus vite celui qui se laisse aller au doute, à la faiblesse.
Donc, Didier Reynders joue, c’est assez malin, ça peut lui sauver des meubles, un de ses seuls atouts possibles : se montrer davantage francophonissime (on n’a pas dit “wallon”) que les autres partis du Sud, tantôt mous, tantôt attentistes, tantôt lâches, tantôt dans la science-fiction belgicaine (à peine plus, pour rappel, que 1830 manifestants dimanche…) pour ce qui est du communautaire et de la réforme de l’état.

Donc, malgré les tensions suscitées au MR par l’expansion du FDF en Wallonie, Reynders table sur le discours francophone ferme, et il est vrai assez cohérent, d’Olivier Maingain pour, radicalisation flamande et menaces sur Bruxelles et périphérie aidant, (ci-contre une affiche du FDF d'antan, lorsque la sociologie de Bruxelles était très différente...) décrocher une belle victoire  (qui sera en fait celle du FDF) dans la capitale. Et peut-être, en Wallonie, récolter les voix de ceux qui sont déçus de voir le PS ranger par trop le coq wallon au magasin aux accessoires…

De quoi peut-être limiter, pour le MR, la chute de 2010 après le triomphe de 2007.
Comme quoi il n'y a pas grand-chose dans cette vie qui soit vraiment garanti.
Surtout si on oublie de lire les petits caractères en bas de page politique.