Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 5 juillet 2011

En com’, le séducteur Di Rupo crée la “bonne actualité” : mais le ressac risque de faire déguster des “cerises noires” au président du PS.

Constat de communication: Elio Di Rupo n’a pas seulement fait l’actualité, il a surtout réussi à créer la “bonne actualité”.
Sa “déclaration gouvernementale”- il n’est pas d’autre mot- est tombée à pic.
Du moins pour ce qui est d’une certaine opinion publique, lassée, fatiguée et inquiète d’une interminable année de crise.
Du moins pour ce qui est du “temps des médias”, d’évidence preneurs d’autre chose que les éternelles “petites phrases” de Bart De Wever ou d’Olivier Maingain.
On frise d’ailleurs la confusion: pour un peu, ce mardi matin (05/07), à lire certaines “ Une” de quotidiens, on pourrait croire qu’Elio Di Rupo est déjà Premier Ministre -une ambition de toujours désormais clairement dévoilée 66 minutes durant- et que les mesures dites “de rigueur” sont bonnes pour parution imminente au “Moniteur belge”.
C’est que Di Rupo joue, jusqu’à la caricature, sur l’attractivité du personnage qu’il s’est construit: l’homme d’Etat responsable “qui aime son pays”.
Di Rupo, c’est le séducteur au vrai sens latin du terme: celui qui “amène à soi”, qui use avec une grande habileté de son regard, de son ton empathique, de son regard de bonne volonté, de ses gestes théâtraux pour tenter d’emporter l’adhésion de l’autre.
Trucs, néerlandais amélioré et ficelles de com’ à l’appui: ah, l’exemple choisi  de “l’arrachage de sac à main” pour ce qui est de la Justice, ah les 250€ quasi cash dans votre poche, ah les 250.000 emplois nouveaux, ah ces recommandations européennes à argument variable, ah cette presque blague de la diminution de 5% des salaires ministériels, ah ces pensions dont on veille à ce qu’elles “ puissent encore être payées” alors qu’elles se devraient surtout d’être augmentées, du moins pour certaines…
C’est évident de com’: la brique de Di Rupo a réussi- par ce que ce document fouillé postule comme travail, technicité et analyse- à guider pas mal de médias, jusqu’aux plus hostiles, là ou le formateur voulait subtilement les amener. C’est à dire au plus loin. Genre qui pourrait faire mieux hein, chiche ?
Réussissant presque à faire oublier ce léger détail que ce formateur n’a toujours aucune coalition déclarée.
Et qu’il manque toujours à toutes ces notes la seule chose qui importe en politique: une dynamique.
Qui ne viendra assurément pas de la N-VA, sauf dans l’hypothèse improbable ou, dans une enième tentative d’éviter le retour aux urnes, le formateur passait le flambeau à Bart De Wever himself, toujours d’évidence aux aguets d’un premier rôle.
C’est d’ailleurs très intéressant de mettre aujourd’hui côte à côte le document Di Rupo et feu le document de Bart De Wever, si vite balayé, si politiquement pulvérisé en son temps. On sent bien que, l’été dernier, dans les désormais historiques entretiens de Vollezele, des visions influentes et communes s’étaient dégagées, notamment sur BHV.
Mais qui ne serviront plus guère à convaincre la N-VA, dont on imagine mal un congrès avaliser ce qui leur apparaîtra sans nul doute comme un centre de gravité encore par trop belgo-belge. Chargé en plus d’une inacceptable “circonscription fédérale” fut-elle rikiki.
Allez, sous des dehors boostés, Di Rupo a présenté en fait un compromis à la belge assez “classique des classiques”, dans la grande tradition des accords de toujours entre partis politiques traditionnels. Et pensant curieusement peu aux Verts de Groen! ou d'Ecolo: pas une ligne sur Fukushima, qui poussera peut-être pourtant un jour ses volutes de Césium jusqu’aux côtes européennes…
Un texte dont l’avenir politique se cache sans nul doute dans les contacts privés et confidentiels tissés par le formateur et dont lui seul connaît les secrets.
D'ici là, après le temps des médias, viendra incessamment celui du ressac. Des réactions des lobbys, des groupes de pression en tout genre. C’est imminent. Ca va déferler.
Et là, on s’interroge: même s’il ne touche évidemment pas à l’indexation, même s’il
s’épargne (tout comme la N-VA !) le risque d’attenter à la pension à 65 ans, même si la rigueur passe par des “niches”, Elio Di Rupo a tout de même pris le risque d’une  opposition sociale, d’une forte mauvaise humeur syndicale.
Un froid avec la FGTB, une des branches du mouvement socialiste, qui n’est pas électoralement idéal pour un président du PS s’il imaginait réellement un scrutin législatif se profiler à l’horizon.
Tiens, à Liège, la FGTB a déjà donné un nom presque poétique à cette contestation naissante.
C’est le “temps des cerises noires.”
Et peut-être des gros pépins.