Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 11 janvier 2014

Le vrai candidat au 16, rue de la Loi: Koen Geens, pas Maggie. (paru dans Marianne Belgique du 4/1/2013))

 

La rue de la Loi vit sur des sables mouvants. Car, au delà de tous les effets de manche pré-électoraux, il n’y a qu’une seule chose bien tangible qui comptera au soir du 25 mai prochain: les pourcentages des urnes. Car ce n’est nullement la popularité qui décide d’un Premier Ministre: et cela vaut tant pour une Maggie De Block qu’un Elio Di Rupo. Ce dernier étant le premier à savoir qu’il ne doit sa présence  au 16 rue de la Loi qu’à un fort résultat du PS -qui n’est plus garanti en 2014- et à une conjonction politique rare, quasi miraculeuse. Et l’homme a assurément visionné, il y a quelques mois, cette émission de la chaîne flamande “Vier” ou des présidents des partis flamands se claquaient plus ou moins pudiquement les cuisses à la seule idée d’un “Di Rupo 2”…
Question tabou: à défaut de Di Rupo, qui d’autre?
C’est parce que cette question existe qu’il importe de prêter beaucoup d’attention à Koen Geens, le poulain du véritable “numero uno” des démocrates chrétiens flamands, entendez Kris Peeters.  Ce professeur de la KUL devenu inopinément ministre des Finances et  à qui Didier Reynders- qui n’a guère le compliment facile et ne fait que peu par hasard- décernait encore l’autre jour une bonne note de sept sur dix chez Pascal Vrebos.
Parachuté en mars dernier pour succéder au falot Steven Vanackere, qui trébuchait sur le scandale Belfius-Dexia-ACW (un trop fort cordon ombilical avec les intérêts du Mouvement Ouvrier Chrétien flamand), cet avocat d’affaires est- avec Jean-Pascal Labille du côté francophone- la vraie révélation politique de l’année écoulée.
Avec une ambition chevillée au corps mais soigneusement masquée dans le plus pur style d’un Herman Van Rompuy. Vous savez bien:  ce petit homme si fluet si discret, que nul n’aurait parié un euro qu’il serait aujourd’hui Président de l’Europe.
L’ex-pilote très flamand de «Flandre en action», ce  projet qui entend faire du Nord une des plus dynamiques régions de l’Union européenne à l’horizon 2020, est clairement un politique pour le moins doué. C’est que l’homme a une aisance rhétorique qui lui permet assurément de tenir tête  à Bart De Wever, roi du genre. C’est que l’homme a de l’humour, le goût de l’auto-dérision et surtout le don du feeling politique, pas  si répandu que ça dans les partis.
C’est passé quelque peu inaperçu dans les médias francophones, mais la manière dont Koen Geens a manoeuvré pour ce qui est de ses récentes propositions fiscales contrées par les libéraux flamands (carnets d’épargne, etc) , la façon dont il a in fine gagné la bataille de la com’ et de la perception, est assez médiapolitiquement passionnante.
Forcé au compromis (en avoir le sens, c’est toujours noble, ça, en Belgique), son brio, son bagoût ont transformé la reculade obligée en mini-victoire politique. Aux frais de l’OpenVLD, photographiée comme se cantonnant à de stupides  petits jeux pré-électoraux, comme une formation se trompant à chaque fois de bataille. Qui ne pipe mot lorsque le SPa John Crombez laisse entendre que les patrons de PME sont de joyeux fraudeurs mais qui s’égare à faire échouer tout le symbolique “plan anti-alcool”.
Or, chaque jour qui passe montre que, mine de rien, feu le cartel CD&V-N-VA a tout du mort bien vivant. Surtout dès qu’il s’agit de socio-économique, qui sera assurément le grand thème dominant de la campagne électorale d’après 6ème réforme de l’Etat.
On peut multiplier les hypothèses de coalition: une chose paraît claire. Fut-il diminué, le CD&V a de bonnes chances de se retrouver au coeur du jeu, pouvant faire pencher la balance vers le centre droit, le centre gauche, voire même une improbable coalition qui mixerait N-VA et PS.
Pour Kris Peeters, le stratego a de quoi faire rêver: lui-même se maintenant comme Premier Ministre flamand et son ancien chef de cabinet et ami susceptible de ramener le “16” àcelui qui se considère comme seul habilité à s’y installer: le CD&V.
Maggie De Block n’est qu’un pur produit de circonstances: Koen Geens “is the real deal” .
Si pas en 2014, à l’étape suivante.

Michel HENRION