Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 28 mars 2014

Contrôle des dépenses électorales: petits arrangements entre ennemis. (MBelgique du 14/03/2014)

A-t-on vraiment moralisé les campagnes électorales? Le lent cheminement qui a mis, depuis 1989, davantage d’éthique dans les élections a-t-il vraiment porté ses fruits? Pour ce qui est du financement des partis, assurément. L’époque ou les entreprises allaient déposer tour à tour des enveloppes dans tous les partis influents est clairement révolue. Pour ce qui est des moeurs politiques, ça se discute. Car il convient de  rappeler que l’idée de départ était on ne peut plus noble: il s’agissait de “faire en sorte -on cite- que l’électeur se prononce en faveur de l’un ou l’autre parti politique ou candidat en fonction de leur valeur et de leur projet politique et non en raison du caractère plus ou moins tapageur, voire racoleur, de la publicité qui leur est faite”. Bof, bof. D’abord parce que les partis, désormais financés par l’Etat selon le nombre de votes récoltés, ont souvent préféré engranger comme l’écureuil (histoire d’assurer leurs arrières en cas de ressac) plutôt que de dépenser leurs sous dans des campagnes de com’ intermédiaires. C’est idiot mais c’est ainsi: d’ici ce 25 mai, vous verrez toujours des partis dépenser des montants énormes jusqu’à l’absurde de la limite légale. (les 999.662€ du CD&V en 2010 sont, en soi, un poème) Au lieu de communiquer lorsque le paysage politique est libre: et que les esprits peuvent dès lors être mieux sensibilisés à la “valeur du projet” d’un parti.
Ensuite et surtout parce que toutes les Commissions parlementaires de Contrôle mises en place souffrent d’un défaut d’évidence rhédibitoire: à savoir qu’elles n’arrivent guère à vraiment sévir contre leurs pairs. On s’y tient par la barbichette jusqu’à y passer muscade. Le summum du genre étant, il y a quelques années, au Parlement fédéral, l’absence volontaire de quorum requis au moment de dénoncer des infractions au Parquet….
Fouillez dans les documents parlementaires:  hormis les rapports finaux, ils sont rares, le huis-clos étant quasi la règle. Chut: c’est entre nous.
Et donc, tant qu’à faire, il serait moins hypocrite de parler plutôt de “Commissions de Constat des Dépenses Electorales.”
On y rame surtout pour faire juste respecter les procédures de la loi. Il faut ainsi toujours des centaines de lettres  pour rappeler banalement aux partis (les petites listes, parfois un peu folklo) et candidats qu’ils doivent tous rentrer une déclaration de dépenses électorales, même si c’est zéro euro. (en 2010, 28% des partis et 16% des candidats ont carrément ignoré cette disposition légale)
Conséquence? De mineure, la triche redevient parfois insolente. Parce qu’au delà de ce climat de petits arrangements entre ennemis politiques, l’article censé menacer ceux qui violeraient la loi au triple scrutin de ce 25 mai  ne rime à rien dans la pratique. Au pire une amende ou une peine de prison excessivement théorique. Il n’y a que pour les élections communales que le législateur a opté pour une sanction atomique: la fin du mandat, le seul truc vraiment dissuasif pour un politique pro. (un bourgmestre MR de Woluwé St Pierre perdit, en son temps, son trône local pour avoir transformé son Bulletin Communal en tract pour Corée du Nord)
Il y a un énorme hiatus entre ce que risque un candidat tricheur aux élections régionales et fédérales et aux scrutins locaux.
Ainsi, il y a quatre ans, deux candidats liégeois du PS, et pas des moindres (Alain Mathot et feu Michel Daerden) avaient-ils décidé de se moquer de la loi comme de leur premier seau de colle électoral. Alors qu’une des dispositions-clés est l’interdiction absolue de s’afficher électoralement sur plus de 4m2, on vit circuler des méga-véhicules aux affiches géantes (36m2) de ces deux candidats.
C’était violer la loi jusqu’à l’os.
Pourtant, quatre ans et une nouvelle élection plus tard, on n’a vu ni entendu la moindre conséquence à ce bafouement néanderthalien délibéré de la loi. Et nul n’a eu l’idée, en quatre ans, de modifier la loi fédérale de 1989 pour y inscrire, comme pour les communales, la sanction de la déchéance du mandat.
On savait que la loi de 1989 avait déjà fort vieilli. Pire: d’aucuns se hasardent désormais à la narguer. Délibérément.

Michel HENRION

lundi 17 mars 2014

La pandémie des promesses électorales.

 
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On se pince: est-on dans un rêve éveillé? On sait bien que tout politique, au pouvoir ou en campagne, se doit de composer avec la vérité, de s’adapter aux demandes du public électoral. Mais, en ce début 2014, le constat vire farfelingue
Il n’est qu’une réalité brutale: les caisses sont vides. Nos élus sont les premiers à le savoir mais n’en continuent pas moins à nous bombarder de plans et promesses par milliards de milliards. Comme au bon vieux temps, lorsque l’Europe n’imposait pas ses controversées trajectoires budgétaires. On peut apprécier ou non Laurette Onkelinx mais force est de constater qu’elle est jusqu’ici la seule  à avoir mis les pieds dans le plat. A savoir que le prochain gouvernement- et ce quel qu’il soit- devra, selon les impératifs européens, encore d’abord nous pomper pour pas moins d’au moins…14 millards d’€ d’ici 2019. Et ce alors que pas mal de mesures prises par l’équipée Di Rupo impliquent déjà  -outre les lourds effets à retardement de la 6ème réforme de l’Etat- de solides factures (notamment les paquets de millions censés huiler les rouages du statut unique ouvrier-employés)
Ca n’empêche pas nombre de partis de multiplier les feintes-à-Jules et les  cadeaux fiscaux, très tendance ces temps-ci pour l’emballage électoral. Mais lorsque vous posez la question qui tue (“dites, puisqu’il faudra raper 14 mia d’€ qui vont faire mal, ou allez-vous dénicher les sous pour réaliser toutes ces belles promesses?”) vous n’avez droit qu’à des réponses vagues causant d’ “effet retour”, de lutte contre la fraude fiscale (sur 2000 mia de fraude débusquée, on n’en récupère en fait jamais que 10%) ou de “chasse aux gaspi”, vous savez le truc si efficace qu’il prive juste les commissariats de papier-toilette pour amuser le bon peuple...
Dommage que le droit romain ne soit plus d’application. Car celui-ci prévoyait des pénalités financières pour l’élu récalcitrant à la tenue de ses promesses, que même ses héritiers étaient tenus d’honorer. Aujourd’hui, c’est le règne de la détestable formule cynique selon laquelle “les promesses n’engagent que ceux qui y croient”. Avec comme effet pervers que l’électeur se méfie, prend de plus en plus son autonomie, se laissant tenter par le vote de rejet, celui qui vient des tripes. C’est bien connu: les électeurs veulent soit du changement, soit exprimer une opinion. C’est à dire, de nos jours, souvent du mécontentement.
Comment y voir clair?  L’autre jour, le président du MR proposait de faire factchecker les chiffres des programmes des partis par la brave Cour des Comptes. Un peu court comme comptes:  car le risque évident est alors de déboucher sur une “gestionnarisation” du débat politique. Tout ne se vaut pas et la formule la plus “low cost” n’est pas forcément la meilleure pour le citoyen.
La formule hollandaise, une des rares du genre au monde, est bien plus intelligente. Puisque la politique, c’est surtout faire de bons choix , un organisme vraiment indépendant (si,si) y calcule tous les impacts réels (économique, environnemental, etc) des idées de la dizaine de partis en lice.  Qui ont évidemment tendance à sous-estimer les coûts et à  surestimer les avantages à court terme. Ainsi, au Pays Bas, a-t-on vertement épinglé, entre les lignes, le projet fermenté de la calbombe d’un parti  de réduire, mine de rien, de 50%  la pension de retraités vivant avec trois autres adultes…
Une information vraiment fouillée et indépendante sur les programmes électoraux est de plus en plus une nécessité démocratique. A condition de dépasser la fausse logique selon laquelle tout se vaudrait. Et qu’on pourrait donc, en cette période d’austérité, couper dans tout jusqu’à, parfois, l’essentiel. Entendez cette Sécurité Sociale, qui est somme toute le dernier lien entre les belges.


Miche HENRION

dimanche 9 mars 2014

BYE, BYE, DI RUPO ? (Un Premier Ministre peu stabilisé) (chronique parue dans Marianne Belgique)


-->Le Premier Ministre a choisi définitivement sa partition politique et sa musique de campagne. L’homme, qu’on a souvent comparé à un chanteur d’opéra, répétera inlassablement –comme dans les choeurs de La Monnaie- l’élément de langage selon lequel son gouvernement a “stabilisé le pays”.
Paradoxe total: car c’est précisément une forte instabilité qui serait le meilleur -sinon le seul- atout pour que l’homme arrive à se succéder à lui-même dans un hypothétique Di Rupo 2.
C’est que l’opinion publique wallonne et bruxelloise est tellement assoupie que l’homme de la rue est souvent benoîtement persuadé que le papillon ne peut que poursuivre, quasi automatiquement, son vol politique. Le sérail, lui, sait que s’il y a bien quelque chose qui n’est pas du tout stabilisé, c’est bien Elio Di Rupo lui-même au 16 rue de la Loi.  Et les pronostics, s’ils varient selon les observateurs, donnent pour l’heure seulement de 2 à 5 chances sur 10 (les vraiment très optimistes) à Di Rupo de se succéder à lui-même cette fois pour carrément cinq ans, élément de durée pas anodin. Décryptage en dix points pour mieux comprendre l’enjeu:

1) Il est une règle élémentaire en politique: ne jamais avouer ses ambitions brûlantes. D’ailleurs, si l’on n’en a point, mieux vaut choisir illico un tout autre métier. La vérité crue est que l’ambitieux Elio- qui  risqua jadis l’exclusion du sacro-saint parti- a toujours rêvé de le conquérir, ce 16 rue de la Loi. Il n’y est pas arrivé “par hasard”, quoiqu’il en dise. Nul doute là-dessus: pas plus sur le fait qu’il fera évidemment tout, avec l’acharnement inlassable qui est le sien, pour y rester.
Ce qui est vrai, avec le recul,  c’est qu’il est déjà assez invraisemblable qu’il y soit parvenu. “Cela a été le résultat d’une situation donnée”, disait-il l’autre jour à Pascal Vrebos, faisant allusion aux 511 jours de  la folle crise d’après le scrutin de 2010. C’est on ne peut plus exact.
2) C’est aussi tout son problème. Car en Flandre, tous les partis, jusqu’à la N-VA, se focalisent désormais uniment sur le socio-économique. Ce que certains appellent, un brin pompeusement, les “années Di Rupo” sont juste considérées au Nord comme une période de crise institutionnelle et exceptionnelle désormais quasi périmée. Raisonnement basic: puisqu’on en est sorti, retour au “business as usual”.
Place à la lutte pour la compétitivité de l’industrie, qui, tiens,  est au Nord.
Et plus de bonne raison de “tolérer” un socialiste, en outre wallon, comme Premier Ministre.
3) Il faut bien photographier ceci: que la Flandre (60% des belges) va voter largement au centre-droit, d’ailleurs parfois très droit. Toutes les gauches confondues (socialistes du SPa en capilotade, écologistes de Groen, gauchos du PVDA+) ne représenteraient plus que 21% de l’ électorat flamand.
Conclusion: ce sera vachement plus difficile de faire avaler à la Flandre la seule idée qu’un socialiste wallon redevienne à nouveau locataire du Seize, là où le CD&V se sent tellement chez lui.
Tout se résume par un rire: celui qui échappa, il y a quelques mois, à une joyeuse bande de politiques flamands de haut niveau sur le plateau de la chaîne flamande Vier: “Un Di Rupo 2?” Esclaffement général, comme pour une blague de Bert Kruismans. Et hautement révélateur.

4) Oh, ce n’est pas qu’il n’y ait pas mis du sien, “Elio”, comme on dit aussi désormais en Flandre. On lui y sait gré de ses efforts pour causer un néerlandais devenu même tellement acceptable qu’il s’est risqué à apparaître dans quelques-uns de ces talk-shows télé si populaires en Flandre et qui échappent un peu à la compréhension francophone. C’est que les politiques du Nord s’en servent avant tout pour apparaître comme des “gens normaux”. Pour montrer qu’ils ont, tantôt de l’humour, tantôt de petits défauts sympa, tantôt des émotions. Le hic, c’est  que le style Di Rupo est plutôt de tout maîtriser jusqu’à l’obsession. Une mécanique faite de gestes attendus, de discours prudents ou juste répétitifs, qui produit peu de cette authenticité si recherchée par les flamands. (à RTL-TVI, parfois les mêmes réponses mot pour mot que lors de son dernier passage d’il y a un an et demi)
Certes, l’homme a déroulé inlassablement jusqu’à l’excès le storytelling de son enfance d’immigré, certes il a montré à toutes les caméras la valise-relique en carton de son papa ou (sur Vier) la charrue de son grand-père, mais c’était toujours Elio le Premier Ministre, pas Elio le bon gars qui vient de Mons. Certes, il s’est un peu dénudé (changement de chemise) pour les reportages intimistes de ”Kroost” (Vier), mais ce n’est pas pour autant une mise à nu.
On le voit au foot, mais aime-t-il vraiment le ballon rond? Il est gay assumé mais, bizarrement, il n’aime apparemment guère en parler. (Qu’est-ce qui le passionne en dehors du pouvoir? A-t-il un coeur qui bat parfois la chamade, un esprit qui chavire?)
Si fortiche en communication, Di Rupo n’a pas saisi cet angle typiquement flamand: les “bekende vlamingen” populaires (Tom Boonen, Kim Cleysters, Tia Hellebaut, Sven Nys…) se comportent  comme des people modestes. Di Rupo est resté dans sa fonction de “Monsieur Belgique”, avec une com’ parfois vite pompeuse. D’ou la réaction fréquente: mais pour qui se prend-il ce “Mandela à la belge”?  Adepte a ses heures du même style présidentiel -largement moqué par les cartoonistes du Nord pour son souci d’être vu partout- le Ministre-Président flamand Kris Peeters veille bien, lui, à compenser en joyeux divertissements parfois ras du gazon.

5)Tiens, parlons-en d’ailleurs de Kris Peeters, le “numero uno”, le George Clooney, l’ “acteur” (le mot adéquat) principal d’un CD&V qui tient largement dans ses mains le devenir d’Elio Di Rupo.
A qui, élément peu relevé, les sociaux-chrétiens n’ont pas vraiment pardonné les votes sur l’extension de l’euthanasie aux mineurs par une majorité éthique alternative (dont la N-VA). Ca laisse, mine de rien, autant de traces chez les sociaux-chrétiens que, jadis, l’octroi du droit de vote des étrangers pour les libéraux du Nord.
Et le CD&V, qui est tout sauf unanime, a du coup plein de fers au feu possibles, sur base d’un objectif principal bien établi: Kris Peeters doit rempiler comme Premier Ministre de Flandre. (là où il y aura désormais, tout comme d’ailleurs en Wallonie, 70% des compétences).
-Premier fer au feu possible: l’idée risquée et largement hasardeuse (à nouveau pas de majorité au Nord) d’une tripartite qui rejeterait la N-VA pour cinq ans partout dans l’opposition, avec l’espoir d’envoyer ainsi définitivement  ad patres Bart De Wever et ses troupes. Un cadeau que le CD&V emballerait forcément du ruban du 16 rue de la Loi: pour la révélation Koen Geens par exemple. Accessoirement, tiens, l’ex-chef de Cabinet et meilleur pote de Kris Peeters, au profil acceptable par tous les partis.
-Second fer au eu possible: Kris Peeters et Bart De Wever concrétisent leurs fleurets mouchetés de scrutin de St Valentin (les deux hommes veillent quasi amoureusement et prudemment à ne jamais s’étriper) et ledit Peeters prend la tête d’un gouvernement flamand assez parfumé au confédéralisme. Avec une sorte de Ministre-Président bis zyeutant tout depuis l’Hôtel de Ville d’Anvers sans prendre trop de responsabilités finales. (et peut-être Liesbeth Homans, l’indispensable bras droit de De Wever, en relais direct comme ministre N-VA). Une bonne question alors: quelles garanties la N-VA obtiendrait-elle d’accompagner à son tour, le jour venu, le CD&V au gouvernement fédéral? Vous savez, le truc qui prend plein de temps à se former en Belgique alors qu’un gouvernement régional, ça peut se nouer fissa (on rappelle que Kris Peeters avait déjà laissé Herman Van Rompuy se débrouiller au fédéral, bouclant sans se gêner son propre gouvernement flamand)
Bref, retenez ceci: ce qui se passera pour former le Gouvernement flamand sera caital pour déterminer qui sera au 16 rue de la Loi.

6) Le fameux élément de langage “Laissons la parole aux électeurs” est souvent une formule toute faite pour crédules. Pourtant, le 25 mai, l’avenir d’Elio Di Rupo pourrait bien être suspendu, cette fois, a peu de choses: genre à 1% ou 2% de plus ou de moins pour l’un ou l’autre parti.
Exemple: cette N-VA qui apparaît en bonne forme, comme l’évident pari perdu de l’équipe Di Rupo qui proclamait jadis “qu’on la jugerait à l’aune du recul de la
 N-VA”. Si, ce fut dit. Reste à voir si la N-VA prendra cette fois, selon l’expression anversoise, le “tram 2” (cantonnée dans la vingtaine de %) ou le “tram 3” (plus de 30% au lieu des 28,6% de 2010).
Et qu’arriverait-il si le CD&V, aujourd’hui si confiant, (finalement le seul parti flamand de la majorité à apparaître en léger mieux) se ramassait subitement une claque?
Et quid des libéraux du Nord -cible première de l’autre parti libéral qu’est la N-VA- et du Sud, avec un Didier Reynders en sérieuse embuscade. Et qui finit par user son rasoir à rêver chaque matin d’être Premier Ministre, avec, si l’ouverture se faisait, l’appui évident de son parti.
C’est l’effet-papillon: un petit malus ou bonus électoral peut avoir un formidable impact sur le choix du Premier Ministre des cinq années à venir.


7) Autre paradoxe: si Elio Di Rupo est assurément très populaire, cela ne se traduit pas en retombées positives pour le PS, dont il est pourtant toujours président en titre.
Que du contraire. De baromètre en baromètre, la température des sondages est plutôt fraîche: juste en dessous ou juste au dessus des 30%, bref loin derrière les 36% de 2010.
En interne, on y table beaucoup sur la mobilisation de campagne, un “effet Di Rupo”, pour remonter le courant électoral en dernière minute, histoire de préserver techniquement un max de sièges dans cet enjeu devenu crucial qu’est le vote pour la Chambre (ou on retrouvera désormais physiquement Bart De Wever, c’est dire).
Espoir complexe. Si le Hainaut socialiste apparaît en ordre de marche, la situation liégeoise suscite bien des insomnies au Bd de l’Empereur. Non seulement les camarades du cru se querellent-ils pour de pures raisons intrapersonnelles (les couteaux tirés allant jusqu’à retrancher des listes le ministre Jean-Pascal Labille, pourtant porteur en voix du fort réseau d’influence des mutualités…) mais encore certains d’entre eux, et pas qu’un, risquent-ils le coup de tonnerre de foudres judiciaires. Le spectre du cauchemar carolo de 2007 rode toujours: cette fois en bords de Meuse. Et il fait presque davantage peur à d’aucuns, d’ici le 25 mai,  que la grille d’analyse marxiste du botaniste ornithologue Raoul Hedebouw et de son PTBGo, si mis en avant -c’est de bonne guerre électorale- par les libéraux.
8) En fait, ce que d’aucuns redoutent, au PS, c’est ce phénomène électoral qu’on ne voit parfois même pas venir dans les Etats-Majors: celui de la “bonne claque”, celui du sympathisant traditionnel qui, pour une fois, entend donner une “bonne petite leçon” à ses élus habituels. C’est qu’au nom de la lutte contre la N-VA et, partant, du soutien aux partis flamands, les militants ont l’impression d’avoir souvent du avaler de  bien grosses couleuvres du genre “Serpents dans l’avion socialiste”. En confidence, bien des élus locaux vous confessent qu’ils ont parfois bien du mal à endiguer certaines colères. Marginalement pour ce qui est de Maggie De Block ou du sort réservé aux réfugiés afghans (les rangs du PS ne sont plus préservés des xénophobes) Mais plus massivement pour ce qui est de l’exclusion, du sort réservé aux chômeurs et cohabitants wallons, et pas que des jeunes. Vrai danger social à retardement puisque, lorsque le dernier filet de sécurité sociale se troue, c’est vers la solidarité familiale que tout le poids est reporté. Que la FGTB wallonne organise des manifestations sur le sujet à quelques semaines d’ élections cruciales, on a connu meilleur climat chez les camarades.

9) Ce n’est assurément pas par hasard si Elio Di Rupo, l’autre jour, chez Pascal Vrebos, sur RTL-TVI,  a repris le rôle du socialiste protecteur des faibles, agitant le “bouclier social” de la grande mythologie publicitaire du POB , du PSB et du PS. Il se dit que le Premier Ministre a parfois été en interrogation quant à son successeur ff, Paul Magnette, notamment lorsque celui-ci a lâché son intention de taxer les loyers; et ce à la veille d’un enjeu qui ne souffre cyniquement pas la moindre gaffe, même si l’on n’en pense pas moins.
Comme si Magnette avait perdu de vue que ce qu’une bonne partie de l’électorat du PS veut d’abord, ce n’est pas forcément qu’on s’en prenne aux riches, aux banquiers et autres nantis. Ce qu’il veut surtout, c’est qu’on aide classiquement les pensionnés, les plus démunis, les pauvres.

10) Voici donc le destin d’ Elio Di Rupo Premier Ministre suspendu à un fil noué d’inconnues. Avec deux jokers en poche:
--Sa position et ses relais lui permettront sans doute d’opter, s’il le faut, vers la voie classique du reclassement des politiques belges de quelque importance: l’Europe ou l’International.
--Quoi qu’il advienne aux élections, il est assuré de rester un temps Premier Ministre d’un pays en affaires courantes. Dont les citoyens sont déjà inondés d’insensées  promesses électorales par milliards. Comme si les politiques gommaient pour l’électeur cette cruelle réalité: les caisses sont vides.
Donc, dès le 26 mai, on prend le pari que vous entendrez le discours sur la nécessité de former un gouvernement asap (“aussi vite que possible”) pour éviter tout déraillement , tout dérapage de la situation budgétaire. De quoi augmenter un chouia les chances d’un Di Rupo 2.
Même si la “recette belge” a d’évidence plein de grumeaux.

Michel HENRION