Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 28 octobre 2014

L’improbable reconversion fédérale des nationalistes de Bart De Wever (MBelgique 17/10/14)




En politique, tout est image. Et l’oeil du citoyen lambda compte souvent plus que la pensée. Lorsqu’ils ont découvert la photo, les images du nouveau gouvernement Michel, le wallon et le bruxellois ont eu d’évidence un sentiment d’étrangeté
C’était le remake de la Télé des Inconnus. Avec d’abord cette panoplie de nouveaux promus MR sortant soudain des frontières de leur fief électoral. Avec surtout la présence massive de tous ces nouveaux ministres fédéraux de la N-VA, aux rires un peu trop nerveux. Et surtout bizarrement parfumés “trop flamands”, bien plus flamands en quelque sorte que les ministres flamands de comme-d’habitude auxquels le wallon ou le bruxellois est habitué. Oh, sans doute les plus âgés se souviennent-ils d’Hugo Schiltz ou de Jef Valkeniers, deux leaders de feu la flamingante Volksunie qui, jadis, furent pendant trois ans (1988-1991) de gentils ministres de la pentapartite de Martens VIII. Noyés d’ailleurs dans la masse d’une véritable rafle de 32 ministres et secrétaires d’Etat.

Ici, en médiapolitique, tous les mots étaient soudain remplacés par des images. Comme si se matérialisait soudain  la large prise de pouvoir des nationalistes de la N-VA sur le 16 rue de la Loi. Que Bart De Wever aurait –évidemment- même pu occuper perso, s’il n’avait pas eu l’intelligence stratégique de rester sciemment dans les coulisses. D’où il gèrera assurément ses ministres mais sans partrop,interférer.  D’où il  pourra aussi sortir à tout moment pour doper l’image ou les sondages électoraux de sa N-VA.

Au pied de l’escalier de la Chambre, belges et bruxellois ont découvert le cliché officiel du gouvernement Michel : mais ils ont photographié aussi la position minoritaire des francophones dans l’Etat belge. (et c’est logique: les nationalistes détiennent à eux seuls 33 des 65 sièges flamands de la nouvelle coalition de 85 députés sur 150)



La N-VA rejoue la Révolution de 1830



Jusqu’ici, avec la présence classique d’un Verhofstadt de Gand (toujours idolâtré au Sud du pays alors qu’il ne pèse plus guère en Flandre), d’un Dehaene de Vilvorde, plus récemment du phénomène Maggie De Block de Merchtem, le cliché restait flou. La N-VA fait la mise au point.Le débarquement en force de la N-VA c’est le poids des jaunes et noir.

A la création mouvementée de l’Etat belge, en 1830-1831, le juriste libéral hutois Joseph Lebeau –celui qui s’opposa à la candidature de Louis d'Orléans au trône de Belgique- forma le tout premier gouvernement. Oh, vraiment le minimum. Très peu de portefeuilles. Notamment les Finances, pour faire vivre le pays. L’Intérieur, pour faire respecter l’ordre public. Et évidemment, à l’époque, un Ministre de la Guerre (aujourd’hui, on préfère dire “Défense” mais c’est kif).

Aujourd’hui, le N-VA Steven Vandeput  a remplacé le bien oublié colonel Constantin d'Hane-Steenhuyse. Qui a dégradé le CD&V Pieter De Crem et accédé au poste simplement parce qu’il est limbourgeois: et qu’il se fait que l’armée belge est un des plus grands employeurs de cette région des Flandres.

Aujourd’hui, le N-VA Johan Van Overtveldt,  prend la place de Charles de Brouckère, premier ministre à gérer les Finances et qui, en 1835, créa d’ailleurs la première “Banque de Belgique”.

Aujourd’hui encore, le très controversé N-VA Jan Jambon succède, dans l’histoire, à Étienne de Sauvage au très important département de l’Intérieur; qui gère bien entendu la police mais aussi, eh oui, les lois linguistiques.

“Jambon à l’Intérieur? Symboliquement, tout est dit” s’exclamait l’autre jour un élu francophone.

Coincidence étrange de l’histoire politique: mis à part les Affaires Etrangères, les nationalistes flamands se sont donc adjugés curieusement toutes les compétences qui fondèrent, en 1830,  cet Etat belge qu’ils aiment si peu.

C’est quelque part leur propre “Révolution de 1830”, cet accès au pouvoir fédéral ultime. (après Anvers et le Gouvernement flamand).



Le retour de bâton de la diabolisation





C’est déjà un fait: en Wallonie et à Bruxelles, le gouvernement Michel ne connaîtra pas ce qu’on appelle, en politique, l’état de grâce. Cette période parfois éblouissante ou l’électeur donne un quasi blanc-seing à la nouvelle équipe, lui laissant le temps de lancer à son aise réformes et projets.

L’explication est limpide: cela tient largement à la seule présence de la N-VA, parti épouvantail s’il en est au Sud du pays, alors qu’elle est bel et bien –qu’on l’aime ou pas- une formation démocratique. De droite ou de centre-droite certes, nationaliste et républicaine certes,  sans doute détestable aux yeux  d’aucuns, mais démocratique. Nul parti flamand ne le contestera, à commencer par les socialistes flamands, jusqu’il y a peu associés à la N-VA au Gouvernement flamand.. 

En fait, le MR va payer, devra encaisser le retour de bâton de sa longue contribution au mouvement général francophone de diabolisation absurde de la N-VA.

Le hic, pour Charles Michel, c’est que cette même N-VA est désormais le poids lourd de son attelage gouvernemental. Et que, pour nombre de francophones (en dehors de l’électoral libéral qui semble suivre ses dirigeants) c’est un peu comme si la N-VA prenait le pays en otage.

Et que, médiapolitiquement, tout propos, toute attitude, tout écart d’un ministre N-VA du gouvernement Michel sera aussitôt montré du doigt par la lourde opposition francophone PS-cdH-Ecolo-PTB.



Ruiner l’adversaire





Il ne faut jamais oublier que, en politique, l’adversaire est supposé être maléfique: et que ruiner l’adversaire est la loi de base, fut-elle cruelle, de ce qu’on appelle le “jeu politique”.



La normalisation de la N-VA, versus francophone, est loin d’être acquise. Si on peut penser que Johan Van Overtveldt  (qui n’a pas fait le V para-N-VA devant le roi Philippe) peut surprendre positivement  aux Finances; si on peut prévoir que le N-VA Steven Vandeput, qui va gérer l’armée, ne va pas trop se profiler, d’autres ministres N-VA vont assurément être plus difficiles à gérer pour Charles Michel, qui devra freiner cette “droite décomplexée”.



C’est compliqué: voici des nationalistes de combat qui, après des années de propos enflammés, dans d’innombrables meetings de convaincus ou sur les bancs de la Chambre, doivent soudain se reconvertir en ministres fédéraux du Roi, suppoés gérer aussi dans l’intérêt des wallons et des bruxellois.



Un Théo Francken, déjà peu diplomatique dans le style, sans langue de bois aucune dans les médias flamands, pitbull N-VA comme construit pour ses compétences (Asile et Immigration) est-il capable de tenir compte, ne fut-ce qu’un peu, des sensibilités francophones? On a plus que des doutes: il y a des N-VA que le Premier Ministre aura assurément bien du mal à protéger d’eux-mêmes.



Que fera Jan Jambon, cet adepte de la Fête du Chant flamand, cet homme dont on fouille désormais sans cesse le supposé “passé noir”,  de tout le “symbolisme belge”?  Va-t-il  rendre fantômatiques, à l’instar de nombre de bourgmestres N-VA, les portraits de Philippe et Mathilde des murs du ministère de l’Intérieur?  Sans doute que non. Mais comment chantera-t-il la Brabançonne lors de certaines cérémonies officielles?



Deux N-VA pour commémorer le 70ème anniversaire de la guerre 40-45 en 2015





“Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons “ a lâché l’autre jour Jan Jambon  (qui participait à l’opération “mediablitz” De Wever  entendant que ses ministres occupent  stratégiquement le maximum d’espace médiatique).



Retenez déjà cet enjeu-ci. La Seconde Guerre mondiale s’est  terminée officiellement en Europe le 8 mai 1945, à 23h01. Or,  il se fait qu’en  2015, le Gouvernement Michel se devra d’organiser, comme partout en Europe, d’importantes commémorations pour ce 70ème anniversaire de la fin de l’horreur nazie.

En dehors du Premier Ministre, qui donc sera au premier plan pour organiser ces manifestations d’anniversaire de 40-45?

Deux ministres N—VA: Steven Vandeput(Défense) et, pour l’Intérieur, le …même Jan Jambon.

Le pilon dans le poulet, c'est bon ;  le pilon N-VA dans l'ancien combattant, ça risque d’être secouant. 





Michel HENRION.

samedi 11 octobre 2014

L’Extraordinaire voyage des opposants coincés dans une armoire #suédoise (MBelgique du 3/10/2014)

 

 Un des best-sellers de la rentrée littéraire est un roman de Romain Puértolas, avec son déjà fameux “Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa”.  Un titre qui, #suédoise aidant, convient opportunément à la situation belge: ou, pour la première fois, syndicats et partis francophones (autres que le MR) se sentent enfermés, déconcertés, en tout cas loins de leur pouvoir d’influence, de leurs horizons d’action habituels.
Il est vrai qu’on  vit décidément une page inédite, de plus en plus surprenante, de l’histoire politique de Belgique.
Il faut ainsi rendre hommage au côté visionnaire de Bart Maddens, le politologue influent de la KUL -militant flamand comblé par les neurones- qui, dès 2010, avait été le seul à imaginer “un gouvernement fédéral dominé par les Flamands avec la NV-A, le CD&V, l’OpenVLD et le seul MR “.
Quel analyste aurait aussi imaginé, le soir des élections du 25 mai, que le mouvement syndical, plus ou moins influent selon les gouvernements mais toujours présent en filigrane, (même les si critiqués gouvernements Martens-Gol de 1981-1987 étaient soutenus par Jef Houthuys, le puissant patron de la CSC-ACW de l’époque) pourrait aujourd’hui être mis quasi hors jeu ?
Du moins à la table d’accouchement de la #suédoise ou –c’est une première- aucune personnalité n’était peu ou prou liée à un des trois syndicats  du Front Commun, y compris le libéral. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs pas d’autres tensions idéologiques.

Autant de patrons que chez les couturiers


Le N-VA Jan Jambon est aussi l’ancien PDG de Bank Card Company (les cartes Visa et Master Card).  Un autre N-VA, Johan Van Overtveldt, s’il s’est fait connaître  comme journaliste à Trends-Tendances (version néerlandophone) fut aussi un homme d’affaires éclectique, dans le secteur bancaire, dans la chaussure (Shoeconfex) ou la signalisation routière…(un holding britannique)
Le CD&V Koen Geens est, lui, un avocat d’affaires très prisé du monde financier (il est co-fondateur du cabinet Eubelius, le plus grand cabinet d'avocats indépendant de Belgique avec “ 38 associés, dont 21 equity partners, ainsi que près de 100 collaborateurs offrant une expertise et une expérience uniques dans tous les domaines du droit des affaires.”
Et Kris Peeters, avant de s’engager en politique, a fait toute sa carrière à l’Unizo,
l’ organisation patronale flamande représentant les PME.
Certes, il se doit de consulter son président de parti, Wouter Beke (qui veille aux intérêts d’un Mouvement Ouvrier flamand qui a perdu tout à la fois beaucoup d’influence et plein d’argent dans l’aventure Dexia-Arco) mais Peeters a d’évidence la sensibilité des fédérations patronales flamandes: Unizo ou Voka…
C’est donc, pour ce qui est du poids flamand surtout, un microcosme aux fortes affinités qui, plutôt que de négocier avec les partenaires sociaux, va plutôt les consulter. Ou juste les écouter.  Voire les informer. C’est bien assez. 
En communication, l’essentiel sera qu’on n’accuse pas la #suédoise d’avoir décidé seul.


Surprise-surprise: le mécontentement surgit au Nord
Bref, puisque le lobby syndical se retrouve soudain dans l’inhabituelle impossibilité d’influencer, d’amender, de suggérer des accords politiques, il se rabat sur ce qui lui reste: montrer que la force du nombre, ça compte. Et que c’est une autre manière d’influer.
A preuve, le propos, l’autre jour, à la RTBF de l’économiste Etienne de Callatay (Banque Degroof et candidat ministre #suédois à ses heures) qui, soudain, doutait et estimait en substance que “si un saut d’index signifiait d’innombrables manifs, mieux valait alors s’en dispenser”. Et d’opter pour d’autres solutions comme “une réforme plus globale du marché du travail.”

Si Bart De Wever affectionne de parler de “deux démocraties” , la surprise est que le mécontententement social n’a point démarré en Wallonie grévicultrice (selon un thème favori de la N-VA)  mais bel et bien en Flandre.
Les francophones ne l’ont pas encoore vraiment encore perçu, mais au Nord du pays, c’est le tout grand clash gauche-droite. Pas seulement au Parlement flamand (le jeu normal d’opposition Spa-Groen contre le trio N-VA-CD&V-OpenVLD) mais aussi dans les médias.
En ligne de mire: le plan de restrictions budgétaires du nouveau gouvernement flamand du N-VA Geert Bourgeois. Qualifié carrément par la VRT de “Bain de sang de Bourgeois”. Il est vrai que la radio-télévision publique est, elle aussi, très concernée par la hache budgétaire flamande. Et qu’elle apprécie fort peu.
C’est vrai que le nouveau gouvernement flamand tape dur dans les secteurs sociaux, les associations, le budget de la Culture raboté de carrément 7,5%.
Mais tout est toujours relatif. Et la nuance, c’est que l’homme de la rue compare d’abord toujours à ce qu’il n’a plus.

L’Etat-Providence flamand

Or, jusqu’ici, CD&V et socialistes flamands avaient quelque part bâti, en Flandre  gâtée et riche,  un mini Etat Providence. Avec plein, plein d’avantages pour les flamands. Transports parfois carrément gratuits, minerval universitaire light…
On l’a déjà relevé: l’actuel gouvernement flamand (N-VA, CD&V, Open VLD) n’est pas qu’une simple coalition. C’est un projet de société.
Au fonctionnement très simple (“Un gouvernement de comptables”, a lancé Bruno Tobback, président du SPa). L’économie va mal ? La philosophie N-VA est la même à Anvers qu’au Gouvernement flamand: on coupe, on rabote,on scalpe. Pas aussi brutalement qu’aux Pays Bas et qu’en Grande Bretagne (où on a imposé des coupes noires de 20% à 25%) Mais si demain, l’économie flamande était à nouveau tirée vers le haut, on budgétiserait alors à nouveau vers le haut. Peut-être.

Le stratagème de l’instrumentalisation


Si tant le Nord que le Sud veulent, doivent réaliser des économies, l’approche est pour le moins différente. Si les entités fédérées francophones ont aussi opté pour des méthodes pas piquées des hannetons (on remplacera –gloups- seulement un fonctionnaire sur cinq dans l’administration, puis on adoucira avec un fonctionnaire sur trois).
Mais pour le reste la stratégie politique est très différente. “ L’idéologie du dégraissage appartient à la N-VA et à ses alliés de droite; nous on ne fera pas” a lancé l’autre jour Rudy Demotte, ministre-président (PS) de la Fédération Wallonie-Bruxelles et vieux renard de la politique.
Bref, l’enseignement sera protégé (même si on est y loin des promesses bien roses de la défunte campagne électorale) et le budget de la Culture sera sinon “gelé”, à tout le moins très préservé.
En fait, les milieux culturels francophones vont quelque part être sauvés par un effet d’aubaine politique.
Car il y a de la stratégie de com’ habile derrière tout cela.
Même un chouia d’instrumentalisation excessive pour pouvoir mettre en avant le clivage Nord-Sud et Gauche-Droite.
Style: “Souvenez-vous que , de tous temps, lorsque l’extrème-droite arrive au pouvoir, la première chose qu’elle fait, c’est s’es prendre à la Culture”. (c’est le cas en France lorsque le Front National s’empare d’une ville).
La note est forcée. Cela tient du stratagème.  Certes, en dehors du chanteur Urbanus, la N-VA donne l’impression de n’aimer guère les artistes et ceux-ci le lui rendent bien, mais c’est, qu’on apprécie ou non, un parti de centre droit ou de droite démocratique.

Le truc, l’astuce du fakir, c’est qu’en critiquant vivement les choix d’économies du gouvernement de Geert Bourgeois (N-VA), les partis d’opposition à la #suédoise (PS, cdH, Ecolo, PTB) jouent tout à la fois sur le velours du billard (grogne minimale garantie par rapport au fédéral) et au billard à deux bandes.
Sans nommer les libéraux francophones, ils critiquent en effet plein pot, mine de rien – et sans le nommer- le MR qui a choisi de s’associer à cette  Flandre là, dominée par la N-VA.
Comme quoi la politique peut conjuguer tout à la fois les arts de la culture et de la guerre.

Michel HENRION.





Marc Goblet, le leader syndical ouvrier qui casse les codes (MBelgique du 26/09/2014)


 En médiapolitique, ce qui fait mouche aujourd’hui tient en un mot: authenticité.
Le citoyen est de plus en plus insupporté par la vacuité des discours formatés,  aseptisés, les paroles contrôlées, la pensée en éléments de langage. Toutes ces interviews mécaniques ou la fausseté des propos crève le petit écran.
Aujourd’hui, ce qui fonctionne, c’est le côté direct, spontané, plus ou moins naturel.
On l’avait pressenti avec feu Jean-Luc Dehaene, ce subtil bulldozer, qui avait fait de sa mauvaise humeur bourrue une marque de fabrique.
On en en a eu récemment la confirmation avec l’Ovni Maggie De Block: dont nul rue de la Loi, au moment de sa surprenante désignation par Alexandre De Croo, n’avait évidemment prévu que les électeurs -dont un nombre effarant de francophones- s’amouracheraient de la toubib de Merchtem –qui-ne-fait-que-son-petit-possible.
Mais qui en fait, assez douée pour le marketing de l’authenticité, a subtilement exagéré sa singularité, dissimulant assez bien l’hypertrophie de ses ambitions. Mais qui, si elle a de la carrure, n’a, à tout le moins, pas celle qui se forge à l’entraînement politique de haut niveau; celle qui permet d’accéder au 16 rue de la Loi.

On vous rappelle ça, parce que vient de débouler, dans le petit monde médiapolitique belge – celui qui se croise et se fraie sans cesse sur les plateaux télé et dans les colonnes des journaux- un nouveau et singulier personnage syndical. Entendez Marc Goblet, le successeur juste élu pour remplacer Anne Demelenne au Secrétariat Général de la FGTB. Bref l’homme qui, au delà des subtiles influences et rapports de force de la complexe structure syndicale socialiste, en sera désormais le porte-drapeau principal.

“Ne pas baisser son pantalon”

Or, dès sa première interview, Marc Goblet a d’évidence surpris, déconcerté, voire irrité d’aucuns, souvent peu portés de sympathie, il est vrai, sur le rôle du syndicalisme dans la société belge.
Ah, mais c’est que l’homme parle sans langue de bois. “Je ne ne suis pas radical, mais je suis clair sur mes positions: si on baisse sans cesse sans pantalon, on ne doit pas faire de syndicalisme”.
Ah, mais c’est que l’homme, pour convaincre, affectionne les raisonnements pointés de bon sens: “L’argent pris du côté des cotisations sociales, ne créera pas d’emploi. Qu’on me démontre qu’un employeur engage quelqu’un dont il n’a pas besoin, parce que ça lui coûte la moitié du prix, je n’ai jamais vu cela”.
Ah, mais c’est que l’homme est wallon, avec l’accent des territoires de la province de Liège, là, ou –héritier d’une tradition syndicale familiale qui se transmet de génération en génération- il affirme avoir toujours privilégié la concertation sociale, son idéal d’action syndicale. “Dans les secteurs que je gérais jusqu’ici, il n’y a jamais eu un jour de grève, je ne fais pas grève pour faire grève”.

On a perdu l’habitude du langage des ouvriers


Ah mais, c’est que l’homme réintroduit –et ça, c’est très important- une expression populaire quasi ouvrière, un  langage que l’évolution médiatique policée a  gommé du poto-poto de la rue de la Loi.
Ouvrier chauffagiste dans une PME dans sa jeunesse, Marc Goblet  parle comme les ouvriers, les travailleurs qu’il côtoie au jour le jour.
Que ça plaise ou non: et jusqu’ici ça plait.
Or, dans notre société belge, on entend finalement très peu cette “voix des ouvriers”. Pire: on en a perdu l’habitude.
Il y a encore juste François Pirette pour parfois rappeler indirectement, dans ses sketches, que la classe ouvrière ça existe toujours bel et bien.


Un certain mépris


Bref, avec le nouveau leader de la FGTB, c’est le choc des accents: celui du terroir, celui des travailleurs de la “base”.
La preuve: on a vu aussitôt, sur les réseaux sociaux, des réactions marquées, tantôt d’un certain mépris de classe, tantôt d’un certain” “bruxellanisme (entendez une version importée du “parisianisme”).
Comme si, pour ces gens-là,  l’interlocuteur syndical se devait -comme c’est souvent le cas aujourd’hui, notamment à la CSC-ACW-  d’être un “technicien”, un technocrate peu habitué au contact permanent avec les travailleurs.
Il y aura donc, sur les plateaux de télé, dans les négociations interprofessionnelles, un “style Marc Goblet”. Qui marquera aussi, dans l’histoire du syndicat socialiste, une nouvelle évolution, en attendant la grande réforme interne des structures.
L’empathique Anne Demelenne venait du Setca-FGTB, entendez les employés.
Goblet est un pur produit de la Centrale Générale, entendez les ouvriers.
Une Centrale plutôt “unitaire” dont il était aussi, en tant que wallon, le plus régionaliste.
C’est qu’une organisation syndicale est traversée, comme toutes les autres sociétés, par bien de multiples clivages.
Ceux des interrégionales (Goblet préside désormais les wallons avec comme secrétaire général cet autre Liégeois qu’est Thierry Bodson; un homme qui -tout le monde des initiés en convient- ira loin…) Ceux des centrales ouvrières qui ne partagent pas toujours les mêmes vues que celle du Setca (la défense des employés), notamment sur l’application du statut unique.
Donné favori dès le début, Marc Goblet ne l’a finalement emporté, au sein de la FGTB, qu’après débat entre deux tendances: celle qui fait davantage à des “techniciens du syndicalisme” (l’alternative était Estelle Ceulemans,  produit de cabinets PS et du Bureau d’Etudes de la FGTB) et celle, au départ minoritaire, tenante d’un syndicalisme de concertation mais qui repartirait à l’offensive sur base des fondamentaux de la Sécurité Sociale, à commencer par les pensions.
“ Quand on a créé la Sécurité Sociale en 1944, dit Marc Goblet, le travailleur a dit: “ Ne me donnez pas tout mon salaire, mais assurez-moi si je perds mon emploi, si je suis malade. On oublie cela aujourd’hui.

Le meilleur ennemi du PTB


Le truc du nouveau boss de la FGTB, c’est ça: un homme de concertation qui se fait une fierté de respecter la parole donnée (ce qui n’est pas le cas de tous les représentants syndicaux, à la fiabilité parfois variable). Un syndicaliste qui parle vrai, qui ne vit , disent ses amis, que pour son  action et dont la force de conviction a gagné dans d’innombrables assemblées de travailleurs indignés, souvent rétifs à tout accord raisonnable.
En région liégeoise (son fief est le Val-St-Lambert), ce militant PS drapé dans son indépendance syndicale,  nostalgique de l’Action Commune socialiste, est d’ailleurs un peu le fly-tox des effets de manche du PTB de Raoul Hedebouw, qui a bien du mal à convaincre lorsqu’il se retrouve confronté aux discours du tribun Marc Goblet.
Un homme qui, sous des dehors brut-de-pomme est aussi un technicien hors pair. Capable de remonter à lui seul toutes les pièces du moteur de la Sécurité Sociale depuis 1944. Lorsque employeurs et syndicats avait signé ces importantes avancées historiques que sont l’assurance-maladie, les allocations familiales, l’assurance-chômage…

Un pragmatique de la concertation

Au micro d’Antonio Solimando (Bel-RTL)  le nouveau Secrétaire général efgétébiste a confirmé volontiers, sur un ton parfois un brin archéo, que “la #suédoise, c’est la coalition des nantis et du 
capital “: alors qu’en fait, retenez bien cela, l’homme n’est en rien un idéologue. Plutôt un pragmatique de la concertation sociale, bien décidé, si la FEB  continue à polariser et -selon sa formule-“ à déconner”, à s’adresser directement aux chefs d’entreprise pour leur demander s’ils veulent vraiment abîmer la paix sociale dans leur propre entreprise .
Thierry Bodson (FGTB wallonne) relevait l’autre jour dans le Soir: “Aujourd’hui on a des fédérations patronales qui sont beaucoup plus arrogantes que par le passé, plus politisées davantage au Nord qu’au Sud… Mais l’Union Wallonne des Entreprises prend aussi des positions qui sont politisées et davantage idéologiques.”
Le secrétaire général de la FGTB wallonne force, certes, la note mais il y a quelque chose de pas faux dans le constat. 
Renversement des rôles: pour l’heure, ce ne sont effectivement pas les trois partis du Front Commun syndical (FGTB, CSC, Syndicat libéral) qui y vont d’un discours plus radical qu’à l’habitude. D’autant plus que l’ACW (CSC flamande) est engagée dans le sauvetage controversé des 780.000 coopérateurs d’Arco (Mouvement Ouvrier Chrétien).
Le changement émane en effet plutôt d’une certaine droite, parfois patronale, de plus en plus décomplexée, climat de la #suédoise aidant.
“Est-ce tout le monde doit se coucher devant les exigences de la N-VA, s’interrogeait Goblet à Bel-RTL. Est-ce qu’on doit laisser le monde du travail, les allocataires sociaux retourner au début du XIXe siècle, pendant que les détenteurs des capitaux ne cessent de faire des profits plus importants ?”

Lobbyiste discret et syndicaliste au porte-voix, même combat

De nos jours, les syndicats n’ont pas toujours bonne presse. Et pourtant, lobbies et syndicats, c’est un peu le même combat, le même but: défendre leurs intérêts face aux gouvernements et aux Parlements.
Au fond, seuls les moyens diffèrent: le lobbyiste se veut discret et rode presque masqué aux abords de la rue de la Loi.
Le syndicaliste s’habille en rouge, vert ou bleu, branche les baffles et fait entendre très fort ses revendications à coups de porte-voix.
Très politique, au sens stratégique du terme, ce Goblet-qui-vient-de-la-base est peut-être le leader qu’il fallait à la FGTB  en ce moment de naissance du gouvernement #Michel1 et de la coalition #suédoise de centre-droit ou de droite, c'est selon. 
Celle-ci distillera sans doute habilement et progressivement ses mesures d’austérité:  la FGTB mesurera sans doute tout aussi finement ses réactions et actions.
Evolution des temps: face aux techniciens de l’austérité, Marc Goblet, avec son accent de terroir, ses discours d’apparent bon sens, son ton “ouvriériste”, son parler brut-de-pomme, va peut-être soudain apparaître plus moderne, plus tendance que des bien des technocrates.


Michel HENRION