Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 26 août 2014

Soudée au CD&V, la N-VA entend désormais ronger la Belgique de l’intérieur. Et elle a faim. (MBelgique du 8/08/2014)



C’était  le 12 octobre 2012, juste avant les dernières élections communales. La petite  phrase aux allures de rodomontade avait été lâchée par Bart De Wever sur le plateau télé de la chaîne flamande Vier (1):
“D’abord, nous prendrons Manhattan. Ensuite, nous prendrons Berlin”.
Deux jours plus tard, Bart De Wever décrochait 37,68 % des voix à Anvers, ville-symbole s’il en est; et en janvier 2013 il s’installait dans le fauteuil de bourgmestre.
Manhattan-Anvers était tombé.
Aujourd’hui, moins de deux ans après la prédiction-métaphore, Berlin est conquis. Bart De Wever , “le leader de la révolte” comme il s’auto-proclamait, s’est emparé de la Flandre (Geert Bourgeois en est désormais le Premier Ministre N-VA) et est en passe d’installer ses ministres nationalistes rue de la Loi.
La conquête du pouvoir par  le “modèle N-VA” est chose acquise.
Mieux: Bart De Wever peut se targuer d’avoir chassé les socialistes à Anvers, au niveau flamand et jusqu’au fédéral.
Car il n’y a pas de grand doute sur l’accouchement de la #suédoise-#kamikaze: oh, certes, les négociations de la formation fédérale piétineront parfois, seront assurément parfois tendues (l’aile démocrate-chrétienne du CD&V exigera à coup sûr, pour prix de son aval, une solution créative pour dédommager les 800.000 coopérateurs d’Arco-Dexia) mais l’allant de d’aucuns à mettre en place cette coalition de centre-droit passera outre aux obstacles.
Un peu le même climat  que lorsque Guy Verhofstadt, l’été 1999,  fut en position de renvoyer l’Etat-CVP, la famille social-chrétienne dans l’opposition.

De Wever, gagnant à tous les coups

Il faut toujours prêter attention, non seulement aux petites phrases, mais aussi aux gestes apparemment anodins de Bart De Wever. Lorsque celui-ci, en 2010, rencontre Elio Di Rupo et que ce dernier lui demande de vulgariser son nationalisme, il ne lui conseille pas de visionner n’importe quel DVD: mais le biopic de Neil Jordan retraçant le combat de Michael Collins, l'artisan de l’indépendance de l’Irlande, un remarquable organisateur et stratège, tiens, tiens…
Bart De Wever ne s’en cache que peu: il entend laisser une trace, une marque forte dans l’histoire du nationalisme flamand. Vu de Flandre (on répète: vu de Flandre) le président de la N-VA est en train de réussir ce dont nombre de flamands, de ses soutiens conservateurs rêvaient mais qu’ils croyaient impossible: gouverner sans Vande Lanotte, sans Crombez, sans Tobback, sans Di Rupo, sans écolos, bref sans parti de gauche au pouvoir. Pour ceux là, De Wever vire figure historique: presque oubliés Wilfried Martens ou Jean-Luc Dehaene.
Bart De Wever est, mine de rien, en passe de s’adjuger les galons, les lauriers d’homme politique flamand le plus influent de l’histoire de la Flandre.
Car Kris Peeters ne sera somme toute qu’un Premier Ministre CD&V de décor en trompe l’oeil, largement soumis à la force motrice de Bart De Wever et des hommes-liges que celui-ci choisira d’envoyer au Conseil des Ministres du 16 rue de la Loi.
Et si les sociaux-chrétiens flamands ont du souci à se faire pour leur avenir (la géographie électorale flamande est largement teintée du jaune dominant N-VA), les cartomanciens politiques estiment que les cartes de Bart, et ce quoi qu’il advienne, lui sont plutôt favorables.

Deux cas de figure:
1)    Soit la “coalition suédoise” vire “kamikaze”, voire “Hara-Kiri”.
Conséquence: aux yeux des flamands, il aura été démontré qu’un gouvernement de centre-droit n’est donc pas possible dans le cadre belge actuel. Pour De Wever, ce sera la validation par les faits de sa fameuse thèse (il la défend depuis sa jeunesse universitaire) des “deux démocraties” et de la nécessité d’instaurer le confédéralisme.
Et comme la priorité absolue actuelle de Bart De Wever est clairement de rapprocher, de carrément souder les relations N-VA, CD&V et OpenVLD, ces deux derniers partis ne pourront que suivre De Wever dans cette optique.
Et, du côté francophone, il restera l’image d’une  “Belgique délégitimée”, puisqu’elle aura donné naissance à un gouvernement jugé par trop déséquilibré…
2) Soit la “suédoise”, sans être une promenade de santé, tient la route jusqu’en 2019. Elle réussit à transormer son évidente fragilité en atout: on s’y serre plutôt les coudes politiquement.
Dans ce cas, bonus toujours pour De Wever: il aura démontré qu’il ne fallait pas avoir si peur que ça de la N-VA,  qu’elle peut se montrer gestionnaire, qu’elle ne menace pas la Belgique ni même le Palais (ou, soit dit en passant, la “suédoise” a trouvé quelque sympathie).
Qui sait même? Tout comme pour la rigide Maggie De Block- devenue au fil du temps à ce point populaire chez les francophones que certains, peu avertis des rapports de force entre partis, en arrivent à la souhaiter comme Premier Ministre- peut-être se trouvera-t-il aussi un jour des wallons pour apprécier la rigueur sauce De Wever…

Gouvernement Bourgeois: plus qu’une coalition, un projet de société.

Rappel de base: Bart De Wever, c’est tout sauf le nationalisme flamand romantique à l’ancienne, drapeau rugissant au vent et tout le toutim folklo.
C’est pour ça qu’il faut bien photographier que le nouveau Gouvernement flamand du N-VA Geert Bourgeois est bien plus qu’une coalition. C’est la matérialisation d’une vision de société, d’un projet de “Bavière flamande” conservatrice, patriote pour sa Région, avec une politique économique libérale… Et les trois partis prenants (N-VA, CD&V, Open VLD) s’y voient presque pour une éternité. Il ne faut jamais présager de rien mais tout le climat politique au Nord laisse présager un “Bourgeois 2” ou un “Liesbeth Homans 1” en 2019, voire un épisode 3… Avec, pour clé de voute, un axe CD&V-N-VA fort, quasi un nouveau cartel.


Ce qui était inimaginable il y a deux ans à peine est arrivé: Bart De Wever a donc exporté son “modèle anversois” (alliance N-VA, CD&V, Open VLD) à la fois au gouvernement flamand et bientôt au gouvernement fédéral.
En bon joueur d’échecs, il jouera assurément la partie très calmement, avec une infinie patience.  On fera mousser la réforme fiscale (avec une nouvelle DLU pour la compenser budgétairement et  la faire passer à l’Europe). On maintiendra l’indexation mais, allez, le “panier de l’index” sera à coup sûr secoué, encore plus que par le passé. Et pour ce qui est des allocations de chômage, garanties par le MR, faites confiance à la technique rodée de com’ de Bart De Wever. On stigmatisera spectaculairement quelques cas extrèmes et marginaux, assurément scandaleux mais très isolés. Ca fera l’affaire pour faire passer malgré tout de nouvelles mesures restrictives, ou préparer l’étape suivante.
“La politique est un savant mélange de raison et d’émotions, dit volontiers De Wever. Pour avoir le soutien de l’opinion publique, on joue sur les émotions davantage que sur la raison”.
Et, surtout, la N-VA va devenir “étatiste”. Souple dans les négociations, elle exigera son dû en nominations dans tous les rouages de l’Etat. Déjà présente dans les provinces (Jan Briers est gouverneur N-VA de Flandre Occidentale), à la Cour Constitutionnelle (Riet Leysen y siège comme juge), elle se retrouvera bientôt à  la Banque Nationale, dans nos Ambassades; et, Pacte Culturel aidant, plus forte encore dans nombre d’importants lieux de pouvoir.
En Flandre d’abord, l’administration sera naturellement, au fil du temps, de plus en plus jaune et noire… Sans compter l’opportunisme hautement classique de nombre d’ambitieux qui, pour gagner des galons suplémentaires dans la Fonction Publique fédérale, se rallieront au parti porteur. A nous les petits rouages.

Après les commandes économiques,  le contrôle politique

Non, la N-VA de Bart De Wever, arrivée au pouvoir fédéral, ne va pas du tout, du tout se précipiter pour pousser à l’autonomie de la Flandre.
Fort de sa nouvelle position dominante, sa communication a largué le style : “ C’est maintenant ou jamais”.  La N-VA a compris que la “force du changement” ne s’exerce pas d’un coup de lampe d’Aladdin. La réflexion porte désormais plutôt sur une interrogation: “Comment?”.
Et la réponse est, pour l’heure, assez simple:  avec le duo parfait N-VA-CD&V, c’est un peu toute la puissance de l’ogre CVP d’antan qui est de retour. Et qui a faim.
Grâce au duo, la stratégie sera de ronger la Belgique de l’intérieur, de la dominer,  de la conformer à sa vision “à l’allemande”. Jusqu’au moment -c’est le plan avoué de De Wever) ou des francophones, insupportés, excédés, floués,  deviendront à leur tour demandeurs de confédéralisme.
Le Trends Top de 2013 avait déjà récemment révélé que la Flandre, dans les entreprises privées, était lourdement surreprésentée à tous les postes stratégiques, par rapport au poids démographique de la Flandre.
Accrochez-vous: celle-ci décroche 79% des postes de DRH (Relation humaines), 70,1% des Directeurs financiers, 66,1% des CEO, 70,9% des Directeurs Marketing, 73,7% des Directeurs Commerciaux, 68% des Responsables Achats des entreprises comptant au moins cent employés.
C’est une évidence: l’économie belge était déjà teintée en jaune et noir.
On peut, certes, discuter à perte de vue sur la notion de savoir à partir de quel chiffre une Communauté est insuffisamment représentée au fédéral. 
Le récent sondage RTL-TVI/Ivox a montré un tout cas une photographie assez claire d’une certaine inquiétude des francophones:
-Si 44,9% des francophones estimaient "une bonne chose que le PS ne soit plus présent au fédéral" (39,9% pas d'accord), 53,7% des francophones estimaient qu'une coalition CD&V-N-VA-OVLD-MR "fragilise l'Etat belge".
-Un seul parti francophone au fédéral était jugé "plutôt" (32,5%) ou "très négatif" (38,9%) par 71,4% des francophones !
-Un "gouvernement fédéral composé d'une minorité francophone est envisageable" pour (seulement) 32,8% des FR (53,6% pas d'accord)
-72,6% des francophones jugent qu'une coalition CD&V-N-VA-OVLD-MR est "une bonne chose pour… les Flamands" et 59,4% pensent que ce n'est pas une "bonne chose pour la Belgique"
-23% des francophones seulement jugent qu'une coalition CD&V-N-VA-OVLD-MR est une "bonne chose pour les francophones" (62,6% pas d'accord)
-Moins d'un tiers des francophones (31,9%) estime que le MR comme seul parti francophone "n'est pas un problème" (ce l'est pour 59,7%)

Cette fois, avec une représentation francophone incontestablement si basse qu’elle en est historiquement inédite (20 sièges FR contre 71 NL), le vrai problème est la conjonction de l’économique et du politique. 
“Les flamands ont une volonté de prise en main des commandes socio-économiques et politiques de la Belgique considérée comme le réceptacle et l’agent d’une marginalisation de la Flandre pendant de nombreuses années. C’est un mouvement collectif marqué idéologiquement et soiildaire, c’est un rouleau compresseur” disait il y a peu Michel Dumoulin, professeur d’histoire contemporaine à l’UCL.


L’arme  du nationalisme selon De Wever:  d’abord du concret.

Pour comprendre ce que sous-entend la nouvelle stratégie de Bart De Wever, il faut surtout savoir que De Wever a été fort marqué, inspiré par la pensée de Miroslav Hroch, ce peu connu mais important historien tchèque, grand théoricien des nationalismes. Ce qui postule, selon cet universitaire praguois, une combinaison de plusieurs types de relations (économique, politique, linguistique, culturelle, religieuse, géographique, historique), et leur influence sur la conscience collective. Dans sa phase finale, le processus d’installation du nationalisme passe par les institutions d’Etat. On y est.
Bart De Wever l’a dit plus clairement encore, un jour, dans un face-à-face avec David Van Reybrouck (l’auteur de “Congo” et inspirateur du “G1000” citoyen):
-“Pour réussir, l’idée nationaliste n’est pas juste à voir comme un objectif, juste un but idéaliste…”  Sous-entendu, pour que l’idée nationaliste fonctionne, qu’elle ait du succès auprès des gens, cela doit se traduire par des faits: moins d’impôts, une immigration mieux contrôlée, etc… La Nation est, dans cette optique, le moyen de “résoudre les problèmes”.
C’est pour ça que la N-VA s’est montrée, ces temps-ci, si conciliante pour arriver au pouvoir fédéral. Parce qu’avec des outils de pouvoir en main, elle va pouvoir agir en pratique pour les flamands= leur offrir des réductions d’impôts, des mesures à la Merkel qui feront plaisir au “peuple flamand” et imposeront un peu plus l’idée nationaliste comme séduisante. La recette de Miroslav Hroch. 
“C’est notre appeal”, concluait à l’époque De Wever. “Si vous pouvez construire ça, c’est bingo”. De fait. Tilt.

Michel HENRION.



(1) Lien internet:  http://www.vier.be/dekruitfabriek/videos/first-we-take-manhattan-then-we-take-berlin/14791

lundi 18 août 2014

Geert Bourgeois: un bâton de maréchal pour le dinosaure (MBelgique du 25/07/2014)

 

C’est un événement marquant dans l’histoire politique du pays: douze ans à peine après avoir créé la Nieuwse Vlaamse Allantie nationaliste, mieux connue sous l’appellation N-VA, son fondateur, Geert Bourgeois, sera le Premier Ministre du Gouvernement flamand. De la Flandre, sa patrie.
Mieux: l’homme, qui inventa de concert avec Yves Leterme feu le cartel CD&V-N-VA, se retrouvera à la tête d’une alliance identique, complétée in extremis par les libéraux de Gwendolyn Rutten (les sociaux-chrétiens flamands du Nord souffrant psy de ne plus être le parti dominant protégeant ses piliers et influences)
Pour cet avocat, ce conseiller communal d’Izegem –la cité natale de Johan Bruyneel- qui rêvait de jouer un "rôle de premier plan" (le budget de la Flandre dépasse désormais celui du fédéral) ce sera assurément le couronnement (la N-VA à la tête de la Flandre) d’une carrière marquée par de fortes convictions. Si, en 2001, lors de la recomposition du paysage flamand née de l’implosion de la Volksunie, le député VU Bourgeois n’avait pas eu la volonté et l’énergie de rassembler son aile conservatrice, il n’aurait pas réussi à se faire réélire en 2003 sous le label N-VA, parti auquel on n’accordait guère que peu de poids et encore moins d’avenir.
Bart De Wever, tête de liste N-VA à Anvers et non-élu (eh oui) à ce même scrutin de 2003, en sait quelque chose. (la N-VA s’adjugea 201.399             voix et un seul siège à ce scrutin d’un tout autre paysage politique puisque l’OpenVLD caracolait en tête avec plus d’un million d’électeurs juste devant les socialistes flamands, ces deux partis dépassant de loin le CD&V en crise et ses 871.000 voix. Un autre monde, on vous dit.)
Anecdote: alors que Bart De Wever dopera  son image et la popularité de la N-VA en multipliant les apparitions au jeu de la VRT “De slimste mens”, son compère Geert Bourgeois avait, avant cette rampe de  lancement médiatique, déposé une proposition de loi qui aurait proscrit toute personnalité politique des émissions de divertissement de la télé publique (dont il sera d’ailleurs le ministre de tutelle).
L’ électeur anversois n’a pas la tolérance du wallon bonne pâte à modeler: et il n’aurait pas accepté que le bourgmestre de Wever déménage Place des Martyrs (siège du Gouvernement flamand à Bruxelles) et  ne tienne pas, ne trahisse son ferme engagement électoral de se consacrer pleinement à sa Métropole jusqu’en 2018.
Le choix de Geert Bourgeois, le dinosaure de la Volksunie qui a réussi à survivre, n’est pas, à première vue, une option très médiagénique. Même en Flandre Occidentale, l’homme ne remue pas les foules. Plutôt conservateur, homme à principes, quelque peu amidonné, Geert Bourgeois ne suscite pas des délires d’empathie. Et sa vie privée est à l’abri de toute cette pipolisation qu’il abhorre.
Mais, ministre du Gouvernement flamand  depuis une décennie (avec une brève interruption due à sa démission lors de l’agonie du cartel CD&V-N-VA), l’homme y a plutôt fait un parcours sans faute (du moins aux yeux des flamands, ses interventions pour ce qui est des bourgmestres de la périphérie bruxelloise lui ayant assuré une toute autre image versus francophone).
C’est le type de ministre qui maîtrise plutôt ses dossiers, qui ne délire pas dans une interview incontrôlée, qui avale les déceptions et autres couleuvres politiques sans grands états d’âme apparents, qui n’a pas d’ego démesuré, qui –fait rare- n’organise pas de fuites plus ou moins subtiles vers les medias. Ce qu’il a sur le coeur, l’homme le balance plutôt en interne: une certaine forme de loyauté par rapport au parti qu’il a créé, à l’époque sur base d’une image à l’ancienne. Au sein de la N-VA, c’est un peu ça: Bourgeois c’est le nationalisme flamand à la papa; Bart De Wever, c’est le nationalisme flamand moderne et revisité.

Liesbeth Homans, l’atout de rechange

Mais la fonction fait l’homme. Et la popularité de la N-VA , au Nord s’entend, fera le reste.
On ne sera pas loin finalement du “style Kris Peeters”, mais en version light.  Le style CEO, le charisme en moins. Et la Flandre adore avoir l’impression d’être gérée comme une entreprise. Avec , tout  comme pour la présentation de l’accord du Gouvernement wallon, des discours pleins de mots colorés technocratiques.
Même si le climat budgétaire ne sera pas forcément plus rose qu’en Wallonie, même s’il y aura –tout comme en Wallonie et à Bruxelles- bien des flottements pour ce qui des nouvelles compétences transférées par la 6ème réforme de l’Etat…
Malin singe, Bart De Wever avait longtemps laissé plané le doute, se plaisant à agiter le nom –pour cette même Ministre-Présidence- de Liesbeth Homans, son bras droit de toujours. Ce qui avait donné lieu, à la télé flamande, à un amusant dialogue volé par une caméra, Homans demandant à De Wever “s’ils y avaient vraiment cru”… (à l’intox)
Pour De Wever, il était essentiel de n’avoir pas à trancher entre Geert Bourgois, la figure historique, et Liesbeth Homans, sa complice de toujours promise d’évidence à un grand avenir politique.
En Flandre, la lientenante de Bart a battu haut la main Kris Peeters en terme de voix de préférence :163.502 voix, soit bien plus que le ministre-président flamand CD&V sortant (140.564). Clé de cette popularité: une foultitude de déclarations à l’emporte-pièce dans le style médiapolitique de Maggie De Block: le concept assez tendance du “dur mais juste”.
Ce n’est pas un mince exploit. Le potentiel de Liesbeth Homans est évident au sein de la N-VA. Et l’hypothèse n’est pas folle qui voit Geert Bourgeois, qui aura dépassé l’âge de la retraite en cours de quinquennat, céder sa place à Liesbeth Homans en fin de parcours. Histoire de doper le scrutin de 2019. Dans une éternité.

Michel HENRION.


Kris Peeters sera-t-il le George Clooney du 16 rue de la Loi? (MBelgique du 4/07/2014)

 

Le constat est posé depuis lurette: il n’y a pas d’ “opinion publique belge”. On vit dans un pays dédoublé, ou les francophones ne comprennent généralement pas grand chose à la “société flamande”, si tournée vers le modèle allemand. A l’inverse, les flamands ne comprennent souvent que pouic à ce qui se passe de positif en Wallonie: pour eux, les wallons et les francophones ne seraient, à entendre nombre d’entre eux, que juste un obstacle au sauvetage des entreprises du Nord du pays.
Jusqu’à ce qu’il apparaisse comme le “Monsieur Nuts” rejettant d’avaler la carotte de papier qu’était la note marketing de “bonne volonté” de Bart De Wever, qui donc, en Flandre, connaissait Benoît Lutgen? Pas grand monde. Tout comme le francophone ignore, par exemple, jusqu’à l’existence de Hilde Crevits, cette Ministre flamande CD&V de l'Environnement et des Travaux publics, dont la montée en popularité au Nord est pourtant remarquable. Fossé politico-médiatique.
Mark Eyskens (81) fanfaronnait un brin l’autre dimanche chez Pascal Vrebos: “Le CD&V a toujours un stock de Premiers Ministres”, lançait-il, imprégné de la longue époque ou les sociaux-chrétiens trustaient quasi naturellement tout à la fois la tête du Gouvernement fédéral et celle du Gouvernement flamand.
Sur le rayon, en 2014, on trouve surtout trois noms possibles si exit Di Rupo: celui de Wouter Beke, actuel président en titre du CD&V, et ceux de deux amis: Koenraad Geens, ministre des Finances, et Kris Peeters, le grand favori des pronostics et Ministre-Président sortant du Gouvernement flamand. (le premier fut, de 2007 à 2009, le chef de cabinet très proche du second).

Le lapin blanc d’Yves Leterme

Kris Peeters est lui aussi un quasi inconnu pour le belge francophone, qui ne prête finalement un brin d’attention qu’aux seules personnalités de Flandre siégeant au niveau fédéral.
Portrait–express. Au Nord, Kris Peeters, c’est d’abord un surnom qui sera assurément médiapolitiquement exporté si l’homme se retrouvait effectivement, un de ces mois, propulsé au 16 rue de la la Loi.
C’est, y dit-on, le “George Clooney de la Flandre”.
Un nickname qu’il doit à une anecdote mettant en scène Bob Geldof, le créateur du mémorable concert humanitaire mondial Live Aid pour un total cumulé de 1,5 milliard de téléspectateurs. (avec les plus grandes stars: Bono, George Michael, Sting, David Bowie, Paul McCartney, Phil Collins pour les plus connus du Band Aid)
Bref, Geldof, venu un soir à un gala des diamantaires anversois, se retrouva placé entre Mathilde et Kris Peeters. Ironiquement, il confessa aux médias “qu’il avait cru se trouver entre Grace Kelly et Geoorge Clooney.”
Le surnom (on a connu pire) fit florès et resta collé à Kris Peeters, un “lapin blanc” repéré et débauché par Yves Leterme.
C’est l’époque ou, pour se refaire une santé électorale et remonter au pouvoir, les sociaux-chétiens du Nord, devenus confédéralistes, viraient leur cuti. Le tout nouveau cartel CD&V-N-VA, appelé le cartel flamand, devint d’ailleurs la première formation de Flandre avec 26 % des voix aux élections régionales de 2004. C’est aussi (ceux qui s’en souvent pris aux ralliements à la N-VA l’ont un peu oublié) le moment très pointu ou le CD&V accueille carrément en son sein un Ignace Lowie, ancien parlementaire fédéral du Vlaamse Blok  et ex-rédacteur en chef de Révolte, une publication du mouvement extrémiste Voorpost… Ou débauche Johan Sauwens, qui avait créé l’émoi en participant à une réunion du Sint Maartensfonds, amicale d'anciens combattants flamands du front de l'Est.
Lorsque Leterme, chargé de sauver le CD&V de l’agonie, désigne alors Kris Peeters comme ministre flamand -sans que celui-ci ait jamais été élu- l’homme a déjà fait fait une longue carrière au sein de l’Unizo (l’organisation patronale représentant petites entreprises et PME du Nord) cet avocat y montant tous les échelons en 18 ans.
C’est évidemment un état d’esprit, l’Unizo: on l’a bien vu encore il y a quelques jours, pas moins de la moitié des membres de cette organisation patronale flamande allant jusqu’à caresser l’idée, sinon la menace, de ne plus investir ni embaucher en Belgique, voire de délocaliser, s’il naissait un
Di Rupo 2…




Le chien de chasse de Wouter Beke

Ministre-Président flamand depuis 2007, Kris Peeters s’est largement imposé. Pas forcément au niveau électoral: le 24 mai dernier, la tête de liste N-VA pour les élections régionales en province d'Anvers, Liesbeth Homans, fidèle lieutenant de Bart De Wever, réalisa 163.502 voix de préférence, soit bien plus que Kris Peeters (140.564), pourtant “Numero Uno” de la campagne du CD&V. Gloups.
Non, ce qui charme les flamands, c’est que Kris Peeters se comporte un peu comme un CEO. C’est le garant, le “manager des intérêts de la Flandre”.
Certes, l’homme incarne-t-il une certaine “aile droite” du CD&V mais Peeters est pragmatique et flexible, prenant aussi soigneusement en compte les intérêts du Mouvement Ouvrier Chrétien flamand (ACW).
C’est un peu le “chien de chasse” du sous-estimé Wouter Beke, président du parti. C’est Kris Peeters qui impulse certes une ligne, une orientation politique, mais Wouter Beke lui rappelle les limites. Et qu’il faut toujours tenir compte, chez ces gens là, de l’aile plus à gauche du CD&V. 
Kris Peeters est l’incontestable leader des sociaux-chrétiens flamands mais sous le contrôle de Wouter Beke: qui le recadre si besoin.

Le “pont” invisible entre CD&V et N-VA

Les francophones parviendront-ils, pour nouer un jour une incertaine coalition fédérale, à briser –comme en 2011- l’axe N-VA-CD&V, qui sera encore renforcé dès la formation du Gouvernement flamand? 
Ce sera cette fois très difficile, même si quelques fissures sont décelables. (Qui donc sera finalement Ministre-Président flamand? Vraiment le N-VA Geert Bourgeois? Ou Kris Peeters, au vu des incertitudes fédérales, tentera-t-il le coup d’y rester, un tiens valant mieux que deux tu l’auras…)
C’est qu’il y a, entre Kris Peeters et Bart De Wever, une indéniable forte estime réciproque. Qui dépasse le pur niveau politique. Ces hommes-là partagent des convictions proches et s’apprécient fortement mutuellement.
Bart De Wever n’est pas loin d’admirer Kris Peeters (pour son charisme, son savoir-faire, sa présence, ses qualités intellectuelles, olé): et ce dernier dit souvent tout le bien qu’il pense du penseur-stratège De Wever, humour à froid y compris.
Le cartel CD&V-N-VA est mort. Mais cette relation particulière entre Kris Peeters et Bart De Wever est le pont entre les deux formations politques, avec Wouter Beke en arrière-plan. 
C’est moins visible, c’est plus flou, plus difficile à analyser que feu le cartel : mais ce pont confédéraliste existe bien et bien. Et on ne le fera pas céder aisément cette fois-ci.

Quel sera le futur de Kris Peeters? L’homme affectionne assurément projecteurs et pouvoir. Avant les élections, on l’a souvent entendu évoquer la menace de la  Tentation de Venise, ce truc que les politiques ne mettent quasi jamais à exécution: ici, l’évocation d’un job dans le secteur privé ou européen s’il ne pouvait rester le boss de la Flandre.
L’homme n’est peut-être pas définitivement marié à la politique  mais il pourrait quand même finalement se retrouver au 16 rue de la Loi.
Et là, les bruxellois et les wallons découvriraient un homme qui, sous bien des aspects, se comporterait, médiapolitiquement, comme Elio Di Rupo.
Tout comme Di Rupo, il ne parle pas trop bien la langue de l’autre communauté (la presse flamande s’est longuement interrogée sur son bilinguisme réel).
Tout comme Di Rupo, il adopterait un style un peu présidentiel,  plutôt au dessus de la mêlée.
Sans trop se risquer à de grandes déclarations politiques périlleuses.
Son compte Twitter @MP_Peeters continerait, comme celui d’ @eliodirupo, à s’inscrire dans la communication -prudente et très marketing- commune à celle de tous les responsables politiques qui maîtrisent les clés de la communication politique en ligne (Obama, Hollande, etc)
Le gouvernement Di Rupo 2, c’est peut-être le Kris Peeters 1.
Un Di Rupo 2 par le style et la com’,  l’aspect “belgicain” en moins.
Mais assurément en version très CEO et très flamande pour le reste.

Michel HENRION



Ces influences qui sont la face cachée de la formation d’un gouvernement (MBelgique du 20/06/2014)

 

 L’électeur lambda voit souvent, un brin naïvement, les partis comme des machines parfaitement homogènes. Alors que ce ne sont souvent que des façades derrière lesquelles s’agitent, en interne, de solides divergences, qu’elles soient de personnes (qui croit ainsi, ces temps-ci, que Charles Michel serait réellement  ravi-content de voir Reynders promu Premier Ministre?) ou,  phénomène plus marquant, de tendances idéologiques. Qui ne sont souvent elles-mêmes que le reflet, le relais de groupes de pression, de lobbies multiples.
Il ne faut pas s’y tromper: le mécanisme de la formation d’un gouvernement fédéral intègre, entre autres rouages, les influences, les jeux plus ou moins souterrains de nombre de milieux d’influence, de jeux d’intérêts à l’action plus ou moins perceptible.
On l’a vu lors de la longue crise des 541 jours d’après le scrutin de 2010: craignant l’indépendantisme-nationalisme-républicain d’une N-VA provocatrice, bien des milieux- dont d’aucuns proches de la Monarchie- se mobilisèrent pour faire trébucher le Bart De Wever de l’époque.
On le voit aujourd’hui  à l’inverse: bien des lobbies – et parfois curieusement les mêmes qu’en 2010- frémissent et s’activent en coulisses, séduits à l’idée d’une coalition de centre-droit, intégrant le même Bart De Wever- dont la mue soudaine en ferait un quasi Homme d’Etat- histoire de renvoyer la gauche dans l’opposition après 26 ans de présence rue de la Loi. (9 mai 1988-2014)
Ce fut l’une des étrangetés de la dernière campagne électorale: sur les plateaux-télé, libéraux et socialistes s’étripaient grave jusqu’à l’absurde en évoquant  sans cesse un truc paléopolitique quasi incompréhensible pour tout électeur  de moins de 40 ans: à savoir la “période Martens-Gol”. Traduction: les gouvernements Martens qui, de 1981 à 1987, marièrent libéraux et chrétiens sous leurs sigles démodés d’alors (CVP-PVV-PRL-PSC).
C’est, pour mémoire, l’époque ou les idées  “thatchéristes” font plutôt fureur.  Se dotant de pouvoirs spéciaux entre 1982 et 1987, l’équipe Martens-Gol mettra en œuvre des décisions plutôt impopulaires: sauts d’index (2% à chaque fois, soit une mesure d’austérité assez sévère), limitation des dépenses publiques, ceinture dans la Sécurité Sociale, diminution de 3 % de la masse salariale…
Une politique qui n’avait été rendue possible que par l’accord dit “de Poupehan”, ce petit village aux collines boisées ou Wilfried Martens avait obtenu l’appui explicite de Jef Houthuys, à l’époque le tout grand boss des syndicats chrétiens (ACW-CSC). 
Feu Wilfried Martens l’a écrit dans ses “Mémoires”:
-“Houthuys a bien tenu ses troupes en main et toutes les actions syndicales ont échoué”. 
Et tout ce qu’organisait Georges Debunne, le mythique  dirigeant d’alors de la FGTB, n’eut- de par l’inertie relative de la CSC- que peu d’effet sur ce qui se décidait au 16 rue de la Loi.
On rappelle ça parce que c’est l’une des multiples faces du rubik’s cube de l’actuelle formation. Et que c’est, évidemment, une des interrogations évoquées au sommet du MR ces temps derniers.
Des libéraux francophones pour qui, pure hypothèse, ce ne serait déjà pas psychologiquement fastoche d’être le seul parti francophone à pactiser avec “le diable De Wever”. Mais être la seuble cible -à chaque décision impopulaire- d’un Front Commun Syndical wallon FGTB-CSC, c’est encore un tout autre pari.  (certains liens avec le CDH ont été récemment mis en avant par l’élection au Parlement Européen de Claude Rolin, ex-figure de proue dudit syndicat chrétien)
Paradoxe: alors que le taux de syndicalisation augmente toujours en Belgique, le poids politique des syndicats tend d’évidence à diminuer. Et leur capacité à peser sur les décisions politiques s’est d’évidence  amoindrie. Mais l’influence persiste et n’est pas mince. Ni au PS, ni au CD&V, qui s’appuie toujours sur le “verzuiling”, entendez le système des piliers, les fameux “standen” qui ont fait longtemps la force , l’armature de “l’Etat CVP”. (syndicats, mutualités, Boerenbond, coopératives, etc…)

Pourquoi le Mouvement Ouvrier Chrétien flamand peut préférer la N-VA


De Wever et la N-VA doivent prendre sans cesse en compte, s’ils veulent accéder au pouvoir fédéral,  que le parti de Wouter Beke et le Mouvement Ouvrier Chrétien flamand  (la coupole de tous les piliers démocrates-chrétiens chers au CVP-CD&V) demeurent très proches. L’ACW ne peut, certes, dicter une ligne politique aux  sociaux-chrétiens du Nord mais, consultée, très bien informée, elle peut à tout le moins, selon ses intérêts propres, donner le feu vert ou poser un veto.
Ne jamais oublier que c’est l’ACW (Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) qui a poussé des carrières politiques comme  celles de Jean-Luc Dehaene, Etienne Schouppe, Yves Leterme, Steven Vanackere, Jo Vandeurzen, Inge Vervotte ou, aujourd’hui, de l’hyper-populaire Hilde Crevits…
La pièce est subtile: pourquoi diable le Mouvement Ouvrier Chrétien flamand – que la N-VA n’a cessé d’attaquer, notamment sur le dossier crucial du sort des coopérateurs d’Arco-Dexia, c’est à dire le coeur même des intérêts financiers de l’ACW- n’est-il pas davantage réticent à ce que le CD&V convole avec la N-VA?
Tout simplement parce que l’ACW pose, mine de rien, la même analyse que le CD&V: pour peser sur les décisions, il vaut mieux un gouvernement reserré de centre-droit qu’un large gouvernement de centre-gauche aux partenaires plus insaissisables.
Certes, pas mal des points du programme de la N-VA (sauts d’index, limiter le chômage dans le temps) apparaissent peu compatibles avec ce que veulent les syndicalistes chrétiens du Nord du pays. Et des opinions “critiques” que Patrick Develtere, le président de l’ACW, martèle dans diverses interviews, histoire de créer l’illusion de son pouvoir.
Mais Bart  De Wever chante désormais du Florent Pagny (“Puisque ici tout est négociable”) et fait bien asavoir que toutes les marges étaient possibles. Une volonté de compromis qui fait donc l’affaire de l’aile plus patronale du CD&V: sans la N-VA, le saut d’index n’était que rêverie programmatique.  Avec la N-VA présente, on peut peut-être forcer -comme jadis à Poupehan- la main de l’ACW. Genre la mesure maligne que l’ACW pourrait présenter comme n’étant pas du tout un vrai saut d’index mais que De Wever et Kris Peeters  affirmeraient, eux, que c’est tout kif.
Bref, un peu moins de pouvoir politique pour les syndicats, mais toujours une solide influence. Parmi beaucoup d’autres en ce Royaume de Belgique ou c’est par dizaines qu’on compte aussi, depuis la seconde guerre mondiale, les ministres liés, dans leur carrière, aux intérêts du monde financier. (les deux derniers exemples emblématiques étant  feu Jean-Luc Dehaene et Guy Verhofstadt)
La Belgique politique est décidément une vaste terre d’influences.


Michel HENRION.

Les noces rebelles de l’électeur flamand (MBelgique du 6/06/2014)

 
L’après-élections, période de contacts plutôt discrets, crée souvent un vide médiapolitique.
Qui se remplit dès lors souvent d’un peu tout et n’importe quoi.
Ainsi, à la télé flamande, a-t-on pu voir Wouter Torfs, un célèbre marchand de chaussures de Flandre, venir expliciter les tweets par lesquels il jetait des pantoufles sur la gauche flamande et pourquoi il voulait des coalitions de centre-droit .
Ainsi,  assiste-t-on sur les réseaux sociaux flamands à une épidémie d’analyses à deux balles- et peu importe si elles sont techniquement absurdes - de remise en cause de la répartition des sièges à la Chambre…
Ainsi prête-t-on, pour l’heure, par trop d’attention à ces “Marches flamandes” lancées d’un clic sur Facebook et censées mobiliser (un 1er août !) l’ “âme flamande” au cas où …
Par contre, s’il est un malaise à relever, c’est celui né du hiatus bien trop flagrant entre l’avant- élections (où tous les partis, surtout en Flandre, proclamaient ne s’attacher qu’au contenu des programmes) et l’après-scrutin où la “particratie” (mot utilisé ici sans connotation péjorative mais comme type de régime politique) montre jusqu’à l’excès qu’elle ne pense plus qu’aux petites stratégies de pouvoir .
Le PS Philippe Moureaux le relevait pertinemment l’autre jour: “On ne pourra pas éliminer facilement le grand vainqueur des élections en Flandre, (entendez la N-VA) devenu un acteur tellement important”.
En Flandre, ça se résume d’une formule:  “Le flamand a beau voter  pour ce qu’il veut , c’est la “particratie” belge qui décidera in fine de ce qui se passera”. (pour les distraits, avec 1.366.073 voix, la N-VA a inventé la famille politique monoparentale, pesant quasi autant que PS et SPa réunis)
Donc, écarter d’office -parce que c’est comme ça, na!- la N-VA tout à la fois du Gouvernement fédéral ET du Gouvernement flamand sans que l’opinion publique du Nord n’ait le sentiment que la N-VA porte elle-même une responsabilité de l’échec, sans qu’on n’ait photographié qu’elle a bloqué, qu’elle a refusé tout compromis, qu’elle a chipoté, qu’elle a renâclé, qu’elle ne voulait peut-être pas vraiment des ministères de la rue de la Loi, ça ne passera pas comme une lettre à be.post.  Ca peut même conduire à des évolutions souterraines  imprévisibles dans la société flamande.
On reprend, pour bien faire comprendre un certain climax au Nord. Pendant toute la campagne électorale, l’électeur flamand n’a entendu parler que de priorités socio-économiques, avec bien des convergences de contenu de centre-droit parfois à peine nuancées entre Bart De Wever, Gwendolyn Rutten, Kris Peeters, Didier Reynders, Charles Michel et même Benoît Lutgen…
Surprise: dès la page de #be2505 tournée, politiques et médias flamands ne se demandent pas si le contenu tellement mis en avant est possible ou non avec les socialistes (ne jamais rien écarter en politique); mais seulement de savoir surtout quand De Wever va échouer.
Bref, nombre de flamands (et pas que N-VA) ont le  sentiment que les partis privilégient toujours, non pas leurs fameux programmes, mais le pouvoir facile…
Il n’a manqué qu’un siège à la N-VA pour être incontournable.  L’exclure- à tout le moins du Gouvernement flamand- sans même démontrer aux électeurs qu’elle s’exclut elle-même du pouvoir par ses positions radicales serait risqué.  Et  d’autant plus compliqué qu’il est quasi impossible d’écarter la N-VA juste sur base de son programme socio-économique, qui n’est pas loin… de ressembler comme deux gouttes d’eau à celui de l’OpenVLD (d’ailleurs, son meilleur et important soutien du moment)
Eliminer froidement le vainqueur -entendez la N-VA- déboucherait, au Nord, sur un malaise. Dont on ne sait ce sur quoi il pourrait aboutir. Une radicalisation de Bart De Wever, qui vire plutôt ces jours-ci presque parti traditionnel? Une apathie, un rejet beurk des moeurs politiques? Donc, un come-back des fachos du Belang?  Une “marche” style Shame, sans d’ailleurs plus d’influence que cette dernière?
La politique n’est pas qu’une affaire de calculettes additionnant le nombre de sièges: c’est très psy.