Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 18 août 2014

Geert Bourgeois: un bâton de maréchal pour le dinosaure (MBelgique du 25/07/2014)

 

C’est un événement marquant dans l’histoire politique du pays: douze ans à peine après avoir créé la Nieuwse Vlaamse Allantie nationaliste, mieux connue sous l’appellation N-VA, son fondateur, Geert Bourgeois, sera le Premier Ministre du Gouvernement flamand. De la Flandre, sa patrie.
Mieux: l’homme, qui inventa de concert avec Yves Leterme feu le cartel CD&V-N-VA, se retrouvera à la tête d’une alliance identique, complétée in extremis par les libéraux de Gwendolyn Rutten (les sociaux-chrétiens flamands du Nord souffrant psy de ne plus être le parti dominant protégeant ses piliers et influences)
Pour cet avocat, ce conseiller communal d’Izegem –la cité natale de Johan Bruyneel- qui rêvait de jouer un "rôle de premier plan" (le budget de la Flandre dépasse désormais celui du fédéral) ce sera assurément le couronnement (la N-VA à la tête de la Flandre) d’une carrière marquée par de fortes convictions. Si, en 2001, lors de la recomposition du paysage flamand née de l’implosion de la Volksunie, le député VU Bourgeois n’avait pas eu la volonté et l’énergie de rassembler son aile conservatrice, il n’aurait pas réussi à se faire réélire en 2003 sous le label N-VA, parti auquel on n’accordait guère que peu de poids et encore moins d’avenir.
Bart De Wever, tête de liste N-VA à Anvers et non-élu (eh oui) à ce même scrutin de 2003, en sait quelque chose. (la N-VA s’adjugea 201.399             voix et un seul siège à ce scrutin d’un tout autre paysage politique puisque l’OpenVLD caracolait en tête avec plus d’un million d’électeurs juste devant les socialistes flamands, ces deux partis dépassant de loin le CD&V en crise et ses 871.000 voix. Un autre monde, on vous dit.)
Anecdote: alors que Bart De Wever dopera  son image et la popularité de la N-VA en multipliant les apparitions au jeu de la VRT “De slimste mens”, son compère Geert Bourgeois avait, avant cette rampe de  lancement médiatique, déposé une proposition de loi qui aurait proscrit toute personnalité politique des émissions de divertissement de la télé publique (dont il sera d’ailleurs le ministre de tutelle).
L’ électeur anversois n’a pas la tolérance du wallon bonne pâte à modeler: et il n’aurait pas accepté que le bourgmestre de Wever déménage Place des Martyrs (siège du Gouvernement flamand à Bruxelles) et  ne tienne pas, ne trahisse son ferme engagement électoral de se consacrer pleinement à sa Métropole jusqu’en 2018.
Le choix de Geert Bourgeois, le dinosaure de la Volksunie qui a réussi à survivre, n’est pas, à première vue, une option très médiagénique. Même en Flandre Occidentale, l’homme ne remue pas les foules. Plutôt conservateur, homme à principes, quelque peu amidonné, Geert Bourgeois ne suscite pas des délires d’empathie. Et sa vie privée est à l’abri de toute cette pipolisation qu’il abhorre.
Mais, ministre du Gouvernement flamand  depuis une décennie (avec une brève interruption due à sa démission lors de l’agonie du cartel CD&V-N-VA), l’homme y a plutôt fait un parcours sans faute (du moins aux yeux des flamands, ses interventions pour ce qui est des bourgmestres de la périphérie bruxelloise lui ayant assuré une toute autre image versus francophone).
C’est le type de ministre qui maîtrise plutôt ses dossiers, qui ne délire pas dans une interview incontrôlée, qui avale les déceptions et autres couleuvres politiques sans grands états d’âme apparents, qui n’a pas d’ego démesuré, qui –fait rare- n’organise pas de fuites plus ou moins subtiles vers les medias. Ce qu’il a sur le coeur, l’homme le balance plutôt en interne: une certaine forme de loyauté par rapport au parti qu’il a créé, à l’époque sur base d’une image à l’ancienne. Au sein de la N-VA, c’est un peu ça: Bourgeois c’est le nationalisme flamand à la papa; Bart De Wever, c’est le nationalisme flamand moderne et revisité.

Liesbeth Homans, l’atout de rechange

Mais la fonction fait l’homme. Et la popularité de la N-VA , au Nord s’entend, fera le reste.
On ne sera pas loin finalement du “style Kris Peeters”, mais en version light.  Le style CEO, le charisme en moins. Et la Flandre adore avoir l’impression d’être gérée comme une entreprise. Avec , tout  comme pour la présentation de l’accord du Gouvernement wallon, des discours pleins de mots colorés technocratiques.
Même si le climat budgétaire ne sera pas forcément plus rose qu’en Wallonie, même s’il y aura –tout comme en Wallonie et à Bruxelles- bien des flottements pour ce qui des nouvelles compétences transférées par la 6ème réforme de l’Etat…
Malin singe, Bart De Wever avait longtemps laissé plané le doute, se plaisant à agiter le nom –pour cette même Ministre-Présidence- de Liesbeth Homans, son bras droit de toujours. Ce qui avait donné lieu, à la télé flamande, à un amusant dialogue volé par une caméra, Homans demandant à De Wever “s’ils y avaient vraiment cru”… (à l’intox)
Pour De Wever, il était essentiel de n’avoir pas à trancher entre Geert Bourgois, la figure historique, et Liesbeth Homans, sa complice de toujours promise d’évidence à un grand avenir politique.
En Flandre, la lientenante de Bart a battu haut la main Kris Peeters en terme de voix de préférence :163.502 voix, soit bien plus que le ministre-président flamand CD&V sortant (140.564). Clé de cette popularité: une foultitude de déclarations à l’emporte-pièce dans le style médiapolitique de Maggie De Block: le concept assez tendance du “dur mais juste”.
Ce n’est pas un mince exploit. Le potentiel de Liesbeth Homans est évident au sein de la N-VA. Et l’hypothèse n’est pas folle qui voit Geert Bourgeois, qui aura dépassé l’âge de la retraite en cours de quinquennat, céder sa place à Liesbeth Homans en fin de parcours. Histoire de doper le scrutin de 2019. Dans une éternité.

Michel HENRION.