Mieux: l’homme, qui inventa
de concert avec Yves Leterme feu le cartel CD&V-N-VA, se retrouvera à la
tête d’une alliance identique, complétée in extremis par les libéraux de Gwendolyn Rutten (les sociaux-chrétiens flamands du Nord
souffrant psy de ne plus être le parti dominant protégeant ses piliers et
influences)
Pour cet avocat, ce
conseiller communal d’Izegem –la cité natale de Johan Bruyneel- qui rêvait de
jouer un "rôle de premier plan" (le budget de la Flandre dépasse désormais celui du fédéral) ce sera
assurément le couronnement (la N-VA à la tête de la Flandre) d’une carrière
marquée par de fortes convictions. Si, en 2001, lors de la recomposition du
paysage flamand née de l’implosion de la Volksunie, le député VU Bourgeois
n’avait pas eu la volonté et l’énergie de rassembler son aile conservatrice, il
n’aurait pas réussi à se faire réélire en 2003 sous le label N-VA, parti auquel
on n’accordait guère que peu de poids et encore moins d’avenir.
Bart De Wever, tête de liste
N-VA à Anvers et non-élu (eh oui) à ce même scrutin de 2003, en sait quelque
chose. (la N-VA s’adjugea 201.399 voix
et un seul siège à ce scrutin d’un tout autre paysage politique puisque
l’OpenVLD caracolait en tête avec plus d’un million d’électeurs juste devant
les socialistes flamands, ces deux partis dépassant de loin le CD&V en
crise et ses 871.000 voix. Un autre monde, on vous dit.)
Anecdote: alors que Bart De
Wever dopera son image et la
popularité de la N-VA en multipliant les apparitions au jeu de la VRT “De
slimste mens”, son compère Geert
Bourgeois avait, avant cette rampe de
lancement médiatique, déposé une proposition de loi qui aurait proscrit
toute personnalité politique des émissions de divertissement de la télé
publique (dont il sera d’ailleurs le ministre de tutelle).
L’ électeur anversois n’a pas
la tolérance du wallon bonne pâte à modeler: et il n’aurait pas accepté que le
bourgmestre de Wever déménage Place des Martyrs (siège du Gouvernement flamand
à Bruxelles) et ne tienne pas, ne
trahisse son ferme engagement électoral de se consacrer pleinement à sa
Métropole jusqu’en 2018.
Le choix de Geert Bourgeois,
le dinosaure de la Volksunie qui a réussi à survivre, n’est pas, à première
vue, une option très médiagénique. Même en Flandre Occidentale, l’homme ne
remue pas les foules. Plutôt conservateur, homme à principes, quelque peu
amidonné, Geert Bourgeois ne suscite pas des délires d’empathie. Et sa vie
privée est à l’abri de toute cette pipolisation qu’il abhorre.
Mais, ministre du
Gouvernement flamand depuis une
décennie (avec une brève interruption due à sa démission lors de l’agonie du
cartel CD&V-N-VA), l’homme y a plutôt fait un parcours sans faute (du moins
aux yeux des flamands, ses interventions pour ce qui est des bourgmestres de la
périphérie bruxelloise lui ayant assuré une toute autre image versus
francophone).
C’est le type de ministre qui
maîtrise plutôt ses dossiers, qui ne délire pas dans une interview incontrôlée,
qui avale les déceptions et autres couleuvres politiques sans grands états
d’âme apparents, qui n’a pas d’ego démesuré, qui –fait rare- n’organise pas de
fuites plus ou moins subtiles vers les medias. Ce qu’il a sur le coeur, l’homme
le balance plutôt en interne: une certaine forme de loyauté par rapport au
parti qu’il a créé, à l’époque sur base d’une image à l’ancienne. Au sein de la
N-VA, c’est un peu ça: Bourgeois c’est le nationalisme flamand à la papa; Bart
De Wever, c’est le nationalisme flamand moderne et revisité.
Liesbeth Homans, l’atout
de rechange
Mais la fonction fait
l’homme. Et la popularité de la N-VA , au Nord s’entend, fera le reste.
On ne sera pas loin
finalement du “style Kris Peeters”,
mais en version light. Le style
CEO, le charisme en moins. Et la Flandre adore avoir l’impression d’être gérée
comme une entreprise. Avec , tout
comme pour la présentation de l’accord du Gouvernement wallon, des
discours pleins de mots colorés technocratiques.
Même si le climat budgétaire
ne sera pas forcément plus rose qu’en Wallonie, même s’il y aura –tout comme en
Wallonie et à Bruxelles- bien des flottements pour ce qui des nouvelles
compétences transférées par la 6ème réforme de l’Etat…
Malin singe, Bart De Wever
avait longtemps laissé plané le doute, se plaisant à agiter le nom –pour cette
même Ministre-Présidence- de Liesbeth Homans, son bras droit de toujours. Ce
qui avait donné lieu, à la télé flamande, à un amusant dialogue volé par une
caméra, Homans demandant à De Wever “s’ils y avaient vraiment cru”… (à l’intox)
Pour De Wever, il était
essentiel de n’avoir pas à trancher entre Geert Bourgois, la figure historique,
et Liesbeth Homans, sa complice de toujours promise d’évidence à un grand
avenir politique.
En Flandre, la lientenante de
Bart a battu haut la main Kris Peeters en terme de voix de préférence :163.502
voix, soit bien plus que le ministre-président flamand CD&V sortant
(140.564). Clé de cette popularité: une foultitude de déclarations à
l’emporte-pièce dans le style médiapolitique de Maggie De Block: le concept
assez tendance du “dur mais juste”.
Ce n’est pas un mince
exploit. Le potentiel de Liesbeth Homans est évident au sein de la N-VA. Et
l’hypothèse n’est pas folle qui voit Geert Bourgeois, qui aura dépassé l’âge de
la retraite en cours de quinquennat, céder sa place à Liesbeth Homans en fin de
parcours. Histoire de doper le scrutin de 2019. Dans une éternité.
Michel HENRION.