Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 25 avril 2015

Cette spécificité bien belge: le ravalement de façade politique (chronique pour M...Belgique Hebdo du 05/04/15)



 En Belgique, les Nic-Nacs, ces petits biscuits secs en forme  d’alphabet, ont, outre les enfants, deux clientèles assez portées à jouer avec les lettres: les banquiers et les responsables de partis politiques.
Les premiers parce qu’il s’agissait évidemment, en changeant les logos des agences, de faire oublier la crise bancaire. Les seconds, parce qu’ils s’imaginent régulièrement que rebaptiser leur formation politique  donnera forcément un nouveau souffle à celle-ci.
Comme les Nic-Nacs, c’est vraiment là une spécialité très belge. Que nos politiques ne partagent qu’avec la France, recordman du genre, dans une curieuse exception politico-culturelle. Si l’on met à part le cas plus spécifique de l’Italie -ou la corruption fit s’effondrer tout le paysage politique - rares sont les pays où l’on change presque de sigle comme Elio Di Rupo de chemise le 21 juillet.
En Andalousie, lors des élections-test pour les futures législatives ibériques, c’est toujours un “Parti Socialiste Ouvrier” qui vient de l’emporter. Et ce sous sa très vieille appellation qui n’émeut d’évidence aucun andalou. En Allemagne, les sociaux-démocrates du SPD vivent avec la même étiquette depuis 1890. Et ne parlons pas des Etats-Unis ou ni le Parti Démocrate (1824) ni le Républicain (1854) ne penseraient un instant à toucher à leur appellation.

Pourquoi le FDF veut se rebaptiser “libéral social”


Tiens, vous souvenez-vous ainsi du PPW, le Parti Pour la Wallonie? Pas étonnant: ce parti éphémère ne fut qu’à usage unique, pour un seul scrutin de 1991, à l’époque ou Olivier Maingain souhaitait que le FDF-PPW devienne le “parti québécois” de la Communauté française, histoire de renforcer son identité francophone. Avec pour ambition – curieusement redevenue d’actualité vingt ans plus tard- de “soumettre les autres partis à des tests de sincérité francophone”.
On rappelle la suite: un an plus tard, en 1993, le FDF (dont l’ADN implique qu’il ait toujours, depuis la disparition de feu le Rassemblement Wallon,  un pendant/allié au Sud du pays) construit la Fédération PRL-FDF, rejointe en 1998 par une mini-dissidence du PSC, le MCC. Résultat: en 2002, la fédération PRL-FDF-MCC prend le nom de Mouvement Réformateur, en bref, le MR.
Un sigle à forte identité qui vaut déjà la peine de s’y attarder en analyse médiapolitique:
-Tout comme Charles de Gaulle, on préfèra à l’époque éviter le mot “parti” et opter pour le mot “Mouvement”, moins rebutant.
-On se limitait à deux lettres, histoire d’affronter de front celles du PS.
-On abandonnait, dans la dénomination, le mot “libéral”, dont l’image était jugée ternie par les dérives de la mondialisation…
Retournement politique: en 2011, le FDF claque la porte du MR estimant déjà “que les capitulent devant les exigences flamandes”. (libéraux (car l’usage du terme “libéral” s’est maintenu, on ne parle qu’occasionnellement de “réformateurs”)
Et voici qu’Olivier Maingain aujourd’hui fort de sa enième réelection se dit enclin, pour “mieux traduire l’évolution socio-économique de son parti”, à changer l’appellation FDF à travers un nouveau sigle. Pour y greffer le mot “libéral” et l’idée du “libéralisme social”, abandonnée, selon Maingain, depuis que Charles Michel s’est allié avec la N-VA.
L’objectif stratégique est évident: l’électeur aurait ainsi le choix, surtout à Bruxelles (14,8% des voix au FDF, 23,04% au MR), entre deux partis se revendiquant du libéralisme.
Et des libéraux qui s’inquiètent des “dérives” de l’alliance avec Bart De Wever pourraient enfin donner un peu de poids au FDF wallon. (2,53% en Wallonie au scrutin 2014)
On vous parle de ça, car c’est un cas d’école: celui ou on entend adapter le nom du parti à l’évolution d’une ligne politique. Ici d’un parti qui, BHV aidant, met désormais plutôt l’accent sur ses propositions socio-économiques et, originalité, la défense de la laïcité. Oh, sans doute le FDF n’ira-t-il évidemment pas jusqu’à suicider sa marque très forte mais l’ajout à celle-ci d’une touche libérale sociale sera une consolidation.

Le cdH ne se rebaptisera pas mais se centre sur son C


Au cdH, lui aussi en pleine phase de réflexion, nul mandataire ne sait exactement la ligne de redressement que Benoît Lutgen mitonne dans un quasi black-out. C’est que les sociaux-chrétiens voient soudain avec bonheur s’ouvrir davantage d’espace politique au centre, entre la “droite suédoise” et le PS obligé , sous la pression PTB, de s’ancrer davantage à gauche. Sans parler des électeurs jadis détournés du droit chemin par la com’ de l’Ecolo monarchiste Jean-Michel Javaux. Cela pourrait-il aller, comme des jeunes cdH l’ont imaginé, jusqu’à encore se rebaptiser puisque le meilleur score historique du cdH est en dessous du pire score de l'histoire du défunt PSC (Parti social chrétien) d’antan?
Il n’en sera rien: on ne changera plus ni l’eau ni le nom du bocal à poisson orange. Mais, dans ce climat politique il est clair que les stratèges du Centre démocrate Humaniste mettront davantage l’accent sur le C de leur sigle (ici, C comme Centre) que sur le H d’Humaniste. Un mot controversé, puisque faisant par trop référence aux Lumières et à la Libre Pensée, mais qui a vachement servi le cdH, du moins à Bruxelles, lui permettant de s’ouvrir massivement aux électeurs musulmans et de repasser largement la barre des 10%.
Mais lui valant aussi sa nouvelle appellation de “Parti des Religions”. Ce qui postule aussi une moins grande volatilité que celle de l’électeur Ecolo. (depuis mai 2014, le rapport de force CDH/ Ecolo , en Wallonie, c’est 15,1% contre 8,6%)
Dans cette création du cdH, un gros hic: non seulement l’ouverture aux laïcs est-elle restée quasi lettre morte depuis 2002 mais encore le changement de dénomination n’a-t-il guère fonctionné en Wallonie, sociologie électorale aidant. Dans le cas du cdH, le changement de dénomination se voulait véritable rupture: ce ne fut pas pour autant la renaissance escomptée.




Côté flamand, c’est un fait marquant que tous -oui tous- les partis du Nord ont changé leur nom. Parfois par la force (la Cour de Cassation qui condamna le Vlaamse Blok pour racisme et xénophobie, le forçant à se rebaptiser en Belang et “cassant” son élan), le plus souvent pour se défaire du passé, avec plus ou moins de bonheur.

Au CD&V, une mayonnaise qui a mis son temps à prendre

Ainsi, lorsqu’il s’est retrouvé dans l’opposition en 2001, le CVP choisit de se défaire de l’image “conservatrice” de l’Etat CVP. Des spins doctors inventèrement donc le CD&V, insistant sur le coup de génie du symbole &, censé démontrer la volonté d’unir et non point de diviser.
Las, la mayonnaise a pris lentement mais a fini par virer plutôt réussite, en “image publique” s’entend. Le fait est là: alors que le CVP ne séduisait presque plus aucun jeune flamand, c’est devenu un parti, voire une marque qui fonctionne à nouveau chez les jeunes électeurs flamands.
Les libéraux flamands, eux, ont connu bonheurs et malheurs. Lancé sur orbite en 1992 par l’emblématique Verhofstadt, le VLD (Vlaamse Liberalen en Democraten) devient finalement, de peu, le premier parti de Flandre en 1999. 
Mais a la curieuse idée en 2007 de se mettre en cartel, histoire de se montrer encore plus rassembleur, avec le mini parti Vivant du richissime Roland Duchâtelet (oui, celui du Standard de Liège) sous le nom d'Open Vld. C’est le début de ses ennuis. Déjà critiqué parce que ses trois premiers “Burgermanifesten” (les petits livres ou Verhofstadt décrivait sa vision politique) ne collaient pas vraiment avec son action comme Premier Ministre jugée bien trop à gauche en Flandre, Verhofstadt réactualise ses convictions et opte parallèlement de changer le VLD en OpenVLD.
Trois ans plus tard, Alexander De Croo retire la prise du gouvernement Leterme: et les libéraux du Nord dévissent les échalotes, perdant plus d’un quart de leurs électeurs. Et la N-VA fait un énorme bond en avant. Merci Alexander. Ici, la nouvelle image du parti aura été celle de la chute et du déclin.

Le nom d’un parti: une valeur variable

C’est le moment d’épingler un phénomène évident: le nom d’un parti n’a pas la même valeur à droite qu’à gauche d’une assemblée parlementaire.
La droite -le phénomène est très voyant en France- a plutôt tendance à opter pour des valeurs consensuelles. On parlera de “Rassemblement”, d’ “Union”, ou , comme pour le MR, de “Mouvement”. Les militants ne sont pas attachés à tout prix au nom de leur parti: à preuve en France les multiples appellations successives du courant gaulliste… (UDR, RPR, UMP, demain les Républicains?)
Les partis de gauche, eux, ont davantage l’impression de perdre partie de leur identité. Leur appellation c’est, mine de rien, la continuité des luttes politiques des ancêtres, de toute l’histoire sociale du Mouvement ouvrier.
C’est ce qui explique que, comme en France depuis 1971, le PS n’a, chez nous, jamais même envisagé de changer de nom depuis la scission du national PSB en 1978. Même dans ses périodes de ressac. On y a juste, dans une “consolidation stratégique” de com’ jeté avec les orties la rose au poing, empruntée à François Mitterrand depuis 1971, et relooké design le logo PS.

Le sp.a ne pétille plus

Du côté des socialistes flamands, pour là aussi faire oublier les affaires judiciaires et se défaire d’une image vieillotte,  le publicitaire Patrick Janssens devenu soudain président en 1999 appliqua une logique marketing. Le SP devint le sp.a, (Socialistiche Partij Anders) le point graphique étant juste là pour qu’on ne confonde pas le parti avec… l’eau minérale. Il s’agissait aussi d’accueillir le mini-parti Spirit de Geert Lambert, ex vice-président de la Volksunie. Et touriste politique puisqu’il fonda ensuite le Sociaal-Liberale Partij, qui fusionnera avec les écolos flamands de Groen.
Bref, les socialistes flamands ont tellement voulu changer le nom et leur image d’ouverture qu’ils ont fini par s’égarer. (pour rappel, Caroline Gennez voulait appeler son parti Socialistisch en Progressist Partij) C’est pourquoi l’actuel duel interne entre l’ostendais John Crombez et Bruno Tobback se focalise tant sur la question du message et des valeurs que le Sp.a doit incarner et “vendre” à l’opinion.
Or, les deux hommes représentent finalement les mêmes valeurs un peu floues. Ni l’un ni l’autre ne va inventer l’eau chaude qui , soudainement, fera faire des bulles électorales aux socialistes du Nord. “Il y a, lâche un politologue flamand, des enterrements plus gais que les débats entre les deux candidats”
John Crombez, qui ne manque pas de qualités, sera sans doute le prochain président des socialistes flamands mais juste pour une raison principale: il n’est pas Bruno Tobback.

On le voit: un nouveau nom n’est pas automatiquement, pour n parti, une renaissance: c’est aussi un risque.
L’entreprise peut être une formidable réussite (le VLD de la grande époque de Guy Verhofstadt ou un égarement (l’embarras des socialistes flamands).
Bref, une belle interrogation médiapolitique: faut-il toujours tout chambouler pour se moderniser?

Michel HENRION


#Suédoise: un défaut de fabrication plus que relatif (chronique pour MBelgique Hebo)







La politique belge, c’est pas sorcier. Il suffit toujours, pour le gouvernement du moment, de trouver la juste incantation qui transforme la réalité. Mais comme -Europe et mondialisation aidant- les casse-tête se multiplient, la rue de la Loi peine de plus en plus à faire croire en ses éternels tours de magie. Budgétaires et autres.

Et puisque le vieux truc des “recettes du bon sens”, cet efficace terminus de la pensée, laisse même l’opinion publique être critique, l’institutionnel belge tombe cette fois à pic pour tout rendre illisible.

Pas de drame sanglant: on prévoit une croissance plus optimiste et on ristourne surtout 750 mio € de moins aux entités fédérées.

Supercalifragilisticexpialidocious et l’essentiel du tour de passe passe est joué. Aux Régions, et aux communes, de se serrer soudain la ceinture bien plus que prévu. Surprise-surprise, débrouillez-vous, c’est la loi de financement même si les chiffres partent soudain en toupie.

C’est d’autant plus simple qu’aucun parti du gouvernement fédéral n’est présent dans les Exécutifs de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Fastoche: il suffit juste de cliquer et d’envoyer un petit mail. Signalant aux bruxellois qu’ils ont 105 mio€ en moins et aux wallons qu’ils ne recevront pas les 317  mio€ escomptés.



Le malaise



Après six mois de gouvernement suédois, malgré cet ajustement budgétaire peu fédéraliste mais finaud, une évidence s’impose pourtant: il y a  comme un malaise. A tel point que d’aucuns, dans certains salons feutrés de la rue de la Loi, en arrivent à évoquer jusqu’à l’hypothèse, très hypothétique, d’un remaniement ministériel. Rejoints en cela par certains cénacles patronaux de Flandre, qui, s’ils voudraient encore davantage de leadership de la part du Premier Ministre MR, veillent surtout à ce que le menu de centre-droit de cette coalition puisse continuer à être servi.

 C’est que le discours d’excuse et d’opportunité (“Ils viennent d’arriver”, “laissez-nous le temps”, “c’est la faute à nos prédécesseurs”) ne peut plus guère tenir longtemps la route pour expliquer certains couacs. Après six mois, c’est même déjà le moment de faire une première évaluation de la #Suédoise… Et celle-ci pose problème à plusieurs partis de la coalition.



Les valeurs libérales





La N-VA s’est certes hissée au fédéral mais n’engrange jusqu’ici, si on réfléchit, que quasi pouic par rapport aux folles promesses de “changement” de mai 2014. Un saut d’index n’est pas le “verandering”.

Le MR, lui, est encore tout à la joie d’être au 16 rue de la Loi, surtout dans son aile la plus à droite, (“La section N-VA de Jurbise est ravie”, ironise un cadre reyndersien du MR)  mais qu’a-t-il déjà vraiment obtenu comme réforme libérale forte?

Le #taxshift, la réforme fiscale, c’est renvoyé à l’automne. Certes, le cap de l’ajustement budgétaire est franchi et les tenants de la #Suédoise ont soudain retrouvé le moral. D’autant plus que des Houdini de la com’ ont transformé l’opération en quasi bonne nouvelle.

Mais reste ce souci de fond: jusqu’où les valeurs libérales peuvent-elles accepter ce qui se passe en dehors du 16 de la rue de la Loi? C’est à dire  les comportements et offensives des ténors de la N-VA. Car si libéraux et nationalistes peuvent s’accorder largement sur le socio-économique, c’est pour le moins différent sur d’autres thèmes, comme celui du racisme.



Une sarabande d’incidents extérieurs



D’où ce constat: il apparaît de plus en plus que la #Suédoise a souffert , dès le départ, de plusieurs défauts d’architecture, voire de fabrication.

Jugés par d’aucuns comme relatifs. Mais qui font qu’à l’usage, on voit se multiplier comme une sarabande de soucis et d’ incidents politiques.

Le dernier en date, en attendant l’inévitable prochain couac à venir, étant évidemment la controverse enflammée du “racisme relatif”, cette théorie N-VA qui veut que si l’allochtone a du mal à trouver un job ou un logement, c’est qu’il l’a somme toute bien cherché. La Flandre est censée être un paradis de l’égalité des chances, sans problème pour celui qui s’est intégré comme il convient à Bart (De Wever) et Liesbeth (Homans).

Une sortie provo “d’allumeur de vrais Berbères”* qui a en tout cas permis à Bart De Wever de s’adjuger, d’accaparer tout l’espace médiapolitique pendant une formidable séquence-temps. Celui de préparer en douce l’ajustement budgétaire, avec ici la caution du boss mais aussi de Wouter Beke (CD&V et Gwendolyn Rutten (OpenVLD) pour ce qui est du financement réduit des nouvelles compétences de la Flandre. (moins 396 mio€)



Un message tourné d’abord vers les flamands



Phénomène marquant à épingler: ce qui secoue la coalition n’a, le plus souvent, pas grand chose à voir avec l’Accord gouvernemental. Ce sont les propos ambigus de Jan Jambon sur la collaboration; l’anniversaire du charmant Bob Maes; ou le président de la Chambre s’en allant chanter, comme si de rien n’était, avec des ministres N-VA, à la Fête du Chant flamand (pour le N-VA Hendrik Vuye, l’expression "België barst" exprime “juste un projet politique qui vise une plus grande autonomie ou l'indépendance").

Et puis, il y a  surtout, les déclarations du “Slimste Mens” De Wever.

Qui mélange sans cesse idéologie (retenez que De Wever, avec son “intégration inclusive”, dit ici vraiment ce qu’il croit, ce qu’il pense) et stratégie. En s’emparant de ce thème, le président de la N-VA protège son acquis électoral, se méfiant du Belang et de cet incertain mouvement anti-islam qu’est Pegida, très actif à Anvers.

Certes, dans cette affaire, les francophones n’ont pas perçu toute la séquence qui fut, d’abord, un feuilleton flamand.

Au départ, présentant un livre en compagnie du bourgmestre PVDA (travailliste) de Rotterdam, De Wever -fait exceptionnel- tançait uniquement aux flamands. Pour une fois, il ne renvoyait pas la responsabilité de l’intégration vers le niveau fédéral, les wallons, les francophones ni même de ce PS “qu’il ne veut plus jamais voir au gouvernement”.

Ce jour là, il gaffe un peu (son Gouvernement flamand est mis en cause) et se doit de récupérer le  bigntz en se rendant à la VRT et en y poussant le bouchon, cette fois fédéral, jusqu’à soulever de (discrets) remous chez ses propres rangs, qui ne sont pas tous forcément “de droite”.

On sent bien que tout le monde, à la N-VA, n’est pas forcément d'accord. Jan Peumans, le Président du Parlement flamand, qui est plutôt vu comme quelqu'un de gauche au sein de la N-VA, a exprimé son désaccord. Les personnalités  “allochtones” de la N-VA se sentent un brin forcées à défendre De Wever. Certaines comme Zuhal Demir avec conviction, d’autres (Nadia Sminate) d'une maniere moins convaincante.

Certes, on avait illico épinglé le fait exceptionnel que ce ne soit pas le premier parti de la coalition qui livre le Premier Ministre. Mais on y avait sous-estimé à quel point le poids politique énorme du bourgmestre de la multiculturelle Anvers allait mettre régulièrement le gouvernement Michel dans l’embarras.



Faire le gros dos



C’est clair que le jeudi n’est pas devenu le jour de la semaine favori du Premier Ministre. Répondre aux interpellations devient de plus en plus compliqué dès lors qu’il s’agit des foucades de la N-VA. Et que l’OpenVLD lui-même incite le Secrétaire d’Etat  N-VA Théo Francken à la boucler.

Charles Michel n’a d’autre solution que de faire sans cesse le gros dos. C’est la quadrature du cercle. Faute de communautaire pur, De Wever entend se profiler vigoureusement sur les terrains de la sécurité, de l’islamisme et de la migration, ce thème favori du Belang.

Le hic, c’est que côté MR, ni Olivier Chastel ni Charles Michel ne se trouvent dans une position de force pour ramener De Wever à plus de raison.

Le “storytelling” MR, genre “nous sommes très à l’aise dans ce gouvernement” n’est plus toujours si évident. Au MR, on les qualifie de “marginales”, mais des voix s’élèvent tout de même en interne.  Notamment celle, remarquée, de l’avocat Renaud Duquesne, fils de l’ancien président libéral Antoine Duquesne: “Les ministres de la N-VA sont donc devenus comparables au dieu Janus, le dieu aux deux visages. C'est le règne de la duplicité.” a-t-il lancé, se demandant “si Charles Michel était atteint du syndrome de Stockholm ?”

Et même s’ils se maintiennent plutôt bien dans les sondages, des libéraux s’inquiètent d’autres retombées: celles d’une politique souvent conduite dans l’intérêt du Nord (l’arrêt du Thalys wallon), des conséquences du saut d’index sur les PME et du taux variable que le ministre Daniel Bacquelaine impose pour ce qui est des pensions complémentaires

et autres contrats d'assurance groupe.



Le vocabulaire vire Viking



On l’avait prédit dans ces colonnes de M… Belgique dès la composition exceptionnelle de cette coalition: le combat politique allait virer violent, style Games of Thrones. C’est pire que ça: c’est le style Ragnar Lothbrok qui a envahi la rue de la Loi, ou le vocabulaire vire carrément combat oratoire pour Vikings.

Médiapolitiquement, il faut toujours faire attention au vocabulaire. Et celui-ci a lourdement tendance, depuis quelques mois à déraper.

Le Ministre-Président bruxellois PS Rudi Vervoort s’était au moins excusé lorsqu’il avait effectivement dérapé en comparant la déchéance de nationalité prévue par l’actuel gouvernement et le régime nazi.

A la N-VA, ce n’est pas vraiment le genre de la maison de regretter. Le président de la Chambre peut aller jusqu’à employer le très chargé mot “pogrom” (attaques contre des juifs) pour qualifier les critiques contre De Wever, ça ne soulève quasi aucun remous…



L’absence des hommes forts du Nord





Les événements, les positionnements l’ont rendu impossible mais une telle “aventure politique” eût impliqué que les hommes forts de chaque parti intègrent le gouvernement. C’était évident pour De Wever et presque autant pour le CD&V Wouter Beke. Ce l’était moins pour Gwendolyn Rutten de l’OpenVLD.

Point commun à tous ces politiques restés présidents de parti: ils se comportent tous depuis des mois comme des snipers. Plus précisément des “Flemish Snipers” puisque le phénomène inattendu de la coalition suédoise, c’est un incessant combat de parts de marché électorales entre les trois partis du Nord, qui se fichent comme un poisson d’une pomme de l’embarras, des difficultés que cela peut susciter chez leur seul partenaire francophone…

Entre CD&V et N-VA, même à l’intérieur du Gouvernement flamand, on en est carrément à la guerilla médiatique, à prendre plus ou moins au sérieux.

Si les hommes forts de tous les partis s’étaient retrouvés autour de la table gouvernementale, leurs successeurs n’auraient eu d’évidence qu’un rôle accessoire.

C’est ce qui s’est passé au MR: Olivier Chastel peut dire tout ce qu’il veut, en s’accordant ou non avec son Premier Ministre, c’est ce que disent Charles Michel et Didier Reynders qui compte. Même si ce dernier a une évidence tendance à soutenir la coalition (et à se chercher peut-être un nouveau destin) depuis Singapour, Tripoli, Le Caire ou Moscou…

Résultat: face au lourd poids flamand de trois partis, Charles Michel -qui n’a pas encore l’expérience ministérielle d’un Reynders- se retrouve souvent seul, avec Willy Borsus, qui, lui, n’avait jamais été ministre.



La réforme de l’Etat définitive?



Il y a comme un paradoxe: c’est la 6ème réforme de l’Etat de la coalition Di Rupo qui permis de mettre le communautaire sur le côté et de constituer le gouvernement #suédois socio-économique. Pour l’heure,  le transfert de compétences se fait vaille que vaille, car pas à ressources équivalentes.

Mais tout un chacun sait, rue de la Loi, qu’un second gouvernement socio-économique est impensable pour la N-VA. “Il n’est pas question alors d’une 7ème réforme de l’Etat, mais d’une réforme définitive” clame-t-on à la N-VA. Entendez le confédéralisme qui nécessite à tout le moins un accord des deux tiers des parlementaires.

Quoiqu’il en advienne, l’essentiel pour le parti nationaliste est, d’ici là, de maintenir coûte que coûte son poids électoral. Quitte, un jour, à anticiper la fin de son expérience “belche” et fédérale. Ce qui explique aussi pourquoi, en coulisses, PS et cdh, au delà des effets de manche, maintiennent tout de même quelques contacts. Car avec le perpétuel malaise créé par la N-VA, avec celui qui est apparu chez les libéraux francophones, on sent bien qu’il va devoir se passer quelque chose. “On ne peut pas continuer comme ça avec de telles attitudes de De Wever”, confie un MR liégeois.

Bref, on ne sait pas où on va, mais on y va.



Michel HENRION





* Lu sur Facebook, sous la plume de Jean-Claude Broché.