Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

dimanche 28 septembre 2014

David contre Goliath, version électrique: comment, avec pour seule arme sa “liberté académique”, un petit prof a évité une cata à la Wallonie… (MBelgique 19/09/14)

 

Damien Erndst (ULg)
On savait déjà que le courage, qui fait la beauté de la politique, n’est pas forcément une vertu très répandue.
On vient d’en avoir une jolie démonstration avec ce qui sera, à coup sûr, le

sujet populaire majeur de l’hiver à venir: à savoir, le #blackout, les délestages (entendez les coupures de courant de plusieurs heures, 240 minutes en théorie). Qui, n’ayez nul doute, se produiront. Un peu de noir total si l’hiver est clément. Peut-être tous les soirs si une météo farceuse s’amusait soudain à jouer Sibérie plusieurs jours d’affilée.

L’homme politique n’aime guère les vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Il préfère un chouia les maquiller, les travestir, les contourner: c’est moins dangereux. Bien évidemment que le tout premier #blackout de cet hiver sera très médiapolitique: les JT en feront des “éditions spéciales” (du moins pour ceux qui ne seront pas “délestés”) les médias en feront des tonnes d’apocalypse (la personne âgée sympa bloquée inopinément dans l’ascenseur, les zones GSM en panne, le commerçant sans chiffre d’affaires…) Et l’opinion publique, étonnée, stupéfaite, en colère, voire amusée, se tournera vers ses élus. Avec une seule question: “Comment diable est-ce possible, on-n’est-pas-au-Népal, hein ? “

Or, l’élection au suffrage universel ne vaut évidemment pas diplôme de compétence omnisciente, surtout lorsqu’il s’agit de sujets hautement techniques.

Le plus bel exemple étant l’approvisionnement en énergie de ce pays. Elle est bien lointaine l’époque où les cabinets ministériels faisaient encore appel à des ingénieurs. On leur préfère les juristes, les diplômés de Solvay et autres usines à managers. Les jeunes aux dents longues qui sont les rouages de l’“Etat Social actif”. Ce concept qui a remplacé l’”Etat Providence” de l’après seconde guerre mondiale et qui considère que l’économique doit prendre le dessus sur le politique; qui veut, entre autres dégâts, qu’on “active” sans cesse les sans-emplois parfois jusqu’à l’absurde…

Pour ce qui est de la technique, les gouvernants préfèrent depuis lurette s’appuyer sur des sociétés, des organismes qui sont presque des administrations parallèles. Elles sont flopée: Fluxys, Electrabel, Agence de Sécurité Nucléaire, Creg ou, vedette des jours derniers, l’opérateur Elia. Celui-ci, au statut de monopole légal (si, ça existe) , est  le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension de 30.000 à  380.000 volts.

Une institution auquel le monde politique a pris l’habitude de faire une confiance quasi aveugle, y compris lorsqu’il s’agit d’actualiser un plan de délestage illico avalé, ingurgité, repris sans souci et sans réserve par les ministres responsables.

Car c’est tout le monde obscur de tous ces experts, de “tous ceux qui savent”; qui sont censés maîtriser. Et que le politique- lorsqu’il ne pollue  pas les dossiers d’idées incongrues puisées au hasard - ne se hasarde quasi jamais à confronter, tant certains dossiers sont horriblement complexes.

Pour Elia,  il n’y avait pas de doute: son plan de délestage (frappant deux fois plus la Wallonie que la Flandre) n’avait pas d’autre destin que d’être avalisé sans sourciller.

C’est ici que l’histoire devient médiapolitiquement intéressante.

L’enfant qui rêvait d’être Prix Nobel

Car c’est alors que, agitant l’étendard de la “liberté académique” -ce truc que d’aucuns jugent ringard- un expert indigné jusqu’ici anonyme pour le monde médiatico-politique, part crânement tout seul au combat.

Oh, dans son secteur très spécialisé (les réseaux électriques) ce professeur à l’Université de Liège est une sommité. C’est tout simple: d’origine modeste, le petit Damien Ernst (38) ne rêvait, écolier, de rien de moins que du Prix Nobel de Physique. Si.

L’ascenseur social, ça démarre surtout en appuyant sur le bouton de la volonté: le liégeois circulera entre Zurich, Pittsburgh, le prestigieux MIT, l’école des ingénieurs de l’EDF et, comme tout le monde, par le FNRS.

L’électricité, l’énergie, c’est sa passion. Dévorante. Avec le regard du doute et d’une pensée libre, mobile, accessoirement apolitique. (de quoi décourager les férus de complots)

Ce qu’il pense aujourd’hui de l’avenir énergétique de la Belgique est loin de ce qu’il imaginait il y a dix ans.  Il sait désormais que le nucléaire va devenir hors de prix. Il croit au renouvelable, bien moins cher.  Mais il ne perd pas de vue que le climat belge est un handicap: peu de vent, soleil faiblard, on n’est pas en Grèce. (ou Elia a curieusement racheté le réseau de transmission) Et il photographie bien l’explosion du coût des réseaux de distribution et de transport dans un monde de l’électricité où les microgrilles (entendez des moyens de production décentralisés) vont se développer, avec des conséquences futures multiples.

Et il sait surtout pertinemment, pour y consacrer sa vie, que les politiques n’ont pas vraiment la capacité d’analyser eux-mêmes tous ces enjeux complexes.

Derrière la polémique, l’enjeu des investissements wallons

Alors, lorsqu’il voit que le gouvernement sortant cautionne sans sourciller –aie confiance- le plan de délestage d’Elia, l’homme vérifie en solitaire et s’indigne. Là ou nombre d’ingénieurs qui devinent la même inéquité hésitent (les ingénieurs d’Elia, bien au courant de ce qui nous attend, s’achètent un petit groupe électrogène mais s’arrêtent là: le C4 pend forcément au dessus de tout qui se risquerait à piper mot) le petit prof d’Univ, y va. Frappe fort. Par devoir quasi civique. Il balance sa vérité, son pavé dans la mare , toujours au nom de cette liberté académique qui ne doit rien craindre. C’est l’éternel combat -de plus en plus malaisé en ces temps de lobbies omniprésents- du petit David qui, soudain, déstabilise Goliath. C’est l’interview à Xavier Counasse, le journaliste spécialisé du Soir; c’est la bombe qui secoue et fera douter le monde politique wallon.

Car il y a dans tout cela un argument fort: si la Wallonie se retrouve deux fois plus privée de courant que la Flandre, cela veut dire aussi qu’elle en paiera doublement le prix économique. Et comment le Sud du pays pourra-t-il encore attirer des investisseurs étrangers si ceux-ci n’ont pas la garantie de disposer d’une électricité stable?

Mais, depuis Antigone et Shakespeare, personne n'aime le messager porteur de mauvaises nouvelles.

Et une institution comme Elia (dont le CEO siège au Bureau du VOKA, les “patrons” de Bart De Wever selon son propre aveu) n’aime pas être ainsi confrontée.

Elia y va donc au culot. Sa porte-parole est priée de se réfugier derrière des explications techniques vaseuses: brouillard pataphysique.

Elia joue de sa force institutionnelle: “mais non, tout est légal et, mettez-vous ça bien dans la tête, on se sait rien y changer.” Emballé, c’est pesé et décidé. Et de convaincre les responsables politiques qui s’alignent dans un premier temps: comment diable ne ferait-on pas confiance à Elia?

L’attitude erratique d’Elia

Jusqu’au moment ou tout s’écroule. C’est pire:  Damien Ernst poursuit ses recherches et découvre, comme d’autres, que tout est bel et bien carrément illégal. Qu’Elia avait décidé d’ignorer, du haut de sa superbe, un arrêtéé royal de 2005 très précis quant à l’équité à respecter entre zones et régions. Bref, la toute nouvelle ministre compétente, la CDH Catherine Fonck, découvre tout à la fois qu’Elia l’a entubée et que les vrais chiffres (en mégawatts) sont un “déséquilibre inacceptable”. Au risque de paraître légère, elle impose à Elia de corriger son plan. Ce qui se fait en deux coups de cuillère à pot là ou le monopole prétendait qu’il faudrait, ouhlala, des mois. Mais Elia, furax, enragée, décide de s’en prendre à l’empêcheur de tourner-tricher en rond, le petit prof Damien Ernst. Et d’oser affirmer, culottée, “que si un Etat en arrive à établir une règlementation, eh ben, c’est de sa propre responsabilité de l’établir.” Sous-entendu: le gouvernement devrait se doter de son propre Elia en interne pour ne plus déranger le monopole Elia. Surréaliste de dédain, alors que c’est évidemment à Elia de rendre des comptes. Car si le petit prof’ discret Damien Ernst n’avait pas soulevé ce lièvre, la Wallonie aurait évidemment été gravement préjudiciée, surtout économiquement.

La saga n’est pas finie. D’une part, la Flandre n’apprécie guère le retournement d’une situation qui lui était si favorable. D’autre part, Elia, qui a trop traîné, ne peut –comme l’a repéré l’Ecolo Jean-Marc Nollet- que difficilement alléger le sort des zones rurales et des agriculteurs en reportant une partie des coupures –comme la loi l’a prévu-vers des zones plus urbaines.

Les politiques, kif comme dans les jeux télé

Soyons clairs: la Belgique a un grrrros problème. Le blackout récurrent nous pend au nez car l’ approvisionnement électrique de la Belgique s’annonce à tout le moins délicat et limite pour deux à trois hivers successifs, à tout le moins jusqu’en 2017.

Même si les politiques continuent à vendre de rassurantes explications alambiquées, sinon des contre-vérités. Car dans la vie publique, mentir n’est n’est pas vraiment considéré comme répréhensible…

“Je suis sûr qu’on peut tabler sur la solidarité des citoyens” (pour couper éclairage, électroménager, télé, ordinateurs”) s’exclamait l’autre jour en substance avec enthousiasme une parlementaire bruxelloise PS.

“C’est une blague, lui a vertement rétorqué Damien Ernst: Elia devra décider 24 heures à l’avance s’il coupe ou non le courant: et les efforts aléatoires des gens, il sera tout à fait incapable de les gérer en mégawatts”.

En fait, les politiques, plutôt effrayés par ce qui peut se passer cet hiver, ont généralement tendance à se défausser de toute responsabilité. “Ah, mais nous n’étions pas au gouvernement” ou “Ce n’est pas nous qui avons décidé cela, notre parti n’avait pas ce portefeuille ministériel, hein?”.

Un peu la même technique que les candidats des jeux télé qui, lorsqu’ils calent devant une question, s’exclament: “Ah, mais je n’étais pas né!”.

Comme si ça les excusait de ne pas connaître Louis XIV ou le Parthénon.

Fichtre, que ça fait donc du bien d’entendre un homme juste inspiré par sa liberté académique, non inféodé, soutenu par son Université et qui vit sans crainte de perdre d’éventuels intérêts dépendant d’un lobby quelconque.

Comme quoi il suffit parfois d’un seul citoyen pour changer le monde. Parce que s’il n’avait pas alerté les politiques wallons, ceux-ci n’y auraient vu que du feu.

Il ne le sait sans doute pas encore, mais le petit professeur liégeois est déjà devenu, mine de rien, sans l’avoir voulu, un inévitable acteur médiapolitique.



Michel HENRION.


Wouter Beke, l’idéologue discret devenu champion du poker CD&V (chronique MBelgique du 12/07/14)

 
Le prénom Wouter est tendance en politique.  Il y a Wouter Van Besien, le fou de scoutisme qui a requinqué Groen!,  les Ecolos du Nord. Il y a Wouter De Backer, plus connu sous le nom de Gautye (prononcez Gauthier ce qui, aussi curieux que ça puisse paraître, est l’équivalent francophone de Wouter). Ce chanteur belgo-australien au succès mondial (1), vient de créer son propre parti politique en Australie.  Parce que, tiens! il entend  dénoncer “les politiciens par hérédité, issus de familles aisées, qui sont préparés à être parlementaires, politiciens à vie sans aucune autre expérience de vie que celle d’avoir été membre des jeunes libéraux ou socialistes”. (Toute ressemblance avec la cohorte de “fils de” en Belgique est bel et bien avenue
Et puis, il y a Wouter Beke, 40 ans, le président si discret, si effacé, si peu charismatique du CD&V. Presque totalement inconnu des francophones et même largement méconnu en Flandre.
Le tour est, il est vrai, vite fait: l’homme  a fait des études de Sciences Politiques et Sociales, de Droit Social à la KUL et est aussi bourgmestre de Bourg-Léopold depuis les dernières communales. Voila qui est court et bref.
On croyait  Kris Peeters, Premier Ministre Virtuel pendant deux mois d’illusions, le “numero uno” du CD&V qui pouvait tout imposer, à commencer par lui. Eh bien non. Le discret Wouter Beke est devenu président des sociaux-chrétiens du Nord en 2010 après un long intérim de deux ans. Soyons francs: on ne voyait pas en lui, au CD&V,  un formidable talent politique. On avait remarqué son ascension sans grand bruit: c’était le candidat parfait pour un parti qui, après un Etienne Schouppe et une Marianne Thyssen, voulait une atmosphère de consensus. 

La dot du mariage avec la Suédoise

Surprise-surprise:  voici que  “Wout” se révèle un formidable jouer de poker-menteur (il a déjà empoché un Commissariat Européen pour Marianne Thyssen alors que les autres partis n’ont encore décroché que nada) et un stratège apparaissant redoutable.
Certes, le CD&V est fiancé: mais avant de convoler avec la fameuse #suédoise, les sociaux-chrétiens vont encore exiger leur dot, sinon leur dû. A commencer par quelques acquis pour convaincre et protéger l’ACW (le Mouvement Ouvrier flamand, un des piliers du CD&V). Une taxation du capital ou ce genre (qui n’était même pas dans le programme électoral CD&V) ainsi que des intercommunales et, bien entendu, une solution tordue pour dédommager les 780.000 coopérateurs d’Arco. (malgré les comités techniques ad hoc, on table sur l’influence, fut-elle prudente, fut-elle limitée, de Marianne Thyssen à l’Europe).

Le meneur de jeu


Car le style Wouter Beke, c’est ça: un président “meneur de jeu”. Attentif à tous les horizons, tous les intérêts de sa formation. A la N-VA, Bart De Wever impose malement sa ligne: au CD&V, Wouter Beke s’entoure, consulte, tâte tous les terrains avant de prendre des décisions lourdes. Wouter Beke n’est pas une pupille politique du Mouvement ouvrier Chrétien flamand qui a fourni tant de ministres et autres leaders au CVP-CD&V: mais il veille aux intérêts de tous les piliers chrétiens. Ceux qui ont fait jadis la force de “l’Etat CVP”.
 C’est lui qui gère les relations délicates avec les syndicats chrétiens, les mutuelles (que la #suédoise n’enthousiasme guère); c’est  lui qui bride Kris Peeters jusqu’à le faire renoncer (momentanément?) aux leçons de français qui le préparaient au 16 rue de la Loi… C’est lui, encore qui, à l’instar de tous les présidents de parti, décide des destins et des ambitions,  de qui deviendra quoi.

L’idéologue meurtri par l’euthanasie des mineurs

Le leadership de Beke, c’est, comme on dirait dans la série Downtown Abbey, “To lead from Behind”. Comprenez  que Wouter Beke laisse la solution venir à lui.
Au CD&V, Wouter Beke tient donc son autorité de par son parcours. Prudent. Efficace, malgré les résultats électoraux décevants.
Mais l’aspect le plus intéressant de Wouter Beke, c’est son côté idéologue. L’homme, qui s’avoue volontiers flamingant (ce qui fait sourire d’aucuns en Flandre) a profondément actualisé la doctrine du CD&V, histoire de se défaire de l’image du vieux CVP, de rendre son parti à nouveau plus attractif pour les jeunes. A l’instar des fameux “Burgermanifesten” de Guy Verhofstadt (qui assurèrent son ascension et sa dégringolade, tant les actes de l’OpenVLD n’ont pas correspondu aux promesses), il publie un livre: “ De mythe van het vrije ik: een pleidooi voor en menselijke vrijheid”. En clair, un plaidoyer pour la liberté de l’homme. Objectif: positionner radicalement (on dirait du Lutgen) le CD&V au centre, en s’appuyant sur des valeurs chrétiennes updatées. (le CDH a, très théoriquement, échangé sa poudre électorale catho contre un baril d’humanisme).
C’est d’ailleurs la raison d’un “clash” politique qui a terriblement marqué Wouter Beke: la majorité alternative qui a voté, contre les sociaux-chrétiens, l’élargissement de l’euthanasie aux mineurs. (88 voix pour, 44 contre dont CD&V-PSC-N-VA et 12 abstentions) Une amertume qu’Elio Di Rupo a, peut-être, mal évalué, sous-estimé: à son honneur d’avoir fait avancer l’éthique, même si le texte final avait été pour le moins raboté.

Wouter-Noé sur son arche

Comme le disait un observateur très averti du jeu politique flamand, Wouter Beke, “c’est un peu Noé sur son arche”. Qui avant de lâcher l’ancre, a fait le tri de ce qu’il fallait abandonner ou sélectionner pour survivre sur les flots houleux, guider l’arche social-chrétienne à travers orages et tempêtes politiques.
Tout comme il faut relire le menu du fameux déjeuner chez “Bruneau”, il est amusant de reprendre mains l’interview commune Wouter Beke-Charles Michel dans “Le Soir”, ce “coup médiatique” qui entendait forger un axe politique pour lendemain d’élections. Le CDH- aussi surpris que Valérie Trierweiler par la trahison, l’adultère politique de son parti-frère- avait assez bien pressenti les événements: “Le MR se sert du CD&V pour monter dans le sac à dos de la N-VA”, avait-on commenté rue des Deux Eglises.
Au PS, on y humait un parfum d’ “Orange Bleue” (la tentative de coalition sans le PS de 2007): “On massifie à droite: l’option d’une coalition ancrée à droite est dans l’air”.

Les cinq dernières minutes

Intouchable au CD&V, Wouter Beke fréquente donc de très près la toute jeunette #suédoise.
Si l’on réfléchit, ce sont d’ailleurs les deux partis sociaux-chrétiens qui ont posé les actes les plus notables, sinon fondateurs, de cette formation hors-normes (les autres partis se sont ajustés):
-Les sociaux-chrétiens de Wouter Beke en s’alliant avec la N-VA.
-Les sociaux-chrétiens francophones de Benoît Lutgen en disant “nuts”.
Au CDH, d’aucuns s’interrogent d’ailleurs sur les ressorts de Noé-Beke: car, dans une tripartite (sans la N-VA) le CD&V se serait adjugé tout à la fois le Premier Ministee flamand (perdu au profit du N-VA Geert Bourgeois) et le premier Ministre fédéral.
C’est pour cette raison qu’il ne faut rien exclure: manoeuvrier affirmé, désormais champion du poker chrétien, nous est avis que Wouter Beke lorgnera encore, pour y replacer Kris Peeters, sur le 16 rue de la Loi.
Jusqu’aux cinq toutes dernières minutes.

Michel HENRION

(1) https://www.youtube.com/watch?v=8UVNT4wvIGY

vendredi 19 septembre 2014

La Rue de la Loi vire Games of Thrones (article paru dans MBelgique du 08/09/2014)



La #suédoise fait naître un climat politique inédit: et la com’ sera l’arme absolue d’une bataille complexe mais sans merci...

La Rue de la Loi vire Games of Thrones

Ce ne sera pas aussi sanglant que dans Games of Thrones. Aujourd’hui, les luttes pour le pouvoir se font feutrées, et la violence se camoufle derrière les artifices médiatiques. L’électeur d’aujourd’hui est ainsi: il ne supporte plus que les fleurets mouchetés. Mais le combat pour le pouvoir sera assurément aussi féroce que dans la saga de George R. R. Martin.
On en perçoit déjà les premiers signes: le climat politique en Belgique francophone vire dur. Lourd. Le ton change du tout au tout. L’évolution est quasi tellurique.
Car la formation d’un gouvernement fédéral N-VA-CD&V-OpenVLD, avec le MR comme seul et unique pendant francophone, crée une situation totalement inédite au Sud du pays. Les libéraux francophones seuls contre tous, olé: cdH, Ecolos, PTB et, surtout, un PS renvoyé dans l’opposition fédérale après plus de 26 ans de participation. Sans compter la grogne déjà déclarée des syndicats et mutuelles et des mouvements associatifs. Du jamais vu.(1) Conséquence: ça va guerroyer ferme dans un Parlement ou c’en sera largement fini de ce consensus mou-chloroforme ou tout le monde ménageait habituellement tout le monde. Puisque on-ne-sait-jamais. Puisque les opposants d’un niveau de pouvoir étaient les alliés d’un autre. (le MR gouvernait depuis 15 ans rue de la Loi aux côtés  du PS, les libéraux sont dans l’opposition depuis 10 ans à la Région Wallonne).

Tous les coups sont permis, surtout les médiatiques

C’en est fini: les événements ont composé, polarisé deux blocs inédits dans l’arène francophone; et les acteurs vont s’y affronter dans une lutte sans merci.
Ou tous les coups seront permis: surtout les médiatiques.
Objectif de chaque parti: faire basculer l’opinion publique plutôt dans son camp.
Rude tâche, car celle-ci est, par définition, changeante et mouvante. Versus francophone, carrément même équivoque selon les époques. Capable tout à la fois d’aduler, jadis, un José Happart (234.000 voix de préférence) et de rêver, aujourd’hui, d’une Maggie de Block comme Premier Ministre.
Une opinion publique qui n’est souvent que le résultat de l’interaction entre le citoyen et le torrent médiatique; télé, presse et médias sociaux étant censés la modeler, la façonner à loisir. Du moins, c’est ce que croit souvent le petit monde fébrile des responsables politiques, de leurs courtisans et des attachés de com’.
Donc, plus que jamais, les politiques de chaque camp vont chercher, par les mécanismes du combat médiatique, à faire valoir, à asséner leurs points de vue. L’hypercommunication est l’arrière du décor de la rue de la Loi; pour nombre de nos leaders plus essentielle que tout débat à la Chambre. Petit tour d’horizon de l’artillerie de com de cette guerre #suédoise-#kamikaze.

Deux camps inconciliables

On connaît déjà par coeur les grands arguments de communication des deux camps:
- pour les libéraux, le virage à droite est un outil de positionnement  et l’alliance avec les nationalistes de la N-VA se justifie par la nécessité  de mener les nécessaires réformes que les socialistes bloquaient. Et Charles Michel de reprendre le vieux rêve de son papa Louis Michel: comme l’écrit Corentin de Salle, un des cerveaux du président du MR, “il s’agit de mettre le PS dans l’opposition pour 15 ans et de redessiner l’espace francophone”. 
Entendez mettre aussi le cdH en difficulté: malgré le flop du MCC, le miniparti de Gérard Deprez, on peut s’attendre à ce que le MR racole des cdH grognons. (Anne Delvaux aurait ainsi été approchée)
-Pour l’opposition francophone, “Charles Michel a une place de choix dans le Dictionnaire des Girouettes” et, à l’entendre,  “le MR  ne serait  qu’un alibi francophone dans un gouvernement flamand dominé par le boss N-VA” et  il ne s’agira que de “coupes bugétaires forcément anti-sociales”.
Une certitude: c’est l’homme de la rue qui arbitrera. On prend tous les paris que, lorsqu’il s’agira de demander la confiance du Parlement et de la population,  les formateurs de la #suédoise mettront très en avant les thèmes de com’ qui leur apparaissent favorables: l’éternelle promesse de créer des emplois (ce qui n’est pas forcément du travail), la lutte contre le terrorisme islamique (le grand truc actuel de De Wever, qui calque systématiquement le marketing de David Cameron), la symbolique imposition -qui plait beaucoup à l’opinion- d’un service minimum dans les transports en communs, ce genre. Sans oublier une mesurette d’imposition du capital, alibi de marketing gouvernemental vital pour le CD&V.
Une communication qui sera de contrepoids: car le grand public lambda semble, pour l’heure, plus préoccupé par la réforme de l’âge de sa pension, la hausse des taux TVA, les nouvelles taxes sur la consommation: indexation des accises sur carburants et alcool, ce genre.
La bataille sera doublement hard: sur le front de la bataille gauche-droite, le MR compte convaincre un wallon et un bruxellois sur trois que ces mesures d’austérité là sont nécessaires.  Et l’objectif  de fond est de capitaliser tous les électeurs qui n’affectionnent guère le PS et les “rouches”.
Sur le front communautaire, si le francophone lambda se sent, demain, effectivement dominé par la Flandre, roulé, colonisé par la N-VA, c’est tout autre chose. Le cumul de deux mauvaises humeurs, deviendrait, en médiapolitique, quasi insoutenable pour les #suédois francophones.

Patrons, experts en tous genres: la société civile prend parti

Signe du temps: les esprits s’échauffent idéologiquement; des politiques et leurs entourages propagent, voire manipulent bruits et soi-disant certitudes aux médias; les forums café-du-commerce des quotidiens et des réseaux sociaux se chauffent à blanc; même les déjeuners en famille du dimanche se tendent. Et nouveauté: au delà des rangs politiques, le débat déborde vers la société civile, tout aussi soudain à couteaux tirés idéologiques.
Bref, ça polarise à tout va.
Ce sont une flopée de constitutionnalistes qui y vont de leurs avis sur le sexe des anges version 2014: à savoir  la légitimité fédéraliste ou confédéraliste controversée de la représentation francophone #suédoise.
Ce sont, à l’instar de ce qui se passe en Flandre-ou certains d’entre eux sont carrément des vedettes médiatiques- des patrons francophones qui se mêlent ouvertement de politique.
Ce sont des économistes (souvent du secteur bancaire) qui se répandent en “cartes blanches” au filigrane parfois assez militant. Mieux: Etienne de Callatay (2), “expert” médiatique s’il en est (Banque Degroof, apparenté jusqu’ici cdH, ex-chef de cab’ de Jean-Luc Dehaene) s’est porté, il y a peu, carrément candidat ministre-technicien -en plein mercato entre postulants libéraux élus- au cas ou le MR, conscient de certaines de ses faiblesses en hommes, chercherait  un “candidat d’ouverture”.  Ce qui permettrait, il est vrai,  à Charles Michel de vendre le concept com’ d’un ministre technicien de la société civile et, partant, donner l’image que le MR n’occupe pas vraiment à lui tout seul tous les postes ministériels.

Le choix des mots

-Le fameux duel sémantique #Suédoise contre #Kamikaze. Le surnom donné par les médias à une coalition peut apparaître comme un détail accessoire, voire un jeu; mais, en politique, une fois prononcés, les mots vivent leur vie. Et sont riches de connotations qui peuvent peser sur le long terme. Inventée par De Morgen, reprise comme une aubaine par tous les cartoonistes, la formule “coalition Kamikaze” était un danger d’image pour les co-formateurs. Qui ont fait le forcing, voire pression, pour imposer l’expression “coalition suédoise”, en référence complexe au drapeau du pays d’Ikea.  Ce qui ne manque pas d’ailleurs pas d’un certain piquant, la société suédoise étant profondément marquée par l'idéologie sociale-démocrate, jusqu’à faire gagner ceix-ci aux élections de l’autre dimanche.
Bref,  cette sémantique est désormais la ligne claire de démarcation de com’ entre future majorité et future opposition. “Je me refuse à parler de #suédoise. Avec Nagasaki, on sait que les kamikazes n’ont pas apporté grand chose” martelait l’autre jour le PS André Flahaut.
Le gimmick vous sera inlassablement servi, soyez-en sûr, dans tous les débats télé du dimanche midi. Tout comme celui du "gouvernement des droites". Tout comme le rappel du “déjeûner chez Bruneau” (en août 2010, le déjeûner confidentiel et qui fit remous réunissant Bart De Wever, Sigfried Bracke, Koen Blijweert, Louis Michel, Didier Reynders, J-C Fontinoy)

Ce n’est pas non plus un hasard si Charles Michel a entrepris une mue de com’. Objectif: faire oublier le côté jugé par d’aucuns un peu Iznogoud pour, dixit son dernier spin-doctor, “le transformer en homme d’Etat”. Plus facile à dire qu’à réussir. Surtout très complexe lorsqu’on donne depuis longtemps dans l’hypercommunication. Dont le défaut -et ça vaut pour bien des politiques belges- est qu’elle affadit les personnalités, les dissolvent dans le mainstream.
A force de s’épancher, les politiques finissent par se standardiser, s’appauvrir jusqu’à la pensée en kit, en éléments de langage cent fois psalmodiés, fiches formatées récurrentes comprises.

De Wever se met en réserve, pas son ombre

Fait majeur: dans la #suédoise, Bart de Wever n’a aucun des soucis francophones. Avec le CD&V et l’OpenVLD comme alliés partout, il n’a plus à redouter une quelconque vraie opposition de droite: le Belang est en crise et devenu négligeable derrière le cordon et l’artillerie du bloc de gauche flamand le laisse jusqu’ici assez indifférent. C’est toute la question de l’actuelle faiblesse structurelle de la gauche en Flandre.
Ce qui intéresse le président de la N-VA en communication -dont l’acquis final comme “mesures de rupture” s’annonce light- c’est surtout que ses futurs ministres fédéraux raflent au moins la mise médiatique pendant qu’il fera mine de se retirer sur son Aventin anversois.
Avec sa suprématie en nombre de responsables ministériels, la N-VA peut espérer tout dominer médiatiquement. Ne pas s’y tromper: même s’il entend se construire l’image de l’homme providentiel en réserve si kladderadatsch (boxon soudain), l’ombre puissante de Bart De Wever  planera  sans cesse rue la Loi, tout comme celle, plus légère, de Wouter Beke. Le président de la N-VA a déjà, l’autre fois, rappelé sèchement Kris Peeters et Charles Michel à l’ordre sur le sulfureux dossier Arco-Dexia. De même, le président de la N-VA ne laissera pas un Jan Jambon, qui n’en est pas à sa première bourde, Théo Francken, Hendrik Vuye, Johan Van Overtveldt, Steven Vandeput,  Elke  Sleurs, Sarah Smeyers ou  Zuhal Demir (tous les favoris) en roue très libre. Autant d’élus N-VA qui devront aussi apprendre, s’ils ne veulent pas mettre leurs partenaires MR en difficulté, à modérer leur ton. Zuhal Demir affectionne ainsi, par exemple, de comparer le combat kurde à la résistance flamande face à la domination francophone.
Ce ne sera pas le premier gouvernement dont certains ministres demandent –allo, allo…-l’autorisation à leur président de parti avant chaque décision mais le handicap est parfois puissant. (jadis, le gouvernement Tindemans)


Pour le PS, plutôt l’axe gauche-droite


Quelle sera la stratégie de com de l’armada (40 sièges sur les 63 francophones) des partis d’opposition au fédéral ?
Oh, le ton sera dur et la joute intense. Même chez Ecolo, ou le ton par trop consensuel semble enfin largué. Puisque Charles Michel qualifiait lui-même le gouvernement Di Rupo de “centre-droit, on évoquera sans cesse le “gouvernement des droites”.
Si un Olivier Maingain (FDF)  continuera à abattre la carte communautaire de l’illégitimité, le PS de Di Rupo privilégiera l’opposition gauche-droite, diabolisant la N-VA et tentant de déstabiliser le CD&V. Tout en jouant parallèlement le créneau de l’ “opposition responsable”. Car les gouvernements wallons (PS-cdH) et bruxellois (PS-FDF-cdH) veilleront à donner l’image d’entités fédérées bien gérées, de Régions en redressement, qui empoignent tout autant les problèmes budgétaires (la Wallonie vise le retour à l’équilibre dès 2018) mais sans manier, disent-ils, la hache sociale fédérale. Et qui veilleront, dans la foultitude (26) d’accords à nouer avec le fédéral #suédois, à montrer qu’ils comptent. “Le PS pèsera encore, dans ce système hybride, encore fortement sur le gouvernement fédéral: hormis un certain symbolisme, ce ne sera pas très différent d’une tripartite” analysait le politologue flamand Bart Maddens (KUL)


Le 16 rue de la Loi, pouvoir retréci

L’opposition fédérale de 2014 du PS n’aura ainsi plus rien à voir avec celle de la période Martens-Gol (1981-1987). En 26 ans, la Belgique a mué. Le pouvoir s’est fragmenté et celui des Régions et Communautés a explosé et, sixième réforme de l’Etat oblige, les gouvernements wallons, bruxellois et flamands gèrent désormais quelque 70% du budget de l’Etat belge.
Le grand public- à qui nul n’explique vraiment ce formidable chambardement-  révère, mythifie toujours symboliquement  et erronément le 16 rue de la Loi. Dont les pouvoirs, entre Europe et autonomie des entités fédérées, ne cessent pourtant de retrécir. Et où les ministres ne peuvent souvent donner, à coups de discours make-up, que l’illusion de leur capacité à influer sur le cours des choses.
Un exemple? La #suédoise a fait grand cas, entre autres affichages politiques, de mettre en place des prestations d’intérêt public aux chômeurs de longue durée: un hic, cela ne peut désormais passer que par des accords de coopération aléatoires avec les régions.

Pour Bart De Wever, son Premier Ministre flamand, Geert Bourgeois, est d’évidence désormais plus important que le Premier Ministre fédéral. Et Kris Peeters n’a quitté la Flandre, forcé et contraint par la N-VA, qu’après moult réticences, comme s’il devait se résigner  à un lot de consolation rue de la Loi. Les wallons, les francophones, sous-estiment  encore, eux, l’importance du pouvoir peu visible de leurs Premiers Ministres des entités fédérées: Paul Magnette et des deux Rudy-Rudi (Demotte et Vervoort). Il n’y a pas que dans Games of Thrones qu’il y a plusieurs couronnes.
C’est d’ailleurs la stratégie à peine voilée de De Wever: miser sur cinq années d'agitation socio-économique;  tabler sur le fait que les wallons, exaspérés par l’influence, le poids flamand, le “modèle allemand”, les “deux démocraties”,  s’en mettent à rêver eux aussi au confédéralisme. Et acceptent une septième réforme de l’Etat bien plus autonomiste. Ce dont il n’est toujours pas question, Elio Di Rupo revenu au Bd de l’Empereur. “On est à l’os au plan institutionnel” y est la ligne quasi officielle.
La communication, ce sont des idées, mais aussi un timing. PS et cdH tablent sur un paramètre essentiel: celui du temps. Attendant le dossier pourri, imprévu ou négligé par acédie – cette paresse désinvolte dans les affaires publiques-, ou plus probablement communautaire, qui, escomptent-ils, fera capoter l’aventure MR. “Le MR débranchera la prise en cours de route si certains partis flamands se montrent déloyaux” a écrit le MR Corentin de Salle.
Plus vite dit que fait: car Charles Michel a précisément construit toute sa communication sur le fait que la #suédoise serait LE gouvernement de la pacification communautaire. Comme quoi, la force apparente peut parfois masquer une grande faiblesse. “Le risque est que le MR ne doive tout de même avaler, au jour le jour, pas mal de couleuvres” nous confiait une sommité libérale.

Le danger du déni

Mais la lutte politique, n’échappe pas pour autant à la comédie humaine.
C’est en cela que la coalition #suédoise  risque des engrenages de communication pervers.
Pour la première fois, la N-VA désignera des ministres fédéraux capables –juste par ADN politique- de tous les écarts.
Pour la première fois, un seul parti s’adjugera une influence hors normes en raflant tous les postes francophones.
Or, sous les feux médiatiques, la prudence est de mise.
Le style heu-reux adopté par les co-formateurs Peeters-Michel est déjà souvent limite, par trop joyeux en communication. “Comment peut-on parler de 17 milliards d’austérité avec un tel ton aussi hilare?” s’interrogeait l’autre jour Gazet Van Antwerpen. 
Attention à l’ego qui souvent, rue de la Loi, se dilate. Car, quel que soit le parti, le péché d’orgueil mène au manque de discernement. Les libéraux francophones, seul contre tous en Wallonie et à Bruxelles, sous les attaques incessantes d’une opposition aux multiples facettes, risquent d’adopter une mentalité d’assiégé. Et le plus grand danger médiatique vient donc sans doute de leurs propres rangs: se murer dans l’orgueil et la mécanique du discours du déni. Le pire des dangers de la rue de la Loi.
Surtout lorsque des politiques ont le sentiment obscur de leur propre faiblesse.


Michel HENRION

(1) Hormis, comme l’a noté l’essayiste Charles Bricman, au 19ème et au début du 20ème siècle, lorsque les gouvernements catholiques étaient très minoritaires en Wallonie et les quelques gouvernements libéraux très minoritaires en Flandre.
(2) De Callatay, célèbre pour une série de déclarations…euh…disons pétulantes (“Pourquoi faut-il indemniser le philosophe ou le sociologue ? (et les journalistes) Il n’est pas juste que la collectivité, en ce compris des gens qui ne gagnent pas bien leur vie, voie ses impôts financer des formations universitaires qui ne serviront à rien”) en oubliait juste une règle-politique non-écrite: ne jamais avouer ses ambitions.


dimanche 7 septembre 2014

Le Cercle des balconnières disparues (MBelgique du 22/08/2014)

 
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C’est un classique médiapolitique: en juillet-août, le belge en vacances s’intéresse bien plus à la météo de ses vacances qu’à celle de la rue de la Loi.
Pourtant, cet été, le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever et sa majorité de prédilection (N-VA, CD&V et Open VLD) ont donné, mine de rien, un coup sec de sécateur très symbolique. Oh, ce n’est certes qu’un détail dans le budget d’une grande ville, mais très symbolique d’une certaine conception de la politique: la suppression totale du budget des jardinières-géraniums et autres paniers-pétunias-fleuris décorant traditionnellement les rues de la Métropole. Carrément éradiqués au RoundUp budgétaire. C’est le cercle des balconnières disparues. (#tributeRobinWilliams)

Pourtant, cet été, le nouveau Gouvernement flamand du N-VA Geert Bourgeois a, entre autres coupes budgétaires, décidé de saquer dur dans les budgets flamands si sensibles de la Culture, de la Jeunesse, des  Sports et de bien d’autres.

Oh, ce n’est pas que ce soit passé inaperçu, car c’est quelque part un avant-goût de qui peut se passer au fédéral avec l’arrivée au pouvoir des idées de la N-VA rue de la Loi. (ben oui, faudra  apprendre à ne pas sursauter en voyant Jan Jambon au JT en ministre de l’Intérieur et Théo Francken causer peut-être officiellement, au nom de l’Etat belge, d’Asile et d’Immigration)

Oh, face à la petite avalanche de critiques, le Premier Ministre N-VA du Nord, Geert Bourgeois, a même dû rentrer de vacances pour nuancer ses projets au Parlement flamand- mais, ramenons les choses à leurs proportions, c’est fort resté de la cuisine interne politique.



Les risques d’une opposition inflexible



Certes, les Mutuelles Chrétiennes du Nord ont hurlé, certes les Syndicats Chrétiens du Nord ont protesté, certes socialistes et écolos du Nord se sont égosillés. Mais, il ne faut pas être dupe: avec des ministres flamands proches de la démocratie-chrétienne comme Hilde Crevits et Jo Vandeurzen (le seul CD&V auquel De Wever dit faire une confiance quasi aveugle) la critique tenait plutôt de la musculation politique.

La démocratie chrétienne flamande- future seule tonalité de centre-gauche au gouvernement #suédois- rappelle juste aux leaders du CD&V qu’elle ne saurait oublier ceux qu’on appelle désormais les électeurs “BN”. Surtout lorsqu’il s’agira de négocier et finaliser le texte de ce qui sera la Bible fédérale gouvernementale (rien à voir avec les biscuits, c’est l’abréviation de beweging.net, le nouveau look de com’ des démo-chrétiens du Nord)

Quant aux écolos de Groen, ils tirent de plus en plus des rêves sur la comète en croyant pouvoir remplacer un jour le CD&V comme relais du Mouvement Ouvrier Chrétien flamand.

Chez les socialistes flamands, c’est encore plus limpide: l’ancien consultant de KPMG John Crombez (qui a appelé sa fille Babette) entend s’adjuger la présidence du parti en crise. Et ce par une stratégie, qu’on devine assez momentanée, de profilage très, très à gauche. Histoire de vraiment bien contraster avec Bruno Tobback, l’homme qui trouvait malin de se faire shooter-photographier BCBG devant son joli voilier.

Seule désormais dans l’opposition en Flandre (le Belang, laminé, est devenu inaudible), la gauche flamande aura d’ailleurs à y réfléchir à deux fois avant de poursuivre dans la voie de cette opposition-polarisation très crispée, sinon précipitée. Le risque pour elle de cette stratégie est clair: apparaître par trop inflexible, coupée des “réalités”.

Pour une majorité de flamands lambda, les Gouvernements flamand (formé) et fédéral (en salle d’accouchement) sont les coalitions dont ils rêvaient depuis longtemps.

On se moque ces temps-ci, en Flandre, du fameux plan “5-5-5” des libéraux flamands d’avant les élections. Il n’en reste en effet pour l’heure que quasi pouic de ce déluge de promesses électorales faites aux flamands. Mais un engagement est assurément tenu par le bloc des trois partis flamands partout au pouvoir qu’il s’agisse d’ Anvers, du gouvernement flamand, demain au 16 rue de la Loi: celle de dégraisser. Au produit mordant carrément industriel. Là, 65% électeurs du Nord obtiennent bel et bien ce qu’ils ont voulu, ce pour quoi ils ont voté.

Le gouvernement fédéral sortant, avec pourtant PS, MR et cdH comme solides composantes francophones, avait déjà souvent accepté de suivre nombre de volontés particulièrement chères à la Flandre. Et ce au nom du combat assez bidon du CD&V et de l’Open VLD contre la N-VA.

Aujourd’hui, forte de la puissance du nouveau “bloc flamand” (CD&V-OpenVld -N-VA) stratégiquement aggloméré par Bart par De Wever, la Flandre commune en arrive presque, dans son état d’esprit,  à oublier -ou à ne prêter guère d’importance- au fait que le gouvernement #suédoise sera largement minoritaire du côté francophone. (le MR seul en habits risqués d’alibi)

Ne pas s’y tromper: en cette rentrée, la Flandre, plus forte, plus dominante que jamais dans le cadre belge, vit plutôt en état de grâce. Même sans balconnières fleuries.



Michel HENRION