Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mercredi 25 février 2015

Le mystère des fissures évaporées de Tihange 2 (site internet de M...Belgique)

 
La ligne oubliée du rapport de l’AFCN: quelle taille
maximale dans la partie basse du réacteur?

Le mystère des fissures évaporées de Tihange 2

Presque mieux que celui de la Lettre Volée: voici le Mystère des Fissures Evaporées. Ou plutôt des données, des valeurs techniques qui se sont apparemment envolées du rapport de l’Agence Fédérale de Sécurité Nucléaire concernant l’état des réacteurs de Tihange 2 et de Doel 3.
Tout comme dans l’énigme d’Allan Poe, l’anomalie n’attire pas forcément illico l’attention.
Ce qui a sauté aux yeux, lors des premières fuites parvenues à nos confrères du Soir, c’est la dimension des flocons d’hydrogène, communément appelées microfissures: jusqu’à désormais 9 cm dans la partie inférieure du réacteur de Doel 3.
Mais l’étrangeté cachée est, dans le tableau statistique reprenant la taille maximale des microfissures dans les deux centrales actuellement à l’arrêt, l’absence de tout chiffre, de tout résultat pour la partie basse (“lower core shell”) de Tihange 2.
Des “data” censées n’être pas encore connues selon le tableau ad hoc.
Le hic, c’est que, dans un autre calcul, le rapport de l’AFCN fait pourtant bel et bien état de la…moyenne des tailles des microfissures de la même partie basse de Tihange 2. Une pièce de métal considérée comme fort bien forgée- comme qui dirait théoriquement approuvée par le Dieu Vulcain- avec un nombre de “flocons d’hydrogène” jugé assez normal (80/85)
En 2014, selon la nouvelle méthode approfondie de détection des défauts, la moyenne –on insiste sur ce mot, la moyenne- des 85 microfissures répertoriées serait de 15,5mm/15,4 mm
D’ou deux questions toutes bêtes:
1)    Comment diable a-t-on pu établir une moyenne des microfissures du “lower case shell” de Tihange sans disposer des tailles de celles-ci?
2)    Mais où sont donc passées ces valeurs, surtout la taille de la plus grande fissure?

Pour faire encore plus simple, disons que la valeur maximale du “lower core shell” de Tihange 2 est étonnamment manquante des documents de l’AFCN.
C’est l’énigme de la ligne manquante. On a fait une moyenne mais sans reporter pour autant les valeurs maximales qui ont servi au dit calcul.
Reprenons le tableau, celui-là complet, de la “moyenne” des fissures à Doel 3 et Tihange 2?
Qu’y remarque-t-on? Que, dans les deux centrales, les valeurs moyennes des tailles des fissures sont plus fortes dans le “lower core shell” (bas du réacteur) que dans le “upper core shell” (le haut du réacteur, là où a sans doute lieu une moins grande activité du réacteur).
Question un brin dérangeante: se pourrait-il donc que les microfissures s’accroissent avec le temps qui passe? (on vous passe les détails scientifiques, mais ce qu’on appelle le “flux neutronique” est sans doute plus élevé dans le bas que dans le haut d’un réacteur) Vous suivez? Car c’est le moment d’en revenir à l’oubli, à la distraction, au petit rien,  bref à l’étonnante ligne manquante du rapport de l’Agence Fédérale de Sécurité Nucléaire.
Quelle est diable la valeur maximale de taille dans la partie basse (lower core shell) de Tihange 2? Se pourrait-il qu’elle soit si gênante, si ennuyeuse qu’on l’ait ainsi oubliée? Ce n’est qu’une question, mais elle est légitime. Car en découle une autre interrogation: si les microfissures devaient suivre un mécanisme de croissance  avec le temps, se pourrait-il que ces flocons d’hydrogène se développent jusqu’à une taille en mode ouhlala surprise-surprise. Se pourrait-il que cela fragilise progressivement le réacteur?
On ne crie pas pour autant au loup: mais ce serait tout de même bien que l’AFCN retrouve sa ligne manquante.
Sûrement une erreur de dactylo, boss?

mercredi 18 février 2015

Faute de budgets, nos décideurs se rabattent sur la com du “constat d’échec” (chronique de MBelgiqueHebdo du 6/2/2015!

 
L’autre matin, poussant la porte d’un night-shop, je n’en ai pas cru mes yeux. Entre les barres chocolatées et les cannettes énergisantes,
s’affichait paisiblement une montagne d’exemplaires de Charlie Hebdo, de ce numéro mythico-historique  qu’on s’arrachait encore hystériquement  il y a peu, dès potron-minet.
C’est qu’il s’éloigne déjà à toute vibrure, l’esprit #JesuisCharlie.
C’est déjà à peine si d’aucuns se souviennent qu’il avait été inventé pour davantage de liberté d’expression.
Pour, à l’instar de Charb, Cabu, Wolinksi  et de toute cette rédaction libertaire exécutée pour crime de caricature, dénoncer tous les sectarismes.
C’est un sociologue français qui a eu cette forte formule: “On n’a pas vendu sept millions d’exemplaires d’un journal, mais sept millions d’hosties”.
Le phénomène presque para-religieux a déjà un nom médiapolitique: le “Charlisme”.
Avec, comme comparaison qui saute aux yeux, l’un de ces torrents d’orage, sauvages et spectaculaires, qu’on aperçoit de temps à autre dans les Journaux télévisés:  un flux charriant tout et n’importe quoi. Souvent le pire, parfois le meilleur.

La liberté permet-elle des entorses aux libertés?

L’ “union nationale” –un concept un brin pittoresque chez nous avec des ministres nationalistes flamands au 16 rue de la Loi- n’aura été que fort éphémère, tant en Belgique qu’outre-Quiévrain. Les pénibles luttes d’ego, les combats de chiffoniers et de “point Godwin” sont déjà de retour.
Le phénomène #CharlieHebdo, avec toute son énergie citoyenne,  postulait l’affirmation de la liberté d’expression: le #Charlisme falsifie; s’en prend aux apostats qui n’entendent pas (et c’est d’ailleurs leur liberté) “être forcément de la tribu Charlie”.
Le #Charlisme a ses dérives: il permet, mine de rien, puisque cette fameuse liberté d’expression serait menacée, d’imposer en douce, en son nom, bien trop de sécurité… Et pour d’aucuns, le #Charlisme va encore plus loin: le combat contre le terrorisme impliquerait volontiers jusqu’à des entorses aux libertés.
C’est la maladie qui a frappé les Etats-Unis au lendemain du 9/11 et dont la démocratie américaine ne s’est pas encore remise.
Claude Guéant, en France, ex Ministre de l’Intérieur de Sarkozy, y est allé ainsi d’une formule hard qui résume tout: “Il y a des libertés qui peuvent être facilement abandonnées”.

Ministère de la Peur et du Budget.

La pensée politique est souvent paresseuse: elle l’est d’autant plus  lorsque, en toile de fond,  il n’y a guère de moyens budgétaires pour agir vraiment, pour développer de nouveaux terrains d’action politique.
Le Ministère de la Peur est plus facile à gérer que le Ministère du Budget.
C’est ce qui explique l’incroyable déluge de mesures (certaines découlant de la Directive Européenne) et d’idées  de #Charlismes en tout genre.  Genre réinstaurer un service civil sinon militaire (tout politique parle habilement “d’étudier” l’idée puisqu’il est le premier à savoir qu’elle est totalement impayable pour l’Etat)

Il en est de plus adéquates: comme celle, soutenue par le MR Denis Ducarme, d’un “point de contact internet” à la française pour alerter d’incitations au terrorisme sur le Net. Le même Ducarme a déposé une nouvelle proposition de loi pour que la notion, floue, d’apologie du terrorisme soit, à l’instar du négationnisme, sanctionnée en droit belge. Amusant: une proposition similaire avait jadis été déposée au Sénat par un tandem Destexhe-Lizin…
Curieux climat psychologique. Ou chaque jour voit se multiplier alertes à la bombe-bidon ou interventions peu réfléchies. (un paisible boulanger de Molembeek, soudain menacé par des mitraillettes)
Ou on voit soudain s’installer dans le vocabulaire politique belge la formule “belge de souche”, une expression jusqu’ici plutôt réservée à Marine le Pen.
Ou rare sont ceux qui, comme la présidente libérale du Sénat Christine Defraigne, ont le réflexe #Charlie lorsque d’aucuns, au MR et à la N-VA, entendent priver de sa nationalité jusqu’au petit-fils d’un belge naturalisé.

Le délire du CD&V

Une ligne d’analyse traverse tout cela: l’Etat est désargenté. C’est ce manque de budgets qui explique les paras-commandos dans nos rues et, incidemment, l’incroyable gueguerre politique entre la N-VA de Bart De Wever et le CD&V de Kris Peeters, signe que la peur produit aussi tous les délires. (pour rappel, l’idée éventée et naïve du CD&V était de susciter posts et tweets de ses militants pour que les N-VA Jan Jambon et Steven Vandeput retirent les soldats censés plutôt lutter contre “l’ennemi extérieur”)

La mode com’ du “constat d’échec”

C’est ce qui produit aussi un nouveau style de communication, très étonnant.
C’est la mode médiapolitique du “constat d’échec”.
Dont la particularité est juste d’en poser un mais sans lui donner de solution; ou alors un minimum vital, juste pour faire joli.
Ainsi, le Premier Ministre a-t-il posé récemment le “constat de l’échec de la lutte contre l’antisémitisme”.
Ainsi, d’autres personnalités politiques mettent-elles récuremment en avant leur “constat de l’échec de l’intégration”.
Point commun: dans les deux cas, on n’entend pas grand chose comme propositions de solutions.
On crée juste un climat anxyogène qui ne sert en rien le “Vivre Ensemble”.

Pour éviter les dérives: simplement dégager des budgets

Explication toujours et encore: l’argument des économies linéaires, du manque d’argent, bref de pognon. Qui peut donc avoir pour conséquence, en “situation exceptionnelle”,  de tordre parfois un brin le bras à la démocratie belge.
Or, il y a un moyen tout simple de ne pas attenter à nos libertés: c’est de simplement donner les budgets nécessaires pour que Sûreté de l’Etat, OCAM, Police et autres Office central de lutte contre la criminalité informatique, soient pleinement efficaces. Sans oublier les prisons, haut lieu de radicalisation.
Car tous ces gens là font, le plus souvent, tout ce qu’il faut et fort bien à conditions qu’ils en aient les moyens. (les policiers censés lutter contre le crime informatique en sont réduits à acheter de leurs deniers du matériel updaté).
Car dès qu’il y efficacité des moyens dans ces secteurs, les citoyens sont protégés.
Et c’est là une vision valable tant pour la gauche que pour la droite.

Des bonds de sondage toujours éphémères


Les récents sondages l’ont montré: les belges valident le sécuritaire. Mais tous les spécialistes en études d’opinion sont aussi d’accord sur un point: ces élans, dans la foulée d’attentats ou d’événements graves, sont toujours inévitablement éphémères. Bush père et fils en ont fait l’expérience tout comme bien d’autres dirigeants mondiaux. Ce sera le cas pour Hollande (l’homme en gardera sans doute l’acquis d’une certaine stature présidentielle) ou Bart De Wever (le leader de la N-VA et ses ministres auront cependant  décroché au passage la “légitimité de gestion fédérale” qui leur manquait)

Changer le terreau social


Faute de moyens toujours, par démagogie parfois,  nombre d’hommes politiques continuent à faire leurs gammes sur la partition usée de la sécurité, voire de la peur.
L’air sécuritaire est connu depuis 20 ans:  or, c’est dans une perspective à 20 ans qu’il faut agir désormais.
Avec surtout –c’est tout sauf un poncif- la clé de l’éducation. 
La ministre Milquet (cdH)  est timide lorsqu’elle concède des “cours de civisme et de philosophie “ dès seulement 6 ans. C’est plus tôt (4 ans) qu’il faut commencer à agir si on veut éviter des propos du type de celui du petit Ahmed, 8 ans, au commissariat pour “incitation au terrorisme”.
Et nos politiques de premier plan  feraient bien de se saisir de ces débats de “terreau social” qui n’agitent jusqu’ici que quelques discrètes commissions parlementaires.
Avec quels budgets reconstruire encore des écoles non-containers, rénover des quartiers, arrêter d’envoyer les familles en difficulté toujours dans les mêmes zones “difficiles”?
Oui, on parle beaucoup du “fait religieux”. Qui fait notamment que certaines jeunes filles belges d’origine allochtone, malgré parfois bien des diplomes, se replient pourtant surleur communauté. Parce qu’on ne leur donne pas d’emploi.

L’enjeu crucial de l’égalité hommes/femmes

Que fait vraiment ce pays pour assurer une meilleure égalité hommes-femmes? Que font nos politiques; de tous niveaux de pouvoir, pour assurer un avenir professionnel aux jeunes diplomées d’origine allochtone qui, déjà, de par leur milieu, ne se considèrent déjà pas toujours comme les égales de l’homme?
Un bébé sur deux en Belgique naît hors mariage: la société belge évolue à toute vibrure mais nos politiques, apparemment,font mine de l’ignorer.
Le tout sécuritaire, c’est une peur: c’est le #Charlisme.
Les combats sociétaux de progrès à long terme, c’est très #JeSuisCharlie.


Michel HENRION

samedi 7 février 2015

Ecolo: après la baffe, comment biffer l’échec? (M...Belgique Hebdo du 30/01/2015)

 
Devinette. Qui donc co-présidait Ecolo du temps de Jean-Michel Javaux? Vous ne voyez pas? Normal. On l’a oublié mais, tout un temps, le gendre idéal fut plutôt l’ombre du duo qui se doit de conduire le parti Vert. (toujours un bruxellois + un wallon)
Aux côtés d’Evelyne Huytebroeck ou d’Isabelle Durant, ex Vice-Premier(e) Ministre, l’homme fut d’abord plutôt en retrait. Même si son exploit communal de 2006 -rafler le maïorat d’Amay à la très socialiste famille Collignon avec 43% des voix- avait fait sensation. Ce n’est que lorsque la nouvelle co-présidente Sarah Turine, à ses heures violoniste du groupe newwave LCDCR (qui tire son nom d'une peinture de Jan Van Eyck, la “Vierge du Chevalier Rolin”), a souffert dans ses prestations médiatiques, ou n’a plus été sollicitée par les medias, que Javaux est devenu emblématique, limite people.
Ce qui fait qu’aujourd’hui, Ecolo a presque son Colombey, son Amay-les-Deux-Eglises.
Réfugié à la Présidence du holding public liégeois Meusinvest -qui investit dans les PME,  les “incubateurs” aéronautiques ou biotechnologiques, etc…- Javaux a pu  certes y donner libre cours à son goût pour les entreprises, qu’il tenait déjà –à juste titre- important pour Ecolo.

La Boisserie d'Amay
Si on a du mal à cerner l’ampleur de l’influence, il est cependant un secret de polichinelle: depuis sa Boisserie d’Amay (1), Jean-Michel Javaux n’a jamais vraiment cessé d’être peu ou prou à la manoeuvre. En politique, seuls savent s'arrêter ceux qui ne seraient pas partis.
C’est que, chez les Verts, on aime bien, depuis belle lurette, s’adouber entre affinités: et qu’il y a une évidente filiation de plus entre Jean-Michel Javaux et Emily Hoyos. Celle qui lui succèda comme wallonne en 2012 en tandem avec le fondateur Olivier Deleuze, personnage et député bruxellois à éclipses, un peu revenu de tout (notamment de Greenpeace et de l’ONU), désormais bourgmestre de Watermael-Boitsfort.
Oui, il en a rêvé, il l’a caressée longtemps, Jean-Mi, cette idée de revenir au premier plan. Avec une ou deux phrases floues mais pas anodines chez Pascal Vrebos, le dimanche midi, genre teasing politique.  Genre “je-suis-le-recours-si-Ecolo-était-menacé”. (3) Ce qui, mine de rien, est tout de même un brin gonflé au gaz immodeste. 
Jusqu’à finalement, après avoir deviné, tâté trop de sables mouvants, renoncer au travers d’une interview -pas non plus sans ego ecolo- à Frederic Chardon. “J’ai apporté beaucoup à Ecolo. J’ai donné  beaucoup de nouvelles idées, un nouveau style”. (…) “Je connais Magnette: il m’a suivi. Et le MR aussi” a-t-il dit à La Libre, soutenant même au passage l’intervention militaire belge en Irak.
Entendez: “De mon temps, tout ce que j’ai fait c’était génial”.  Euh.
A se demander aussi, à l’entendre, s’il s’était passé électoralement quelque chose en mai 2014. Et en juin 2010, sous l’époque Javaux, ou un premier ressac d’alerte était déjà apparu en voix.


La moitié des voix évaporées
A décharge, il est vrai que ce n’est guère facile d’être co-président d’Ecolo: d’abord parce que l’écologie politique n’est guère en forme en Europe; ensuite parce qu’il n’y a classiquement pas plus indidèle comme électorat.  Plus de la moitié peut s’envoler soudain vers d’autres cieux, surtout PS ou cdH.
“Dans ma région, 20% des voix sont allées au MR”, concède Javaux. Bref, il suffit d’un rien, d’un mot malheureux (jadis l’ “écotaxe”), d’une maladresse (le “dossier Francorchamps”) ou d’un dossier pourri par d’autres (le feu photovoltaïque allumé de manière irresponsable par le cdH André Antoine) pour que la sanction électorale tombe, fut-elle parfois injuste. Ne jamais oublier: la politique, c’est la cruauté.
Prenez le temps de bien lire les chiffres qui suivent. Ce sont ceux des dernières élections de mai 2014. On y photographie combien la claque, la baffe, a été forte:  au niveau fédéral d’abord (222.524 voix en 2014 contre 313.047 en 2010) mais surtout au niveau des Régions. Dix députés wallons perdus en Wallonie. (176.486 voix contre… 372.067 en 2009) Et, à Bruxelles, plus que 41.360 voix en 2014 contre… 82.663 en 2009.
Carrément la moitié des votes envolés. Avec pour conséquence, dans les structures, le choc des licenciements.

Une maladie chronique
Tout comme après la défaite spectaculaire de 2003 (en 1999, le scandale de la dioxine avait assuré un triomphe historique aux Verts), la Berezina de 2014 a suscité un grand malaise chez les écologistes. Précipitant le départ anticipé du tandem Hoyos-Deleuze, pourtant pas trop mal équilibré sur la durée de son mandat, mais accusé d’avoir “mal communiqué” au fil d’une campagne pour le moins aussi mollassonne que prudente. Et donc sans âme. Résultat: Ecolo, fidèle à sa maladie chronique un brin infantile, vire, en interne, à nouveau happening bourdonnant. Ou un chat a bien du mal à retrouver ses jeunes tant,  à chaque élection d’une nouvelle direction bicéphale, les différences officielles entre les duos de candidats sont parfois subtiles. Un grand classique est ainsi de “réaffirmer sa foi dans les fondamentaux”.
Ce qui ne postule pas forcément les mêmes. Comme l’a rappelé Jacky Morael dans “Générations Vertes” (2) , c’est “qu’il n’y a pas de saut de génération quantique chez Ecolo. C’est par cercle évolutif que les choses changent: c’est un processus continu”.
De fait, la “dimension collective” est toujours une culture politique  très présente chez les Verts. Et si la conception de la “présidence” ne postule pas la même concentration de tous les pouvoirs que dans d’ autres partis. Même si le gouvernement d’Ecolo, ces dernières années, n’a pas toujours vraiment accepté d’assumer la différence de points de vue.
En politique, on ne connaît aucun leader de parti qui apprécie qu’on le conteste, fut-ce en interne.


Des jeux politiques interpersonnels
Zakia Khattabi
Chloé Deltour
Conséquence: c’est souvent par des départs et des portes qui claquent que les choses se passent. Exit ainsi Bernard Wesphael (dont le dada était de dénoncer une main mise d’inspiration démocrate-chrétienne sur l’appareil) ou, dans un genre moins agité, celui du fondateur Paul Lannoye, personnalité peu adepte du compromis en politique.
Conséquence:  ça laisse une bien grande place aux jeux politiques interpersonnels. Aux comportements individuels, aux réunions presque secrètes visant tel ou tel obectif. Bref, au lancement de peaux de banane.
C’est ce qui, jadis, a empêché Jacky Morael de devenir Vice-Premier Ministre, bloqué par des stratégies de Verts bruxellois à l’époque dévorés d’ambition.
C’est ce qui a fait qu’Isabelle Durant a dû céder, contre toute attente, son fauteuil de parlementaire européen à Philippe Lamberts, son ancien conseiller de cabinet.


Zakia contre Maggie
Le prochain duel aura lieu d’ici mars, avec deux tickets.
Celui formé par la bruxelloise Zakia Khatabbi et le wallon Patrick Dupriez.  Candidature solide qui aurait pu rester unique si, en dernière minute, un autre ticket n’avait postulé. Inspiré par la mouscronnoise aux lunettes vertes Chloé Deltour et rejointe à Bruxelles par Christos Doulkeridis, ex-secrétaire d’Etat bruxellois.
Deux tickets, avec en toile de fond, une ligne de démarcation .
C’est que, pour nombre de militants écologistes (ceux qui font les décisions au Conseil de Fédération ou aux Assemblées Générales), la ligne “centriste” que Jean-Michel Javaux et ses amis ont imposé, celle qu’a suivie également Emily Hoyos,  est devenue par trop prudente, sans grande radicalité, par trop politiquement correcte.
“Je continuerai à être pragmatique, toujours, maintient Javaux dans sa Boisserie d’Amay. Et c’est pour cela que je suis mal vu par certains à l’intérieur d’Ecolo”.
Le hic, c’est que pour d’aucuns, ledit pragmatisme signifie qu’Ecolo est devenu par trop gestionnaire, trop tenté par le pouvoir pour le pouvoir. Et que lorsqu’il en sort, comme en Wallonie, ses anciens alliés s’empressent de détricoter ou de reporter l’acquis écolo. (les mesures de Philipe Henry par exemple)
Et que c’est cette même ligne, peu adaptée au climat socio-économique, qui, oups, a précisément contribué à la berezina électorale de mai 2014.
Ceux-là se retrouvent sans doute davantage dans le tandem Zakia Khattabi-Patrick Dupriez. (au slogan bof:  “Autrement, ensemble, pour tous”)
Licenciée en travail social de l'Université Libre de Bruxelles, féministe, le coeur très à gauche sans folie,  Zakia Khattabi est une forte personnalité. Du genre de celles que l’observateur politique voit soudain apparaître dans le champ médiapolitique en se disant: “ Tiens, voila quelqu’un qui ira loin”.
Au Parlement, les murs se souviennent ainsi encore d’un spectaculaire affrontement entre Maggie De Block et Zakia Khattabi  concernant l'expulsion de demandeurs d'asile vers l'Afghanistan.
"Ce n'est pas parce que vous criez fort que ce sera la vérité, madame De Block!” avait lâché la sénatrice à une #Maggie, pourtant rarement décontenancée par une attaque.
C’est ce tempérament à oser monter carrément au créneau qui fait dire aussi aujourd’hui à la candidate: “Osons choquer quelques âmes sensibles plutôt que courir le risque d’être inaudibles”.
Plus effacé, son colistier cinacien Patrick Dupriez n’en pèse pas moins. Ancien Président du Parlement Wallon, c’est une “belle machine cérébrale”, passionné notamment par l’Amérique Latine (l’équatorien Rafael Correa compte au nombre de ses amis) et les pays du Sud. Et riche, comme atout électoral interne, d’un passé Ecolo pur jus, avec une connaissance forte des enjeux.
Pour le tandem, finalement très pragmatique, et qui se défend du radicalisme que d’aucuns lui prêtent, il vaut mieux une stratégie de progression plus lente et plus durable aux “bulles électorales” qui explosent dès qu’Ecolo accède au soleil du pouvoir.
Le duo  entend relayer davantage les colères sociales, redevenir davantage présent dans les mouvements sociaux. Et de miser donc sur l’enracinement local, l’associatif et la société civile, notamment en allant y chercher des figures extérieures.


“Petites culottes, spéculoos et peau de banane”
C’est en partie par opposition à ce solide duo que serait né, vite fait sur le gaz, le tandem Deltour-Doulkeridis.
Si la mouscronnoise aux lunettes vertes Chloé Deltour est tout aussi inconnue que ne le fut jadis Marie Corman, éphémère colistière de Bernard Wesphael en 2012, sa démarche est clairement plus pro-active. Car, dit-on, soutenue, voire poussée  par des tenants d’une ligne “plus centriste”.  
Quant à Christos Doulkeridis, il sait assurément, avec l’expérience, qu’une telle candidature -qui donne plein de visibilité médiatique- est,  qu’on en sorte gagnant ou perdant, toujours bonne à prendre pour tout politique.
On soupçonne d’ailleurs fort ce dernier d’avoir inventé le curieux jeu de mots de sa candidature: «NoMiDo». (l’inverse du domino: “quand quelqu’un se relève, il aide les autres à se relever”).
L’homme s’y connaît en mots: c’est le même Doulkeridis qui avait obligé jadis Jacky Morael à placer trois mots improbables dans une interview à la RTBF: “petite culotte”, “spéculoos” et “peau de banane”.

Nollet: renforcer les liens avec Groen
Sans entrer dans toutes les subtilités de la faune et flore Ecolo, on en est là:  une aile se positionnant pour “faire de la politique” commeil se doit à un parti, et une autre se voulant “plus gestionnaire”. Bref, de réelles différences d’approche.
Et, à l’écart, sur le banc de touche,  un personnage influent comme Jean-Marc Nollet. Qui, bien servi médiapolitiquement par son rôle de chef de groupe à la Chambre -de concert avec le Groen Kristof Calvo, l’opposition verte se fait remarquer- attend que l’horloge des inévitables crises écologiques à venir (#blackout, nucléaire…) lui soit à nouveau favorable. Et, en attendant, pousse à renforcer, autant que Groen le voudra, les liens avec les Ecolos du Nord. Qui sortent tout juste, eux aussi, d’une compétition pour la présidence, un certain “effet Meyrem Almaci” semblant d’ailleurs fonctionner en Flandre. (10% d’affiliations de plus)

Un gros noeud interne: les relations entre wallons et bruxellois
On oublie par trop souvent qu’Ecolo, aujourd’hui souvent proche du Mouvement Ouvrier Chrétien, fut, à sa naissance, bien plus laïque. Et que nombre de ses fondateurs étaient issus du Rassemblement Wallon. Pour un Paul Lannoye, fédéralisme et écologie étaient d’ailleurs indissociables. Or, ce sont les relations entre écologistes  bruxellois et wallons qui risquent, demain, d’être le plus gros noeud interne pour le parti Ecolo. Si vous tendez l’oreille, vous entendrez bien des cadres bruxellois se plaindre du poids des volontés wallonnes. Ou mettre en avant la bonne qualité de leur participation gouvernementale bruxelloise. Là ou la nouvelle majorité wallonne  PS-cdH reporte ou modifie nombre des acquis “à l’arraché” des ministres écologistes wallons.
Si vous tendez encore plus l’oreille, vous entendrez certains écolos wallons vivre encore avec bien de la frustration. Celle notamment de n’avoir pu envisager de s’allier jadis (2009) aux libéraux en Wallonie et ce en raison du “blocage” des bruxellois.


Une Belgique à quatre régions
Ce n’est sans doute pas par hasard si Jean-Michel Javaux évolue, mine de rien, vers une structure institutionnelle à quatre régions.
Alors que ce n’est pas évident du tout dans un parti ou le régionalisme n’a jamais été acquis autrement “qu’entre les lignes”. Et ce qui postule à tout le moins une solide mise en veilleuse de la Communauté française, fut-elle rebaptisée Fédération Wallonie-Bruxelles. Comme quoi il  faudra vraiment bien lire ce qui diront les duos de candidats pour ce qui est de ce point devenu très délicat chez Ecolo: les relations entre Bruxelles et la Wallonie.
Quelle stratégie les écolos adopteront-ils cette fois pour reconquérir l’opinion? Réponse en mars. Une certitude: en politique, surtout chez Ecolo, chacun est enfermé dans la matière de son parti.


Michel HENRION


(1) La Boisserie, le refuge du général De Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises.
(2) “Générations vertes: Regards croisés de Jacky Morael sur 30 ans d’écologie politique”(Editions Etopia).
(3) La position officielle de Jean-Michel Javaux est de dire qu'il n'était "ni demandeur ni candidat sauf "black out politique vert" qui ne s'est pas passé"


lundi 2 février 2015

Pourquoi il faut repérer les “mots de la peur” dans les discours des partis… (MBelgique Hebdo du 23/01/2015)

 
“Je ne parlerais assurément pas d’ “Etat de Guerre”, rectifiait l’autre jour André Van Doren, le grand patron de l’ OCAM, entendez l’organisme qui évalue au jour le jour les menaces terroristes et extrémistes à l'encontre de la Belgique. La mise au point était opportune, car les mots ont un sens.
Gwendolyn Rutten: l'idéologie du "moins d'Etat"
Malgré 17 morts, en France, François Hollande a veillé, lui, à ne pas utiliser le mot “guerre”, mot médiapolitique de la peur s’il en est. Avec raison puisqu’il s’agit là d’une menace ultime à la sécurité publique.

En communication, ces jours-ci, à écouter les politiques, il faut plus que jamais s’efforcer de repérer les mots de la peur. Car, depuis la nuit des temps, en politique, l’appel à la peur (“le pire est à craindre”) est une ficelle de com’ quasi imposée.

Tout politique sait depuis longtemps que la peur est le meilleur moyen d’obtenir un soutien presque inconditionnel à tout pouvoir, tout gouvernement.

A preuve, en Belgique,  les réactions  de l’opposition, devinant fort bien “au feeling” que toute critique forte des mesures sécuritaires de la #Suédoise serait extrêmement mal perçue par un citoyen souvent anxieux, angoissé.

Non point tellement par le réel, mais par un “réel anticipé” par l’imagination bien avant qu’il ne surgisse. (à Verviers, nos forces de sécurité n’ont déjoué, de manière finalement très rassurante, qu’une menace d’attentat).

L’ennui, avec la peur, c’est qu’elle est communicative. Et que les angoisses sont contagieuses, voire irrationnelles. Le plus bel exemple absurde de la semaine (il en est d’autres) est sans doute ce directeur d’une école de Halle qui a privé ses écoliers d’une visite au Théâtre de la Monnaie jugé “trop près du commissariat de police de Bruxelles-Ville.”  La peur, c’est aussi  beaucoup d’imagination.



Une phrase forte venue d’Algérie





François Hollande et Charles Michel avaient un problème commun: un déficit de popularité. Comme quoi en politique, rien n’est jamais joué, celle du Président français vient de se redresser spectaculairement. Et en évitant de basculer dans un discours par trop sécuritaire, en obtenant notamment  une remarquée  déclaration commune des cultes reconnus et de la laïcité  (rappelant notamment le respect de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et les valeurs universelles des Lumières)  le Premier Ministre espère, lui aussi, avoir pris davantage de stature. Tout boni assurément pour lui et sa #Suédoise. Tout comme pour Bart De Wever et ses ministres N-VA au Nord et même au Sud, nombre de francophones appréciant soudain le côté sécuritaire des ministres nationalistes.

Charles Michel, pour l’occasion, a d’ailleurs repris la célèbre phrase (“La peur doit changer de camp”) de l’ancien Premier Ministre algérien Reda Malek, un ancien du FLN, qui fut des “sauveurs de la démocratie” qui annulèrent à l’époque la victoire électorale des extrémistes algériens du Front islamique du salut (FIS) .

Jolie citation de com’ mais avec deux bémols: d’une part, elle institue en soi déjà une menace voilée; d’autre part, la réalité est que la peur ne change jamais de camp: elle change juste d’objet.



Le belge veut une société sans risque



En Belgique comme ailleurs, c’est à chaque jour sa peur. Qu’on se souvienne des invraisemblables tonnes de stocks de vaccin anti-H5N1 financées par le gouvernement Leterme. C’est que le belge demande à ses politiques de le protéger de tout: du Black-out électrique, de la grippe aviaire, de la pollution, de la solitude, d’Ebola, du verglas pas assez salé sur les routes, du bruit des avions, des fermetures d’entreprise et, bien entendu, de Marc Dutroux, symbole absolu du moteur de l’angoisse belge.

Avec la nuance des risques mis en avant (à satiété le sentiment d’insécurité) et de ceux plutôt tus ou celés: le risque nucléaire, celui-là mis si possible en bruit médiatique minimal.

Les sondages le démontrent: chez les belges, l’amygdale -on parle ici du noeud central du cerveau  situé dans régions limbiques du lobe temporal- d’où part le “circuit de la peur”, fonctionne plutôt bien ces jours-ci.

D’aucuns font la file potron minet pour acheter Charlie Hebdo et, par là même, une belle image psy d’eux-mêmes. D’autres vivent plutôt le repli sur soi, à commencer par ces policiers retranchés dans leurs commissariats, ce qui surprend fort en France. Et tous les politiques, histoire de ne pas avoir l’air de rester en retrait, y vont de leur mesurette: ainsi en Wallonie, tous les acteurs de terrain (Forem, organismes d'insertion socioprofessionnelle) sont-ils désormais invités à alerter un “référent radicalisme”. Ca ne mange pas de pain.







La géométrie variable du politique



Le hic, c’est que protéger les belges contre ses peurs n’implique pas forcément la suppression du risque.

On l’a bien vu en France: le dispositif Vigipirate, qui fait que l’image militarisée fait depuis longtemps partie du paysage, n’a en rien freiné les exécuteurs des journalistes de Charlie Hebdo.

La #politiqueattitude du gouvernement Michel se contente pour l’heure d’ajustements sécuritaires, peu contestés dans l’ensemble, si ce n’est la controversée présence de l’armée dans les rues. Qui est apparue à nombre d’observateurs avertis comme tenant davantage de l’effet de com’ que de la sécurité augmentée.

Le professeur Ril Coolsaet (Université de Gand, expert en radicalisme) a été un des plus nets: “C’est plus du théâtre politique que de la protection contre le terrorisme”.

Le débat sur l’armée est simple: est-ce anxyogène où est-ce rassurant?

Et, étonnamment, en dehors du CD&V (qui maugrée en permanence autour de la table gouvernementale, mais pour d’autres raisons) ce sont les libéraux flamands qui ont le plus rechigné, histoire de se démarquer de cette bonne vieille idée de la N-VA.

Noël Slangen, le célèbre communicateur des libéraux du Nord, y est allé d’un tweet remarqué, soulignant en substance  “que l’armée dans les rues c’était déjà capituler devant les terroristes”

Mais l’OpenVLD a une caractéristique quasi légendaire: il y a toujours loin des grands principes à la réalité.

Dans le petit livre (“Le citoyen engagé”) qu’elle publiait l’an dernier pour la campagne électorale, Gwendolyn Rutten, la présidente de l’OpenVLD, développait sa vision de la “Privacy” et contestait la surveillance du Net, etc…

Léger hic: Bart J. Tommelein, actuellement Secrétaire d'État OpenVLD à la Protection de la vie privée applique aujourd’hui, au gouvernement #Michel1, bien des mesures parfois à l’exact opposé de ce qu’avait joliment écrit la plume de Gwendolyn.

Autre hic encore: le bourgmestre de Malines, Bart Somers, a fait sensation en s’exprimant contre la présence de l’armée puisque “dans un Etat démocratique, c’est à la police d’assurer la sécurité des citoyens”.  Mais c’est le même Bart Somers qui, en 2005, réclamait lui-même…des militaires pour soulager les forces de polices malinoises.

C’est ce qui fait le charme des partis: chacun a souvent ses contradictions internes.

Le PS n’est ainsi  pas partisan de l’armée dans les rues, dit-il,  mais certains de ses élus le revendiquent pour leur commune ou dans le métro bruxellois…



Bart et Xavier Waterslaeghers



Quant au quatuor De Wever- Jan Jambon (ministre de l’Intérieur) Steven Vandeput (ministre de la Défense Nationale) Théo Francken (Secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration) il domine littéralement (et fort bien) toute la communication au Nord puisque la N-VA s’est adjugée l’essentiel des “fonctions régaliennes” de l’Etat belge.

Bart De Wever poursuit son nouvel axe de communication: toujours maîtriser la situation, toujours expliquer,  toujours tout rationaliser. Avec le gimmick pour faire passer ses formules: “Quand je suis allé saluer les militaires mis en place à Anvers, ils étaient heureux de montrer qu’ils n’étaient pas Xavier Waterslaeghers attendant son plat du jour…”

Allusion à un des personnages de la série télé à succès “F.C. De Kampioenen”  ou le dénommé Xavier est un soldat  récurrent.

Ou encore sur un ton plus polémique, voire provo: " Anvers, c’est la Jérusalem du Nord, avec la plus grande communauté juive. C’est la plus susceptible d'être une cible"



La misère partagée de la Police, de la Justice et de l’Armée



Mais, effet collatéral, la soudaine apparition dans les rue de Paras-commandos ou des Chasseurs Ardennais (“Ceux qui ne sautent pas des avions” a cru devoir préciser Steven Vandeput) a subitement fait aussi apparaître au grand jour la misère dans laquelle est tombée notre Grande Muette depuis 2008. Dont on découvre qu’elle n’est plus du tout apte à rendre beaucoup de services à la Nation: accident Seveso, catastrophe d’ampleur, inondations: faute de formation et de matériel, l’armée belge (hors les opérations à l’étranger) serait devenue quasi factice.

“Si ça continue, lâche un spécialiste, l’armée belge, ce sera juste quelques F35”.

On en revient à un noeud politique.  Il y a un grand point commun entre organismes de sécurité, Justice, Police, Armée: tous demandent qu’on leur redonne des moyens budgétaires.

Et l’électeur, à la fois par raisonnement et par peur, entend bien qu’on donne satisfaction à tous ceux qui assurent sa sécurité. (78% des belges veulent leur donner plus de moyens financiers)





Une ligne idéologique





Or, il y a une ligne idéologique en calque du gouvernement suédois: pour les libéraux (surtout l’OpenVLD) et la puissante N-VA, la ligne est claire: “ Il faut moins d’Etat. L'Etat est trop lourd. Et il faut moins de cet Etat qui coûte trop cher”.

Gwendolyn Rutten a dit maintes fois son rêve idéologique: “Les autorités ne sont pas là pour tout résoudre.”

Ce qui n’est d’évidence pas toujours l’avis de l’électeur.

Ce qui n’est pas vraiment la philosophie actuelle du partenaire CD&V (plus de recettes, notamment par la fiscalité sur les plus riches).

Le risque de clash, en mars, lors du  fameux “contrôle budgétaire”, s’annonce donc un cap toujours mouvementé, surtout en termes de choix budgétaires, pour l’actuelle coalition.

De quoi, au 16 rue de la Loi, se faire encore un peu peur.



Michel HENRION
















Et si nos politiques prenaient enfin de la hauteur ? La Belgique va-t-elle oser les questions de société mises sous le tapis ? (MBelgique du 16/01/15)

 
En communication, en médiapolitique, l’efflet de souffle de #Charlie restera un événement majeur. Qui se résume en une question: qui aurait cru, à l’annonce sidérante du carnage, que des millions de personnes, dans cette société qu’on dit si individualiste, voire si égoïste, se lèveraient et marcheraient ainsi ensemble dans une incroyable émotion solidaire. Houellebecq s’est trompé: il n’y a pas de “Soumission”. Grâce à une formidable démonstration du poids de l’indispensable société civile.
Et c’est l’écrivain Erik Orsenna qui a lâché la phrase sans doute la plus forte: “Maintenant, les politiques ont des devoirs”.
De fait.
Le Ministre de l'Intérieur Jan Jambon (N-VA)
A commencer par celui de prendre de la hauteur. D’arrêter de se prendre pour des comptables ou, parfois pire, de pseudo économistes. De limiter cette communication soi-disant de proximité qui dévalorise l’image même de l’action politique (notre Premier Ministre, quelques heures avant que les dessinatueurs n’exécutent #Charlie, jugeait encore bon d’envoyer la photo de son “attentat” au Musée de la Frite). De consacrer les budgets ad hoc à ce qui est indispensable à court terme (la sécurité) ou à long terme (l’éducation).
Tout le monde connaît, au fond, les “devoirs” des politiques: à savoir vraiment s’emparer des problèmes de fond.
Les zones les plus paupérisées en Belgique sont souvent loin d'être les plus violentes. Et il est vrai que la culture de l’excuse sociale n’a jamais rien expliqué en matière criminelle ou terroriste. Par contre, elle malmène le “vivre ensemble”. Donc, on ne peut plus fermer les yeux sur certains ghettos. Donc, il faut sortir des bla-bla convenus pour que les jeunes en désarroi échappent, à terme, par l’emploi aux tentations sectaires. Endiguer la haine et, pour d’aucuns, au sein de leur propre formation politique. Cela suffit que des présidents de parti laissent des élus propager des idées populistes, sinon extrémistes. Cela suffit que d’aucuns, souvent par pur calcul électoral, pointent sans cesse des communautés. Il faut oser le constat: une certaine médiocrité (on sait, le mot est fort) a gagné du terrain dans les rangs des politiques belges, tous partis confondus.

UN seul engagement en 2015 pour le RAID belge

Il y a d’évidence deux clés d’action, quasi immédiates, pour tout décideur:
-       Veiller à ce que nos services de renseignements et d’intervention disposent de tous les moyens nécessaires. Ce n’est pas le cas. Si la Belgique dispose d’un excellent groupe d’intervention, avec des hommes très impliques, très compétents, très motivés (qui n’ont pas grand chose à envier au RAID ou au GIGN, sauf l’expérience) ceux-ci souffrent de matériel vieillot et de sous-effectifs. Accrochez-vous: selon les informations de M…Belgique, le ministre N-VA Jambon aurait autorisé un (vous avez bien lu: un seul) recrutement "exceptionnel" pour cette année. Donc, en 2016, il y aura UN renfort ( ben oui,  il faut environ une année pour le recrutement et la formation ) En réalité, il manque des dizaines de personnes au CGSU, le groupe fédéral d’intervention spécialisé. (toutes sections confondues, toutes spécialisations confondues)
-       S’emparer de l’arme de la culture générale. C’est invraisemblable que dès qu’on entend toucher à l’enseignement, dans ce pays, tout se bloque (on l’a encore vu l’an dernier, en Flandre, avec l’influence du pilier chrétien). C’est insupportable qu’on force encore; en 2015,  nos gamins à se séparer à l’heure ou des cours communs de philosophie vulgarisant les valeurs des différentes confessions et de la laïcité seraient une arme essentielle contre les haines nées de l’ignorance de l’autre et de l’inculture.


Le flamand n’aime pas les débats d’idées “à la française”
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Si la Belgique francophone, la “démocratie” wallonne et bruxelloise, a l’habitude d’importer
les émois franco-français, la “démocratie du Nord” chère à De Wever n’en a généralement cure. Pourtant #Charlie, de manière certes plus light, a aussi marqué la Flandre. Où l’on a vu aussi des flamands se réunir pour marcher, notamment à Gand. Où l’on se préoccupe itou des valeurs du “Vivre Ensemble” de plus en plus mises en cause.
Il faut savoir qu’au Nord, on n’aime pas trop les grands débats d’idées à la française (davantage prisés pourtant aux Pays Bas).
L’effet #Charlie vivra-t-il longtemps?  Une certitude: pour l’heure, une jolie “fenêtre d’opportunité” s’est ouverte. Une période rare où l’on pourra débattre de sujets habituellement tabous. Mais dans tous les sens. L’autre soir, à la VRT, un Reyers Laat avec De Wever parfait représentant d’une certaine droite décomplexée- mixait ainsi un intéressant débat d’idées avec, hélas, les traditionnelles caricatures polarisées…
Le clivage #Charlie, en Belgique, ne sera guère communautaire: comme tout en Belgique ces derniers mois, c’est l’axe gauche-droite qui prédominera.

Manifester pour la liberté et en avoir…moins?

En Belgique, comme en Europe, on risque donc fort un incroyable paradoxe: des manifestations historiques pour la liberté d’expression risquent, si on n’y prend garde, de déboucher sur des restrictions des mêmes libertés.
L’après 11 septembre l’a prouvé: l’attitude négative de ceux “qui veulent faire la guerre à l’Islam” recoupe un moment l’attitude, plus positive, de ceux “qui veulent combattre juste le terrorisme”. A un moment, le climat conjoint crée par les deux attitudes engendre un dangereux raidissement de l’Etat. Gare, en Belgique aussi, aux lois antiterroristes, votées dans un large consensus émotionnel, mais parfois inutilement attentatoires aux libertés.

L’annuaire inutile de Jan Jambon

Il est peu de voix, dans ce contexte actuel (la stratégie terroriste actuelle vise à mener à bien des actes très spectaculaires, visant des symboles) pour ramener le terrorisme actuel à ses justes estimations.
Le criminologue français Alain Bauer, expert en terrorisme et en religions, est de ceux qui osent appeler un chat un chat. A contre-courant. Son constat est simple:
-L’Union Européenne est finalement, statistiquement, peu frappée par des attentats (il y a davantage, dit-il avec un brin de provocation, de victimes de violences conjugales)
-la plupart des attentats commis sont le fait de gens qu'on a empêché d'aller faire le djihad en Syrie et pas de gens qui en seraient revenus.
-Il faudrait, selon Bauer, davantage parler d’”adaptation culturelle” des services de renseignements que seulement de moyens. “Il faut, dit-il, travailler sur la qualité et le contenu. Que des agents de terrain extrêmement efficaces et des universitaires travaillent ensemble à modifier leur approche. La collecte de renseignements est très performante. Mais, l’analyse de ces renseignements est défaillante. Les terroristes avaient été repérés. Mais, on n’a pas su quoi faire de ces informations. Si on ose une comparaison avec l’habillement, il faut sortir du prêt à porter pour aller vers du sur-mesure.”
Quant à l’idée du ministre de l’Intérieur (N-VA) Jan Jambon d’une liste européenne des combattants étrangers ralliant le djihad, Bauer la pulvérise dans La Libre: “Cette liste existe déjà mais la compilation de données n’empêche jamais rien : c’est une obsession médiatico-politique que d’annoncer des listes, des listes et encore des listes. Quand vous mettez tout le monde sur des listes, vous n’y mettez plus personne. Cela devient l’annuaire du téléphone.”
Médiocre bourgmestre de Brasschaat, Jan Jambon, ministre de l’Intérieur, est d’ailleurs, en interne à la N-VA, considéré comme une déception du “casting nationaliste”.
C’est le danger pour la Belgique: au lieu d’oser débattre des grandes questions de société qui peuvent déranger ou diviser, le risque est qu’on se contente de mitonner, de ravaler une nouvelle lasagne de lois, juste histoire de rassurer. Et surtout d’ éviter de penser plus loin.
La Belgique, tant au Nord qu’au Sud, adore décidément la politique de l’autruche.

Michel HENRION