dimanche 31 mars 2013
Balise médiapolitique: Maggie De Block et le pape François, ces apôtres de la nouvelle séduction. (Marianne Belgique du 24/03)
Balise médiapolitique
Maggie De Block et le pape
François, ces apôtres de la nouvelle séduction.
Ah, que n’en a-t-on vu de ces
politiques qui, une fois devenus enfin ministres, ne cessent de se gonfler du
cou et de leur importance. Entouré de flatteurs et autres béni-oui-oui
–la ”Cour” des cabinets
ministériels- le pouvoir et ses attributs les font souvent s’éloigner vite fait
du petit peuple des électeurs. Pas en paroles cosmétiques, bien sûr: les
discours, les “petites phrases”, les tweets convenus, les passages télé soigneusement
préparés et autres jeux de scène sont là pour entretenir l’illusion de la
proximité. Et ce alors qu’ils sont souvent emportés déjà très loin par la
vanité de leur personnage d’homme d’Etat qui s’y croit.
Tous ceux-là, et d’autres
encore (on pense ici à notre Monarchie
qui fonctionne toujours selon un protocole aussi distant que suranné)
devraient s’attacher à bien zyeuter la communication du pape François, qui va
assurément incroyablement doper l’air du temps. Et démoder grave les techniques
devenues insupportables d’un marketing politique tellement cousu de fil vote
blanc que bien des citoyens ne croient plus guère en la parole politique.
C’est que la séduction ne
doit plus forcément s’organiser. Désormais, pour établir une relation forte
avec l’opinion publique, il faut surtout des gestes, un comportement, une
manière d’être, de l’authenticité, bref en un mot, de la simplicité.
Surtout sans distance, sans
éloignement.
On ne sait encore comment il
conviendra de jauger, de juger sur textes le pontificat de François: ce dont on
est sûr, c’est que sa com’ par le geste sans apprêt a déjà frappé très fort.
En fait, c’est Maggie De
Block qui, à cet égard, aurait sans doute dû été la plus en droit d’intégrer le
charter ministériel vers l’aéroport de la place Saint-Pierre.
C’est que celle dont on s’est
tant gaussé à sa nomination est devenue un phénomène médiatique. Précisément
parce qu’elle décline la même partition que le nouveau pape: avec les mêmes
notes de simplicité et d’authenticité. Mais davantage de naïveté que le Pape:
l’école des Jésuites ne conduit guère à déclarer ”que ce qu’on adore en
politique, c’est qu’on peut dire n’importe quoi”. Résultat: la voici qui
caracole dans les sondages de popularité, la voila Femme de l’Année, la voici
qui se retrouve consacrée seconde de l’OpenVLD.
Avec pour devise cette phrase
magique du temps: “ Je vais faire mon petit possible”. Un truc qu’a d’ailleurs
calqué il y a peu le tout nouveau ministre des Finances Koen Geens: lui aussi,
il a promis “de-faire-son-possible”.
Toujours en Flandre, Bart De
Wever navigue d’ailleurs aussi dans ces mêmes eaux, fussent elles plus
troubles. (le boss de la N-VA ne fonctionne qu’à coups de fiches, qui vont
jusqu’à préparer ce qu’il dira dans des moments informels). Le ton direct, sans
détours, de Bart de Wever est assurément une des clés de son succès.
Ce qui va compter en 2013 en médiapolitique,
c’est donc d’être (ou de paraître) plus vrai: l’egopolitique se meurt un peu.
Michel Henrion.
NB: Maggie
De Block est aussi populaire parce qu'elle est aussi quasiment la seule qui
fait (ou qu'on laisse faire) ce qu'on avait promis en 2010 aux électeurs
flamands.
Balise médiapolitique: Le circuit court de Pépé Reynders ( ma chronique de l'hebdo Marianne Belgique du 17/03/13)
Balise médiapolitique
Le circuit court de Pépé
Reynders
Il n’y a pas que les bébés à
avoir besoin de communication pour survivre. Leurs grands-pères itou, surtout
s’ils sont en politique.
Curieux hasard: deux de nos
ex-ministres des Finances ont ainsi choisi de balancer soudain de l’enfance sur
les réseaux sociaux. Le message envoyé par Steven Vanackere, CD&V déchu,
est on ne peut plus clair: victime de ce qu’il estime être une cabale, il se
ressource, fort du soutien de petites et pures frimousses.
Celui de Didier Reynders, à
nouveau grand-père mais cette fois de jumeaux, l’est quasi tout autant.
Soupçonné d’avoir croche-piédé son successeur, le nouveau-né dans les bras lui
permet surtout d’indiquer qu’il a ainsi l’esprit “loin du PTB et du CD&V”,
entendez de ceux qui l’agressent sans cesse.
Dans les deux cas, si l’image
reste pudique, elle n’en poursuit pas moins cet objectif médiapolitique
classique qu’est le retour d’empathie. “Pourquoi un grand-père politique
n’aurait-il pas le droit de partager sa joie?” diront certains, touchés par
l’affect des photos, reflets de valeurs familiales consensuelles. “Pourquoi le
personnage public ne garde-t-il pas cet intime pour sa seule sphère privée?”
grinceront d’autres, plus critiques.
On ne va pas se raconter
d’histoires: lorsqu’un politique aussi observé et averti que Reynders place
Olivia et Théo sur ses comptes Facebook aux milliers d’ “amis” et en rajoute
une couche (Pamper’s dans ce cas) en les tweetant à ses 23.000 abonnés de Twitter, c’est bien davantage qu’une
simple joie partagée. On est dans la com’ de la corde, ou plutôt- pardon- du
fil internet affectif. On est dans la dimension sensible, dans le jardin
secret, dans le signe de proximité, bref dans la pipolisation. Qui, pour faire
simple, se repère à toute mise en avant d’un fait mineur sans lien direct avec
les fonctions qu’occupe un politique. Est-ce mal ? Pas forcément du tout:
pourquoi les sujets qui touchent souvent le plus directement l’homme de la rue
devraient-ils être automatiquement rejetés ? Nul ne doute des compétences de
Dédé Reynders, souvent jugé froid et distant. Pépé Reynders, lui, entend prouver que sa vie n’est pas que
seule ambition dévorante.
Ce ne serait qu’un avatar de
plus de la logique du marché électoral -qui impose l’identification avec
l’électeur lambda-
si Reynders n’avait dérogé
ici au jeu classique de la pipolisation. Qui passe d’habitude par le tandem
photos léchées-pages glacées d’un maga populaire. L’homme, qui n’est pas un
manche en réseaux sociaux, a, mine de rien, gardé tout le contrôle du processus
médiapolitique. Deux photos d’amateur, donc hyper-Mr Tout-le-Monde, juste
balancées sur le Net. (ah, ces tulipes, ce bar, ce cadre-photo allumé à
l’arrière plan…) En devinant pertinemment que des médias classiques repéreraient
la perle naturelle et se chargeraient de la faire briller.
Directement du producteur à
l’électeur. Comme quoi, le circuit court, ça marche aussi en culture de
pipolisation.
Michel Henrion.
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