Balise médiapolitique
Le circuit court de Pépé
Reynders
Il n’y a pas que les bébés à
avoir besoin de communication pour survivre. Leurs grands-pères itou, surtout
s’ils sont en politique.
Curieux hasard: deux de nos
ex-ministres des Finances ont ainsi choisi de balancer soudain de l’enfance sur
les réseaux sociaux. Le message envoyé par Steven Vanackere, CD&V déchu,
est on ne peut plus clair: victime de ce qu’il estime être une cabale, il se
ressource, fort du soutien de petites et pures frimousses.
Celui de Didier Reynders, à
nouveau grand-père mais cette fois de jumeaux, l’est quasi tout autant.
Soupçonné d’avoir croche-piédé son successeur, le nouveau-né dans les bras lui
permet surtout d’indiquer qu’il a ainsi l’esprit “loin du PTB et du CD&V”,
entendez de ceux qui l’agressent sans cesse.
Dans les deux cas, si l’image
reste pudique, elle n’en poursuit pas moins cet objectif médiapolitique
classique qu’est le retour d’empathie. “Pourquoi un grand-père politique
n’aurait-il pas le droit de partager sa joie?” diront certains, touchés par
l’affect des photos, reflets de valeurs familiales consensuelles. “Pourquoi le
personnage public ne garde-t-il pas cet intime pour sa seule sphère privée?”
grinceront d’autres, plus critiques.
On ne va pas se raconter
d’histoires: lorsqu’un politique aussi observé et averti que Reynders place
Olivia et Théo sur ses comptes Facebook aux milliers d’ “amis” et en rajoute
une couche (Pamper’s dans ce cas) en les tweetant à ses 23.000 abonnés de Twitter, c’est bien davantage qu’une
simple joie partagée. On est dans la com’ de la corde, ou plutôt- pardon- du
fil internet affectif. On est dans la dimension sensible, dans le jardin
secret, dans le signe de proximité, bref dans la pipolisation. Qui, pour faire
simple, se repère à toute mise en avant d’un fait mineur sans lien direct avec
les fonctions qu’occupe un politique. Est-ce mal ? Pas forcément du tout:
pourquoi les sujets qui touchent souvent le plus directement l’homme de la rue
devraient-ils être automatiquement rejetés ? Nul ne doute des compétences de
Dédé Reynders, souvent jugé froid et distant. Pépé Reynders, lui, entend prouver que sa vie n’est pas que
seule ambition dévorante.
Ce ne serait qu’un avatar de
plus de la logique du marché électoral -qui impose l’identification avec
l’électeur lambda-
si Reynders n’avait dérogé
ici au jeu classique de la pipolisation. Qui passe d’habitude par le tandem
photos léchées-pages glacées d’un maga populaire. L’homme, qui n’est pas un
manche en réseaux sociaux, a, mine de rien, gardé tout le contrôle du processus
médiapolitique. Deux photos d’amateur, donc hyper-Mr Tout-le-Monde, juste
balancées sur le Net. (ah, ces tulipes, ce bar, ce cadre-photo allumé à
l’arrière plan…) En devinant pertinemment que des médias classiques repéreraient
la perle naturelle et se chargeraient de la faire briller.
Directement du producteur à
l’électeur. Comme quoi, le circuit court, ça marche aussi en culture de
pipolisation.
Michel Henrion.