Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 30 juin 2015

LE TAX-SHIFT POUR LES NULS (MBelgique Hebdo/ juin 2015)

« Je ne vais tout de même pas, au prochain Gordel, endosser un t-shirt proclamant « Le tax-shift maintenant! «  comme je l’ai fait jadis pour réclamer la scission de BHV », s’exclamait l’autre jour le CD&V  Eric Van Rompuy, président de la Commission des Finances de la Chambre.
Pourtant, il y a un indéniable point commun entre les dossiers « Tax Shift et « BHV »: tous deux ont fleuri à la « Une » des médias mais le grand public n’y entrave que pouic hermétique.
Les mots ont théoriquement un sens.
Sauf d’évidence en politique. L’expression « tax shift », importée du monde anglo-saxon, est totalement abstraite.
Pire: c’est un piège médiapolitique dans la mesure ou, en bonus, la rue de la Loi multiplie les ambiguïtés, les interprétations fluctuantes, les confusions, les contradictions.
Tout est issu d’un constat peu contesté, présent en toutes lettres dans la déclaration gouvernementale : « La pression fiscale et parafiscale globale, y lit-on, est non seulement très  élevée  en  Belgique mais en outre,  la  répartition est  déséquilibrée entre les revenus du travail et  les autres revenus». Pas faux, puisque notre pays est carrément le troisième pays le plus taxé de l’OCDE avec une pression fiscale de 44,6% du PIB contre une moyenne de 34,1%. (2013) Mais lorsqu’on se penche sur la structure de l’impôt, oups, une évidence: chez nous on taxe davantage les revenus des personnes physique que les bénéfices des sociétés.
Loin déjà d’être d’accord sur les solutions mais pressés d’annoncer au bon peuple la naissance de la #Suédoise, les négociateurs N-VA, CD&V, OVLD et MR convinrent juste d’un texte
un brin flou passe-partout. A savoir que (là on va citer in extenso, en toute conscience du risque somniférique) « le  gouvernement  maîtrisera   les   dépenses   et mettra en oeuvre un glissement fiscal et parafiscal ("tax shift") pour financer une  réduction  substantielle  des  charges,  de  manière  à diminuer les charges fiscales et parafiscales sur le travail ». (fin de citation)
Pour faire simple: les recettes de l’Etat restent kif, mais tandis qu’on
baisse des impôts d’un côté on en augmente forcément d’autres pour compenser. Capito?
vous voyez, c’est tout simple, le « tax shift », au delà du jargon.
Le hic, c’est que Kris Peeters et Charles Michel auraient peut-être dû, à l’époque, prolonger de quelques jours leur mission d’informateurs histoire de se mettre davantage d’accord entre partis sur les modalités d’exécution de ce fameux tax-shift, que nul n’imaginait à l’époque voué à un tel hype médiapolitique.

Le Concours Lépine du CD&V

Lorsque le Front Commun Syndical FGTB-CSC-CGSLB (syndicat libéral) a réussi sa manifestation nationale du 6 novembre dernier (120.000 travailleurs fâchés, dont -surprise-la moitié de flamands), le CD&V de Kris Peeters et Wouter Beke- qui n’oublient jamais de ménager le poids du pilier syndical chrétien- se sont mis à agiter triomphalement le «drapeau du « tax shift » (le grand glissement fiscal) comme s’ils venaient de conquérir Iwo Jima. Comme un symbole d’une certaine équité. « Oui, ami travailleur , désolé de te faire avaler le saut d’index mais reste cool, on va voir ce que l’on va voir: le capital va itou devoir y passer. »
En fait, c’est le CD&V -le seul parti du gouvernement Michel à avoir une « aile gauche »- qui a, en quelque sorte, littéralement inventé le « tax shift ». Tout comme Louis Lépine avait inventé en son temps (1897) le sifflet à roulettes et les chiens-sauveteurs.
Ici, il s’agissait de sauver la face à Marc Leemans, le puissant leader flamand des syndicats chrétiens. De distancier son organisation de cet empêcheur de tourner en rond, de ce fétichiste de la concertation sociale qu’est Marc Goblet, le très stratège secrétaire général de la FGTB/ABVV.
C’est le temps de la métamorphose de Kris Peeters: on ne reconnaît plus l’ex boss patronal de l’Unizo (PME flamandes) qui, soudain, devient quasi  militant syndicaliste. Pour faire simple, le stratégie, la vision social-chrétienne est d’estimer que le « tax shift » (glissement fiscal) se doit d’être un contrepoids  pour les « mesures asociales » que les syndicats ont dû avaler.
Wouter Beke, vrai boss incontesté du CD&V, l’a encore martelé l’autre jour à la VRT: « Mettez-vous bien dans la tête, a-t-il dit en substance, que le tax-shift est dans la Bible gouvernementale » et « qu’il s’agit de répondre au sentiment d’injustice sociale ». Bref, augmentons, notamment, la taxation sur le capital et, de préférence, pas touche à la Sécurité Sociale.  Car ça, cela ferait encore mauvais effet pour un CD&V proche du monde syndical du Nord et qui se veut le « visage social » (le truc a l’air ne pas trop mal fonctionner) des meuchantes tribus #suédoises.
Le hic, c’est que tant du côté des libéraux de l’Open VLD que des nationalistes N-VA de Bart De Wever le « tax shift » est vu comme tout, sauf une compensation pour les mesures qui suscitent l’ire du Front Commun syndical.  Comme souvent, le parti de Gwendolyn Rutten n’est pas forcément très clair: on y rêve toujours d’une réduction de la taxation sur le travail en réduisant « le coût de l’Etat ». Comment? L’OpenVLD ne le sait pas trop lui-même.
Le discours de N-VA, va lui encore plus loin. Hendrik Vuye, le chef de groupe N-VA à la Chambre, a fixé une des pistes importante des nationalistes: «  Il faut mettre sur la table le fonctionnement et l’organisation de la Sécurité sociale. » Olé, l’inverse exact du CD&V.

Reglobaliser les revenus comme jadis


En fait, on voit se dessiner plusieurs phénomènes:
-Les politiques se méfient des réactions de l’opinion publique. Le ministre des Finances N-VA, Johan Van Overtveldt, a évoqué l’idée d’une péréquation cadastrale. De Wever a illico tué l’idée dans l’oeuf. Sans doute se souvenait-il que le dernier Ministre des Finances à avoir voulu cela il y a des lustres (Gaston Geens) y  perdit, face à l’impopularité du système, tout espoir de carrière fédérale et fut relégué au niveau de l’Exécutif flamand.
-Certains politiques, certains économistes, comme le libéral Bruno Colmant, ne voient comme vraie solution que d’en revenir à l’esprit de la réforme fiscale de 1962. Qui globalisait simplement TOUS les revenus, du travail et du capital. « On va immanquablement, dit-il,
-l’objectif du « tax shift » en devient aujourd’hui presque flou, peu clair, voire indéterminé, tant les buts affichés par les partis de coalition sont sensiblement différents.
-les tabous des partis s’additionnent à un rythme fou au fil des interviews.
Le scénario d’une taxe sur la consommation, via la TVA? « Pas question, dit la N-VA. Cette piste augmenterait immanquablement la facture de certains citoyens, comme les pensionnés ».
Taxer le capital (c’est somme toute assez faible en Belgique et surtout mal fichu): multiples vetos. Taxer  les plus values? (un truc d’application dans bon nombre pays d’Europe, là où la Belgique est un des rares pays à ne rien faire) Ouhlala, vous n’y pensez pas, s’écrient d’autres.
Le comble: le président du Voka (le puissant patronat flamand) en arrive proclamer que le « tax-shift » est, à ses yeux, totalement inutile.
Question du jour: Bart De Wever va-t-il un jour prochain adopter le même point de vue?  Cela n’étonnerait guère.

Vuye: « On impose la flamandisation du niveau belge »

Il faut évidemment relativiser cette pluie de vetos, même si elle tourne drache. C’est classique dans le jeu politique que, avant tout grand pow-wow, chacun y aille de sa musclette.
De même qu’il faut toujours se méfier des récits médiatiques pessimistes qui vous martèlent que « la baudruche du tax-shift s’est dégonflée ».  C’est une ficelle de com’ assez récente mais ingénieuse: les médias vous martèlent que tout est voué à l’impossible et, soudain, un lapin sort triomphant du chapeau. Peu importe alors qu’il soit miteux ou efflanqué: comme personne n’y croyait plus, le tour de magie politique passe la rampe. Les Carambars de la com peuvent faire parfois avaler n’importe quoi.
Marc Coucke, l’ex CEO médiatique d’Omega Pharma, n’a cependant pas tort lorsqu’il commente: « Avec le tax-shift, Charles Michel est dans un nid de serpents dans lequel il doit trouver son chemin ». Et d’y aller d’une plus value : » La Belgique a retrouvé ses vieux démons qui sont partout ». De fait lorsque le N-VA Hendrik Vuye, en marge du « tax shift » déclare (on cite): »On assiste à une flamandisation du niveau belge. On lui impose la politique libérale N-VA et des autres partis flamands », on ne peut pas dire qu’il appuie vraiment le Premier Ministre.

Des marges de manoeuvre réduites

Ce qui est bien réel, ce sont aussi certaines réalités économiques.
On peut comprendre l’extrême prudence de d’aucuns sur le fait de modifier des taux de TVA: au moment ou la machine économique se relance, au moment ou la consommation semble redémarrer, peut-on prendre le risque de tout casser par une erreur d’appréciation? (le problème du saumon fumé à 6%, si souvent évoqué par des économistes en chambre qui ignorent qu’il s’agit  depuis lurette d’un  produit d’appel d’Aldi ou Lidl, n’apparaît pas vital)
« Cette piste, a dit Veerle Wauters de la N-VA,  augmentera immanquablement la facture de certains citoyens, comme les pensionnés. Il faudra donc trouver un autre mécanisme pour gommer cette hausse de la fiscalité. »
C’est pourquoi la rue de la Loi bruisse sans cesse de rumeurs: introduire un nouveau taux (8%), aménager des glissements socialement acceptables (luxe de 21% a 22% mais déductions pour des produits basiques pour les plus démunis?-
Taxer les comportements polluants pour modifier les comportements? Dès lors que De Wever n’entend pas toucher à ce scandale très belge que sont les voitures de société,  bye bye . On se contentera donc -c’est une quasi certitude- d’accises sur le diesel..
Et comme, de toute manière, les compétences d’environnement sont plutôt régionalisées, la marge de manoeuvre  est, là aussi, forcément réduite.
Le patrimoine? Le précompte mobilier? La taxation du capital? Même opposition de la N-VA et des libéraux flamands.  Oh, De Wever serait bien disposé à céder de quoi faire illusion, genre « taxe- Caïman controversée  sur les diamantaires » mais certainement pas un grand trophée de gauche.
Ici, aussi, vu l’état des tabous, marge de manoeuvre faiblarde.
« Lorsqu'on recense les jalons des différents partis, dit l’économiste Bruno Colmant,  on en résume la surface à un territoire millimétrique : pas d'impôt sur le capital, ni sur les plus-values, ni sur l'immobilier, ni les voitures de sociétés. Pas question non plus d'augmenter la dernière tranche d'imposition marginale qui serait pourtant la seule manière d'augmenter le minimum non
 imposable. .»
Bizarre comme constat,  au moment ou le  directeur  du Centre  de  politique  fiscale  de  l’OCDE n’y va pas de main morte lorsqu'il  pointe la  « situation  aberrante  de  la  Belgique:  le  capital  n'y est pas taxé, tandis que le travail y est surtaxé ».
Le Premier Ministre y est encore allé d’une déclaration optimiste de plus: « Nous prévoyons un accord pour l’été avec trois  sources  de  revenus  qui permettraient  de  faire  baisser  l'impôt  sur  le  travail: la consommation, l'environnement et les revenus du capital. Le gouvernement ne sera pas déstabilisé ou divisé:  il est déterminé à réussir’. Olé.


CD&V et OVLD n’aideront pas la N-VA


La pièce se jouera en tout essentiellement entre partis du Nord, même si on connaît la créativité dont peut faire preuve, en conclave, un Didier Reynders, qui n’oublie jamais qu’il fut ministre des Finances. Contrairement  à ce qu’on pense souvent du côté francophone, c’est la N-VA qui pourrait aller le plus loin dans la conciliation pour dégager un consensus. Mine de rien, elle a plein de pistes diverses en stock.
  Si OpenVLD et N-VA se trouvent idéologiquement assez proches  l'un de l'autre (centre-droit) pour ce qui est du « tax shift », on peut cependant penser que ce seront probablement CD&V et VLD qui se trouveront. Pourquoi? Ben,  parce qu'ils veulent tout les deux éviter que la fameuse force du changement de Bart De Wever  (De kracht van de verandering) ne se matérialise par trop.
 Ne pas perdre de vue que si le CD&V s’est allié avec la N-VA dans ce gouvernement #suédois c’est non seulement parce qu’il était un brin fatigué du PS, mais aussi parce que Wouter Beke espère toujours arriver à étouffer un jour la N-VA.
De plus, CD&V et VLD, qui savent que le grand  virage socio-éco de De Wever vise leurs électeurs, auront peut-être comme une légère envie de neutraliser la N-VA dans ce débat.Tant pour des raisons économiques que politiques-le « goodwill » ne sera pas automatiquement présent- le « tax shift » à venir a donc toutes les chances d’être plutôt modeste.
Mais, pour la N-VA, l’opération, pourrait  s’étaler sur plusieurs années. Avec l’hypothèse d’un « coup à jouer » juste avant les élections de 2019.
Quant au CD&V, le timing est pour lui plus important que le contenu. Le CD&V veut tout bonnement avoir un trophée à agiter devant le Mouvement Ouvrier Chrétien. Pouvoir afficher qu’il a obtenu un trophée avant cet événement pas mince que sera la nouvelle Manifestation Nationale du Front Commun prévue pour le 7 octobre, bougie rouge-verte-bleue pour l’anniv ‘ du gouvernement Michel.
Il faut en tout cas attentivement surveiller les faits et gestes de Kris Peeters, qui entend d’évidence  gagner la « bataille de la perception » dans un gouvernement positionné très au centre-droit.
Kris Peeters, même s’il vit mieux d’être relégué à un  second rôle, n’a pas renoncé à ses ambitions de Premier Ministre.  L’image du  visage social qui a tenu tête à la N-VA, c’est vraiment pas un mauvais profil à présenter aux électeurs de 2019.


Michel HENRION.





dimanche 28 juin 2015

Le retour de Forza Flandria, le monstre du Loch Ness flamand (J-M Dedecker et le Belang vont-ils s’allier pour récolter les déçus de la N-VA?) (M...Belgique 12/06/15)

L’autre dimanche, sur les petits écrans flamands, le spectacle était frappant: Wouter Beke (à la VRT) et Bart De Wever (chez VTM) rivalisaient d’évidence pour s’adjuger la sympathie du centre du sceptre politique du Nord.
Constat: avec son grand virage socio-économique, qui occupe quasi 90% de sa communication, la N-VA est donc devenue un parti de compromis.
Bonus: nul ne se hasarde plus guère, rue de la Loi, à dépeindre les ténors du parti nationaliste comme une bande d’inexpérimentés radicaux ou caractériels. Cela vaut tant pour le gouvernement fédéral que pour le Gouvernement flamand conduit par le N-VA Geert Bourgeois, qui s’est installé vite fait bien fait. Même Liesbeth Homans -l’éternelle complice de De Wever- qui était censée symboliser la « droite méchante », gère sans trop de soucis les indignations superficielles découlant de ses multiples compétences et décisions ministérielles. (l'Intérieur, le Logement, la lutte contre la Pauvreté en Flandre)
Malus: à l’instar de Bart Maddens, le politologue (KUL) le plus en vue dans les milieux nationalistes du Nord, nombre d’observateurs estiment qu’aux prochaines élections (2018 pour ce qui des communales et 2019 pour les fédérales-régionales), nombre d’électeurs pourraient être déçus du parcours N-VA.
Soit qu’ils jugent que De Wever ne s’est pas suffisamment positionné au centre-droit sur les dossiers socio-économiques. Soit qu’en bons nationalistes convaincus et militants, ils considèrent que la N-VA n’aura en rien fait avancer la cause de l’indépendance de la Flandre. Surtout si la campagne électorale des législatives devait se faire sur le thème #5moreyears (bref, un gouvernement Michel2 qui se contenterait à nouveau de gérer le seul  socio-économique)

Le Belang n’est pas mort


Bart De Wever a fait son analyse en toute connaissance de cause: il sait pertinemment bien qu’il va perdre, dans les isoloirs, une partie des « durs » du Vlaamse Belang.
Lequel n’est pas mort.
Même s’il a perdu au scrutin de mai 2014, au Parlement flamand, quinze parlementaires (il lui en reste à peine six); même s’il est passé de 628.000 électeurs en 2009 à quelque 249.000 en 2014.
Grandeur et décadence pour la formation d’extrême-droite qui, en 2004, était devenue la deuxième force politique du Nord avec rien de moins que 24,2% de l’électorat flamand.
C’est le grand phénomène politique de ces derniers temps en Flandre (et en politique belge): le million d’électeurs qui était, en quelque sorte, congelé derrière le « cordon sanitaire » s’est subitement dégelé. En quittant un parti non-démocratique (le Belang, ex Blok) pour un parti démocratique (en l’occurence la N-VA), ces électeurs là ont bousculé tous les repères, recomposant le paysage politique flamand. Et bousculant les  habitudes fédérales des partis.
Mais le Vlaamse Belang, c’est encore quelque 6% de l’électorat flamand, tant dans les urnes que dans les plus récents sondages. Un parti qui cherche à se refaire après la débandade de mai 2014. Notamment en se donnant le plus jeune président de parti du pays: Tom Van Grieken, 29 ans, de Mortsel.
Un président  dont tout l’ADN est clairement Belang mais qu’on dit aussi très sensible à la « real politik ». Bref, entendez que, pour regagner du terrain, pour récupérer les transfuges partis vers la N-VA, l’homme est ouvert aux évolutions, aux changements. Même s’ils
tiennent plus de la cosmétique que des convictions.

Un Belang plus « libéral »?

Cela étonnera assurément nombre de francophones, mais, en Flandre, le programme socio-économique (oh, on ne parle que de ces pages-là) du Belang est souvent jugé comme trop de centre-gauche. (c’est le prédécesseur de Van Grieken à la présidence du parti facho-nationaliste qui aurait un jour pondu vite fait ces idées socio-éco).
Bref, Van Grieken voudrait se positionner plus libéral, histoire, calcule-t-il, de profiter de l’espace que la N-VA pourrait laisser à sa droite en 2019 « si Michel1 continuait à si peu se différencier de Di Rupo ».
Dans le même esprit, le dénommé Van Grieken se voudrait aussi « moins radical » pour ce qui est de l’immigration, histoire d’adoucir le ton. Si c’est l’image à donner pour remonter dans les sondages, Van Grieken est clairement prêt à le payer.
Pour l’heure, ce n’est pas très visible. Dernière idée du Belang: les allochtones qui se trouvent déjà sur le sol belge doivent accepter que « la Flandre est leur nouvelle patrie » et il ne peut y avoir qu’une seule culture principale, à savoir « la culture flamande ».
Le Belang veut dès lors « dans le cadre de la procédure de demande de naturalisation que les immigrants signent une déclaration reprenant les principes de la laïcité, le droit à la libre expression et l’égalité entre les hommes et les femmes. »
Attention: il ne faut jamais sous-estimer l’influence du Belang sur la Flandre. Alexis Deswaef, le président de la Ligue des Droits de l'homme, estimait récemment  que les partis au gouvernement depuis 20 ans (socialistes, chrétiens-démocrates, libéraux, écolos et nationalistes flamands) ont repris et implémenté une grande partie du fameux «  programme en 70 points du Vlaams Blok « . Pourtant, c’est ce programme qui avait noué un cordon sanitaire autour du parti d'extrême droite.
Donc, la charte ‘anti-Charia » controversée du Belang pourrait fort bien, d’ici quelques années, être instaurée par d’autres partis.
Quoiqu’il en soit, un obstacle de taille se dresse sur la route du juvénile néo-président du Belang: l’ombre de Filip Dewinter, islamophobe de dimension XXL, et qui entend bien, lui,  « que le Belang reste le Belang », même si c’est pour agoniser à 2% des voix.
Van Grieken peut-il se défaire de Dewinter, le « Le Pen de chez Aldi »? Rien n’est moins sûr.



Jean-Marie Dedecker, le come-back?


Mais c’est ici que revient soudain dans le paysage flamand une tête bien connue des francophones: celle de l’ancien entraîneur de l'équipe nationale belge de judo, Jean-Marie Dedecker.  Dont la carrière politique ressemble à une succession de prises de judo. Après avoir été sympathisant socialiste, l’homme devient, plusieurs années durant, un personnage important chez les libéraux flamands. Sénateur, il fut même candidat à la présidence de l’Open VLD contre Bart Somers avec 38,5% des voix. Avant d’entrer en conflit ouvert avec le VLD pour avoir prôné l’assouplissement du « cordon sanitaire » qui met le Vlaams Belang à l’écart de tout niveau de pouvoir.
Pour la petite histoire, si le Belang a pu se targuer un jour d’avoir un échevin, c’est parce qu’un CD&V déjà nommé avait trouvé bon de jouer les transfuges vers l’extrême-droite. Et tous les analistes francophones qui, avant les élections communales de 2012, prédisaient l’apocalypse d’ alliances Belang-N-VA se sont trompés: à la N-VA on déteste le Belang et on ne rêve que de le faire disparaître des Parlements. La N-VA a refusé toute alliance avec le Belang et tout membre tenté par un rapprochement aurait été illico exclu.
S’ensuit à l’époque, on est en 2006, un moment politique rocambolesque: Bart De Wever adoube Jean-Marie Dedecker à la N-VA  mais l’épisode s’effondre vite.  D’une part, parce que le CD&V- à l’époque en cartel avec la N-VA- menace carrément, devant ce transfert, de rompre l'accord qui les lie. D’autre part parce que bon nombre de N-VA  étaient eux-même hostiles, à commencer par Geert Bourgeois (fondateur de la N-VA). Qui entendait bel et bien rester l’homme fort de la N-VA en Flandre Occidentale et se sentait menacé par la popularité de Jean-Marie Dedecker. Un personnage populiste dont un des traits de caractère est assurément la totale indiscipline de parti, se fichant comme des stratégies supérieures comme de son premier judogi (tenue de judo). C’est ainsi qu’en 2002, Dedecker, autorisé à visiter les prisons de par sa qualité de sénateur, avait fait scandale chez les libéraux en faisant entrer un journaliste de VTM dans la cellule de Marc Dutroux…

Le triomphe éphémère du LDD

Seule solution pour un tel personnage: créer son propre parti. Ce qu’il fait en 2007 avec la  Liste Dedecker, (LDD) carrément basée sur son nom. Amusant: son slogan électoral est le « bon sens », une formule qui sera repiquée en 2014 tant par le CDH Melchior Wathelet que par le MR. En tout cas, son karma est excellent:  devenu un temps la personnalité politique la plus populaire en Flandre, Dedecker le confédéraliste décroche pas moins de 5 sièges à la Chambre et un siège au Sénat ancienne formule.
Mais, expansion de la N-VA aidant, le déclin est soudain. Même si , en 2009, la LDD recueille encore 313.176 voix en Flandre, soit largement plus que les Ecolos de Groen.
Dedecker déprime, donne des interviews toutes plus désabusées les unes que les autres, fait le tour du monde avec son petit fils.  Et depuis mai 2014 la LDD n’est plus représentée au Parlement.
Or, on peut considérer que le parti de Dedecker était le seul à incarner une alternative socio économique ET institutionnelle vraiment concurrentielle pour la N-VA.
Avec des nuances: d’abord, le belanger Tom Van Grieken est voué à être ratatiné dans tout débat télévisé avec Bart De Wever, maître debatter s’il en est. Ensuite des personnages comme Jan Jambon seront suffisamment attractifs longtemps pour un certain électorat N-VA très à droite, très nationaliste.

Forza Flandria

C’est cette conjonction de situations qui fait que la Flandre nationaliste agite soudain à nouveau, en ce printemps 2015, l’idée de la création d’un mouvement « Forza Flandria ».
Entendez que Jean Marie De Decker, qui annonce son retour pour 2019, et le Belang de Tom Van Grieken pourraient unir leurs forces, notamment financières, pour un cartel qui serait socio-économiquement plus à droite que la N-VA et se présenterait institutionnellement comme moins « passif » que la N-VA actuelle.
Y a-t-il un électorat pour cela en Flandre?
Le projet Forza Flandrin postulerait de sauter aussi à tout le moins pas mal d’obstacles. Pour le Belang, se défaire de l’encombrant Dewinter. Et atténuer suffisamment son discours sur l’immigration pour que Jean Marie Dedecker puisse les rejoindre dans un tel projet Forza Flandria . Et y apporter tout à la fois sa crédibilité socio-économique ET son tempérament incontrôlable, obstacle notable même pour des militants d’extrême-droite.
En tout cas, si un cartel Forza Flandria est, certes, un peu moins improbable que cette autre légende urbaine qu’est la création d’un cartel Groen-Spa, il a de bonnes chances de rester le monstre du Loch Ness de la politique flamande.

Michel HENRION

mardi 9 juin 2015

Portrait d’un « tempérament »: Marie-Christine Marghem, l’ambigue. (MBelgique Hebdo du 29/5/15)

« Oh, excusez-moi de vous faire faux bond: c’est que j’ai écrasé un chat: et je suis toute bouleversée ». On est le soir des élections communales de 2006, à Tournai. Chez les socialistes locaux, on s’inquiète de la soudaine disparition-évaporation de Marie-Christine Marghem, l’échevine MCC-MR sortante théoriquement prête à signer un accord de majorité. En réalité, il n’y a de chat que dans un sac:  au même moment, elle tente en effet de nouer une tripartite alternative qui foirera, faute d’appui du cdh et des amis locaux… de l’écolo Jean-Marc Nollet. Résultat: colère du  PS local qui s’allia illico avec le cdh. Et l’ambigue Marie-Christine Marghem a dû patienter six ans avant de redevenir, en 2012, première échevine du nouveau bourgmestre PS Rudy Demotte.
L’anecdote fait encore sourire aujourd’hui le petit monde politique du Hainaut Occidental ou, quasi tous partis confondus, le tempérament de Marie-Christine Marghem -la « dure tête » comme on dit en Wallonie Picarde- inspire comme un parfum de méfiance. Les filets de notre enquête  dans la ville aux Cinq clochers ont d’ailleurs curieusement ramené, dans toutes les eaux politiques, même libérales, les mêmes mots. Marghem? Assurément de l’intelligence et de l’ambition à revendre, mais aussi un goût certain pour la manipulation, voire pour le mépris; de la désinvolture sur la connaissance des dossiers et, surtout, comme un talent presque maladif, un attrait constant pour la mensongite.

La méthode du suppositoire


Oh, on n’est pas naïfs:  puisqu’il convient de séduire le peuple, petits et gros mensonges font partie depuis toujours des moeurs politiques. Nombre de politiques considèrent d’ailleurs que les mensonges politiques sont des ruses carrément acceptables dès lors qu’il s’agit du bien public. Ce que Michel Rocard, lorsqu’il était à Matignon, appelait la «méthode du suppositoire ». La gamme du mensonge se décline ainsi avec d’infinies nuances. Dans le genre culotté, tantôt c’est un Berlusconi pour qui la politique s’apprenait à l’école du mensonge, tantôt c’est un Jérôme Cahuzac, ex-ministre socialiste français, qui nie ses comptes en Suisse avec un aplomb stupéfiant, le « mensonge droit dans les yeux ». Dans le genre plus orfèvre, d’autres sont habiles dans le brouillage, l’ambiguité, le demi-mensonge,  le travestissement de la réalité. Le succès du PTB est de cette dernière catégorie: un « rebranding » et de gentils nouveaux habits presque socio-démocrates pour une doctrine qui reste, jusqu’à nouvel ordre, d’essence très profondément marxiste-léniniste, avec Cuba pour référence principale.
La nouveauté de notre époque- ou le citoyen doit plus que jamais détecter les mensonges des récits médiatiques bidonnés- c’est que souvent, le menteur croit à son message. Il n’établit plus vraiment de distance entre ce qu’il dit et ce qu’il croit.
C’est l’usage, immodéré qu’autant injustifié, du mensonge public.

C’est un peu ce qui s’est passé ces dernières semaines en Commission quasi nucléaire de la Chambre. Ou la technique de l’avocate  Marghem a visiblement atteint ses limites politiques. Y aller à l’aplomb, au culot, à l’effet de manche, ça peut fonctionner souvent devant un juge, qui n’a pas forcément l’envie d’aller vérifier encore et encore ce que l’avocate affirme d’un ton tellement péremptoire. Ca marche quasi toujours devant un conseiller communal tournaisien qui n’a pas forcément le temps d’aller archéologiser les dossiers communaux.
Devant des parlementaires aguerris -ou simplement conscients que le noble rôle de l’opposition est de contrôler, de freiner l’éternelle tentation des majorités de passer en force- ça le fait moins.
«L’erreur avec Marghem est  généralement de croire qu’elle en fait alors qu’en réalité c’est  juste sa stratégie délibérée « commente un fin observateur libéral. « Mais ici, ajoute-t-il,  il y a un couac. Marghem n’a pas encore réalisé qu’elle était ministre, qu’elle n’était plus comme une parlementaire sur un plateau télé » commente notre informateur. « Face à l’offensive-guérilla de Jean-Marc Nollet (Ecolo) ou Kristof Calvo (Groen), ajoute-t-il, elle n’avait pas à les tourner sans cesse en dérision:. Il fallait juste leur répondre comme il sied à une ministre, surtout sur un dossier aussi sensible que le nucléaire. En gestionnaire, en leur livrant juste, comme il convenait, toutes les réponses techniques »
« Ce qu’il y a de plus surprenant, rajoute un membre éminent de la Commission de l’Economie, c’est qu’il lui arrive de mentir, pardon, de dire le contraire de la vérité, sans aucune raison apparente. Comme par plaisir. Comme s’il s’agissait d’une méthode ».
Le résultat est connu: cafouillages, contradictions, réécritures controversées, tronquage de textes juridiques, pirouettes polémiques de la ministre ont fini par énerver d’aucuns au CD&V ou à la N-VA. Et suscité de cruels commentaire des médias. Conséquence du capharnaüm; un « savon » qu’on nous dit, de très bonne source,  riche en bulles à l’avenue de la Toison d’or, siège du MR.

L’entêtée de Tournai


Pourtant, le « tempérament Marghem » ne surprend d’évidence pas grand monde à Tournai, lorsque nous y allons de notre fact-checking de terrain.
« Ici, on n’est pas étonné du tout », nous dit tout de go un habitué des conseils communaux. «  Je ne charge pas la barque mais Marghem, c’est quelqu’un qui -qu’elle soit en charge du Budget ou de l’Urbanisme- qui ne connaissait déjà pas vraiment ses dossiers. Ca a toujours été une vision plutôt superficielle. Et lorsqu’elle est contredite, lorsqu’elle est poussée, sur un dossier, dans ses derniers retranchements, elle n’avouera jamais ni son ignorance ni son erreur. Alors, elle toise les gens et ça peut même vire à la morgue, à un certain mépris.  Elle peut présenter un pensum insipide mais  l’agressivité de ses réponses fait souvent l’affaire»  
Un libéral qui la connaît bien ajoute: « Pour comprendre Marie-Christine, il faut se mettre en tête que si c’est une femme très intelligente c’est paradoxalement, une têtue. Mieux: une entêtée, qui a extrêmement peu le sens de la remise en question »

Oui, nous confie-t-on dans la cité scaldienne, « elle peut aller jusqu'à tripatouiller les dossiers pour finir par l’emporter. »
Bref, retient-on, Marie-Christine l’ambigue veut imposer son point de vue à tout prix, même quitte à être côté de ses pompes.
On ne sursaute donc plus de l’entendre arpenter les boules de gomme et reprocher à l’Ecolo Jean-Marc Nollet de « ne pas avoir assez développé l’électricité verte », ce qui est un argument pour le moins curieux au souvenir des grandes envolées du MR contre le grand éolien ou le photovoltaïque au Parlement wallon.
S’étonne-t-on de ce curieux trait de communication un chouia méprisant qui la pousse, au Grand Oral Le Soir-RTBF, à confesser qu’elle surnomme  l’Ecolo Nollet « Doel 1 » et le Groen Kristof Calvo « Doel2 »?  Rien de neuf sous le soleil, vous confesse-t-on à Tournai : l’échevin cdh Michel Leclerc a dû subir en son temps bien des jeux de mots potaches, genre « le clair obscur » ou le « clair voyant… ».
Même l’actuel bourgmestre ff de Tournai, Paul-Olivier Delannois, s’est vu traiter un jour, en pleine réunion, d’ « intellectuellement limité ». Pas très classe. « Limite vulgaire » s’exclame un élu social-chrétien.

Dissidence au MR


Dans le fond, Marie-Christine Marghem c’est l’histoire d’une ambition forcenée. « Elle s’assiérait sur la tête de tout le monde », nous lance-t-on avec l’accent de la région. « Aujourd’hui, il n’y a plus de MR à Tournai: c’est juste le parti de Marie-Christine Marghem ». Dont la personnalité, nous rappelle-t-on, a été jusqu’à provoquer une dissidence chez les libéraux aux élections communales de 2012. Une liste dissidente (Tournai plus), composée plutôt de « vrais libéraux sociaux à l’ancienne » (dont l’ancienne sénatrice  Marie-Hélène Crombé-Berton)  a fait trois sièges contre celle qu’ils affublaient à l’époque (chacun son tour) des doux surnoms de « Cruella » ou de « Femme Araignée ». C’est dire l’ambiance et les cotillons.
« Il est loin, confie un libéral nostalgique, le temps d’Arnaud Decléty, cet ancien ministre wallon de l’Économie, de l’Emploi et des Classes moyenne qui ne cachait pas son appartenance à la franc-maçonnerie ».
D’abord élue conseillère communale PSC en 1994, celle qui affirme sa sympathie pour les mouvements anti-interruption de grossesse (« Je suis pour le droit à la vie » a-t-elle encore précisé récemment, en prenant quelque distance avec les mouvements très conservateurs qu’elle appuyait jadis), vire habilement au MCC de Gerard Deprez, lorsque celui-ci plaide le rapprochement avec les libéraux. Deprez, en bon politologue, capte illico tout le potentiel électoral de la pétulante tournaisienne, laquelle additionnera effectivement les bons succès électoraux, soutenue par toute une jeune garde libérale se positionnant assez à droite.

Le poids du MCC

Résultat: au sein du mini-parti de Gerard Deprez, (73 ans, réélu miraculeusement grâce à la Vierge de Jalhay lors des élections européenne de 2014), Marie-Christine Marghem justifie quasi à elle seule l’existence de cette composante presque anachronique du MR. D’autant plus que la comtesse Nathalie de T' Serclaes de Wommersom, ex-sénatrice, a pris sa retraite. C’est par ce biais du MCC que Marie-Christine Marghem est ainsi devenue ministre, au détriment de Jean-Luc Crucke, MR de tradition.
C’est tout le paradoxe de notre enquête à Tournai: voici une personnalité pour le moins controversée dans tous les partis, y compris le sien et dont nos interlocuteurs n’entendent d’ailleurs parler que sous le sceau de la confidence. (Marie-Christine aurait la dent dure et la rancune tenace)Mais qui, pourtant, collectionne les votes de préférence dans la population.
7.911 voix au communales tournaisiennes de 2012 et un peu moins, soit 6.179 votes dans le canton de Tournai aux fédérales de mai 2014. Joli. Dans tous les partis, l’attitude du jevousaicompris et l’appareil à caresser le cervelet, ça fonctionne.
« C’est l’inverse de mes valeurs, de ma conception politique, s’indigne un ancien conseiller communal. Tout respect a disparu. Vous savez, Marie-Christine c’est une enjôleuse qui sait surtout utiliser son pouvoir de séduction. C’est la grande parade avec pas mal de populisme, sinon de démagogie, notamment en matière de sécurité. Capable d’incohérences incroyables juste pour complaire aux électeurs. Son grand rêve, c’est d’accéder un jour au maïorat: mais elle n’aura aucun vrai projet »

Un ministre technicien

L’autre jour, Gérard Depardieu y allait, dans Vanity Fair, de quelques propos existentialistes. "J'ai tout vécu. Cela, il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent le dire, je peux mourir à présent. »
Ce qui est certain, c’est qu’il ne mourra pas à Tournai, là ou Marie-Christine Marghem l’avait pris en main,  après l’avoir quasi kidnappé  au bourgmestre de Néchin, Daniel Senesael (qui, à l’heure ou l’ONEM poursuit les chômeurs cohabitants, en avait fait un Citoyen d’honneur pour y avoir établi un domicile évidemment fictif).
Il n’y aura jamais de « bar à vin » Depardieu à Tournai:  du moins on l’attend toujours désespérément. Mais cela aura juste permis à Marie-Christine Marghem d’appliquer sa méthode de com’: créer l’événement. Jusqu’à un soir faire blablatusier à l’acteur, un peu beurré, un avis-vidéo sur le devenir du Pont des Trous. (référendum populaire en vue) Comme par hasard itou celui de Marghem.

Pour l’heure le bilan de Marie-Christine Marghem au département de l’Energie est, disons, un brin confus. A sa décharge, un seul élément: l’erreur de casting. Elle rêvait de devenir ministre de la Justice, ce qui lui eût assurément mieux convenu. Las, elle hérita de l’Energie. Sans rien y connaître. D’où cette bonne question: un pays en crise énergétique grave comme la Belgique pouvait-il encore se permettre de désigner comme ministre quelqu’un qui doit tout apprendre d’un secteur complexe et d’une importance cruciale? Et qui, forcément,  ne peut développer de grande vision. Pour nombre d’experts, c’est le type même de département ou un ministre-technicien s’imposait pour éviter tout cet amateurisme.
Bon, Marie-Christine Marghem a l’art de rebondir. D’ici là, on ne peut que lui conseiller de revoir un excellent film de Gérard Depardieu: « Préparez vos mouchoirs »


Michel HENRION

jeudi 4 juin 2015

Le grand virage socio-éco de la N-VA pour muer en CSU flamande (MBelgiqueHebdo du 15/5/15)

Le marketing politique de la N-VA ne manque pas de doigté. Mine de rien, les deux doigts très nationalistes du “V” (le fameux serment de Jan Jambon et consorts devant le roi Philippe) se sont effacés, se sont noyés dans les cinq doigts de la main de la bien plus conformiste métacampagne #Helfie à un million d’€. (“Tout le monde donne un coup de main pour remettre le pays –oui, le pays…- en mouvement”)
C’est que la mue de la N-VA est en route. Ambition encore voilée: faire du parti une version flamande de la CDU allemande, ou plutôt de la CSU, le parti hyper-dominant en Bavière. Qui règne sans partage depuis près de 60 ans sur l'un des länder les plus riches d’Allemagne avec un des taux de chômage les plus bas.
La CSU de centre-droit y domine largement la politique régionale. A chaque élection, c’est le parti qui réunit le plus grand nombre de voix avec des résultats oscillant entre 62% des électeurs et 42,9%. (lorsque les résultats, comme en 2009, sont alors jugés catastrophiques).
Personnage-clé de cette saga: feu Franz Josef Strauß, surnommé le “Taureau de Bavière”, célèbre, pour son charisme et son éloquence, figure tutélaire et incontournable du parti dominant dont il était perçu comme le principal idéologue. Ca ne vous évoque rien?
C’est en tout cas un paysage politique dont Bart De Wever connait tous les tenants et aboutissants, lui qui affectionne de passer ses vacances sur la route allemande des Alpes et de s’y faire (jadis) photographier en “Lederhose”, la culotte de cuir de cerf traditionnelle.
De Wever est un stratège, un joueur d’échec patient. Avec des objectifs à court-terme (ses déclarations sur la collaboration avaient comme premier but de se garantir  le “vote juif” à Anvers aux communales de 2018, dont le résultat est un enjeu essentiel) et d’autres à long terme:  à savoir positionner la N-VA davantage au centre et devenir le grand parti incontournable de la Communauté flamande. Celui qui s’assurera le pouvoir pour très longtemps.
Et ce en défendant fortement les intérêts de sa région sans pour autant mettre vraiment en cause la Fédération belche. Bref, ce qu’aurait pu être un “CVP/CD&V moderne” s’il ne s’était égaré. Le gouvernement flamand de Geert Bourgeois est d’ailleurs bien plus qu'un gouvernement: c'est un projet, la matérialisation d'une vision de société libérale. A preuve, le moral actuel de l’OpenVLD, qui nage d’évidence dans le bonheur, tant à la Région flamande qu’au fédéral.

Le nouveau virage de Bracke

Il faut toujours prêter attention aux déclarations des “missi dominici” du président de la N-VA. C’est le président de la Chambre, Siegfried Bracke, qui avait déjà signalé le premier virage (“bocht van Bracke”) de la N-VA l’an dernier, lorsque rares étaient les observateurs à pouvoir imaginer que le parti nationaliste laisserait ainsi tomber le communautaire pour former un gouvernement socio-économique.
Donc, lorsque le même Bracke y va, l’autre jour, dans une interview à Knack, d’une autre petite phrase-choc (“Un nationaliste flamand peut avoir des rêves: cela ne veut pas dire qu’il doit ignorer son intelligence”) il y a de quoi avoir plus que la puce à l’oreille.
Pour la N-VA, le socio-économique, la “bonne gouvernance” à la flamande, relèguent doucettement le nationalisme, le confédéralisme au rang de positionnement quasi philosophique. C’est toujours l’objectif mais disons, euh, qu’on ne le poursuit plus de manière aussi militante.
Bart De Wever ne s’intéresse pas qu’à la Bavière. Un autre de ses centres d’intérêt est la stratégie de David Cameron, le Premier Ministre conservateur britannique, à qui il a déjà emprunté nombre d’éléments de langage (régulation de l’immigration, danger du terrorisme salafiste, rejet de la dépénalisation des drogues douces, etc). Et la récente réussite électorale de Cameron influence assurément déjà la N-VA.
Et on prendrait bien le pari que, d’ici les prochains scrutins (les communales de 2018, de par leur proximité de date avec les législatives de 2019, seront déjà très fédérales) la N-VA se la jouera comme Cameron.  On se focalisera sur le socio-économique, sur la “bonne gouvernance” au pouvoir, sans oublier de faire peur. Le message de David Cameron aux électeurs britanniques était on ne peut plus clair: “Gare aux socialistes du Labour. On a reconstruit tout ce qu’ils avaient détruit. Ne les laissez pas détruire à nouveau notre économie: on gouverne mieux qu’eux”.
C’est déjà le message martelé gratti-grattou par les leaders N-VA: regardez chers électeurs flamands, De Wever a chassé les socialistes à Anvers, au niveau flamand et au fédéral. Et ouvrez les yeux: vous voyez, la N-VA sait gouverner la Belgique, ce n'est nullement un danger pour le pays, ce n’est pas le grrrand méchant loup qui veut tout souffler et tout balayer. Au contraire, il a  juste grand faim de nominations dans l’appareil de l’Etat belge.
Certes, les élections de 2019, c’est très loin: c’est même dans une éternité. Certes, cette coalition est toujours à la merci d’un dossier imprévu, d’une polémique communautaire inattendue. Ou alors d’une catastrophe de bonne gouvernance marquant grave l’opinion publique: comme une multiplication des délestages électriques et autre black-outs en cas d’hiver très froid. 


“5 more years”

Il n’empêche que la campagne #Helfie pourrait bien évoluer un jour, dans le chef de la N-VA, vers une campagne à l’américaine dont le slogan serait: “5 more years”.
Si la conjoncture économique (prix du pétrole, cours de l’€uro, taux d’intérêts, inflation basse) confortait une croissance économique, si le #taxshift réussit et allège vraiment l’impôt, si l’épineux dossier des pensions est bouclé (surveillons bien le dossier de la pension des policiers, un vrai test pour les métiers lourds) la N-VA pourrait faire à nouveau le cadeau au MR de continuer à mettre le communautaire en veilleuse. Pour rendre une #Suédoise bis plus probable et éviter tout hypothétique rapprochement libéraux-socialistes au Sud.
Puisque la N-VA n’a aucune garantie, ni quant à son objectif confédéraliste, ni surtout quant à la majorité des deux tiers que cela postulerait, le nationalisme de la N-VA pourrait s’avérer moins actif. Un parti moins conquérant mais, comme la CSU bavaroise, défendant fortement sa communauté.
C’est là quelque chose que De Wever peut se permettre: il sait pertinemment que son électorat vote désormais bien davantage N-VA pour des motifs socio-économiques que pour l’indépendance rêvée de la Flandre.
Rue Royale, on tire les leçons de la réussite de David Cameron: si la #Suédoise affiche des résultats qui plaisent au Nord, le “peuple flamand” voudra qu’on joue les prolongations. Et ce serait même alors quasi contre-productif d’agiter du communautaire si la #Suédoise affiche un bon bilan pour son électorat socio-éco.
Que la N-VA compte d’ailleurs bien élargir encore, toujours dans une stratégie de “type CSU”. En pompant des voix tant au CD&V qu’à l’OpenVLD.
Mine de rien, on note que la N-VA se permet d’ailleurs des démarches qu’on imagine plus généralement portées par des partis positionnés moins à droite: c’est le ministre N-VA des Finances Van Overtveldt qui parle de réviser le revenu cadastral, c’est Ben Weyts qui se fait l’apôtre, à la Région flamande, d’une taxation de tous les véhicules au kilomètre…
Objectif de tout cela: se donner une image plus centriste. Tout comme celle du CVP à l’heure de sa grande époque ni-gauche-ni-droite, mais servant avant tout les intérêts de la Flandre.

Le Belang n’est pas mort

Y aura-t-il en 2019 des déçus de la N-VA? Assurément. Parce que pour certains, il n’aura  pas été assez à droite au plan socio-éco; parce que, pour d’autres, il n’y aura pas eu d’avancée communautaire; parce que d’autres encore croient –bourdes de Jan Jambon aidant- que  la N-VA ne visait finalement que le pouvoir et serait donc “traître à la cause flamande”… “ Pour l’heure, il se dit que Bart De Wever n’est pas mécontent du léger ressac de son parti dans des sondages de plus en plus aléatoires (vu notamment le nombre d’indécis): il s’attendait à pire.
De Wever sait pertinemment qu’il risque de perdre une partie de ses durs. Le Belang n’est pas mort. Et les radicaux les plus flamingants y retourneront d’autant plus aisément que le nouveau président du Belang est moins sulfureux qu’un Filip Dewinter.
Pas vraiment un souci pour le président de la N-VA: nul ne conteste ni ne contestera la nouvelle ligne CDU qu’il entend donner au parti: tous ses ténors sont d’ailleurs au pouvoir quelque part. Et s’y plaisent, sinon s’y complaisent.

Le CD&V rentre dans le rang

La #Suédoise reste une coalition difficile mais, pour la première fois depuis sa formation, elle semble avoir trouvé un rythme. Soudain, les conflits épiques -les émeutes” disaient certains- entre partis flamands n’apparaissent plus, du moins au grand jour. Comme s’il y avait un armistice de la dispute.
Comme si le CD&V, bien que l’ego de Kris Peeters reste d’évidence fragile, venait de trouver sa place au sein du gouvernement.  Certes, les sociaux-chrétiens continueront leur marketing de “visage social” du gouvernement, certes on peut s’attendre à quelques déclarations un brin matamoresques lors des discussions sur le #taxshift mais le CD&V rentre d’évidence dans le rang. Comme son chef de groupe à la Chambre, Servais Verhertstraeten, l’ami des diamantaires anversois, l’a dit: le CD&V n’est pas à l’aise dans ce gouvernement, mais il est aussi fatigué du PS, jugé “mauvais perdant” et se positionnant trop à gauche aux yeux d’aujourd’hui des sociaux-chrétiens du Nord. 

Mais le CD&V –on vient encore de le voir avec son spectaculaire revirement d’abandon d’un saut d’index pour les loyers- tient tant de rôles successifs que nul ne sait quels costumes il endossera encore d’ici 2019.


Michel HENRION.