Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 27 décembre 2014

Pourquoi Bart De Wever joue au Premier Ministre fantôme (chronique MBelgique Hebdo du 12/12/14)

 

En médiapolitique, il faut toujours jeter un oeil  attentif sur les cartoonistes et autres amuseurs publics: leurs traits d’humour valent souvent bien des sondages. Le  dessinateur Erik Meynen, publié chaque jour par le plus puissant quotidien du Nord (Het Laatste Nieuws, qui se targue de plus d’un million de lecteurs) développe ainsi, quasi chaque jour, le même “running gag”. L’un ou l’autre personnage-clé de la coalition actuelle (Charles Michel, Kris Peeters, Wouter Beke…) développe l’une ou l’autre idée et se heurte récuremment –c’est le gag- à un “Nee!” retentissant de Bart De W
Parallèlement, un autre quotidien flamand, tout aussi influent même si son tirage est bien moindre (en l’occurrence, le quotidien De Tijd, souvent reflet du patronat du Nord) s’interrogeait crûment l’autre jour sur le leadership du Premier Ministre : “Combien de temps Charles Michel peut-il continuer comme cela?”. Et l’éditorialiste de pousser le bouchon encore plus loin avec cette question quasi sacrilège: “Michel a-t-il vraiment la carrure?”.

Deux démocraties d’opposition

Le Nord et le Sud du pays vivent d’ailleurs, politiquement, des tempo très différents. Le MR Didier Reynders résumait ça fort bien d’une phrase dans L’Echo: “ C’est le clivage: quand la Flandre demande des chiffres sur le budget, on a Onkelinx qui demande une déclaration sur la Seconde Guerre Mondiale”.
De fait, si, chez les francophones, on n’en a que pour la N-VA et les propos toujours borderline du ministre de l’Intérieur Jan Jambon, en Flandre, on se bat à coups d’arguments socio-économiques. Et surtout, nombre des soutiens de la coalition ne se gênent plus pour dire “qu’ils attendent de ce gouvernement de centre-droit qu’il s’affirme enfin vraiment comme de centre-droit”.
“Un des avantages des socialistes, c’est qu’ils respectent leurs accords” : le même Reynders décochait ainsi l’autre jour une lourde flèche au CD&V, vrai talon d’Achille de la majorité, accusé -bousculé qu’il est par le Mouvement Ouvrier Chrétien et l’ACV-CSC- de chercher sans cesse à affaiblir toutes les mesures. Celles qui sont censées différencier la coalition #Michel1 des multiples gouvernements de “centre-centre” de ces dernières années. “Avec le CD&V, somme toute, pas besoin d’opposition” lançait l’autre jour un poids lourd de la majorité.

Jan Jambon, Vice-Premier N-VA muet

Résultat: Bart De Wever est déjà redevenu la figure centrale du paysage politique.
Soupçonné, dès la naissance de #Michel1, de vouloir jouer le “Premier Ministre de l’ombre”, c’est un fait que le président de la N-VA- qui avait annoncé urbi et orbi qu’il se retirerait d’ici 2019 sur son Aventin anversois- ne cesse d’intervenir, quasi au jour le jour. Qu’il  rejette l’idée de Maggie De Block sur les drogues douces, on peut le concevoir: il casse ainsi, manière Brice de Nice, l’ OpenVLD et surtout sa rivale en popularité.  C’est plus étonnant lorsque Johan Van Overtveldt, son propre ministre des Finances N-VA avec de fortes convictions propres d’économiste, entrouvre pointe des pieds un débat sur les voitures de  société. Résultat:  le bourgmestre d’Anvers
tance et tonne: “ Je vais casser l’idée dans l’oeuf” puisque ce-n’-est-pas-dans-l’-accord-gouvernemental. Une Bible dont pourtant il se fiche comme de sa première frite lorsqu’il s’agit de faire plaisir à la clientèle électorale des diamantaires anversois, la secrétaire d’Etat N-VA Elke Sleurs décidant soudain de relever le plafond des paiements en cash de 3000€ à 7500€, même sous les hauts cris du CD&V.
A chaque fois, ce n’est pas Jan Jambon, Vice-Premier Ministre N-VA en titre, qui s’exprime: c’est le président de la N-VA. C’est Bart. Forcément puisque Jan Jambon est quelque part l’homme traqué de la coalition.
D’ou nombre de questions.

De Wever veut juste “aider”

Certes, on ne doute pas que Bart De Wever prenne un certain ou un incertain plaisir
d‘ego à montrer ainsi son emprise sur la rue de la Loi. Ca ne mange pas de pain en Flandre d’être considéré comme le vrai leader du gouvernement qui tire les ficelles.
Mais une autre vision, très différente, est sans doute plus juste. Ce n’est pas réellement stratégique comme comportement et De Wever est le premier à savoir qu’il ne pourra longtemps se comporter de la sorte.
S’il le fait c’est pour, en quelque sorte, “aider”. Une façon, à son estime, de remplir un certain vide, tant de communication que de leadership. De soutenir un gouvernement vu, par d’aucuns au Nord, comme “insufissamment dirigé”, dérivant d’un incident à l’autre…
Avec un gros hic: s’il ne veut  assurément que du bien à la coalition suédoise, Bart De Wever affaiblit, mine de rien, l’autorité du Premier Ministre à chacune de ses sorties médiatiques.

Le Parlement, arène romaine


D’autant plus que la Flandre, selon le principe des “deux démocraties” cher à De Wever, ne perçoit pas vraiment combien le MR est seul pour faire face à une opposition large au Sud du pays. A la fois dans la rue face à la contestation syndicale et dans l’hémicycle du Parlement ou PS,cdH, Ecolo, PTB s’en donnent à coeur joie. Chaque séance de la Chambre du jeudi en est une illustration. “ Ce jour là, c’est une arène romaine” s’exclame assez lucidement Daniel Ducarme, chef de groupe MR, qui a le sens de l’image.
C’est un paradoxe: alors que les socialistes sont historiquement renvoyés dans l’opposition après 27 ans,  la confiance dans le gouvernement #Michel1 est très étonnamment faiblarde au Nord du pays (35% d’opinions négatives contre 26% seulement de positives selon le sondage Libre-RTBF) , tout semble plutôt aller bien à bord de la N-VA. En intentions de votes, l’ Etat Major N-VA s’attendait à décrocher bien plus qu’il ne le fait dans le dernier baromètre de Dedicated.
Malgré son tout nouveau jeune Président assez médiatique, le Vlaams Belang semble toujours assommé. Et, selon certaines études, tout un potentiel de croissance de la N-VA serait encore disponible. Tout comme d’ailleurs, il faut le relever, pour le CD&V, ou certains tablent toujours que la N-VA décevra dès lors qu’elle aura été mouillée au fédéral.


Oups, cinq milliards de plus à trouver

Le hic, c’est que l’Europe frémit des risques d’une crise financière;  c’est que la déflation pique son nez; c’est que les prévisions de croissance sont toujours plus en berne. La Banque Nationale en est à prédire + 0,9% en 2015  au lieu de + 1,5%. Conséquence: on va vers de l’austérité additionnelle:  1,5 milliard en 2015, 3 milliards en 2016. Olé.
D’ou cette réflexion grandissante au Nord: pour affronter tout cela, le navire suédois a besoin d’un vrai capitaine et c’est là que d’aucuns pointent et aiguillonnent Charles Michel.
“J’admets que le gouvernement doit mieux organiser sa communication: c’est normal, c’est le début” lâchait Reynders à Martin Buxant.
C’est un subtil euphémisme.
Une des erreurs du Premier Ministre est sans doute de considérer psychologiquement que toute attaque francophone contre la N-VA est automatiquement une critique le visant directement, lui, ou le MR.
Dès le début, la N-VA savait pertinemment elle-même que la personnalité de Jan Jambon ne serait pas sans risques, une fois déménagée au gouvernement fédéral. Mais, vu de Flandre (ou toutes les révélations sur le passé de l’homme sont plutôt reçues avec nonchalance sinon indifférence) on s’attendait plutôt à des risques de déclarations inopportunes.  A la limite, on n’excluait pas que Jambon doive un jour faire un pas de côté das l’intérêt de la poursuite de la coalition. Mais on ne l’attendait assurément pas sur son passé puisque, en Flandre,  on sait bien que Jan Jambon – et d’autres N-VA de ce parti hétérogène et par ailleurs démocratique- ont cotoyé des milieux ou ils rencontraient l’extrème droite ou la droite extrème. Rien donc de bien neuf en Flandre: on savait que l’homme avait eu une attitude empathique vis à vis notamment du Vlaams Blok.

Un homme peut évoluer:le hic, c’est que Jambon  n’est pas clair

Il est vrai que, en vingt ans, un homme peut changer. Evoluer. Le hic, ici, c’est que Jan Jambon, pour ne pas perdre une part de son électorat venu du Belang, n’est toujours pas plus clair sur ce qu’il pense aujourd’hui. Il reste borderline.  Et, de fait, il n’a pas dit la vérité sur son rôle passé même si une chose est sûre: qu’importent les révélations,  le Ministre de l’Intérieur ne va nullement démissionner.
Le mauvais moment n’est pas prêt de passer au Sud: l’opposition politique francophone, et bien d’autres milieux, ont bien compris qu’ils avaient là une faille morale. L’os du Jambon demeure.
Dans L’Echo, journal financier francophone peu suspect de militance de gauche, Joan Condijts écrivait ceci d’assez juste: “Le parti indépendantiste flamand porte un projet de droite aussi respectable que d’autres  formules politiques mais cette même formation présente égalementun visage intolérable. S’en accommoder en évoquant la tâche qui occupe le gouvernement reviendrait à entamer dangereusement le principe démocratique. Et à insulter la mémoire de ceux qui l’ont défendu”.

On en est là. Avec la tentation d’ un certain retour du communautaire, puisque le socio-éco est difficile. Avec des clivages, des polarisations fortes, des grèves à répétition et peut-être illimitées; un CD&V mal à l’aise qui peut très théoriquement faire capoter la coalition à tout moment; une N-VA qui n’entend absolument rien céder aux syndicats; et, au sein du MR, des doutes et quelques méfiances…Notamment pour ce qui est des Reyndersiens, soupçonnés par d’aucuns Micheliens des calculs les plus souterrains. Comme si Didier Reynders avait trop regardé  la série House of Cards et serait aussi rusé qu’un Frank Underwood. “Souvenez-vous du jeu d’Herman Van Rompuy pour devenir Premier Ministre à la place de Leterme” murmure un cacique socialiste.

L’indulgence  n’existe pas en  politique.
Au sein de la coalition, d’aucuns craignent que celle-ci, faute de reprise en mains, ne devienne obsolète dans ses objectifs. Cela ne signifierait pas forcément la chute du gouvernement.  Mais le grand pari-poker d’une pure coalition appliquant une vraie politique de droite serait alors définitivement perdu. Comme s’il y avait eu, en usine, un défaut de fabrication.

Michel HENRION



mardi 16 décembre 2014

Groen!, le parti vert gagnant qui a le vent en poupe: les écolos du Nord dans une toute autre situation (MBelgique du 5/12/14)



Wouter Van Besien, au dessus des Ecolos du Sud...
 Pour la plupart des francophones, Groen!, c’est d’abord le souvenir d’une image drolatique de la crise de 541 jours en 2011. A savoir Wouter Van Besien, le président cool et barbu du parti écologique flamand, débarquant au Palais de Laeken, à bord d’un vieux tacot: une Toyota Corolla pourrave totalement hors d’âge. Ce qui avait beaucoup amusé Albert II, amateur d’automobiles s’il en est.
Ce même Wouter Van Besien vient de quitter la présidence du parti écologiste flamand avec une jolie plume à son chapeau. L’homme, sous sa présidence, a réussi un sérieux challenge: transformer un mouvement sans grandes structures, un parti quasi nostalgique de l’époque hippie (on pousse à peine le bouchon), en un parti écologique sérieux, doté d’un programme socio-économique assez responsable.

Bart de Wever se promène en Flandre avec un mantra de com’: c’est sa fameuse forme TINA (“Il n’y a pas d’alternative”) . Eh bien, le pari politique de Groen! , c’est bel et bien de tenter de démontrer qu’alternative il y a au Nord et que ce sont bel et bien les écologistes de Flandre qui l’incarnent.



Surprise: la gauche a (un peu) progressé en Flandre



Ce que Wouter Van Besien avait pour ambition, c’était de moderniser le parti pour qu’il puisse décrocher l’électorat “mainstream” (centre, centre-gauche).

Pari assurément réussi en partie: tandis  qu’Ecolo s’écroulait dramatiquement  en Fédération Wallonie-Bruxelles (à peine 222.254 voix en 2014 contre 313.047 en 2010 et 457.281 en 1999) Groen!, au Nord, s’adjugeait 358.947 électeurs et un siège de plus. Le tableau étant encore un peu plus vert au Parlemand flamand avec pas moins de trois parlementaires flamands en plus et 365.782 électeurs en soutien.

Ce n’est pas rien.

On ne l’a jamais photographié à sa juste mesure because le succès spectaculaire de la N-VA, mais, le 25 mai 2014, le total en chiffres de la gauche en Flandre (Groen+SPa +PTB-PVDA) a progressé alors qu’en Wallonie (PS+Ecolo+PTB), il a plutôt régressé au profit de la droite.



La liberté sexuelle au programme`



Curieux destin que celui des écologistes flamands. Fondé par le Jésuite Luc Versteylen, le mouvement prônait, à ses débuts,  trois valeurs: “repos, solidarité et sobriété”. Un doux mélange d’écolologie et de catholicisme progressiste. (on sortait de l’esprit de “mai 68) Anecdote: les fondateurs choisirent d’abord le nom d’Agalev, acronyme de Ander Gaan LEVen”, entendez “Vivre Autrement”). Le hic, c’est que lorsqu’on se présente vraiment aux élections, la loi stipule que chaque lettre doit avoir sa propre signification. Un brin farceurs, les promoteurs d’Agalev affirmèrent au Moniteur que cela signifiait “Ander Gaan Arbeiden, Leven, En Vrijen”. Soit aussi une allusion à la liberté sexuelle. ( “Aller au travail, vivre, et avoir des relations sexuelles, différemment”)

Et, curieusement, cela marcha pas mal électoralement; Agalev surfant, comme son parti-frère Ecolo, sur la vague environnementale porteuse tout en s’appuyant sur les milieux associatifs flamands, son core-business.

A l’époque, Agalev gagne ainsi l’un ou l’autre siège supplémentaire à toutes les élections: sept sièges en 1991, neuf sièges en 1999 lorsque les écologistes du Nord et du sud,  portés  par le scandale alimentaire de la dioxine obtiennent près de 15% des voix. Woaw. Bingo.

L’opinion publique découvre alors, dans les JT,  plein de nouveaux ministres: Eddy Boutmans, Vera Dua, Mieke Vogels, Jef Tavernier, ou encore Magda Aelvoet. Qui claqua les portes du gouvernement Verhofstadt lorsque celui-ci accorda une licence d’exportations d’armes vers le Népal, alors aussi pollué par la guerre civile.



Pour réconforter Emily et Olivier: comment Agalev s’est relevé de sa raclée de 2003



Réconfortant pour Emily Hoyos et Olivier Deleuze actuellement en pleine déprime- et preuve que rien n’est jamais vraiment perdu en politique- Agalev s’est pris, bien avant eux, une tatouille historique en 2003. Cette année-là, il perd carrément tous ses sièges au fédéral et est outé du 16 rue de la loi. Un an plus tard, nouvelle déculottade: il voit s’évaporer la moitié de ses sièges au Parlement flamand. Kleenex et, comme chez Ecolo aujourd’hui, licenciements en masse.



Commence alors une période complexe (dont on vous vous épargne les détails) jusqu’au moment ou, sous le nouveau nom de Groen!, (le point d’exclamation se veut “jeune”) le parti retrouve le moral (et 4 députés et 2 sénateurs). C’est alors qu’il consitue, à la Chambre, un groupe commun avec Ecolo, son parti frère… à éclipses.

Trois exemples:

-lorsque Ecolo et Isabelle Durant quittent le 16 rue de loi  en 2003, because déjà le survol aérien de Bruxelles, Agalev se garde bien de le suivre dans l’opposition.

-lorsque les écolos flamands entrent en son temp au gouvernement bruxellois (avec le SPa) , Ecolo, lui, reste dans l’opposition.

--pour ce qui est de la période 1999-2003 les dirigeants de Groen! découvrent à l’époque avec effroi (on cite l’excellent politologue Régis Dandoy) “que l’étiquette de partenaire non fiable dont était affublé Ecolo aurait été transportée vers les écologistes du Nord”.



Groen! désormais leader de la famille ecolo



Certes, Wouter Van Besien n’a pas ramené le Groen! new-look  au pouvoir, ni au Fédéral, ni à la Région flamande, ni dans les grandes villes du Nord. Mais il a réussi à transformer sa formation, à faire ”grandir Groen!” Dans toutes les acceptions du terme.

Pour la première fois depuis 1987, c’est Groen! qui prend le leadership dans la famille écologiste (358.647 voix contre 222.524 au tandem Hoyos-Deleuze). Olé. Renversement des rôles.

Et Groen! a un objectif clair: proposer aux flamands une opposition constructive substantielle.

Et on n’y perd pas de temps: c’est dès le lendemain des élections que Groen! - emmené à la Chambre par le jeune pétulant Kristof Calvo- a lancé sa nouvelle stratégie d’alternative constructive de gauche. Dribblant le SPa comme dans la fable du lièvre et de la tortue.

Folie politique; les socialistes du Nord veulent en fett se donner… deux ans pour se réinventer. Deux ans, on croit rêver.

C’est que les socialistes flamands sont dans une crise de leadership pas possible.

Bruno Tobback, fils de Louis, s’est révélé un président hautain, voire méprisant. Quant à  l’ex-ministre Johan Crombez, s’il enthousiasme certains socialistes francophones, ceux-ci attribuent à l’ancien Secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale des qualités que l’homme n’a peut être pas, même s’il fut excellent comme ministre.



John Crombez, déjà controversé au SPa



“Crombez, c’est un manque de charisme, nous explique, forcément en off, un leader du SPA. “C’est un homme qui a besoin d’une heure de discours pour placer un truc simple: il ne sait pas “vendre” son message. On craint même qu’il n’en arrive à vraiment faire plonger le Spa, déjà largement mis à mal par Bruno Tobback…”

Et de poursuivre: “ C’est déjà quasi foutu. Regardez: avec tout le soutien qu’il a en interne, il n’a pas vraiment osé “tuer” Bruno Tobback et prendre sa place. Il a hésité. Un accès de faiblesse qui en dit bien plus long sur lui et sur la manière dont il dirigera les socialistes flamands que n’importe quel discours  savamment préparé… “Avant de conclure, pessimiste: “J’ai peu d’espoir: le renouveau des socialistes flamands, c’est peut-être déjà fichu!”.

Avant les élections de 2014, Groen! a parfois évoqué l’idée d’un rapprochement avec le SPa: histoire de démontrer que les écolos étaient “constructifs’  et de prouver que, dans le fond, Bruno Tobback ne voulait pas de leur main tendue.

Aujourd’hui, très affaiblis, ce sont les socialistes flamands, qui agitent l’idée de s’appuyer à leur tour sur la “bonne image” de Groen!

Résultat des courses: peu de chances que la gauche du Nord se rassemble un jour prochain. Le Spa joue la “carte belge” avec le marketing toujours belgicain de Di Rupo et du PS. Groen! n’en a , lui, tout simplement pas besoin et n’est en rien demandeur. Fin des illusions.





Groen! pourrait encore monter dans les sondages



Aujourd’hui, Wouter Van Biesien a cédé la place à l’anversoise Meyrem Almaci, une politique qui joue à la fois sur la raison et l’émotionnel. Un personnage respecté  bien au delà de la gauche flamande, notamment de par ses interventions dans la Commission sur le scandale Dexia. Pas forcément une reine de la communication mais un atout certain: la fidélité à ses idées. Sous la présidence d’Almaci, qui peut attirer –sans les chercher- bien des votes allochtones au détriment du PVDA+-PTB, Groen! peut assurément  encores e développer.

Il ne nous étonnerait d’ailleurs point, dans les prochains sondages et Baromètres, que Groen! continue sa montée (+ 72.958 voix en mai 2014.)



Surtout si les partis de gauche (SPa) et de centre-gauche (le CD&V, du moins dans  sa partie liée au Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) devaient encore gaffer et  reculer.

Du côté de l’ACW, l’association avec le CD&V ne suscite plus forcément l’enthousiasme, surtout sous un gouvernement  #Michel1 qui ne cesse, de jour en jour, de durcir le ton, comme s’il cherchait plutôt délibérément l’affrontement avec le Front commun d’Action syndicale.

Un Mouvement Ouvrier Chrétien qui déciderait de ne  plus se lier automatiquement au CD&V,  voila qui bousculer le paysage politique flamand ! A voir. (de nombreux cadres du Mouvement Ouvrier chrétien sont déjà écologistes)



Groen! sous le gouvernement Di Rupo, a conçu et voté la 6ème réforme de l’Etat et ce … sans rien demander. C’est cette relative naïveté politique qui fait tout à la fois la force et la baiblesse des écolos flamands. 

Chez Groen, on n’est vraiment pas comme dans les autres partis: et les électeurs qui aiment ça restent fidèles. 

C’est aussi la faiblesse du parti d’Almaci: car obtenir les mêmes résultats sans jouer carrément le jeu  politique très classique du pouvoir, est noble. Mais tout aussi aléatoire.



Micherl HENRION


jeudi 11 décembre 2014

Les sociaux-chrétiens pour la première fois séparés depuis 1830: le CDH soulagé, le CD&V tourmenté (MBelgique 28/11/2014)


 
--> En 1999, l’impensable était déjà arrivé: pendant huit longues années, un gouvernement belge sans chrétiens démocrates.
En 2014, ce qu’on croyait vraiment impossible est survenu: pour la première fois depuis 1830, les chrétiens démocrates se sont séparés. Le CD&V au pouvoir, le CDH dans l’opposition. Pas rien comme événement politique, d’ailleurs pas assez souligné: la distanciation des partis-frères en Belgique est désormais un fait totalement acquis.

Et, après même pas deux mois d’existence du gouvernement #Michel1, l’esquisse politique de l’ex-famille social chrétienne est assez nette.

Lutgen roule sans le CD&V
Du côté du CDH, dans le fond, on respire. Au vu de l’ampleur de la grogne sociale, au vu de l’allergie de nombre de francophones vis à vis de la N-VA,  on s’y dit qu’on l’a finalement échappé belle. On est soulagé. Tout juste Joëlle Milquet considère-t-elle son Président plus comme un Secrétaire général que comme un stratège politique. Tout juste d’aucuns regrettent-ils encore que Benoît Lutgen n’ait pas adopté la stratégie d’aller à tout le moins négocier avant d’envoyer valdinguer la N-VA. Tandis que d’autres s’interrogent, fort opportunément, sur les effets, les conséquences électorales  d’une telle rupture avec le parti-frère du Nord. Puisque le destin électoral ne sera plus forcément le même, le CDH (9 sièges contre 20 jadis sous le fameux gouvernement Martens-Gol) peut-il remonter la pente avec plus de “sérieux wallon”?

Du côté du CD&V, on maugrée. A deux, y dit-on, on aurait été un peu moins seuls face à tous ces libéraux. Et le parti de Wouter Beke devient de plus en plus bizarre. Comme disait l’autre, “chez les sociaux-chrétiens flamands, souvent on ne sait pas où l’on va, mais on y va tout droit”.

Le  CVP d’antant, celui de “l’Etat CVP”, comptait encore 49 sièges à la Chambre sous Martens-Gol (1985). Et 1.291.244 électeurs. Wouter Beke a beau eu avoir cette forte formule: “ On a perdu des électeurs par containers, on les récupérera par brouettes”, la récolte fut timide aux dernières élections: 783.040  électeurs et 75.000 de plus en mai 2014.



Et si la grève du 15 décembre se prolongeait au finish ?



Pendant des décennies, le CD&V fut le meneur du jeu politique belge.  Avec la N-VA, il n’oriente vraiment plus les choses.  Et la politique belge est devenue de moins en moins prévisible.

Wouter Beke, assis entre deux chaises...
La grande question du moment, pour les stratèges sociaux-chrétiens du Nord, c’est de savoir ce qui peut bien se passer si l’actuelle protestation sociale continuait? Si celle-ci devait reprendre début 2015, toujours en Front commun tripartite? Ou, hypothèse crédible,  se prolonger au finish, en grève générale, dès le 16 décembre si le gouvernement tentait de passer en force à la Chambre avant les fêtes de fin d’année. Bref, si les ténors du CD&V n’arrivent pas, malgré leurs efforts de séduction massive, à ramener le syndicat chrétien “à la raison”, isolant ainsi stratégiquement syndicalistes socialistes et libéraux. Il faut, implorait ainsi l’autre jour Wouter Beke, “que la CSC-ACV mesure son rôle et se montre responsable le moment venu”.

Vite dit car, en coulisses, le climat entre le Mouvement Ouvrier Chrétien et CD&V ne semble guère virer davantage au rose. Marc Leemans, personnage peu connu des francophones mais vrai boss des syndicats chrétiens, en a, tout au contraire, remis une couche au vitriol, dézinguant à tout va.

“On voit, a-t-il lancé en substance, que dans la tête de #Michel1, il n’y a pas de volonté pour un vrai dialogue social, mais juste un monologue (…) C’est la vision de l’Entreprise 4.0, où  the “winner takes it all”. Ou il arrive malheur au représentant du monde syndical qui ose ne fut-ce qu’élever la voix”.



Pensions et pré-pensions, un enjeu majeur



Mais, au delà des mots, le boss du syndicat chrétien de soutenir quand même mine de rien le CD&V: “ La CSC, dit-il,  serait prête à s’asseoir si le gouvernement met déjà un tax-shift sur la table” (glissement de la fiscalité du travail vers le capital) 

Relisez bien la phrase- elle est importante- et comprenez que l’appareil du syndicat chrétien pourrait redevenir accommodant, et peut-être bel et bien  avaler le saut d’index, si un tax-shift donnait l’impression de le compenser à court-terme. Saut d’index qui apparaît, aux yeux syndicaux, comme de plus en plus “idéologique”, vu l’inflation… négative depuis septembre.

Psychologiquement, l’appareil de l’ACV- CSC doit d’ailleurs marcher sur des oeufs: la “base” syndicale est remontée comme un coucou tant au Sud qu’au Nord. Et si les lois sur la pension ou pré-pension (un enjeu très important, notamment pour apaiser les restructurations d’entreprise) ou la prolongation des pensions sont votées à la Chambre, ben c’en sera forcément fini de l’action syndicale. Le gouvernement sera passé en force sans concertation aucune.

Si les “standen”, les piliers traditionnels des sociaux-chrétiens du Nord, ont perdu de leur pertinence au fil du temps, ils n’en demeurent pas moins encore influents. On l’a vu avec le scandale Arco, le Mouvement Ouvrier Chrétien peut faire veiller politiquement à ses intérêts. Et les puissantes Mutualités Chrétiennes ne sont, par exemple, pas vraiment ravies du taux de croissance raboté (seulement +2,5%) fixé par #Michel1 pour la croissance des soins de santé. Elles se sont abstenues au vote à l’INAMI mais avec le vieillissement de la population, les conséquences budgétaires feront mal. Très mal.

Il ne faut pas perdre de vue que nombre des électeurs conservateurs du CD&V votent désormais plutôt N-VA, donc qu’il y a relativement davantage de démocrates chrétiens dans ses rangs. Et une difficulté supplémentaire pour le CD&V, c’est qu’aucun de ses rares ministres ne représente plus vraiment  cette aile plus à gauche du CD&V. Kris Peeters a beau se présenter comme le “visage social” du gouvernement, d’aucuns se pincent au souvenir de ses multiples discours de jadis, plutôt para-patronaux. Et savent l’homme partisan de lien forts avec la N-VA. Quant à Koen Geens, il  a bien du mal à se faire passer pour le défenseur des petites gens avec son passé d’avocat d’affaires et du grrrrand capital.

L’aile progressiste du CD&V n’a d’ailleurs pas manqué de remarquer  que seuls deux gouvernements viennent de voter  récemment contre les dispositions européennes anti-fraude fiscale: les Pays-Bas…et la Belgique.

Certes, le CD&V a toujours été un parti très hétérogène, ou se cotoyaient conservateurs et hommes de gauche, citadins et Flandre rurale. Le hic, c’est que Bart De Wever a capté largement ce trésor électoral: la N-VA  représente désormais tout à la fois la Flandre moderne et la Flandre traditionnelle.

Et cette N-VA là, tout comme l’OpenVLD, dit “non” pour l’instant à toutes les petites idées de Kris Peeters pour ce fameux tax-shift de justice fiscale qui serait idéal pour détacher l’ACV-CSC du mouvement social. “ Taxer les plus-values? “ Mais alors, que fera-t-on des moins values” réplique aussitôt le N-VA Johan Van Overtveldt, oubliant qu’il y a évidemment bien d’autres formules possibles (comme l’intégration  progressive des revenus du capital dans les déclarations fiscales).

C’est la question du moment: qu’adviendra-t-il in fine des idées visant une plus grande justice fiscale que les sociaux-chrétiens comptent bel et bien déposer sur la table du gouvernement #Michel1, affirmant que l’esprit de l’accord de coalition l’aurait bel et bien prévu?



Un voeu pieux pendant des années?





Ses partenaires lui concèderont-ils “un petit quelque chose sur la taxation du capital” qui sauverait la face? Sans doute: mais cela ne tromperait pas grand monde à l’analyse.

Ou bien le CD&V devra-t-il se contenter de répéter comme un mantra, cinq années durant, son voeu pieux? D’autant plus curieux que la revendication du “tax shift”, bref d’une plus grande taxation du capital, ne figurait même pas au programme CD&V des dernières élections du printemps…

Il faut toujours lire avec intérêt Bart Maddens (KUL), tout de même le seul politologue à avoir prédit la coalition actuelle avec le seul MR comme participation francophone.

“C’est douteux, dit-il en substance,  que le CD&V puisse capitaliser électoralement en dénonçant l’encre encore humide de l’accord de coalition: c’est difficile à expliquer.  Et “qui casse paie” est une autre loin d’airain en politique”.



Et d’estimer que si le CD&V devait dans les mois à venir s’enfoncer dans les sondages d’intentions de vote ce serait panique au CD&V. “Et qu’une crise n’est dès lors pas à exclure, pas plus que des élections au printemps”.



C’est juste peut-être oublier que le CD&V est un parti bien structuré; avec beaucoup d'expérience et  une faculté d’adaptation parfois saisissante.

Il n’y a qu’Alexander De Croo à pouvoir retirer la prise gouvernementale en toute insouciance.



Michel HENRION.

Tout comme pour une marque, les ratés de com’ peuvent faire mal: Abercrombie & Michel (chronique de MBelgique Hebdo du 21/11/14)

 
--> La célèbre chaîne de prêt à porter US Abercrombie & Fitch est en crise. Car le chiffre d’affaires de ses boutiques-discothèques parfumées est plutôt en deuil. L’image de la marque est désormais plombée, limite quasi ringarde. Et l’avenir de la firme pour le moins compromis, à force d’erreurs de stratégie et de dérapages en série. (“Beaucoup de gens ne correspondent pas à nos vêtements et ne le peuvent pas. Est-ce que nous faisons de l’exclusion? Absolument!” avait proclamé le boss d’Abercrombie dans une interview ravageuse pour son entreprise)
En fait, ce qui vaut pour une marque vaut souvent en communication politique.

Retenez bien cette règle médiapolitique: si le discours est raté plusieurs fois, le mal est fait.

Abercrombie & Fitch, au départ c’est un peu comme le gouvernement #Michel1: avec un fort atout anticonformiste. Entendez la famille socialiste exclue du pouvoir fédéral pour la première fois depuis 1987.  Et l'aarivée de la N-VA. De quoi théoriquement donner, à l’instar d’Abercrombie, au gouvernement  #Michel1 une forte identité de marque politique. L’occasion unique de faire diminuer, par exemple, impôts et charge fiscale.

Sur ce plan, le tissu noué pendant les négociations de la coalition n’était, dès le départ -à l’instar des fringues d’Abercrombie- pas de la meilleure qualité.

La fameuse “réforme fiscale audacieuse” de la campagne électorale du MR avait déjà  été rangée dans l’arrière-magasin de la rue de la Loi  “jusqu’à la seconde partie de la législature, jusqu’à ce qu’elle soit finançable par les effets retour des mesures des deux premières années”. (dixit le ministre MR du Budget)

Passe encore: chez Abercrombie & Fitch, le client n’y voit pas toujours très clair non plus puisque c’est tout noir et qu’on n’y entend souvent que pouic puisque la musique est forte. Bref, le produit est presque un prétexte. #Michel1 pouvait donc parfaitement, même sans réforme fiscale, vendre sans trop de peine le marketing du “gouvernement du courage” favorable aux classes moyennes. Et tous les partis de centre-droit de la coalition en récolter uniment les fruits au bout de la législature.



Le choix du CD&V: relayer l’opposition sociale





Pour sa garde-robe, le prince Laurent est encore un habitué d’Abercrombie & Fitch: pour Yves Leterme, on est moins sûr, même si notre ancien Premier Ministre CD&V a d’évidence certains talents personnels de séduction qui peuvent rivaliser avec ceux des célèbres vendeurs de la marque US.

Certains francophones ont ainsi eu tort de sourire l’autre matin, lorsque, au micro de Martin Buxant (BelRTL), le dénomméYves Leterme -qui doit sa carrière à l’aile démocrate-chrétienne du CD&V- a plaidé pour plus d’ “équité  dans les efforts”, entendez fiscaux.

Sa sortie n’était nullement une gaffe “à la Leterme”, mais bien l’expression de la stratégie même du CD&V, fut-elle un peu bizarroïde. La presse du Nord rappelait il y a peu cette formule d’Herman Van Rompuy selon laquelle, “dans un gouvernement avec des libéraux, tout Cd&V se métamorphosait en membre du Mouvement Ouvrier Chrétien” (ACW, un des piliers du CVP-CD&V).

L’adage se confirme: le Vice-Premier Ministre Kris Peeters, pourtant issu de l’Unizo (patronat des PME flamandes) se veut aujourd’hui le “visage social” du gouvernement #Michel1. Et n’est pas le dernier à réclamer une plus forte taxation du capital. Et Koen Geens, autre CD&V désormais Ministre de la Justice après son passage aux Finances, a lancé au passage un débat sensible sur les moyens budgétaires de la justice belge. 

C’est que le scandale #Luxleaks (les petits arrangements fiscaux au Luxembourg), la révélation des conventions fiscales pour le moins singulières d’AB Inbev, le PDG d’Omega Pharma qui ne doit pas payer un euro de taxe sur l’énorme plus value réalisée sur la vente de ses actions (600 mio d’€) et le blanchiment d’argent de diamantaires anversois via la banque HSBC, ont créé un tout autre climat.



La N-VA prête à agiter d'autres dossiers



A tel point que la N-VA, qui sait humer l’opinion publique, a fait mine d’entrouvrir la porte à une taxation du capital. Mais à ses conditions puisque le CD&V semble avoir choisi de relayer l’opposition de la démocratie chrétienne. Et puisque ce n’est pas dans la Bible gouvernementale, a dit en substance Hendrik Vuye, professeur de Droit Constitutionnel à Namur et désormais malin chef de groupe N-VA à la Chambre, “il faudra alors reparler d’autres dossiers”

Entendez, pour qui se souvient des négociations gouvernementales, réouvrir par exemple le dossier de la limitation des allocations de chômage dans le temps.

Ce qui, avec 128.000 syndicalistes dans la rue et les nouvelles grèves tournantes provinciales, est donc impensable: le CD&V ne fera pas plus aujourd’hui une telle concession qu’hier.

Le terrain de la perception vient donc d’être sensiblement modifié: si les attaques de l’opposition confortent plutôt l’entente entre leaders MR et N-VA, le Cd&V, lui, a opté pour la stratégie du contrepoids social dans un gouvernement de centre –droit. Wouter Beke n’entend nullement retirer la prise mais n’en valide pas moins une partie des critiques des partis de gauche.

Stratégie de com’ complexe: l’électorat flamand est volatile. Et vendre de concert une “message de majorité” et un “message de quasi-opposition” est chose périlleuse.



Le surpoids de la N-VA



Bref, même si on ne sait pas trop bien à quoi le CD&V joue, ce n’est pas idéal pour l’image du gouvernement #Michel1. Qui a déjà bien du mal à tenter de faire oublier, chez les wallons et les bruxellois, non pas la participation de la N-VA au gouvernement, mais bien le surpoids surprenant des nationalistes dans la coalition.

Si, versus francophone, la communication du PS doit prendre garde à n’être pas “revancharde”, celle du MR se devrait à être moins “discriminante”. Car si des dérapages en série – les chiffres de Jacqueline Galant, le nucléaire de Marghem- peuvent certes ternir une marque (c’est ce qui s’est produit chez Abercrombie) il n’est rien de pire, en communication, que le ton d’exclusion.

“Il faudrait que quelqu’un se fasse lifter, dispose de deux voitures diesel, fume trois paquets par jour et boive deux bouteilles  de cognac pour que les fins de mois soient plus pénibles” a lancé ainsi l’autre jour le ministre #MR Hervé Jamar.

C’est le quotidien financier De Tijd, peu suspect d’être gauchisant, qui relevait l’autre jour que le gouvernement #Michel était dangereusement en passe de n‘être plus vu que “comme une coalition défendant seulement les riches” et plus seulement “de kleine man” ( M. Tout-le-Monde, le “petit”)

De fait, il ne faut jamais, en politique, enfermer le ressenti des gens dans des cases. 

Car c’est  précisément pour ce genre d’erreur que le boss d’Abercrombie & Fitch doit désormais aller se rhabiller.


Michel HENRION

La N-VA n’entend pas plier face aux syndicats: mais son “modèle allemand” a des ratés (chronique MBelgique du 14/11/2014)

 
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Le mot médiapolitique a la mode ces derniers jours, celui qu’on s’envoie à la tête de part et d’autre,  c’est enfumage. Entendez, pour les uns, que le Gouvernement #Michel1 minimise et enfume à tout va chiffres et conséquences de ses  propres mesures. Pour les autres, que l’opposition enfume l’opinion en proclamant notamment que le vrai patron du gouvernement, c’est-Bart-de-Wever-depuis-l’Hôtel de-Ville-d’Anvers. Un point de controverse qui ne s’éclaircira qu’à la première vraie crise gouvernementale, avec en toile de fond cette anomalie structurelle indubitable: le premier parti de la coalition pèse de tout son poids mais n’a, et c’est exceptionnel, pas livré le Premier Ministre.

Il faut reconnaître au moins un mérite à Bart De Wever: lui, il n’enfume guère.

Oh, bien sûr, il sait fort bien ce qu’il fait en insistant lourdement l’autre soir, à la télé hollandaise, sur le désastre de François Hollande, ficelle de com’ idéale pour susciter rejet et allergies. Mais on est loin des circonvolutions toursiveuses des apparatchiks du CD&V.

Le boss de la N-VA l’a ainsi proclamé net, haut et fort pour qui s’égarerait: pour le parti nationaliste, “il n’y a pas d’alternative”. Face aux syndicats, une certitude désormais: la N-VA n’entend nullement plier.

C’est une différence fondamentale par rapport au gouvernement Martens-Gol (1981-1987) si souvent évoqué ces derniers temps et avec lequel #Michel1 n’a pas grand chose à voir. Les sauts d’index de jadis de Wilfried Martens, dans une toute autre conjoncture (à l’époque, on dévaluait encore le franc belge), avaient en effet l’aval implicite des syndicats chrétiens. Et les ministres de l’époque tenaient compte des sensibilités syndicales: nul ne serait allé aussi loin dans un certain autoritarisme hors normes du “modèle belge”.





L’objectif de Kris Peeters: diviser les syndicats



C’est ce souvenir qui explique sans nul doute que le CD&V, parti le plus à gauche (ou le moins porté vers la droite) du gouvernement,  n’a pas été distrait en décrochant pour Kris Peeters le portefeuille de l’Emploi (de nos jours on évacue des compétences le mot “Travail”) et de l’Economie.

Histoire d’infléchir le cap, si besoin était, au profit des sociaux-chrétiens flamands.

La stratégie était évidente ces jours derniers: Kris Peeters a tenté de se profiler, d’apparaître comme le “Ministre de la Concertation Sociale”, le “visage social” de #Michel1.

Avec un objectif politique évident: arriver à détacher la CSC-ACV de Marc Leemans, un leader au ton pourtant étonnamment dur, du Front Commun d’Action syndicale.

Ce qui postulerait une concession à tout le moins forte du gouvernement.

Or, ses partenaires sont loin de lui avoir laissé “carte blanche”. Sa marge de manoeuvre de “facilitateur discret” est faiblarde puisque ses collègues n’entendent pas rediscuter du “lourd”. Mieux: puisque le Mouvement Ouvrier Flamand a déjà obtenu de Wouter Beke qu’il bloque, pendant les négociations, d’autres projets suédois (notamment l’idée d’une limitation dans le temps des allocations de chômage), le CD&V n’est plus guère en état de décrocher un quelconque trophée bonus. On voit bien les idées social-chrétiennes qui circulent: que les entreprises garantissent le retour en emplois de la baisse des cotisations patronales; ou un effort sur le capital pour davange d’équité. Aseez aléatoire, sauf mesure cosmétique, dans le climat actuel.



La N-VA, ce parti sans histoire syndicale



La caractéristique de la N-VA, c’est que, contrairement aux trois partis traditionnels,

cette encore très jeune formation politique n’a aucun lien historique avec la notion de syndicalisme.

C’est pour le moins différent des libéraux de l’OpenVLD Alexander De Croo ou du MR Charles Michel dont les formations ont tout de même, elles, une mémoire syndicale, fut-elle parfois flanchante. En Flandre, dès 1891,  la "Liberale Werkersverdediging" (Défense des travailleurs libéraux) était clairement un groupe de pression électoral dont le but était d'obtenir des places en ordre utile sur les listes aux élections de toutes sortes, y compris politiques. Nés à Gand dans la seconde moitié du XIXe siècle, les premiers syndicats connurent une vie effervescente, y compris chez les libéraux d’antan. En 1917, on recensait la "Liberale Werkersverdediging" qui  fusionnait avec la "Volksgezinde Vereniging Help U Zelve" avant, en 1921, de fonder l’ ”Union des Syndicats libéraux des Deux Flandres”.



La “caisse de grève”, invention… libérale



Amusant: à l’heure ou la ministre libérale Jacqueline Galant interpelle, non sans populisme, sur les tarifs spéciaux SNCB et l’appui financier des syndicats aux manifestants, on peut lui apprendre que la toute première “caisse de grève” -à l’époque, on disait “de résistance”- de Belgique, avant même celles des catholiques et des socialistes, fut l’initiative de la "Centrale nationale des Syndicats libéraux de Belgique". Et aujourd’hui la CGSLB assortit toujours son logo de la mention “Syndicat libéral”, avec des contacts variables avec les deux partis libéraux.

Ainsi sa branche “service public” vient-elle de demander aux mandataires MR et OpenVLD, traditionnellement invités à l’assemblée générale académique, de ne pas se présenter à la prochaine, prévue en novembre. Or,  Charles Michel, Gwendolyn Rutten et Guy Vanhengel avaient pourtant déjà confirmé leur présence. Bref, petit camouflet entre amis. Circonstances obligent.



Ces syndicalistes qui votent N-VA



Rien de tout cela évidemment à la N-VA, davantage liée (mais moins qu’on ne le dit) au Voka, cette association associant l’ancien Vlaams Economisch Verbond et  huit chambres de commerce régionales de Flandre, soit 18.000 entreprises.

En fait, c’est assez complexe: lorsqu’on décroche, comme la N-VA, 1.366.397 électeurs et quasi 32% des votes en Flandre, cela signifie qu’on a aussi attiré nombre d’affiliés des trois syndicats traditionnels, dont des délégués et même des responsables. (et sans doute nombre de votes des délicats dockers anversois)

C’est ainsi tout sauf un hasard si la N-VA, qui sait qu’elle débauché nombre d’électeurs proches du CD&V et du Mouvement Ouvrier Chrétien, a baissé le ton et a accepté ce scandale d’Etat qu’est le sauvetage des 800.000 coopérateurs d’Arco-Dexia, si chers aux intérêts électoraux du CD&V.

Donc, malgré tout, la N-VA doit faire attention au ressenti des travailleurs du Nord.

Et tient compte désormais bien plus qu’on ne le pense des sensibilités francophones , notamment parce qu’elle n’entend pas mettre le MR en péril et saborder “sa coalition”.



La vision du syndicalisme de la N-VA



Bref, lorsqu’ils causent syndicalisme, les leaders N-VA se réfèrent, une fois de plus, au #modèle allemand, prônant une évolution vers cette direction. A les entendre, nos syndicats seraient par trop attachés au passé, pas assez “modernes”; la concertation sociale fédérale interprofessionnelle serait évidemment, elle,  dépassée par les faits. Et il faudrait, of course, que les syndicats deviennent plus “flexibles”.

Bref, le discours N-VA se résume en une formule: la manière dont les syndicats pensent leur rôle et agissent dans la société belge se doit d’évoluer, notamment en fonction de la situation économique…



Six grèves du rail depuis septembre en Allemagne, dont une de trois jours



Le hic, c’est que le modèle allemand tangue pour le moins ces temps-ci.

Le belge n’en sait quasi rien mais, au pays d’Angela, les chemins de fer ont connu six grèves du rail depuis le début septembre. Et la dernière, de loin la plus dure, a duré trois jours ininterrompus. Olé.

Le belge n’en sait quasi rien mais la pauvreté a progressé à un niveau record en Allemagne parallèlement –notez bien ça- à une diminution du chômage. Explication: la multiplicité des emplois à très bas salaire, la diminution des contrats à durée indéterminée (soumis aux cotisations sociales), le développement incessant du travail à temps partiel et la multiplicité des emplois précaires. Comme ces fameux “mini-jobs”: des contrats destinés aux chômeurs de longue durée rémunérés aux alentours de 400 euros par mois, le plus souvent limités à 15 heures de travail par semaine (et exonérés d'impôts et de charges) Aujourd'hui, 7,4 millions de personnes exercent un mini-job; et 1,4 million sont rémunérées moins de 5 euros bruts de l'heure. Olé.

Le belge n’en sait quasi rien, mais, contrairement à l’irruption de plus en plus grande du politique dans le social belge (la déclaration gouvernementale intègre directement  des mesures qui  relèvent manifestement de la concertation sociale, comme l’âge de le pension), le dialogue social est la plus grande originalité du système allemand, sans ingérence possible de l’État. La force de la concertation, celle dont le gouvernement #Michel1 ne veut pas dans sa vision classique, celle qui est capable de canaliser et de résoudre bien des conflits, y joue un rôle important à côté de la politique. Ce principe, hérité, après la chute du Troisième Reich, de la méfiance à l’égard de l’État, est d’ailleurs inscrit dans la Constitution allemande.



Marche arrière de Merkel: la pension à 67 ans ramenée à …63 ans.



Le plus étonnant, mais le belge n’en sait quasi rien, c’est que l’Allemagne est aussi revenue bel et bien en arrière pour ce qui est de l’âge de la pension et du principe de la retraite à 67 ans en 2029.

Vote face: tous les salariés de 63 ans qui auront cotisé quarante-cinq ans pourront partir à la retraite à taux plein. (et certaines périodes de chômage pourront être prises en compte) C’est d'autant plus symbolique que le SPD (socialistes sociaux-démocrates) Bref, le modèle allemand a plus que des ratés.

 est convaincu d'avoir perdu les élections de 2009 pour avoir précisément accepté  de porter le départ à la retraite à 67 ans, ce que les syndicats ne lui ont jamais pardonné.

Il est des mesures que, face à l’opinion publique, aucun gouvernement, fut-il celui d’Angela, ne réussit vraiment à imposer.

Même dans le modèle allemand si cher à la N-VA, la “pension pour les morts”, ça n’enfume ni ne séduit personne.



Michel HENRION




           





lundi 17 novembre 2014

Black Out et politiques: le fiasco des bricoleurs (Qui voudrait encore investir dans un pays devenu du Tiers Monde énergétique?)

 
Il suffira d’un watt. Le watt trop peu qui déclenchera le tout premier “délestage” électrique. Parce que, pendant quelques jours d’hiver, il aura soudain fait banalement trop froid. Parce que ce soir-là, la production ou l’importation d’électricité n’aura pu coller à la demande de consommation.
Ce soir-là, les habitants des zones de Belgique momentanément préservées de la coupure de courant, regarderont les inmanquables Journaux Télévisés spéciaux en boucle, stupéfaits de se croire soudain dans un pays du Tiers-Monde énergétique.

Ce soir-là, certains bourgmestres distraits découvriront soudain qu’ils  ont omis quelques légers détails: ouvrir un centre d’accueil chauffé, veiller si personne ne traîne plus à 17h dans les écoles, vérifier si tout coulait pour les égouts… Et, pour d’aucuns, avoir géré les pompes anti-inondations, les prisons, les centres d’accueil, voire les agences bancaires et les tribunaux du cru.

Ce soir-là, policiers et pompiers découvriront soudain des situations aléatoires: des ascenseurs bloqués; de petites entreprises au bord de la crise de nerfs parce que leur chaîne de production est soudain compromise; des bricoleurs allumés qui auront connecté dangereusement au réseau le groupe électrogène acheté discount au magasin brico du coin; des personnes âgées qui, après les heures de coupure du chauffage, ne se rendront pas compte qu'il leur faut parfois le relancer manuellement… A relever: sauf groupe électrogène,  maisons de repos et hôpitaux devront tout de même patienter quelques minutes, même s’ils sont prioritaires.

Ce soir-là,  des citoyens, tentés jusqu’alors de parfois poétiser le délestage (ils se voyaient déjà jouer au “nain jaune” dans une atmosphère familiale enfin débarrassée du numérique), découvriront que les radiateurs gelés par -10°, c’est pas vraiment le top convivial.

Et, au moment de rétablir le courant, d’aucuns s’apercevront que ça ne se relance pas comme l’on relève d’un doigt léger un plomb Teco dans sa cave. Et que, dehors,  des câbles électriques, ça peut geler, se givrer. Qu’il faut des moteurs pour le gaz.  Que nos réseaux sont vraiment bien vieux: et que, pour retrouver la lumière, ce sont des hommes qui devront s’en aller péniblement, de cabine en cabine, relancer manuellement le bigntz.  Peut-être même sans ligne GSM pour  communiquer.







L’hiver 2015-2016 sera encore plus risqué



Et, le lendemain matin, le belge du Nord ou du Sud, s’il n’est pas préservé par l’un ou l’autre statut (habiter une grande ville ou être situé sur la route électrique d’une installation vitale) s’inquiètera grave: sera-ce mon tour ce soir? Et il lui faudra du temps pour comprendre que lorsque le Nord sera coupé par deux fois de courant, la Wallonie ne l’aura été qu’une fois (puisqu’elle est scindée, pour conserver l’équilibre avec le Nord, en 2 zones alternativement délestées ) Et que chacune des cinq zones fédérales définies sera délestée selon une échelle de six à un. Si votre rue est labelisée 6, vous êtes en première ligne pour être out trois ou quatre heures. Et si ça ne suffit pas, on coupera les rues sises “en degré 5”. Et ainsi de suite selon le niveau de pénurie.

Première certitude: “Le risque de manquer d’électricité cet hiver est très sérieux et sera sans doute encore plus élevé pour l’hiver 2015-2016” confirme à M…Belgique le professeur Damien Ernst (ULg)

Seconde certitude:  pour les hommes politiques de tous bords, cela sera assurément un très mauvais moment à passer. Sauf pour ceux qui, bien mieux informés, se sont déjà fait installer at home un dispositif de secours. (on en connaît, chut…) D’aucuns se mettront assurément à courir en tous sens, soit pour fuir l’opinion publique, soit pour enfin tenter de comprendre ce qui se passe. Car les jolis discours de langue de bois, ça ne passera plus, même pas auprès des heureux propriétaires de poêles à pellets. (cette tendance calorifique qui vous bouffe, mine de rien, des km2 de forêts).





Le Valet Noir des politiques



Oh,  la rue de la Loi va user assurément de mille artifices de com’ pour faire accroire au citoyen lambda que-c’est-pas-moi-c’est-l’autre. On se refilera le fameux Valet Noir de l’impopularité. D’aucuns inaugureront le Cap Canaveral de l’envoi des responsabilités vers la stratosphère de l’oubli et de la confusion. D’autres feront croire dogmatiquement que- c’est-la-faute-au-photovoltaïque alors que c’est bien évidemment la déglingue du parc nucléaire belge qui est la raison première de la pénurie actuelle. Et pas de manière inopinée, c’est depuis 2008 qu’il y a alerte..

Car le truc est tout de même émorme. Hénaurme. On se pince: la Belgique, pays industrialisé moderne, gèrant son électricité comme un pays sous-développé.

Tout le monde bottera en touche. Ah, le ministre, c’était pas moi… Le gouvernement untel: oh j’y étais pas… C’est comme dans les jeux télévisés lorsqu’un candidat ne connaît pas la réponse et qu’il s’exclame “Ah, mais c’est que je n’étais pas né!”. Comme si ça le dispensait de connaître Simenon ou Zénobe Gramme.



Le syndrome Kodak



Nos politiques  sont dans le “syndrome Kodak”, du nom du si puissant géant mondial de photographie clic-clac-kodak qui n’a jamais vu venir, qui a nié l’évolution, la révolution du numérique… Jusqu’à tout y perdre.

Et pour cause: nos hommes politiques, nos élus, ne sont pas formés à suivre toute la complexité des événements énergétiques.

Soyons clairs: ils n’ont, pour la plupart, pas la capacité d’en analyser les enjeux.

Rien de forcément rhédibitoire à ça: être un bon ministre généraliste qui  peut  passer de la Santé Publique à la Défense Nationale, c’est simplement le don d’avoir des méthodes, des techniques applicables à tous les dossiers. Et, surtout, d’être bien entouré et conseillé par des spécialistes.

C’est ici qu’est le bigntz. On a connu des cabinets de responsables ministériels de l’Energie  affichant carrément zéro ingénieur dans l’organigramme. Zéro conseiller connaissant les réseaux d’électricité.

On y préfère les juristes, histoire d’arracher des “rentes nucléaires” à Electrabel. (la déclaration gouvernementale de #Michel1 prévoit encore naïvement 500mio d’€ du style alors qu’il est probable que GDF-Suez ne consentira plus à dépenser bonbon pour moderniser ses installations sans intervention financière de l’Etat)



Quand le politique sous-traite dangereusement ses compétences



Conséquence: une tendance évidente du politique à déléguer son pouvoir d’Etat, voire à sous-traiter sa politique énergétique à des institutions diverses. Lesquelles polluent plutôt parfois les dossiers, racontant parfois portnawak aux ministres responsables.  Ainsi de la très flamande Elia (l’organisme qui a la responsabilité quasi morale d’éviter les black-outs)  qui s’intéresse apparemment bien davantage à ses ambitions internationales controversées qu’aux investissements à réaliser en Belgique,  exception faite du Nord du pays…(c’est Elia qui, avant que la ministre Catherine Fonck ne l’impose de force, n’entendait mordicus rien changer à ses délestages frappant deux fois plus la Wallonie, la désavantageant gravement au plan économique)



Les parlementaires ahuris



Il faut avoir la patience bénédictine, comme on l’a fait pour M…Belgique, de se pencher sur les mètres de compte-rendus parlementaires des Commissions spécialisées, tant au niveau fédéral que Wallon.

Oh, ce n’est pas que nos parlementaires manquent d’intérêt pour le sujet: le hic, c’est qu’ils… le découvrent.

Et ils sont même assez passionnés par les discours de la foultitude d’experts venus didactiquement tenter d’ éclairer leur lanterne. Et leur faire photographier que, pour l’heure, 3000 mégawatts de production nucléaire sont à l’arrêt. (contre 2000 MW l’an dernier en hiver doux). Qu’Electrabel, qui assure en temps normal 46% de la production,  a donc vu foirer la moitié de sa production.



LOLE ne fait pas toujours rire



Mais on ne les voit  plus sourire lorsqu’un expert leur parle pourtant du LOLE (Loss of Load Expectation) bien moins drôle que l’acronyme internet puisqu’il  prédit le nombre hypothétique d’heures potentielles de délestage; qui varient de 5H à 116h d’après de vagues calculs et selon les délais de réparation de la centrale de  Doel 4 gravement sabotée. (le Ministère de l’Intérieur a oublié d’ailleurs de sécuriser les lignes critiques.)

On tourne les pages et on voit les élus des zones rurales défendre leurs électeurs hautement délestables cet hiver alors que Bruxelles sera préservé, et ce contrairement à l’arrêté royal du 3 juin 2005.

On voit ceux du Brabant Wallon s’étonner dêtre deux fois plus délestés que ceux du Brabant flamand. C’est qu’il subsiste une “région du Centre”, sorte de BHV électrique.

On voit les élus du peuple multiplier les idées les questions, parfois naïves, tantôt précises.

“C’est bien beau tout ça, mais qui financera un toutes-boîtes communal, hein ?”, s’interroge un député à idées courtes. 

Y a-t-il moyen de doper l’importation?, s’interroge un autre. ( bof, bof, faudra plus trop compter sur la France, notamment vu les millions de pavillons Leroy-Merlin  dotés à moindre coût de chauffage électrique)



On ne stocke pas le courant comme du sucre



Peut-on  encore améliorer ce qu’on appelle la “réserve stratégique”? demande un autre. L’électricité ne se stockant pas comme le sucre,  il s’agit que des entreprises acceptent de refiler leur consommation à l’Etat en arrêtant leur chaîne de production. (ce qui préoccupe alors les syndicats, soucieux de la manière dont les travailleurs seront compensés pour ce chômage technique inédit).



Quant à la question récurrente: qui paiera les indemnités, les dédommagements pour les multiples dégâts annoncés? c’est l’imbroglio juridique  vu le nombre incalculable d’acteurs se renvoyant la patate toute chaude.



Pour les politiques, la vérité est rarement bonne à dire…



Photographiez bien ça: on vit dans un pays dont le parc nucléaire, pourtant robuste,  est vieillissant ou à problèmes. Les diamants sont éternels: pas les centrales, qu’elles soient à l’uranium et au gaz.

Bref, la Faillite énergétique, nous voilà. Un pays limite exsangue pour plusieurs hivers, en attendant un renfort en gaz, sans doute hollandais. Avec un programme d’accord gouvernemental qui, pas plus que ses prédécesseurs, n’a l’air de prendre vraiment la mesure du problème . La N-VA veut juste sa centrale nucléaire de 4ème Génération. Mais ce serait …pour 2035 et, léger détail pas accessoire, le Mégawatt qui en sortirait coûterait bonbon.

On sait bien que pour tout politique, la vérité est rarement bonne à dire. Dans la vie publique, s’arranger avec la vérité est bien moins dangereux que de “parler vrai”.

Ce qui est cependant affolant, ce sont tous ces politiques qui, après n’avoir rien vu venir, continuent à minimiser tous partis confondus.  D’ou cette nouvelle dramaturgie à deux sous: “Arrêtez votre micro-ondes et tout ira bien”. Prière de croire ça sans ciller, avec sérieux, en acquiesçant d’un air entendu.

 Le hic, c’est qu’il faudrait mettre 500.000 micro-ondes à l’arrêt pour obtenir l’équivalent d’une modeste centrale nucléaire.

Et que la “bonne volonté citoyenne” , si elle plait au “bon sens” de l’opinion, risque de faire -techniquement- plus de mal que de bien. Provoquer l’inattendu sur un réseau sensible, vite instable, c’est jouer à la roulette russe. C’est même le risque d’un #blackout total.

Mais qui ces politiques ont-ils consulté comme experts en réseaux avant de décider de leur campagne cache-sexe? Rien de bien sérieux d’évidence. Un peu de communication et passez muscade sur le fond.

En fait, rien ne semble se passer pour sécuriser au plus vite le pays.



120 millions perdus par heure de délestage



Ce n’est pas qu’une anecdote, ces délestages plus ou moins hypothétiques. C’est toute notre économie, nos emplois qui sont en jeu. L’économie souffre de cette désinvolture d’Etat, de ce perpétuel manque de vision politique à long terme. “Il ne faut absolument pas négliger, souligne le professeur Damien Ernst, mine de rien sommité mondiale du genre, les conséquences. C’est terriblement destructeur de richesse. Une heure de perte d’approvisionnement pendant un « business day », ça coûte 120 millions d’€ à l’économie”

Le CEO à l’autre bout du monde du monde qui zyeute la carte d’Europe pour y placer l’un ou l’autre investissement, vous croyez qu’il va aller le jouer dans un pays dont l’approvisionnement en électricité ne lui est pas garanti?

Comme le dirait Nabilla, c’est tout simple: si t’as pas d’électricité, t’as pas de croissance.



Michel HENRION.
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Interview-express de l’expert Damien Ernst (ULg)

“Electrabel ne rénovera pas Doel 1 et Doel 2 sans être subsidié par l’Etat”



Question : Que devrait faire Marie-Christine Marghem, la nouvelle ministre MR de l’énergie ?

Damien Ernst (ULg): -“ La nouvelle ministre est dans une situation extrêmement inconfortable: il n’est pas possible d’augmenter significativement la capacité de notre pays en moins de trois-quatre ans. Je lui conseillerais de tout faire pour que la situation n’empire pas d’ici l’hiver 2015-2016. Si elle ne fait rien, on risque de perdre encore plus de 1000 MW de centrales thermiques. On annonce aussi la fermeture de Doel 1 et Doel 2 pour l’hiver 2015-2016, ce qui risque de conduire à une perte additionnelle de 900 MW. Sans vouloir jouer les alarmistes, si on perd encore 1900 MW de capacité en 2015, on sera réellement dans une situation catastrophique ! “



Q: -La solution serait-elle de prolonger les centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?



-Mme Marghem (MR) devrait d’abord essayer de sécuriser les 1000 MW de centrales thermiques qui sont menacées en augmentant la taille de la “réserve stratégique”. Pour ce qui est de Doel 1 et Doel 2, cela s’annonce être un dossier pour le moins difficile. Je ne suis même pas sûr que cela soit possible pour l’hiver 2015-2016, car ça prend du temps d’obtenir du nouveau combustible. Comptez quelque 18 mois… D’autre part, l’Agence de Contrôle Nucléaire n’autorisera probablement pas la prolongation de Doel 1 et Doel 2 au-delà de quelques mois par rapport à leur date de fermeture sans des investissements considérables. Il faudra plus de 600 millions d’euros. Or, il est quasi certain qu’Electrabel ne se lancera pas dans de tels investissements sans une “garantie de profitabilité” donnée par l’Etat belge. Vu le prix très bas de l’électricité sur les marchés de gros, il y a même fort à parier que cette garantie de profit devrait se traduire par un subside de l’Etat pour Electrabel. Ce qui pourrait être politiquement assez difficile à gérer...”






 “Le photovoltaïque est déjà rentable lorsqu’il est

consommé localement, avec des batteries”



-Alors, le rêve du renouvelable serait-il mort ?

Damien Ernst (Ulg): -“Le belge est en désamour avec les énergies renouvelables car il a l’impression qu’elles ont couté cher, trop cher. Et qu’elles ont fragilisé sa sécurité d’approvisionnement. Ca se répercute sur les politiques qui semblent ne plus vouloir soutenir activement la filière, sans peut être le dire. Or -même si l’on met de côté toutes les considérations et passions écologiques- le renouvelable est toujours intéressant. Car il offre une vraie solution pour réduire nos besoins en importation d’énergie, qui nous coûtent de plus en plus cher. Tenez-vous bien: en 1999, l’Europe importait pour 84 milliards d’€ en énergie. En 2011, la facture atteignait …488 milliards d’€, un montant dont l’ampleur étouffe réellement l’Europe.”

- Qu’est-ce qui pourrait réanimer la filière?

-  C’est tout simple: les progrès technologiques! Notez bien ceci de peu connu: même sans subsides, le photovoltaïque est déjà rentable en Belgique lorsqu’il est consommé localement.  C’est-à-dire lorsque le photovoltaïque ne doit pas transiter par le réseau électrique global pour alimenter les charges. Les gens ne se rendent pas compte que c’est déjà financièrement intéressant pour eux d’installer du photovoltaïque sur le toit et éventuellement aussi quelques batteries dans leur cave, même sans subsides.

Ces progrès permettent déjà d’avoir en Belgique des éoliennes qui sont compétitives avec des centrales au gaz. D’ici quelques années, même le photovoltaïque belge sera compétitif avec lesdites centrales…




“On va moins dépendre des réseaux électriques”





Damien Ernst (ULg): -“On va migrer beaucoup plus rapidement que l’on ne le pense vers un monde où la majorité de l’énergie générée le sera grâce à des éoliennes et du photovoltaïque. La seule chose dont je ne suis pas sûr c’est la place que nos sociétés donneront au réseau électrique. Je pense qu’il n’est pas impossible que notre dépendance vis-à-vis du réseau diminue de plus en plus, au profit de la génération distribuée et du stockage distribué de l’électricité. Quoi qu’il en soit, nos systèmes électriques/énergétiques vont muter très fortement dans les années à venir.”

(propos recueillis par Michel Henrion pour M...Belgique)