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Le mot médiapolitique a la mode ces derniers jours, celui
qu’on s’envoie à la tête de part et d’autre, c’est enfumage.
Entendez, pour les uns, que le Gouvernement #Michel1 minimise et enfume à tout va chiffres et conséquences de ses propres mesures. Pour les autres, que
l’opposition enfume l’opinion en
proclamant notamment que le vrai patron du gouvernement, c’est-Bart-de-Wever-depuis-l’Hôtel
de-Ville-d’Anvers. Un point de controverse qui ne s’éclaircira qu’à la première
vraie crise gouvernementale, avec en toile de fond cette anomalie structurelle
indubitable: le premier parti de la coalition pèse de tout son poids mais n’a,
et c’est exceptionnel, pas livré le Premier Ministre.
Oh, bien sûr, il sait fort bien ce qu’il fait en insistant
lourdement l’autre soir, à la télé hollandaise, sur le désastre de François
Hollande, ficelle de com’ idéale pour susciter rejet et allergies. Mais on est
loin des circonvolutions toursiveuses des apparatchiks du CD&V.
Le boss de la N-VA l’a ainsi proclamé net, haut et fort pour
qui s’égarerait: pour le parti nationaliste, “il n’y a pas d’alternative”. Face
aux syndicats, une certitude désormais: la N-VA n’entend nullement plier.
C’est une différence fondamentale par rapport au
gouvernement Martens-Gol (1981-1987) si souvent évoqué ces derniers temps et
avec lequel #Michel1 n’a pas grand chose à voir. Les sauts d’index de jadis de
Wilfried Martens, dans une toute autre conjoncture (à l’époque, on dévaluait
encore le franc belge), avaient en effet l’aval implicite des syndicats
chrétiens. Et les ministres de l’époque tenaient compte des sensibilités
syndicales: nul ne serait allé aussi loin dans un certain autoritarisme hors
normes du “modèle belge”.
L’objectif de Kris Peeters: diviser les syndicats
C’est ce souvenir qui explique sans nul doute que le
CD&V, parti le plus à gauche (ou le moins porté vers la droite) du
gouvernement, n’a pas été distrait
en décrochant pour Kris Peeters le portefeuille de l’Emploi (de nos jours on
évacue des compétences le mot “Travail”) et de l’Economie.
Histoire d’infléchir le cap, si besoin était, au profit des
sociaux-chrétiens flamands.
La stratégie était évidente ces jours derniers: Kris Peeters
a tenté de se profiler, d’apparaître comme le “Ministre de la Concertation
Sociale”, le “visage social” de
#Michel1.
Avec un objectif politique évident: arriver à détacher la
CSC-ACV de Marc Leemans, un leader au ton pourtant étonnamment dur, du Front
Commun d’Action syndicale.
Ce qui postulerait une concession à tout le moins forte du
gouvernement.
Or, ses partenaires sont loin de lui avoir laissé “carte
blanche”. Sa marge de manoeuvre de “facilitateur discret” est faiblarde puisque
ses collègues n’entendent pas rediscuter du “lourd”. Mieux: puisque le
Mouvement Ouvrier Flamand a déjà obtenu de Wouter Beke qu’il bloque, pendant
les négociations, d’autres projets suédois (notamment l’idée d’une limitation
dans le temps des allocations de chômage), le CD&V n’est plus guère en état
de décrocher un quelconque trophée bonus. On voit bien les idées
social-chrétiennes qui circulent: que les entreprises garantissent le retour en
emplois de la baisse des cotisations patronales; ou un effort sur le capital
pour davange d’équité. Aseez aléatoire, sauf mesure cosmétique, dans le climat
actuel.
La N-VA, ce parti sans histoire syndicale
La caractéristique de la N-VA, c’est que, contrairement aux
trois partis traditionnels,
cette encore très jeune formation politique n’a aucun lien
historique avec la notion de syndicalisme.
C’est pour le moins différent des libéraux de l’OpenVLD
Alexander De Croo ou du MR Charles Michel dont les formations ont tout de même,
elles, une mémoire syndicale, fut-elle parfois flanchante. En Flandre, dès
1891, la "Liberale
Werkersverdediging" (Défense des travailleurs libéraux) était clairement
un groupe de pression électoral dont le but était d'obtenir des places en ordre
utile sur les listes aux élections de toutes sortes, y compris politiques. Nés à
Gand dans la seconde moitié du XIXe siècle, les premiers syndicats connurent
une vie effervescente, y compris chez les libéraux d’antan. En 1917, on
recensait la "Liberale Werkersverdediging" qui fusionnait avec la "Volksgezinde
Vereniging Help U Zelve" avant, en 1921, de fonder l’ ”Union des Syndicats
libéraux des Deux Flandres”.
La “caisse de grève”, invention… libérale
Amusant: à l’heure ou la ministre libérale Jacqueline Galant
interpelle, non sans populisme, sur les tarifs spéciaux SNCB et l’appui
financier des syndicats aux manifestants, on peut lui apprendre que la toute
première “caisse de grève” -à l’époque, on disait “de résistance”- de Belgique,
avant même celles des catholiques et des socialistes, fut l’initiative de la
"Centrale nationale des Syndicats libéraux de Belgique". Et
aujourd’hui la CGSLB assortit toujours son logo de la mention “Syndicat libéral”,
avec des contacts variables avec les deux partis libéraux.
Ainsi sa branche “service public” vient-elle de demander aux
mandataires MR et OpenVLD, traditionnellement invités à l’assemblée générale
académique, de ne pas se présenter à la prochaine, prévue en novembre. Or, Charles Michel, Gwendolyn Rutten et Guy
Vanhengel avaient pourtant déjà confirmé leur présence. Bref, petit camouflet
entre amis. Circonstances obligent.
Ces syndicalistes qui votent N-VA
Rien de tout cela évidemment à la N-VA, davantage liée (mais
moins qu’on ne le dit) au Voka, cette association associant l’ancien Vlaams
Economisch Verbond et huit
chambres de commerce régionales de Flandre, soit 18.000 entreprises.
En fait, c’est assez complexe: lorsqu’on décroche, comme la
N-VA, 1.366.397 électeurs et quasi 32% des votes en Flandre, cela signifie
qu’on a aussi attiré nombre d’affiliés des trois syndicats traditionnels, dont
des délégués et même des responsables. (et sans doute nombre de votes des
délicats dockers anversois)
C’est ainsi tout sauf un hasard si la N-VA, qui sait qu’elle
débauché nombre d’électeurs proches du CD&V et du Mouvement Ouvrier
Chrétien, a baissé le ton et a accepté ce scandale d’Etat qu’est le sauvetage des 800.000 coopérateurs
d’Arco-Dexia, si chers aux intérêts électoraux du CD&V.
Donc, malgré tout, la N-VA doit faire attention au ressenti
des travailleurs du Nord.
Et tient compte désormais bien plus qu’on ne le pense des
sensibilités francophones , notamment parce qu’elle n’entend pas mettre le MR
en péril et saborder “sa coalition”.
La vision du syndicalisme de la N-VA
Bref, lorsqu’ils causent syndicalisme, les leaders N-VA se
réfèrent, une fois de plus, au #modèle allemand, prônant une évolution vers
cette direction. A les entendre, nos syndicats seraient par trop attachés au
passé, pas assez “modernes”; la concertation sociale fédérale
interprofessionnelle serait évidemment, elle, dépassée par les faits. Et il faudrait, of course, que les
syndicats deviennent plus “flexibles”.
Bref, le discours N-VA se résume en une formule: la manière
dont les syndicats pensent leur rôle et agissent dans la société belge se doit
d’évoluer, notamment en fonction de la situation économique…
Six grèves du rail depuis septembre en Allemagne, dont
une de trois jours
Le hic, c’est que le modèle allemand tangue pour le moins
ces temps-ci.
Le belge n’en sait quasi rien mais, au pays d’Angela, les
chemins de fer ont connu six grèves du rail depuis le début septembre. Et la
dernière, de loin la plus dure, a duré trois jours ininterrompus. Olé.
Le belge n’en sait quasi rien mais la pauvreté a progressé à
un niveau record en Allemagne parallèlement –notez bien ça- à une diminution du
chômage. Explication: la multiplicité des emplois à très bas salaire, la
diminution des contrats à durée indéterminée (soumis aux cotisations sociales),
le développement incessant du travail à temps partiel et la multiplicité des
emplois précaires. Comme ces fameux “mini-jobs”: des contrats destinés aux
chômeurs de longue durée rémunérés aux alentours de 400 euros par mois, le plus
souvent limités à 15 heures de travail par semaine (et exonérés d'impôts et de
charges) Aujourd'hui, 7,4 millions de personnes exercent un mini-job; et 1,4
million sont rémunérées moins de 5 euros bruts de l'heure. Olé.
Le belge n’en sait quasi rien, mais, contrairement à
l’irruption de plus en plus grande du politique dans le social belge (la
déclaration gouvernementale intègre directement des mesures qui
relèvent manifestement de la concertation sociale, comme l’âge de le
pension), le dialogue social est la plus grande originalité du système
allemand, sans ingérence possible de l’État. La force de la concertation, celle
dont le gouvernement #Michel1 ne veut pas dans sa vision classique, celle qui
est capable de canaliser et de résoudre bien des conflits, y joue un rôle
important à côté de la politique. Ce principe, hérité, après la chute du
Troisième Reich, de la méfiance à l’égard de l’État, est d’ailleurs inscrit
dans la Constitution allemande.
Marche arrière de Merkel: la pension à 67 ans ramenée à
…63 ans.
Le plus étonnant, mais le belge n’en sait quasi rien, c’est
que l’Allemagne est aussi revenue bel et bien en arrière pour ce qui est de
l’âge de la pension et du principe de la retraite à 67 ans en 2029.
Vote face: tous les salariés de 63 ans qui auront cotisé
quarante-cinq ans pourront partir à la retraite à taux plein. (et certaines
périodes de chômage pourront être prises en compte) C’est d'autant plus
symbolique que le SPD (socialistes sociaux-démocrates) Bref, le modèle allemand
a plus que des ratés.
est convaincu
d'avoir perdu les élections de 2009 pour avoir précisément accepté de porter le départ à la retraite à 67
ans, ce que les syndicats ne lui ont jamais pardonné.
Il est des mesures que, face à l’opinion publique, aucun
gouvernement, fut-il celui d’Angela, ne réussit vraiment à imposer.
Même dans le modèle allemand si cher à la N-VA, la “pension
pour les morts”, ça n’enfume ni ne séduit personne.
Michel HENRION