Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 16 décembre 2014

Groen!, le parti vert gagnant qui a le vent en poupe: les écolos du Nord dans une toute autre situation (MBelgique du 5/12/14)



Wouter Van Besien, au dessus des Ecolos du Sud...
 Pour la plupart des francophones, Groen!, c’est d’abord le souvenir d’une image drolatique de la crise de 541 jours en 2011. A savoir Wouter Van Besien, le président cool et barbu du parti écologique flamand, débarquant au Palais de Laeken, à bord d’un vieux tacot: une Toyota Corolla pourrave totalement hors d’âge. Ce qui avait beaucoup amusé Albert II, amateur d’automobiles s’il en est.
Ce même Wouter Van Besien vient de quitter la présidence du parti écologiste flamand avec une jolie plume à son chapeau. L’homme, sous sa présidence, a réussi un sérieux challenge: transformer un mouvement sans grandes structures, un parti quasi nostalgique de l’époque hippie (on pousse à peine le bouchon), en un parti écologique sérieux, doté d’un programme socio-économique assez responsable.

Bart de Wever se promène en Flandre avec un mantra de com’: c’est sa fameuse forme TINA (“Il n’y a pas d’alternative”) . Eh bien, le pari politique de Groen! , c’est bel et bien de tenter de démontrer qu’alternative il y a au Nord et que ce sont bel et bien les écologistes de Flandre qui l’incarnent.



Surprise: la gauche a (un peu) progressé en Flandre



Ce que Wouter Van Besien avait pour ambition, c’était de moderniser le parti pour qu’il puisse décrocher l’électorat “mainstream” (centre, centre-gauche).

Pari assurément réussi en partie: tandis  qu’Ecolo s’écroulait dramatiquement  en Fédération Wallonie-Bruxelles (à peine 222.254 voix en 2014 contre 313.047 en 2010 et 457.281 en 1999) Groen!, au Nord, s’adjugeait 358.947 électeurs et un siège de plus. Le tableau étant encore un peu plus vert au Parlemand flamand avec pas moins de trois parlementaires flamands en plus et 365.782 électeurs en soutien.

Ce n’est pas rien.

On ne l’a jamais photographié à sa juste mesure because le succès spectaculaire de la N-VA, mais, le 25 mai 2014, le total en chiffres de la gauche en Flandre (Groen+SPa +PTB-PVDA) a progressé alors qu’en Wallonie (PS+Ecolo+PTB), il a plutôt régressé au profit de la droite.



La liberté sexuelle au programme`



Curieux destin que celui des écologistes flamands. Fondé par le Jésuite Luc Versteylen, le mouvement prônait, à ses débuts,  trois valeurs: “repos, solidarité et sobriété”. Un doux mélange d’écolologie et de catholicisme progressiste. (on sortait de l’esprit de “mai 68) Anecdote: les fondateurs choisirent d’abord le nom d’Agalev, acronyme de Ander Gaan LEVen”, entendez “Vivre Autrement”). Le hic, c’est que lorsqu’on se présente vraiment aux élections, la loi stipule que chaque lettre doit avoir sa propre signification. Un brin farceurs, les promoteurs d’Agalev affirmèrent au Moniteur que cela signifiait “Ander Gaan Arbeiden, Leven, En Vrijen”. Soit aussi une allusion à la liberté sexuelle. ( “Aller au travail, vivre, et avoir des relations sexuelles, différemment”)

Et, curieusement, cela marcha pas mal électoralement; Agalev surfant, comme son parti-frère Ecolo, sur la vague environnementale porteuse tout en s’appuyant sur les milieux associatifs flamands, son core-business.

A l’époque, Agalev gagne ainsi l’un ou l’autre siège supplémentaire à toutes les élections: sept sièges en 1991, neuf sièges en 1999 lorsque les écologistes du Nord et du sud,  portés  par le scandale alimentaire de la dioxine obtiennent près de 15% des voix. Woaw. Bingo.

L’opinion publique découvre alors, dans les JT,  plein de nouveaux ministres: Eddy Boutmans, Vera Dua, Mieke Vogels, Jef Tavernier, ou encore Magda Aelvoet. Qui claqua les portes du gouvernement Verhofstadt lorsque celui-ci accorda une licence d’exportations d’armes vers le Népal, alors aussi pollué par la guerre civile.



Pour réconforter Emily et Olivier: comment Agalev s’est relevé de sa raclée de 2003



Réconfortant pour Emily Hoyos et Olivier Deleuze actuellement en pleine déprime- et preuve que rien n’est jamais vraiment perdu en politique- Agalev s’est pris, bien avant eux, une tatouille historique en 2003. Cette année-là, il perd carrément tous ses sièges au fédéral et est outé du 16 rue de la loi. Un an plus tard, nouvelle déculottade: il voit s’évaporer la moitié de ses sièges au Parlement flamand. Kleenex et, comme chez Ecolo aujourd’hui, licenciements en masse.



Commence alors une période complexe (dont on vous vous épargne les détails) jusqu’au moment ou, sous le nouveau nom de Groen!, (le point d’exclamation se veut “jeune”) le parti retrouve le moral (et 4 députés et 2 sénateurs). C’est alors qu’il consitue, à la Chambre, un groupe commun avec Ecolo, son parti frère… à éclipses.

Trois exemples:

-lorsque Ecolo et Isabelle Durant quittent le 16 rue de loi  en 2003, because déjà le survol aérien de Bruxelles, Agalev se garde bien de le suivre dans l’opposition.

-lorsque les écolos flamands entrent en son temp au gouvernement bruxellois (avec le SPa) , Ecolo, lui, reste dans l’opposition.

--pour ce qui est de la période 1999-2003 les dirigeants de Groen! découvrent à l’époque avec effroi (on cite l’excellent politologue Régis Dandoy) “que l’étiquette de partenaire non fiable dont était affublé Ecolo aurait été transportée vers les écologistes du Nord”.



Groen! désormais leader de la famille ecolo



Certes, Wouter Van Besien n’a pas ramené le Groen! new-look  au pouvoir, ni au Fédéral, ni à la Région flamande, ni dans les grandes villes du Nord. Mais il a réussi à transformer sa formation, à faire ”grandir Groen!” Dans toutes les acceptions du terme.

Pour la première fois depuis 1987, c’est Groen! qui prend le leadership dans la famille écologiste (358.647 voix contre 222.524 au tandem Hoyos-Deleuze). Olé. Renversement des rôles.

Et Groen! a un objectif clair: proposer aux flamands une opposition constructive substantielle.

Et on n’y perd pas de temps: c’est dès le lendemain des élections que Groen! - emmené à la Chambre par le jeune pétulant Kristof Calvo- a lancé sa nouvelle stratégie d’alternative constructive de gauche. Dribblant le SPa comme dans la fable du lièvre et de la tortue.

Folie politique; les socialistes du Nord veulent en fett se donner… deux ans pour se réinventer. Deux ans, on croit rêver.

C’est que les socialistes flamands sont dans une crise de leadership pas possible.

Bruno Tobback, fils de Louis, s’est révélé un président hautain, voire méprisant. Quant à  l’ex-ministre Johan Crombez, s’il enthousiasme certains socialistes francophones, ceux-ci attribuent à l’ancien Secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale des qualités que l’homme n’a peut être pas, même s’il fut excellent comme ministre.



John Crombez, déjà controversé au SPa



“Crombez, c’est un manque de charisme, nous explique, forcément en off, un leader du SPA. “C’est un homme qui a besoin d’une heure de discours pour placer un truc simple: il ne sait pas “vendre” son message. On craint même qu’il n’en arrive à vraiment faire plonger le Spa, déjà largement mis à mal par Bruno Tobback…”

Et de poursuivre: “ C’est déjà quasi foutu. Regardez: avec tout le soutien qu’il a en interne, il n’a pas vraiment osé “tuer” Bruno Tobback et prendre sa place. Il a hésité. Un accès de faiblesse qui en dit bien plus long sur lui et sur la manière dont il dirigera les socialistes flamands que n’importe quel discours  savamment préparé… “Avant de conclure, pessimiste: “J’ai peu d’espoir: le renouveau des socialistes flamands, c’est peut-être déjà fichu!”.

Avant les élections de 2014, Groen! a parfois évoqué l’idée d’un rapprochement avec le SPa: histoire de démontrer que les écolos étaient “constructifs’  et de prouver que, dans le fond, Bruno Tobback ne voulait pas de leur main tendue.

Aujourd’hui, très affaiblis, ce sont les socialistes flamands, qui agitent l’idée de s’appuyer à leur tour sur la “bonne image” de Groen!

Résultat des courses: peu de chances que la gauche du Nord se rassemble un jour prochain. Le Spa joue la “carte belge” avec le marketing toujours belgicain de Di Rupo et du PS. Groen! n’en a , lui, tout simplement pas besoin et n’est en rien demandeur. Fin des illusions.





Groen! pourrait encore monter dans les sondages



Aujourd’hui, Wouter Van Biesien a cédé la place à l’anversoise Meyrem Almaci, une politique qui joue à la fois sur la raison et l’émotionnel. Un personnage respecté  bien au delà de la gauche flamande, notamment de par ses interventions dans la Commission sur le scandale Dexia. Pas forcément une reine de la communication mais un atout certain: la fidélité à ses idées. Sous la présidence d’Almaci, qui peut attirer –sans les chercher- bien des votes allochtones au détriment du PVDA+-PTB, Groen! peut assurément  encores e développer.

Il ne nous étonnerait d’ailleurs point, dans les prochains sondages et Baromètres, que Groen! continue sa montée (+ 72.958 voix en mai 2014.)



Surtout si les partis de gauche (SPa) et de centre-gauche (le CD&V, du moins dans  sa partie liée au Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) devaient encore gaffer et  reculer.

Du côté de l’ACW, l’association avec le CD&V ne suscite plus forcément l’enthousiasme, surtout sous un gouvernement  #Michel1 qui ne cesse, de jour en jour, de durcir le ton, comme s’il cherchait plutôt délibérément l’affrontement avec le Front commun d’Action syndicale.

Un Mouvement Ouvrier Chrétien qui déciderait de ne  plus se lier automatiquement au CD&V,  voila qui bousculer le paysage politique flamand ! A voir. (de nombreux cadres du Mouvement Ouvrier chrétien sont déjà écologistes)



Groen! sous le gouvernement Di Rupo, a conçu et voté la 6ème réforme de l’Etat et ce … sans rien demander. C’est cette relative naïveté politique qui fait tout à la fois la force et la baiblesse des écolos flamands. 

Chez Groen, on n’est vraiment pas comme dans les autres partis: et les électeurs qui aiment ça restent fidèles. 

C’est aussi la faiblesse du parti d’Almaci: car obtenir les mêmes résultats sans jouer carrément le jeu  politique très classique du pouvoir, est noble. Mais tout aussi aléatoire.



Micherl HENRION