Wouter Van Besien, au dessus des Ecolos du Sud... |
Ce même Wouter Van Besien vient de quitter la présidence du
parti écologiste flamand avec une jolie plume à son chapeau. L’homme, sous sa
présidence, a réussi un sérieux challenge: transformer un mouvement sans
grandes structures, un parti quasi nostalgique de l’époque hippie (on pousse à
peine le bouchon), en un parti écologique sérieux, doté d’un programme
socio-économique assez responsable.
Bart de Wever se promène en Flandre avec un mantra de com’:
c’est sa fameuse forme TINA (“Il n’y a pas d’alternative”) . Eh bien, le pari politique de Groen! , c’est bel
et bien de tenter de démontrer qu’alternative il y a au Nord et que ce sont bel
et bien les écologistes de Flandre qui l’incarnent.
Surprise: la gauche a (un peu) progressé en Flandre
Ce que Wouter Van Besien avait pour ambition, c’était de
moderniser le parti pour qu’il puisse décrocher l’électorat “mainstream” (centre, centre-gauche).
Pari assurément réussi en partie: tandis qu’Ecolo s’écroulait
dramatiquement en Fédération
Wallonie-Bruxelles (à peine 222.254 voix en 2014 contre 313.047 en 2010 et
457.281 en 1999) Groen!, au Nord, s’adjugeait 358.947 électeurs et un siège de
plus. Le tableau étant encore un peu plus vert au Parlemand flamand avec pas
moins de trois parlementaires flamands en plus et 365.782 électeurs en soutien.
Ce n’est pas rien.
On ne l’a jamais photographié à sa juste mesure because le
succès spectaculaire de la N-VA, mais, le 25 mai 2014, le total en chiffres de
la gauche en Flandre (Groen+SPa +PTB-PVDA) a progressé alors qu’en Wallonie
(PS+Ecolo+PTB), il a plutôt régressé au profit de la droite.
La liberté sexuelle au programme`
Curieux destin que celui des écologistes flamands. Fondé par
le Jésuite Luc Versteylen, le mouvement prônait, à ses débuts, trois valeurs: “repos, solidarité et
sobriété”. Un doux mélange d’écolologie et de catholicisme progressiste. (on
sortait de l’esprit de “mai 68) Anecdote: les fondateurs choisirent d’abord le
nom d’Agalev, acronyme de Ander Gaan LEVen”, entendez “Vivre Autrement”). Le
hic, c’est que lorsqu’on se présente vraiment aux élections, la loi stipule que
chaque lettre doit avoir sa propre signification. Un brin farceurs, les
promoteurs d’Agalev affirmèrent au Moniteur que cela signifiait “Ander Gaan Arbeiden,
Leven, En Vrijen”. Soit aussi une allusion à la liberté sexuelle. ( “Aller au
travail, vivre, et avoir des relations sexuelles, différemment”)
Et, curieusement, cela marcha pas mal électoralement; Agalev
surfant, comme son parti-frère Ecolo, sur la vague environnementale porteuse
tout en s’appuyant sur les milieux associatifs flamands, son core-business.
A l’époque, Agalev gagne ainsi l’un ou l’autre siège
supplémentaire à toutes les élections: sept sièges en 1991, neuf sièges en 1999
lorsque les écologistes du Nord et du sud, portés par le
scandale alimentaire de la dioxine obtiennent près de 15% des voix. Woaw.
Bingo.
L’opinion publique découvre alors, dans les JT, plein de nouveaux ministres: Eddy
Boutmans, Vera Dua, Mieke Vogels, Jef Tavernier, ou encore Magda Aelvoet. Qui
claqua les portes du gouvernement Verhofstadt lorsque celui-ci accorda une
licence d’exportations d’armes vers le Népal, alors aussi pollué par la guerre
civile.
Pour réconforter Emily et Olivier: comment Agalev s’est
relevé de sa raclée de 2003
Réconfortant pour Emily Hoyos et Olivier Deleuze
actuellement en pleine déprime- et preuve que rien n’est jamais vraiment perdu
en politique- Agalev s’est pris, bien avant eux, une tatouille historique en
2003. Cette année-là, il perd carrément tous ses sièges au fédéral et est outé
du 16 rue de la loi. Un an plus tard, nouvelle déculottade: il voit s’évaporer
la moitié de ses sièges au Parlement flamand. Kleenex et, comme chez Ecolo
aujourd’hui, licenciements en masse.
Commence alors une période complexe (dont on vous vous
épargne les détails) jusqu’au moment ou, sous le nouveau nom de Groen!, (le
point d’exclamation se veut “jeune”) le parti retrouve le moral (et 4 députés
et 2 sénateurs). C’est alors qu’il consitue, à la Chambre, un groupe commun
avec Ecolo, son parti frère… à éclipses.
Trois exemples:
-lorsque Ecolo et Isabelle Durant quittent le 16 rue de
loi en 2003, because déjà le
survol aérien de Bruxelles, Agalev se garde bien de le suivre dans
l’opposition.
-lorsque les écolos flamands entrent en son temp au
gouvernement bruxellois (avec le SPa) , Ecolo, lui, reste dans l’opposition.
--pour ce qui est de la période 1999-2003 les dirigeants de
Groen! découvrent à l’époque avec effroi (on cite l’excellent politologue Régis
Dandoy) “que l’étiquette de partenaire non fiable dont était affublé Ecolo
aurait été transportée vers les écologistes du Nord”.
Groen! désormais leader de la famille ecolo
Certes, Wouter Van Besien n’a pas ramené le Groen!
new-look au pouvoir, ni au Fédéral,
ni à la Région flamande, ni dans les grandes villes du Nord. Mais il a réussi à
transformer sa formation, à faire ”grandir Groen!” Dans toutes les acceptions
du terme.
Pour la première fois depuis 1987, c’est Groen! qui prend le
leadership dans la famille écologiste (358.647 voix contre 222.524 au tandem
Hoyos-Deleuze). Olé. Renversement des rôles.
Et Groen! a un objectif clair: proposer aux flamands une
opposition constructive substantielle.
Et on n’y perd pas de temps: c’est dès le lendemain des élections
que Groen! - emmené à la Chambre par le jeune pétulant Kristof Calvo- a lancé
sa nouvelle stratégie d’alternative constructive de gauche. Dribblant le SPa
comme dans la fable du lièvre et de la tortue.
Folie politique; les socialistes du Nord veulent en fett se
donner… deux ans pour se réinventer. Deux ans, on croit rêver.
C’est que les socialistes flamands sont dans une crise de
leadership pas possible.
Bruno Tobback, fils de Louis, s’est révélé un président
hautain, voire méprisant. Quant à
l’ex-ministre Johan Crombez, s’il enthousiasme certains socialistes
francophones, ceux-ci attribuent à l’ancien Secrétaire d'État à la Lutte contre
la fraude sociale et fiscale des qualités que l’homme n’a peut être pas, même
s’il fut excellent comme ministre.
John Crombez, déjà controversé au SPa
“Crombez, c’est un manque de charisme, nous explique,
forcément en off, un leader du SPA.
“C’est un homme qui a besoin d’une heure de discours pour placer un truc
simple: il ne sait pas “vendre” son message. On craint même qu’il n’en arrive à
vraiment faire plonger le Spa, déjà largement mis à mal par Bruno Tobback…”
Et de poursuivre: “ C’est déjà quasi foutu. Regardez: avec
tout le soutien qu’il a en interne, il n’a pas vraiment osé “tuer” Bruno
Tobback et prendre sa place. Il a hésité. Un accès de faiblesse qui en dit bien
plus long sur lui et sur la manière dont il dirigera les socialistes flamands
que n’importe quel discours
savamment préparé… “Avant de conclure, pessimiste: “J’ai peu d’espoir:
le renouveau des socialistes flamands, c’est peut-être déjà fichu!”.
Avant les élections de 2014, Groen! a parfois évoqué l’idée
d’un rapprochement avec le SPa: histoire de démontrer que les écolos étaient
“constructifs’ et de prouver que,
dans le fond, Bruno Tobback ne voulait pas de leur main tendue.
Aujourd’hui, très affaiblis, ce sont les socialistes
flamands, qui agitent l’idée de s’appuyer à leur tour sur la “bonne image” de
Groen!
Résultat des courses: peu de chances que la gauche du Nord
se rassemble un jour prochain. Le Spa joue la “carte belge” avec le marketing
toujours belgicain de Di Rupo et du PS. Groen! n’en a , lui, tout simplement
pas besoin et n’est en rien demandeur. Fin des illusions.
Groen! pourrait encore monter dans les sondages
Aujourd’hui, Wouter Van Biesien a cédé la place à
l’anversoise Meyrem Almaci, une politique qui joue à la fois sur la raison et
l’émotionnel. Un personnage respecté
bien au delà de la gauche flamande, notamment de par ses interventions
dans la Commission sur le scandale Dexia. Pas forcément une reine de la
communication mais un atout certain: la fidélité à ses idées. Sous la
présidence d’Almaci, qui peut attirer –sans les chercher- bien des votes
allochtones au détriment du PVDA+-PTB, Groen! peut assurément encores e développer.
Il ne nous étonnerait d’ailleurs point, dans les prochains
sondages et Baromètres, que Groen! continue sa montée (+ 72.958 voix en mai
2014.)
Surtout si les partis de gauche (SPa) et de centre-gauche
(le CD&V, du moins dans sa
partie liée au Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) devaient encore gaffer
et reculer.
Du côté de l’ACW, l’association avec le CD&V ne suscite
plus forcément l’enthousiasme, surtout sous un gouvernement #Michel1 qui ne cesse, de jour en jour,
de durcir le ton, comme s’il cherchait plutôt délibérément l’affrontement avec
le Front commun d’Action syndicale.
Un Mouvement Ouvrier Chrétien qui déciderait de ne plus se lier automatiquement au
CD&V, voila qui bousculer le
paysage politique flamand ! A voir. (de nombreux cadres du Mouvement Ouvrier
chrétien sont déjà écologistes)
Groen! sous le gouvernement Di Rupo, a conçu et voté la 6ème
réforme de l’Etat et ce … sans rien demander. C’est cette relative naïveté
politique qui fait tout à la fois la force et la baiblesse des écolos flamands.
Chez Groen, on n’est vraiment pas comme dans les autres
partis: et les électeurs qui aiment ça restent fidèles.
C’est aussi la faiblesse du parti d’Almaci: car obtenir les
mêmes résultats sans jouer carrément le jeu politique très classique du pouvoir, est noble. Mais tout
aussi aléatoire.
Micherl HENRION