--> La célèbre chaîne de prêt à porter US Abercrombie & Fitch est en crise. Car le chiffre d’affaires de ses boutiques-discothèques parfumées est plutôt en deuil. L’image de la marque est désormais plombée, limite quasi ringarde. Et l’avenir de la firme pour le moins compromis, à force d’erreurs de stratégie et de dérapages en série. (“Beaucoup de gens ne correspondent pas à nos vêtements et ne le peuvent pas. Est-ce que nous faisons de l’exclusion? Absolument!” avait proclamé le boss d’Abercrombie dans une interview ravageuse pour son entreprise)
En fait, ce qui vaut pour une marque vaut souvent en
communication politique.
Retenez bien cette règle médiapolitique: si le discours est
raté plusieurs fois, le mal est fait.
Abercrombie & Fitch, au départ c’est un peu comme le
gouvernement #Michel1: avec un fort atout anticonformiste. Entendez la famille socialiste exclue du pouvoir
fédéral pour la première fois depuis 1987. Et l'aarivée de la N-VA. De quoi théoriquement donner, à
l’instar d’Abercrombie, au gouvernement
#Michel1 une forte identité
de marque politique. L’occasion unique de faire diminuer, par exemple, impôts
et charge fiscale.
Sur ce plan, le tissu noué pendant les négociations de la
coalition n’était, dès le départ -à l’instar des fringues d’Abercrombie- pas de
la meilleure qualité.
La fameuse “réforme fiscale audacieuse” de la campagne
électorale du MR avait déjà été
rangée dans l’arrière-magasin de la rue de la Loi “jusqu’à la seconde partie de la législature, jusqu’à ce
qu’elle soit finançable par les effets retour des mesures des deux premières
années”. (dixit le ministre MR du Budget)
Passe encore: chez Abercrombie & Fitch, le client n’y
voit pas toujours très clair non plus puisque c’est tout noir et qu’on n’y
entend souvent que pouic puisque la musique est forte. Bref, le produit est
presque un prétexte. #Michel1 pouvait donc parfaitement, même sans réforme
fiscale, vendre sans trop de peine le marketing du “gouvernement du courage”
favorable aux classes moyennes. Et tous les partis de centre-droit de la
coalition en récolter uniment les fruits au bout de la législature.
Le choix du CD&V: relayer l’opposition sociale
Pour sa garde-robe, le prince Laurent est encore un habitué
d’Abercrombie & Fitch: pour Yves Leterme, on est moins sûr, même si notre
ancien Premier Ministre CD&V a d’évidence certains talents personnels de
séduction qui peuvent rivaliser avec ceux des célèbres vendeurs de la marque
US.
Certains francophones ont ainsi eu tort de sourire l’autre
matin, lorsque, au micro de Martin Buxant (BelRTL), le dénomméYves Leterme -qui
doit sa carrière à l’aile démocrate-chrétienne du CD&V- a plaidé pour plus
d’ “équité dans les efforts”,
entendez fiscaux.
Sa sortie n’était nullement une gaffe “à la Leterme”, mais
bien l’expression de la stratégie même du CD&V, fut-elle un peu bizarroïde.
La presse du Nord rappelait il y a peu cette formule d’Herman Van Rompuy selon
laquelle, “dans un gouvernement avec des libéraux, tout Cd&V se
métamorphosait en membre du Mouvement Ouvrier Chrétien” (ACW, un des piliers du
CVP-CD&V).
L’adage se confirme: le Vice-Premier Ministre Kris Peeters,
pourtant issu de l’Unizo (patronat des PME flamandes) se veut aujourd’hui le “visage
social” du gouvernement #Michel1. Et n’est pas le dernier à réclamer une plus
forte taxation du capital. Et Koen Geens, autre CD&V désormais Ministre de
la Justice après son passage aux Finances, a lancé au passage un débat sensible
sur les moyens budgétaires de la justice belge.
C’est que le scandale #Luxleaks (les petits arrangements
fiscaux au Luxembourg), la révélation des conventions fiscales pour le moins
singulières d’AB Inbev, le PDG d’Omega Pharma qui ne doit pas payer un euro de
taxe sur l’énorme plus value réalisée sur la vente de ses actions (600 mio d’€)
et le blanchiment d’argent de diamantaires anversois via la banque HSBC, ont
créé un tout autre climat.
La N-VA prête à agiter d'autres dossiers
A tel point que la N-VA, qui sait humer l’opinion publique,
a fait mine d’entrouvrir la porte à une taxation du capital. Mais à ses
conditions puisque le CD&V semble avoir choisi de relayer l’opposition de
la démocratie chrétienne. Et puisque ce n’est pas dans la Bible
gouvernementale, a dit en substance Hendrik Vuye, professeur de Droit
Constitutionnel à Namur et désormais malin chef de groupe N-VA à la Chambre,
“il faudra alors reparler d’autres dossiers”
Entendez, pour qui se souvient des négociations
gouvernementales, réouvrir par exemple le dossier de la limitation des allocations
de chômage dans le temps.
Ce qui, avec 128.000 syndicalistes dans la rue et les
nouvelles grèves tournantes provinciales, est donc impensable: le CD&V ne
fera pas plus aujourd’hui une telle concession qu’hier.
Le terrain de la perception vient donc d’être sensiblement
modifié: si les attaques de l’opposition confortent plutôt l’entente entre
leaders MR et N-VA, le Cd&V, lui, a opté pour la stratégie du contrepoids
social dans un gouvernement de centre –droit. Wouter Beke n’entend nullement
retirer la prise mais n’en valide pas moins une partie des critiques des partis
de gauche.
Stratégie de com’ complexe: l’électorat flamand est
volatile. Et vendre de concert une “message de majorité” et un “message de
quasi-opposition” est chose périlleuse.
Le surpoids de la N-VA
Bref, même si on ne sait pas trop bien à quoi le CD&V
joue, ce n’est pas idéal pour l’image du gouvernement #Michel1. Qui a déjà bien
du mal à tenter de faire oublier, chez les wallons et les bruxellois, non pas
la participation de la N-VA au gouvernement, mais bien le surpoids surprenant
des nationalistes dans la coalition.
Si, versus francophone, la communication du PS doit prendre
garde à n’être pas “revancharde”, celle du MR se devrait à être moins
“discriminante”. Car si des dérapages en série – les chiffres de Jacqueline
Galant, le nucléaire de Marghem- peuvent certes ternir une marque (c’est ce qui
s’est produit chez Abercrombie) il n’est rien de pire, en communication, que le
ton d’exclusion.
“Il faudrait que quelqu’un se fasse lifter, dispose de
deux voitures diesel, fume trois paquets par jour et boive deux bouteilles de cognac pour que les fins de mois
soient plus pénibles” a lancé ainsi l’autre
jour le ministre #MR Hervé Jamar.
C’est le quotidien financier De Tijd, peu suspect d’être gauchisant, qui relevait l’autre
jour que le gouvernement #Michel était dangereusement en passe de n‘être plus
vu que “comme une coalition défendant seulement les riches” et plus seulement “de
kleine man” ( M. Tout-le-Monde, le “petit”)
De fait, il ne faut jamais, en politique, enfermer le
ressenti des gens dans des cases.
Car c’est
précisément pour ce genre d’erreur que le boss d’Abercrombie & Fitch
doit désormais aller se rhabiller.