La rue de la Loi vit sur des
sables mouvants. Car, au delà de tous les effets de manche pré-électoraux, il
n’y a qu’une seule chose bien tangible qui comptera au soir du 25 mai prochain:
les pourcentages des urnes. Car ce n’est nullement la popularité qui décide
d’un Premier Ministre: et cela vaut tant pour une Maggie De Block qu’un Elio Di
Rupo. Ce dernier étant le premier à savoir qu’il ne doit sa présence au 16 rue de la Loi qu’à un fort
résultat du PS -qui n’est plus garanti en 2014- et à une conjonction politique
rare, quasi miraculeuse. Et l’homme a assurément visionné, il y a quelques
mois, cette émission de la chaîne flamande “Vier” ou des présidents des partis
flamands se claquaient plus ou moins pudiquement les cuisses à la seule idée
d’un “Di Rupo 2”…
Question tabou: à défaut de
Di Rupo, qui d’autre?
C’est parce que cette
question existe qu’il importe de prêter beaucoup d’attention à Koen Geens, le
poulain du véritable “numero uno” des démocrates chrétiens flamands, entendez
Kris Peeters. Ce professeur de la
KUL devenu inopinément ministre des Finances et à qui Didier Reynders- qui n’a guère le compliment facile et
ne fait que peu par hasard- décernait encore l’autre jour une bonne note de
sept sur dix chez Pascal Vrebos.
Parachuté en mars dernier
pour succéder au falot Steven Vanackere, qui trébuchait sur le scandale
Belfius-Dexia-ACW (un trop fort cordon ombilical avec les intérêts du Mouvement
Ouvrier Chrétien flamand), cet avocat d’affaires est- avec Jean-Pascal Labille
du côté francophone- la vraie révélation politique de l’année écoulée.
Avec une ambition chevillée
au corps mais soigneusement masquée dans le plus pur style d’un Herman Van
Rompuy. Vous savez bien: ce petit
homme si fluet si discret, que nul n’aurait parié un euro qu’il serait
aujourd’hui Président de l’Europe.
L’ex-pilote très flamand de
«Flandre en action», ce projet qui
entend faire du Nord une des plus dynamiques régions de l’Union européenne à
l’horizon 2020, est clairement un politique pour le moins doué. C’est que
l’homme a une aisance rhétorique qui lui permet assurément de tenir tête à Bart De Wever, roi du genre. C’est
que l’homme a de l’humour, le goût de l’auto-dérision et surtout le don du
feeling politique, pas si répandu
que ça dans les partis.
C’est passé quelque peu
inaperçu dans les médias francophones, mais la manière dont Koen Geens a
manoeuvré pour ce qui est de ses récentes propositions fiscales contrées par
les libéraux flamands (carnets d’épargne, etc) , la façon dont il a in fine gagné la bataille de la com’ et de la perception, est
assez médiapolitiquement passionnante.
Forcé au compromis (en avoir
le sens, c’est toujours noble, ça, en Belgique), son brio, son bagoût ont
transformé la reculade obligée en mini-victoire politique. Aux frais de
l’OpenVLD, photographiée comme se cantonnant à de stupides petits jeux pré-électoraux, comme une
formation se trompant à chaque fois de bataille. Qui ne pipe mot lorsque le SPa
John Crombez laisse entendre que les patrons de PME sont de joyeux fraudeurs
mais qui s’égare à faire échouer tout le symbolique “plan anti-alcool”.
Or, chaque jour qui passe
montre que, mine de rien, feu le cartel CD&V-N-VA a tout du mort bien
vivant. Surtout dès qu’il s’agit de socio-économique, qui sera assurément le
grand thème dominant de la campagne électorale d’après 6ème réforme de l’Etat.
On peut multiplier les
hypothèses de coalition: une chose paraît claire. Fut-il diminué, le CD&V a
de bonnes chances de se retrouver au coeur du jeu, pouvant faire pencher la
balance vers le centre droit, le centre gauche, voire même une improbable
coalition qui mixerait N-VA et PS.
Pour Kris Peeters, le
stratego a de quoi faire rêver: lui-même se maintenant comme Premier Ministre
flamand et son ancien chef de cabinet et ami susceptible de ramener le “16”
àcelui qui se considère comme seul habilité à s’y installer: le CD&V.
Maggie De Block n’est qu’un
pur produit de circonstances: Koen Geens “is the real deal” .
Si pas en 2014, à l’étape
suivante.
Michel HENRION