Vrai produit politique en
devenir ou phénomène passager…
DE QUOI MAGGIE DE BLOCK
EST-ELLE LE NOM ?
A sa nomination, ce modèle
pour Botero fut injustement la risée de la rue de la Loi. Aujourd’hui, sans
correspondre à aucun copié-collé des normes du marketing électoral classique,
elle est l’arme massive des libéraux flamands. Puisque l’OpenVLD, “c’est, ah
oui, le parti de Maggie De Block”.
Celle avec qui la politique ressemble à une téléréalité régionale: avec un beau
retour aux valeurs du Nord (“Werken,
niet babbelen”*) et de bons
personnages bien carrés.
Question: de quoi Maggie De
Block est-elle donc le nom?
La fausse débutante.
1) A coups de formules
désarçonnantes (“Ce qui est gai en politique, c’est qu’on peut dire
n’importe quoi”, “Je fais mon petit possible”), Maggie De Block aime cultiver un côté néophyte en politique. “Je
suis sortie de nulle part”,
aime-t-elle répéter. Rien n’est plus faux: lorsqu’elle coupe un ruban inaugural
à Merchtem, au Nord de Bruxelles, le bourgmestre n’est autre que son pointu
frère Eddy. Et la présidente du CPAS local n’est autre que sa fille Julie. Qui
y succèda à son papa, le mari de Maggie, par deux fois échevin. Membre du parti
depuis ses 16 ans, c’est du sang politique familial rhésus PVV-VLD qui coule
dans les veines bleues du Dr De Block. Et les couloirs complexes du Parlement,
elle les connaît comme sa poche depuis 2003 (elle fut Secrétaire de la
Chambre), bien avant d’être élue en juin 1999. Sans grande concurrence dans sa
circonscription, Mme Tout le Monde y récoltera assurément, en mai 2014, un joli
score dans son panier de ménagère revenant du marché. C’est beaucoup moins sûr,
ailleurs, pour l’OpenVLD, de moins en moins flamand, toujours si influencé par
Guy Verhofstadt, le thatchérien devenu libéral de gauche anti-nationaliste…
De même, lorsque le dandy
Alexander De Croo la branche, en 2011, sur la prise de l'Asile, de
l'Immigration et de l'Intégration sociale, Maggie fait un peu trop mine
d’ignorer tout de ces dossiers. S’il est vrai que, simple parlementaire, elle
s’intéressait plutôt au prix des couronnes dentaires ou à l’absentéisme à la
Poste, elle n’en posait pas moins nombre de questions tantôt sur la disparition
des mineurs des Centres d’Asile ouverts ou tantôt sur le “critère de l’orientation
sexuelle pour ce qui est des réfugiés politiques”… Sans assurément connaître
tout des arcanes subtiles du secteur, elle ne débarquait pas non plus en terre
inconnue. Et, pour la première fois, non controversée , de la droite au
centre-gauche au pouvoir.
Elio Di Rupo, interrogé il y
a peu sur les renvois de réfugiés, a laissé échapper l’aveu:“Ce sont des politiques que la coalition mène pour
faire en sorte de ne pas faire éclater le pays.”
Entendez qu’il s’agit avant
tout de renforcer l’OpenVLD et autres flamands face à la N-VA. Maggie De Block
s’est donc retrouvée servie par des circonstances exceptionnelles:
l’autorisation politique d’agir sans être contestée. Elle n’est pas ligotée
comme le fut Annemie Turtelboom sous Leterme et Van Rompuy.
La porte fermée aux
émotions.
2) Maggie De Block est-elle
une personnalité à la volonté aussi réelle que son physique de femme forte?
Assurément pas pour elle-même: si elle assume et use de son physique affectif
et “maternellement” freudien , la
contradiction entre son métier de médecin et son obésité est la question
qu’elle fuit toujours obstinément à l’aide de l’une ou l’autre pirouette.
Tactique de fuite qui chasse aussi apparemment, dans son métier, toutes les
émotions qui pourraient flouter sa grande mission politique. Comme si elle
avait décidé de fermer sa porte aux sentiments en ne se raccrochant qu’à des
textes administratifs arides: ceux de la législation belge, de l’Europe ou de
l’ONU. Ainsi, pour ce qui est de son dossier le plus délicat (les réfugiés
afghans et leurs enfants, scolarisés et parfois nés en Belgique) de son refus
obstiné de se rendre perso en Afghanistan. Surtout ne pas se retrouver à “voir”, de ses yeux voir, la réalité d’un terrain promis au
retour des lois talibanes. Toujours se retrancher derrière les avis incontestés
et incontestables de ses administrations et n’user point trop de son pouvoir
discrétionnaire, comme si elle était Secrétaire générale d’administration, pas
de ces ministres fous de politiques qui, au delà de leurs défauts, ont une
flamme dans le regard.
On peut donc lire tout à la
fois Gabriel Garcia Màrquez et adopter l’attitude d’un célèbre préfet de Judée.
La jovialité de Maggie De
Block est un piège, un roc, allez, disons-le, un bloc sur lequel se fracassent
toute question exprimant un doute. Tous ceux qui croisent le fer avec elle, qui
contestent ou cherchent simplement à mieux établir le bilan réel de ses
actions, se rejoignent assez: Maggie-la-libérale-sociale se veut sourde. Elle
refuse le débat, elle ponce-pilate, fuit la discussion, déteste la
contradiction, n’aime guère qu’on soulève des questions dérangeantes, répugne
régulièrement à fournir des chiffres et statistiques précises, préférant qu’on
lui “fasse confiance”. Car la
réalité du terrain, fait de milliers de réfugiés aussi clandestins que
discrets, diffère pour le moins de ses statistiques tellement en baisse. Qui
lui ont permis -coup de maître en com’ pour démontrer àla Flandre qu’elle était
vraiment la “bonne gestionnaire”- de se permettre de reverser 90 millions d’€ à
l’Etat. Quitte à rogner aussi au passage des budgets sur une autre de ses
attributions: l’aide aux SDF. Alors que les infrastructures d’accueil pleurent
chroniquement, manque de moyens.
Une sympathisante de la cause
des afghans, pas du genre militante excitée à propager portnawak, se dit
toujours estomaquée par la réponse que lui aurait faite Maggie lorsqu’elle a
essayé de dialoguer. Ça aurait donné à peu près ceci :
- Mais vous savez, ils ont
froid dans cette église du Béguinage ! (le lieu ou les afghans ont trouvé
refuge à Bruxelles)
- C'est la faute du
prêtre, il n'avait qu'à pas les accueillir…
Humour made in Merchtem.
D’autant plus troublant que De Block ne veut pas non plus être vue comme une
“Dame de Fer” qu’elle n’est pas.
Le frère bourgmestre et
flamingant
3) Il est d’autres sujets que
Maggie déteste: ceux qu’elle maîtrise mal. Car- et c’est ici qu’il faut
relativiser sa popularité toute récente- Maggie n’est pas, comme on dit, un “animal
politique”. Elle doit précisément son
succès du moment à n’apparaître qu’efficace et peu politicienne.
C’est le piège qui peut se
refermer sur elle. Si elle est populaire, l’OpenVLD ne l’est guère. Et les
départs vers la N-VA (le dernier en date étant carrément celui de l’ancien
colistier de Gwendolyn Rutten à Louvain) n’arrangent pas le tableau. D’où la
tentation de la mettre fortement en avant d’ici mai 2014.
Tiens, avez-vous jamais
entendu Maggie De Block, qui habite pourtant dans la périphérie de Bruxelles,
s’exprimer sur le communautaire?
Or, sur le sujet, son frère
Eddy, son bourgmestre, est plutôt du genre agité. C’est Eddie De Block qui
refusait d’organiser des élections si BHV n’était pas scindé. C’est Eddie le
frérot qui avait essayé de faire
interdire l’usage de toute autre langue que le néerlandais dans les écoles de
la commune: autant d’ailleurs entre parents et enseignants qu’entre enfants.
C’est encore Eddy De Block qui avait décrété l’interdiction des panneaux et
affichages des marchands ambulants du marché local en d'autres langues que le
néerlandais (ce fut cassé par le Gouvernement flamand)
Avez-vous ouï Maggie De Block
causer fiscalité, économique, budget? Après avoir présidé le dernier congrès
des libéraux flamands –celui ou Gwendolyn Rutten s’est excusée pour les mesures
fiscales adoptées par les libéraux- Maggie fit sourire toute la Flandre en
n’arrivant à formuler aucune réponse à la question toute bête d’un journaliste:
“Combien ça coûte?”. (2) Euh. Et
interrogée l’autre week-end par Pascal Vrebos sur le fameux “Bonus de
liquidation des entreprises” (qui passera de 10% à …25%, cauchemar de nombreux
indépendants en fin de carrière) disons pudiquement que sa réponse flottante,
constellée d’hésitations, n’était guère convaincante.
Bref, dans un débat face à un
Kris Peeters où à un Bart De Wever- dont les assises de popularité sont toutes
autres- on demande à voir.
Les femmes en politique sont
toujours soupconnées du péché de séduction. Tout le battage médiatique qui a
inventé, amplifié le personnage hors-normes de Maggie, créé le hype, a ses évidentes limites. Le marketing
de la “nouvelle modestie”, le
mythe de la “femme normale” venue
s’asseoir quasi par hasard rue de la Loi retombera aussi. Dura lex sed lex,
aussi en médiapolitique.
L’asile et l’immigration,
problématiques sensibles
4) C’est la première fois que
les dossiers de l’asile et de l’immigration sont, dans ce pays, quelque peu
traités dans l’esprit du “Bastion Européen” qui se constitue peu à peu et où la Méditerranée
devient, dramatiquement, un cimetière.
Maggie profite grandement de
cette magie du commencement. Qui fait appliquer des règles, dans un domaine ou
c’était, à tort où à raison, rarement le cas. En version plus sociale, “open
mind”, elle répond ainsi à cette même angoisse migratoire qu’ un Sarkozy a tant
utilisée pendant son quinquennat. Cette problématique là est très sensible en
Flandre, après un passé jugé “bien trop laxiste”. Lorsque ce contexte
s’affaiblira, l’effet s’estompera.
Et ne pas s’y tromper:
lorsqu’elle se proclame sans cesse“Sévère mais juste”, De Block n’est pas loin de recycler les campagnes
électorales qui, jadis, firent gagner les socialistes flamands de Louis
Tobback. Qui proclamait itou la nécessité d’attitudes très fermes pour sauver
la Sécurité Sociale.
Dans le fond, c’est sans
doute ce côté strict, efficace, cette énergie à se montrer “bonne
gestionnaire”, parfois jusqu’à l’absurde ou l’injuste, qui sera la meilleure
carte pour l’avenir de Maggie De Block, future ministre qui sera toujours plus
technocrate que généraliste de la politique.
Reste à voir si, responsable
par exemple de la SNCB, elle pourrait être aussi populaire en faisant en sorte
que les trains arrivent enfin à l’heure. C’est qu’un CEO public, ça se croit
désormais supérieur à un(e) ministre. C’est qu’un cheminot en colère, dans
l’histoire sociale belge, ça ne se laisse pas reconduire aussi facilement qu’un
réfugié.
Michel HENRION.
(1)“Travailler, ne pas
bavarder”
(2) Le flop de Maggie, qui a
fait sourire toute la Flandre, en vidéo :
http://deredactie.be/cm/vrtnieuws/videozone/Gezien%2Bop%2Btv%253F/1.1771845