“ Le confédéralisme, c’est
un mot-valise”, lâchait il y a peu
Paul Magnette, président ff
du PS, à RTL-TVI. De fait, puisque
dans la grande consigne empoussiérée où l’on remise les mots politiques
d’opportunité, on peut archéologiser et dénicher un orateur qui, dans une
session extraordinaire de la Chambre, l’après-midi du 14 mai 1988, se référait
à l’auteur de la célèbre “Lettre au Roi” de 1912 .
“ Comme l’affirmait Jules
Destrée, nous devons faire face à une grande réalité: il n’y a pas de Belge,
c’est à dire que la Belgique est un Etat politique, qu’elle n’est pas une
nationalité“
“La fusion des Flamands et
des Wallons, artificiellement opérée en 1831, s’est avérée, au fil du temps un
mélange hétérogène, parfois explosif. Et il est vain de souhaiter son
maintien”.
“En revanche, poursuivait l’orateur- un certain Elio Di Rupo- l’avènement
d’une Belgique fédérale ou confédérale à édifier de façon équilibrée et stable
répondrait aux aspirations des deux Communautés, et chacune pourrait y tirer
profit efficacement de sa différence culturelle et économique”. Vous avez bien lu: “fédérale ou confédérale”. Mais le Premier Ministre d’aujourd’hui se profilait
déjà puisqu’il ajoutait cette phrase qu’il pourra tout aussi bien placer à
l’envi dans la campagne électorale du printemps prochain: “ L’accord de
gouvernement constitue une des dernières chances de ne pas diviser notre pays
de manière anarchique”.
Qu’un politique endosse des
rôles différents au fil de sa carrière, défende des opinions évolutives, rien
que de plus normal. En 1988,
c’était encore l’époque du carrousel fouronnais et la Région de
Bruxelles-Capitale n’avait même pas mis en place ses organes législatif et
exécutif. C’est dire.
Non, le phénomène intéressant
en marketing politique, c’est la rapidité avec lequel l’élu d’aujourd’hui se
doit d’être flexible, adaptable. Comme l’a si bien relevé l’analyste français
Christian Salmon, “la versatilité
n’est plus un défaut, ni une preuve d’opportunisme. Bien au contraire, elle
est exigée de l’homme politique
qui doit se reconfigurer sans cesse pour capter l’attention”.
C’est, mine de rien, la main
tendue au CD&V de Kris Peeters et à son “confédéralisme positif”, entendez
surtout flou. Adaptation encore: on ne se distancie nullement du
confédéralisme: on le met juste un temps dans le bon vieux frigo ronronnant
trouble qui a si souvent servi à Martens, Dehaene ou Leterme. On y va, mais à
un rythme moins rapide. A ce petit jeu du caméléon, c’est l’OpenVLD de
Gwendolyn Rutten qui fait le plus
fort en jouant carrément l’amnésie collective. Pour un peu, on y attribuerait
désormais ce point (adopté en 2002 par 128 voix contre 122) aux seuls méfaits
de l’attirance d’un bar de congrès.
On y votera bientôt pour essayer de gommer le mot confédéralisme du
programme bleu et y mettre en avant le “fédéralisme de coopération”. Un concept
tellement coopérant qu’il postule aussi de légers détails comme la fin de la
parité au gouvernement fédéral ou l’étouffoir de la sonnette d’alarme si chère
aux francophones.
Mine de rien, le
transformisme en politique, tient
souvent du fildeférisme. Il faudra décidément bien du talent au CD&V pour
expliquer le subtil distingo entre son confédéralisme positif et celui de
DeWever. Il faudra carrément du génie à l’OpenVLD pour faire comprendre pourquoi le confédéralisme dont il ne
veut plus était, au fond, bien meilleur que le confédéralisme de la N-VA.
Les conseils d’Arturo
Brachetti sont les bienvenus.
Michel HENRION