-->
Au Parlement, on a vu souvent
des entrepreneurs se muer en politiques. Désormais, on y croise aussi des
politiques qui mutent entrepreneurs. Pour le goût du pouvoir. Ou celui de
l’argent. C’est que les rémunérations hyperboliques des CEO publics ou des
cadres de la finance ont fait naturellement saliver d’aucuns, n’ayant pour
vivre que leurs indemnités d’élus. Dont on découvre, aux hasards de l’actu, que
certains ont constitué par exemple une mini-société de “conseil”: qui n’a
généralement qu’un ou deux clients, genre intercommunale ou société publique.
Tout comme d’autres- fréquemment des avocats élus- monnaient leur entregent et
leurs carnets d’adresse. Or, si le pouvoir a ses délices, il a aussi ses
poisons. Et les “affaires”, en politique, c’est un mal fulgurant. Il frappe ces
temps-ci, comme un ouragan, le Vice-Premier Ministre Johan Vande Lanotte,
l’homme fort du SPa, celui qu’on a surnommé “l’Empereur d’Ostende”. Bruno
Tobback, le président des socialistes flamands, a beau dire sans rire “que
Vande Lanotte avait fait plus pour cette ville que Léopold 2”, le coup est
rude. Il s’y occupe, il est vrai, de tout, le passionné de basket-ball: de son
club (sponsorisé par Telindus, d’où deux ans d’enquête du Parquet), du port
(qu’il présida), de la mer (l’homme s’est fait désigner aussi Ministre de la
Mer du Nord) et même du vent qui court. Ce vent qu’Electrawinds a capté dans
ses filets de société d’énergie verte (éolien, biomasse, solaire), ceux-ci
pêchant au fil des années des dizaines de millions d’euros publics. Et peu
importe que Vande Lanotte en fut encore ou non le Président en titre: son nom
suffisait à décrocher les lignes de crédit jusqu’au jour ou le système pyramidal
Electrawinds a forcément chaviré.
Vous souvenez-vous, au moment
de la fermeture de Ford-Genk, du discours de niveau 9 sur l’échelle de
l’émotion, de la députée flamande Meyrame Kitir (issue du site limbourgeois)
suppliant que l’on fasse quelque chose pour sauver l’usine historique? On fit
peu: mais Electrawinds engrangea, elle, encore plein de millions d’euros: 152
au total.
Mal pris, car ce qui n’est
pas illégal n’est pas forcément acceptable, car borderline du conflit
d’intérêts, l’homme a lancé sa défense: ce n’est évidemment pas un hasard sir
Freya Vanden Bossche a proposé soudain de média-clinquantes mesures anti-cumul
auxquelles Vande Lanotte souscrit illico presto. Alors que ce qu’on reproche à
Vande Lanotte n’a rien à voir avec les cumuls. C’est la vieille technique du
contrefeu: “ If you can’t convince them, confuse them”.
On vous passe les péripéties
du dossier: car ça n’ira pas beaucoup plus loin. D’autant plus que tous les
rouages publics, pour le moins très politisés, qui ont alimenté l’entreprise
foireuse en argent frais impliquent tous les autres partis, y compris la
N-VA.(via le fondateur d’Electrawinds)
La Reine Fabiola a finalement
eu moins de chance, avec sa Fondation, que Johan Vande Lanotte:
Fons Pereos, non plus, n’avait rien d’illégal. Cela manquait
juste d’éthique élémentaire, comme les habitudes prises par ce drogué de pouvoir qu’est Vande
Lanotte qui vient de faire nommer, comme CEO surprise de la SNCB, son propre
successeur à la Présidence d’Electrawinds, M. Jo Cornu.
Tiens, tout juste avant la
débâcle publique. Tout comme juste avant le désastre de la Sabena, lorsque
Vande Lanotte, déjà un brin léger, s’était fait rouler dans la farine par
Swissair.
Johan Vande Lanotte, ce fou
de basket, nous ferait plutôt penser à Lance Armstrong. Là aussi, tout le monde
savait plus ou moins ce qui se passait mais nul ne voulait vraiment le voir.
Parce qu’on intimidait (Vande Lanotte menace de procès, se fâche sur une
journaliste de Terzake-VRT), parce qu’on rassurait. Ainsi la belle image de
Johan Vande Lanotte se détricote-t-elle en Flandre à coups d’accrocs douteux,
mais l’Empereur d’Ostende n’est pas encore nu.
C’est le destin de nombre de
politiques. Qui se croient intouchables jusqu’au détail de trop, au tour de
passe-passe de trop. Et il n’est dès lors d’autre issue que la retraite. Et la
présidence du club de basket local. Ou là, on joue en éthique.
Michel HENRION