Pas malin. Pas bon pour un parti qui, malgré un vague relooking
idéologique s’ouvrant à la liberté économique, aurait –si l’on croit les
sondages- perdu encore bien des plumes électorales. A tel point que toutes les
“gauches” confondues (SP.a, Groen, PVDA+) ne pèseraient plus qu’un bon 21% au Nord du pays.
“Avec la N-VA, la Flandre a viré à droite” entend-on souvent
comme antienne, versus francophone.
Vite dit. Car l’électeur qui affectionne aujourd’hui Bart De
Wever est souvent celui-là même qui, il y a dix ans, votait pour « Steve Stunt
» (« Steve tour de force »), entendez Steve Stevaert (qui s’adjugeait 600.000
voix de préference) Avant que ce président du SP.a n’abandonne la politique
pour se lancer dans les affaires et tuer son image dans des épisodes foireux,
avec ou sans sextape.
Vite dit. Car il est des nationalistes flamands au coeur à
gauche qui votent momentanément N-VA, parce qu’elle leur apparaît comme le
véhicule politique le plus direct pour conduire la Flandre à l’autonomie.
L’exemple le plus connu est celui de Jef Turfs, ancien président du défunt
Parti Communiste belge.
Vite dit: car la curiosité anatomique de la Flandre
actuelle, c’est que la main qu’elle affectionne désormais, ce n’est ni la
gauche, ni la droite, c’est plutôt tout simplement celle qui lui montre le
chemin de l’efficacité.
Ce n’est pas la Flandre qui a tant changé: c’est
l’environnement. L’effondrement de “l’Etat CVP” et surtout l’éclatement de la
bulle économique qui permettait à Steve Stevaert de faire pousser les arbres
jusqu’au ciel et d’offrir les transports en commun gratos…
Aujourd’hui, le storystelling qui plait en Flandre, c’est
l’adaptation à la nouvelle donne de l’économie de crise. Il convient de
“responsabiliser”, de “réformer”, de “restructurer” la Belgique, quasi à
l’instar d’une entreprise. C’est pour ça que le discours d’un Bart De Wever
fonctionne si bien en Flandre: c’est souvent ressenti comme assez peu
idéologique et plutôt comme de la bonne gestion de temps de crise. C’est cela,
la crise de la gauche en Flandre.
Pour les socialistes flamands, il est loin le temps ou
triomphaient ceux qu’on appelait les “4 Télétubbies”, du nom de cette série
pour très jeunes enfants mettant en scène les aventures de quatre personnages
très colorés. A savoir le quatuor
Steve Stevaert, Patrick Janssens, Frank Vandenbroucke et Johan Vande Lanotte.
Tous médiatiques, populaires, proches des flamands qui, richesse économique
aidant, leur faisaient confiance.
L’emblématique Steve Stevaert évaporé, Vande Lanotte n’a
cessé d’user son parti. Battu par Leterme et Verhofstadt, il propulsera une
incertaine Caroline Gennez, quasi inconnue, comme successeur. Laquelle laissera
comme seul souvenir d’avoir eu la riche idée d’écarter Frank Vandenbroucke, et
de le renvoyer à l’Université. Quant à Patrick Janssens, son seul titre est
d’être désormais l’ex-bourgmestre d’Anvers, celui battu par De Wever.
Aujourd’hui, le SP.a, sous l’influence du dernier des
Télétubbies, Johan Vande Lanotte, ne donne plus que l’image d’un parti juste
accro au pouvoir. Sans même prendre encore la peine de camoufler ça derrière
l’un ou l’autre récit idéologique.
L’incroyable feuilleton de la nomination du CEO de la SNCB
en est le témoin: Vande Lanotte, le “ministre des nominations” n’entendait y
nommer qu’amie proche ou, en désespoir de cause, proche ami.
C’est le système belge qui est la police d’assurance du
SP.a. Tant que le PS est fort en Wallonie, il est presque sûr de boire le
pouvoir rose. Jusqu’à devenir aussi paresseux et maladroit que Tinky Winky. Ce
n’est pas tant la Flandre qui a viré à droite: juste les Télétubbies qui se
sont suicidés. Avec une grande efficacité.
Michel HENRION.