Aujourd’hui, la com’
politique n’a plus pour but de pondre de jolis slogans, ni même de narrer de
belles histoires. Les illusionnistes du métier visent désormais, mine de rien,
à “envoûter” les esprits. Il convient donc, plus que jamais, de se méfier des
incantations abracadramédiatiquement assommées comme autant de vérités. Ainsi
du climat de pensée magique autour de la “Nouvelle Belgitude”.
Cinq éléments de réflexion:
1) Une des clés fortes de
compréhension de ce pays est qu’il n’a guère de mémoire collective commune. La
Flandre, fut-elle prospère, se vit
toujours avec un historique sentiment collectif de frustration vis à vis
des francophones, même si ceux-ci sont vus plus comme gaspilleurs-profiteurs
que dominants. Les francophones, eux, vivent encore avec l’image subliminale de
la riche Wallonie d’antan, si généreuse pour le Nord, et réclamant dès lors le
maintien de la solidarité interpersonnelle si chère à Di Rupo. (1)
2) Ce sont ces mémoires collectives si différentes qui nous ont donné une identité commune si
vague, presque proche de l’indifférence. Fait récurrent: seul le sport éveille
aléatoirement un sentiment émotionnel d’appartenance nationale. Il en fut
ainsi, jadis, pour Eddy Merckx. Plus récemment quand Justine Henin et Clijsters
raquetaient le tennis mondial, quand Tia Hellebaut et Kim Gevaert trustaient
des médailles d’or aux JO, quand les frères Borlée couraient presque aussi vite
que ne roulait Philippe Gilbert…A chaque fois, les drapeaux se dépoussiéraient.
A chaque fois, le “sentiment belche” était momentanément plus prononcé.
3) La belgitude, c’est un peu
comme le soleil en Belgique: ça va, ça vient mais on ne peut le capturer guère
plus qu’un moment.
Le football, par sa force
rayonnante parfois délirante, photosynthèse encore bien davantage les esprits.
D’autant plus que des agences de com’ veillent à viralement assurer le “hype”.
Sans parler de ceux pour qui cette belgitude est souvent fond de commerce: médias,
sponsors, politiques, artistes (Daan, Arno, Axelle Red, Stromae…)
4)En bon historien
nationaliste féru de Tijl Uylenspiegel, De Wever connaît toute la force de ce
passé traumatique. Qui influe toujours le flamand lambda bien plus qu’un
résultat de match. Pour parler clair, même s’il assure le service minimum, De
Wever se fout du foot.
N’aimant pas trop le sport
(hormis le badminton, ou il excella) sa stratégie n’accorde guère d’importance
au Mundial. Car il sait, à l’instar de Kris Peeters, que la N-VA a plus à
gagner avec la compétitivité de l’industrie de Flandre qu’avec celle des
Diables.
5)On fait grand cas en com’,
au 16 rue de la Loi, du sondage selon lequel le Premier Ministre serait bien vu
de 6 flamands sur 10. Le léger hic, c’est qu’à l’analyse détaillée, ce soutien
ne se traduit en aucun bonus pour les partis flamands de l’équipe Di Rupo, qui
restent kif à leur niveau de 2010. Si la N-VA connaît un recul psychologique
grave -qui va forcer De Wever à délaisser Anvers pour redevenir davantage Président
de parti - c’est Groen et PVDA+ qui en bénéficient.
L’explication est que,
longtemps perçu au Nord comme un quasi personnage de bande dessinée sans grande
crédibilité -son néerlandais hésitant rappelant en outre que la classe
dominante de jadis ne parlait que le français- Di Rupo a réussi, peu à peu, à
changer cette image en Flandre.
Le Nord s’est habitué au
personnage d’opéra, à ce style si déconcertant pour un flamand. Après l’avoir
longtemps toléré, il l’a accepté. Di Rupo n’apparait plus comme un politique
différent jusqu’à l’étrange.
Pour pas mal de flamands,
c’est devenu simplement “Elio”. Un Premier Ministre qui s’est un peu transformé
en mascotte. Comme celles qu’on crée -à Rio, ce sera le tatou Fuleco- pour
populariser un Mundial de foot.
Michel HENRION.
(1) Lire à ce propos “Un
Etat, deux mémoires collectives” (Editions Mardaga)