C’est que, se méfier, c’est savoir. La méfiance, c’est un
certain degré de connaissance: et que Leterme on a déjà donné. Et que de Wever,
on en sait plus qu’assez.
Le citoyen
échaudé peut d’ailleurs- le sondage Marianne Belgique-Dedicated le
démontre- se méfier de plein de choses très différentes. En fait, de tout ce
qui a fait débat ou scandale médiapolitique.
Qui achèterait encore quelque placement, fut-ce un coupon de
chez Groupon, à Maurice Lippens, symbole de la rupture du contrat moral qui
liait le belge à sa banque? Qui croit que Mgr Léonard mène vraiment la chasse
aux pédophiles dans ses églises? Qui n’a pas été interloqué par l’asymétrie
entre les gains fous des grands patrons et la rigueur de fer qu’ils entendent
comme naturellement imposer aux autres?
Qui pense que les lobbies n‘influent pas la rue de la Loi?
A la différence près que le syndicaliste s’habille en
sac-poubelle rouge, vert ou bleu pour porte-hurler dans les rues tandis que le
syndicaliste du Voka, de l’Unizo ou de la FEB avance plutôt discret dans des
salons feutrés.
“ C’est de la com!”, “C’est de la pub!” entend-on souvent
dire, en réaction à l’une ou l’autre actualité. L’expression, à force, est
devenue banale: mine de rien, elle est formidablement brutale. Traduite, elle
suppose le mensonge démago, à tout le moins des arrière-pensées quasi
inavouables.
Il y a donc comme une césure dans ce sondage: entre ceux
dont tous les jeux troubles ont déjà été démasqués (Lobbyistes, politiques,
banquiers, religieux de toutes obédiences, militant associatifs et souvent trop
partisans, médias) et ceux qui y échappent encore (ça existe les médecins
dominants, les scientifiques voleurs d’intérêt général…) mais dont le tour
viendra en son temps, aux hasards de l’émotion d’autres scandales médiatisés.
Car la méfiance, ou plutôt la défiance, notion plus
positive, c’est de l’intelligence.
On ne la fait plus au citoyen qui, de par la révolution du
Net, a désormais les yeux bien ouverts, toute l’info du monde à portée de
moteur de recherche.
Le “storystelling” des instances est désormais mis en doute,
contredit, parfois ruiné. Parfois d’un seul tweet, d’un seul post.
C’est ce qui fait vaciller nombre d’institutions d’autorité
amidonnée d’un âge qui n’est plus: le citoyen futé, informé, échappe peu à peu
à leur système, les forçant même –on croit rêver- à rendre des comptes.
La défiance, c’est finalement de la liberté de pensée.
Michel HENRION