Pour le francophone, l’image d’un Di Rupo torse nu, c’est
avant tout celle d’un Premier Ministre. Qui, pour d’aucuns, rompt par trop les
codes protocolaires de ses hautes responsabilités.
Pour le flamand, habitué depuis lurette à pénétrer dans
l’intimité de ses politiques, c’est juste celle d’un homme qui change
banalement de chemise.
La com’, c’est aussi parfois une collision.
Adepte de l’hypercommunication, Di Rupo recycle en fait sans
cesse les mêmes propos formatés, mesurés; exhume toujours les mêmes reliques
familiales quasi muséales. Ca donne un ersatz d’intimité, mais ce n’est en rien
de l’intime. Les anecdotes, les récits -même les plus graves, comme le complot
Trusnach- sont dûment contrôlés, le discours aseptisé, sans jamais vraiment
rien révéler de l’”être” Di Rupo. Comme si l’homme était devenu prisonnier d’un
personnage qui pipoliserait constamment sur une ligne de crète en craignant
tout faux pas.
Là est la clé: c’est sans doute pour donner l’illusion de
cette intimité qui plait tant au Nord
que Di Rupo a consenti à se laisser filmer torse nu. Ca n’a évidemment aucun
intérêt (les images du maillot rouge de l’inauguration de la piscine de Mons
sont bien connues des télés flamandes) hormis de conforter paradoxalement son
image de “Monsieur Belgique”.
Car le jour du tournage, le 21 juillet, non seulement
faisait-il torride, mais encore intronisait-on le Roi Philippe. Di Rupo torse
nu envoie ainsi l’image subliminale d’un homme qui se dévoue pour son pays, qui
ne prend quasi pas le temps de se rafraîchir… Qui change juste fissa de chemise
et repart, inspiré par son sens de l’Etat belge.
Là, on crée de l’empathie: regardez, ce Di Rupo là, ce
wallon là, ne vit que pour sa
fonction, son devoir, à qui il sacrifie tout. (une image de com à laquelle Yves
Leterme s’était maladroitement essayé, montrant sa chambre à coucher du
Lambermont utilisée lorsque son emploi du temps –et ses passions, ont dit les
mauvais langues- l’empêchaient de regagner Ypres).
Croire à une rivalité physique Di Rupo-De Wever tient un peu
du phantasme. Même s’il n’est pas faux de relever que tout homme politique
affectionne viscéralement de donner une image de “bonne forme” à tout le moins
de “dynamisme”.
Il faut regarder attentivement le désormais célèbre
“teasing” (1) de l’émission de la télé flamande Vier. On sent bien qu’Eric
Goens (l’homme à qui l’on doit déjà l’interview télé de Sybille de
Selys-Longchamps, la maman de Delphine)
n’est pas arrivé à obtenir de Di Rupo ce qu’il a décroché d’un Tom
Boonen ou d’une Maggie De Block dans sa chambre à coucher: des tranches de vie
inhabituelles. D’ou ces quelques millisecondes de Di Rupo qui donnent juste à imaginer que le montois pourrait enfin se dévoiler. C’est un
appât, du miel pour télespectateurs.
L’illusion qui convenait à Elio Di Rupo a croisé le besoin
d’illusion d’une télévision du Nord.
Ainsi va, en 2014, le piège de l’hypercommunication.
Michel Henrion
(1) http://www.vier.be/kroost/videos/kroost-nieuw-op-vier/105401