La fable des Diables Rouges
Elio Di Rupo a un point commun avec le Grand Jojo, alias
Jules Vanobbergen: il table aussi beaucoup sur le Mundial pour se refaire. Dans
le montage narratif de communication qu’on construit ces temps-ci au 16 rue de
la Loi, l’engouement pour les Diables Rouges serait un chapitre-clé du conte
populaire ou la vilaine sorcière N-VA perdrait toute magie. Ce qu’on appelle le
Good News Show des partis de la
majorité, ce chapelet d’arguments destiné à démontrer que De Wever a tout faux
et que la Belgique fonctionne et resterait efficace.
De fait, c’est dans le sport que la pérennité de nations
supposées en voie d’évanescence rebondit souvent avec de vuvulezants affects.
Comme si, à l’heure de l’Europe, seul le sport pouvait encore rallumer un
patriotisme terne. Mais c’est toujours là passion très momentanée. C’est, à
l’analyse, un pur produit de l’émotion qui n’a guère à voir avec le pouvoir,
donc avec la politique. C’est qu’il y a comme un nationalisme ordinaire, celui
qui est omniprésent dans la vie quotidienne du belge. Celui-ci est attaché au
paysage de sa Sécurité Sociale; il l’est, tout aussi banalement, aux Diables
Rouges. Cela n’a guère à voir avec des choix politiques. Les Diables Rouges
comme joker électoral, c’est une fable.
L’affection, en Flandre, pour les Diables, tient quasi
exclusivement de la séduction d’une équipe talentueuse et, surtout, à leurs
récents exploits sportifs. N’en déplaise à ceux qui tablent que onze joueurs
courant derrière un ballon peuvent influencer diablement un résultat électoral.
La communication de la N-VA surgit souvent là où on ne
l’attend pas. Subtile ou tordue selon les avis, mais souvent imparable, car
jamais à la sauce aigrie.
Lors du délicat avènement du Roi Philippe, les républicains
flamands avaient déjà veillé a prendre du recul, ne critiquant que la fonction et jamais l’homme Philippe,
malgré ses failles. Objectif: éviter l’extrémisme, une image qui serait paradoxalement
par trop anti-belge.
Pour les Rode Duivels, les nationalistes ont opté kif pour
une stratégie d’au-dessus de la mêlée.
“Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions applaudir une
équipe nationale représentant les diverses communautés” a lâché l’autre jour Bart De Wever, définissant
ainsi la doctrine et l’élément de langage à tenir par ses cadres.
Ce n’est donc pas demain la veille que la N-VA se fera les
griffes sur ce symbole belge qu’est l’équipe de Vincent Kompany, au risque
alors de lui donner un rôle quasi politique.
En mai 2014, ce sont davantage des personnages (Di Rupo vs
De Wever) qui s’affronteront, bien plus que des partis. Et De Wever n’a
nullement l’intention de se faire piéger dans une élection qui se
transformerait en quasi référendum pour ou contre la Belgique, qu’il perdrait inévitablement.
De Wever marche sur des oeufs: il sait que la plus large
part de son électorat composite, s’il est allergique au “système belge”, à
“l’inefficacité du bric à brac “ du gouvernement Di Rupo, n’en rejette pas pour
autant une incertaine Belgique.
Le flamand qui votera N-VA en mai 2014 sera pragmatique,
comme d’habitude: pour une autre fiscalité, une autre immigration, pour un
confédéralisme qui permettrait à la Flandre d’être plus prospère/ou égoïste,
pour maîtriser elle-même sa compétivité (ben oui, l’industrie est en Flandre,
le coût salarial est jugé comme laissant les wallons trop indifférents)… Bref,
pour ses intérêts.
Or, De Wever se méfie- sauf lorsque ça l’arrange- de
l’irrationnel, de l’émotionnel comme de la peste. Donc, on supportera là aussi,
fut-ce mollement, les Diables Rouges, ce qui ne manque pas d’un certain sel par
rapport à l’habituelle vision des “deux démocraties”…. Et le Grand Jojo pourra
agiter en toute indifférence politique ses cariocas, et son “drapeau belge qui
seul peut sauver la Belgique”. Samba!
Michel HENRION