Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 21 novembre 2011

Lorsque les symboles extérieurs priment, en communication, sur le discours des politiques (de l’incongruité de la bagnole haut de gamme en arrière-plan des discours d’austérité)

En communication, cette interminable crise ne va pas sans conséquence. Qui croit encore que le téléspectateur prête vraiment attention aux discours répétitifs- et souvent machos-roulement des épaules- des négociateurs mille fois filmés dans une séquence immuablement répétitive où les vrais acteurs sont presque des sacs à dos ou des mallettes bourrées de textes inconciliables.
Mercedes 400 : mieux en hybride écolo...
Ce qui retient encore l’attention de l’homme de la rue, c’est juste les signes extérieurs: les gestes, les images, les objets (le curieux lapin géant offert par le formateur au nouveau-né de Beke…), les modes de comportement.
Le loustic au nez rouge qui a perturbé l'autre soir le direct de la rue de la Loi au JT de RTL-TVI  est sans doute apparu ainsi comme, finalement, très significatif d’une situation politico-politicienne au bord du clownesque.
Bref, tous les signes extérieurs prennent de plus en plus d’importance dès lors que le monde politique n’arrive plus à affirmer sa compétence à décider.
On communique toujours par des symboles et, rue de la Loi, tout signe extérieur est désormais un symbole très fort.
A-t-on assez épinglé cette incongruité de com' qui consistait à voir les ténors des partis balancer leur point de vue sur le devenir plus austère des voitures de société ou, pire, marteler la nécessité de la rigueur (mot poli pour l’austérité). Et ce  tandis qu’à l’arrière plan, se parquaient, se narguaient Audi A8, Lexus haut de gamme et autres BMW, accessoires sur quatre roues du pouvoir. 
Dont le prix vertigineux est parfois masqué par l’alibi de la supposée vertitude d’un moteur hybride supposé écologique mais  qui fait surtout encore blêmir la facture.
Tout symbole est un préalable à la relation sociale: et la forte symbolique sociale de la voiture est hyper-connue, sauf apparemment des politiques. (A l’exception de l’un ou l’autre, comme le président du MR, l’ami-à-Walter-de-la-C5, qui laisse généralement sa BMW en un autre lieu et s’en vient malignement pedibus cum jambis…
Oh, bien sûr, on expliquera que les marques affectionnent de voir leurs volants de prestige tenus par des politiques; qu’il est des ficelles administratives et diplomatiques;  qu’il est des conditions d’achat et des leasings exceptionnels qui vous ramènent presque, à les entendre, la Mercédès haut de gamme au prix d’une Logan. L’argument ne tient pas une milliseconde:  c’est faire fi de la “puissance symbolique” de tels véhicules. Cela nous rappelle ce dirigeant d’une société de logements sociaux qui visitait la faune et la flore de ses bâtiments à bord d’une ahurissante voiture de prestige dont l’insolence, l’incongruité sociale lui échappait puisqu’il l’avait décrochée à 45.000€, soit à moitié prix…”Une affaire”, avait plaidé pour sa défense l’inconscient, qui avait managé sa carrière ”à gauche”.
Les intérêts notionnels, le “spread”, ça, l’homme de la rue a bien du mal à en intégrer les subtils enjeux. La symbolique de la bagnole, encore pour tant et tant signe extérieur de réussite sociale (dans les classes plus jeunes, le smartphone devient  plutôt le “signal” de remplacement) est tout sauf innocente.
Il ne s’agit pas ici d’écrire à l’encre facile de la démagogie: il s’agit de rappeler la “valeur de l’exemple”, si nécessaire lorsque la dramaturgie politique ne cause plus qu’efforts douloureux et restrictions drastiques. L'élection est un contrat de confiance entre l'électeur et son élu. Et cette confiance est un sentiment fragile si M. Tout le Monde  ressent injustice et inégalité.
Faut-il rappeler que, un peu plus au Nord, il n’y a pas que le “modèle allemand” mais aussi le “modèle politique des pays scandinaves”. Ou les ministres roulent dans des véhicules bien plus raisonnables, ou leurs bureaux ont tout du catalogue Ikea et ou ils se doivent de rentrer leurs justificatifs fin de mois. Regardez ce vidéo-reportage: tout est dit.
C’est comme si un certain monde politique belge, si prompt à prêcher les économies, avait tant de mal à s’auto-appliquer cette ligne de conduite, si nécessaire pourtant pour faire adhérer, pour persuader le citoyen.
C’est pour le moins incohérent de voir le niveau fédéral (note Di Rupo) s’engager- allez, c’est déjà mollement- à diminuer de 5% les salaires ministériels tandis que, dans la foulée, les ministres du Gouvernement wallon décident, eux,  assez discretos de se réévaluer de +2,5%.
Une “indexation” à laquelle, pris la main dans le sac des médias  (L’Avenir a eu le mauvais goût de dévoiler la ficelle), le ministre wallon du Budget a décidé -un peu beaucoup poussé dans le dos par son parti- de renoncer pour son compte, comme si c’était là le comble du sacrifice en “fonction de ses ressources”, a-t-il dit à Controverse.
Il n’y a qu’un hic:  André Antoine, ministre CDH et wallon du Budget, roule en Mercédès 400 Hybrid.
Qui s’affiche au catalogue à 97.000 €.