
Il y a, au premier abord, de quoi être déconcerté. Ce 5/10,
la VRT et le Standaard publiaient un sondage d’un institut à bonne réputation
(TNS Média) donnant, à Anvers, 10% d’avance à la NVA de Bart De Wever (37,2%)
sur la liste de Patrick Janssens. (27,7%) (800 sondés du 3 au 29 septembre avec
une marge d’erreur de 3,5%.)
Mais, oups, ce dernier samedi (6/10) voila-t-y pas que la
Gazet van Antwerpen publie un tout autre sondage de l’Institut Dedicated
plaçant, lui, les deux ténors anversois quasi en photo finish. Soit 31,9% pour
la N-VA, 31,1% pour le cartel SPa-CD&V. (603 anversois(e)s sondés par
téléphone du 24 au 29 septembre avec une marge d’erreur de 4% maxi)
Comment est-ce possible ? Et qui croire ?
En technique de sondage, il n’y a pas de “meilleure
méthode”: chacune a ses avantages et ses défauts. Mais, dans la hiérarchie de la
fiabilité, le sondage électoral
“face to face” (le sondé discutant avec un enquêteur fiable) vaut mieux
que le sondage par téléphone qui, lui-même, passe pour être plus fiable que le
recours à un sondage internet.
C’est que le sondage internet a ses caractéristiques et ses biais:
-d’aucuns le remplissent n’importe comment juste pour gagner
points ou cadeaux promis. (coffret Bongo, ce genre) D’aucuns, les habitués, évitent dès le départ les choix
multiples dont ils apprennent vite qu’ils
multiplient les sous-questionnaires et prolongent pas d’un peu la durée
de l’exercice (jusqu’à 30’ parfois)
Surtout, le sondage par panel internet est anonyme. Avec son
clavier comme seul interlocuteur, le sondé internet décide seul. Et, du coup, a plus vite une opinion
assez tranchée. C’est un électeur qui est plus souvent “très contre” ou “très pour”. Ce sont donc fréquemment des
avis plus “extrémistes”. Avantage: les personnes interrogées voient les
questions sur l’écran: c’est mieux
plutôt que d’écouter.
Autre léger biais: le sondage par internet ignotre les
électeurs les plus âgés. (20% des belges n’ont pas de connexion) Et tous les belges ne sont pas encore à
l’aise avec les médias informatiques.
Vous en connaissez assurément, dans votre
entourage, de ces gens qui –même s’ils n’ont que la cinquantaine- sont déjà
largués ou répugnent à l’ordinateur… (certains sondages Internet sont assortis,
à cet effet, d’un complément par téléphone)
En technique de sondages, la méthode c’est assurément le
“face à face” physique. Mais qui, en quantitatif (c’est à dire ce qu’il faut
pour des sondages d’intentions de vote) se fait de plus en plus rare. Parce que
c’est chérot peau des fesses.
Et cette technique là non plus n’est pas sans
défauts. L’enquêteur, s’il se promène dans les rues aux heures de bureau, ne
récoltera souvent au mieux que l’avis d’inactifs (retraités, femmes au foyer…)
S’il est mal encadré, mal payé, l’enquêteur peut aussi faire rédiger les
réponses dans sa famille ou, pire, seul sur une table du café du coin, avec un
bic multicouleurs……
Le téléphone permet, lui, davantage de contrôler que le Net:
il y a un interlocuteur au bout du fil . Et donc, contrairement à l’internet,
le sondé ose moins répondre n’importe quoi. (on peut penser que le vote Vlaams Belang, à Anvers, n'est d'ailleurs pas toujours avoué...) A condition de mixer lignes fixes
et GSM, le sondage par téléphone offre donc beaucoup d’avantages: à commencer
par le fait que tout le monde l’a.
Le hic, c’est qu’ il se fait que les deux sondages réalisés
à Anvers ont été précisémlent réalisés par téléphone, donc avec une certaine
fiabilité, même si l’on ignore des normes internes aux Instituts: la qualité
des échantillons (très important), la similitude ou non des questions posées, le nombre exact de répondants
contactés… Il faut aussi toujours regarder les sondages avec les yeux des
"marges d'erreur" (3,5% à 50% au maximum dans le sondage TNS, 4 % au maximum dans le Dedicated ici au
maximum) qui peuvent tirer un résultat vers le haut ou vers le bas.
Donc, chez TNS (3,2% à 30%), la N-VA oscille entre 34,0% et 40,4%.
Donc, chez Dedicated, (3,7% à 30%) la N-VA varie entre 28,2% et 35,6%.
Donc, le cartel de Janssens oscille, chez TNS, entre 24,5%
et 30,9%.
Donc, le cartel de Janssens varie, chez Dedicated, de 27,4%
à 34,8%.
C’est un brin complexe, on le reconnaît. Mais, même si ça peut surprendre, on
peut considérer que de Wever et Janssens fluctuent dans des zones qui se
chevauchent parfois.
Il faudrait des grands moyens et un échantillon touchant aux
limites des études pour les départager: (10.000 personnes pour aboutir à 1% de
marge d’erreur !)
Mais il reste un indice très intéressant: les dates. Si TNS
a étalé ses coups de fil du 3 au 29 septembre avec un gros paquet, nous disent-ils, de 350 sondés vers
la fin), Dedicated les a passés dans un délai plus bref et surtout plus
frais: du 24 au 29 septembre, au moment ou Patrick Janssens, homme de pub,
déployait sa campagne dans une stratégie de courte durée autant qu’ intense.
D’ou cette interrogation: Janssens serait-il en train de
réussir son sprint, pari impensable?
A nuancer, puisque le précédent sondage de Dedicated sur Anvers donnait
déjà, en gros, les… mêmes résultats.
Les sondages ne votent pas, ce sont les gens qui votent.
Michel HENRION.