C’est que, en 2006, la N-VA n’était qu’un maillon très
discret du cartel avec le CD&V d’Yves Leterme.
C’est que, surtout, cela fait dix mois, sinon davantage, que
les partis du Gouvernement Papillon tendent à faire presque oublier au wallon,
au bruxellois lambda, l’existence de la N-VA. Ou, à tout le moins, à ne pas lui
faire mesurer son poids: non pas celui de la Volksunie de jadis- dont on se
passait sans difficultés- mais bien celui du premier parti du pays et du premier parti de
Flandre.
Qui, depuis quelques heures, s’est désormais doté d’une armée: celle
de tous ces nouveaux mandataires dûment élus. Qui, d’ici le “super Sunday” de
juin 2014 (selon la formule consacrée en Flandre, la “mère de toutes les
élections”, où on votera fédéral, régional et européen) entendra encore activement pousser
plus loin vers ce confédéralisme qui sauverait encore la Belgique. Et dont Di Rupo, dira De Wever, ne veut même pas me parler.
Il y a là une sorte de formatage des esprits qui en devient
vraiment gênant.
Dimanche soir, sur les plateaux-médias, alors qu’un
événement politique considérable venait de se dérouler en Flandre, c’était le
festival des oeillères et du déni-oui-oui.
"Je reconnais le succès de la N-VA", arrachait-on au
bourgmestre de Mons qui en oubliait qu’il était avant tout Premier
Ministre. ”Il n’y a pas de lien
entre les élections locales et fédérales" finissait-il par lâcher,
reprenant son classique élément de langage soudain assez terni. Thèse reprise en boucle, à l’envi,
contre toute réalité, par le président a.i. du PS, Thierry Giet, et nombre d’autres représentants
francophones. (à l’exception d’Olivier Maingain et, pointe des pieds, d’Emily
Hoyos)
Motus. Silence des agneaux. Rohypnol politique.
La volonté de
fermer les yeux de certains politiques bruxellois ou wallons ne manque
décidément pas d’étonner.
Et quasi personne pour souligner le “Dimanche Noir” des
fascistes du Belang, réduits à peau de chagrin jusque dans leur propre fief,
cette ville d’Anvers ou vitupère le trio Dewinter, Annemans-Valkeniers
(démissionnaire). Quasi personne pour relever que c’est tout de même pas si mal
que tous ces électeurs qui votaient pour une extrême droite non-démocratique
aient quitté ce camp là, aient franchi le cordon sanitaire pour rejoindre le
parti de De Wever, assurément de droite, mais sans nul doute démocrate.
Non: on préfère laisser planer le doute que Belang et N-VA,
ce serait blanc bonnet ou bonnet blanc. Et ce qui me frappe, c’est toujours la
stupéfaction de l’homme de la rue francophone lorsqu’il découvre, surtout ces
heures-ci, qu’écolos de Groen ou socialistes du SPa (avec des syndicalistes
pointus, antifacistes militants et tout) n’hésitent pas un instant à se mettre en cartel où à former
des coalitions avec la N-VA. Parce que c’est, tout bonnement, un pion
dérangeant mais normal du jeu démocratique en Flandre.
Souvenez-vous: au lendemain du 10 juin 2010, lorsque les
politiques francophones découvraient (il n’est pas d’autre terme) la N-VA, De
Wever était quasi le type super-sympa. Au fil de la crise des 541 jours, on l’a
progressivement diabolisé, jusqu’à en faire un épouvantail , un repoussoir
idéal. Christophe Deborsu, désormais journaliste à Vier mais wallon de tripes,
n’a pas manqué de liberté d’esprit en disant l’autre jour ce qui est au
“Soir”:`

On peut certes en débattre, (y'a de quoi: l'homme a ses côtés troubles) mais le préjugé de fond est plus gros qu'une maison et trouve toujours preneur dans une opinion qui, généralement, ignore tout de l'autre Communauté. Souvenez-vous de l’enthousiasme
qui avait saisi nombre de francophones après les mâles déclarations (à effet
purement électoraliste) de l’OpenVLD Patrick Dewael à la Chambre, selon lequel
il s’imposait surtout de ne pas s’allier avec la N-VA, quasi assimilé par le député
Open VLD à de l’extrême droite.
Depuis dimanche, les coalitions Open VLD-N-VA ont pourtant
fleuri : Overijse, Alken, etc… A
commencer par Courtrai dont Vincent Van Quickenborne deviendra
bourgmestre. Précisément grâce à
l’appui de cette même N-VA si décriée par Dewael ou Verhoftstadt.
Oui, on peut certes nuancer la “vague jaune” de la N-VA qui,
parfois, en Flandre n’est que vaguelette. Mais oser affirmer que tout cela
n’est que clapotis local et que l’atmosphère “qui est bonne, oui, l’atmosphère
est bonne” ne changera en rien au 16 rue de la Loi, c’est là politique de
l’autruche. Même si, pour l ’heure, les présidents des partis flamands de la
coalition semblent garder leur sang-froid.
LE PIEGE FISCAL
On sait bien que, dès les divers paquets de la réforme de
l’Etat bouclés, le CD&V aura toutes les envies de claquer la porte, ayant
engrangé ce qui l’intéressait.
(d’où l’astuce du Premier Ministre : procéder par phases, pour tenir
autant que faire se peut les sociaux-chrétiens flamands de Wouter Beke)
Grave problème de communication: on ne voit plus, ni le CD&V, ni surtout l’Open VLD,
se suicider et accepter pour ce qui est du budget, quelque taxation supplémentaire. Qui serait illico critiquée par De Wever, dont c'est devenu le thème majeur. Tandis qu’à l’inverse, SPA
et PS seront sous la pression non négligeable du PVDA et du PTB, dont
l’émergence - il est vrai dans des
endroits stratégiquement très ciblés par l’extrème-gauche- n’est tout de même
pas anodine.
On peut certes se raconter des histoires en contenant ces
élections communales à un niveau local.
Par contre, on peut difficilement nier que les élections provinciales ressemblent fort un test
national. Dans ce cas, les socialistes sont en méforme et la N-VA encore un peu plus forte qu’en 2010.