Ce n’est assurément pas un hasard si le petit Marcel Sel
devenu grand cultive toujours, d’évidence freudiennement, une passion pour les
scoubidous, référence récurrente de son dernier
ouvrage “ Indignés de Cons".
ouvrage “ Indignés de Cons".
C’est que l’homme aime jouer avec les fils conducteurs,
tantôt noirs et jaunes (“Les secrets de Bart De Wever”), tantôt pour démêler
ceux, si tellement noués serrés, qui transforment l’économie en un bigntz de
noeuds explosifs tellement top compliqués que le citoyen lambda s’en sent
scoubidonné d’impuissance.
Se doutant bien que l’actuelle horreur économique n’est pas
vraiment chose normale même si on vous dit, vous serine doctement que les
contraintes sont neutres et s’imposent à chacun.
C’est à ce maquillage des brèmes que s’est attaqué Marcel
Sel, qui a cette grande qualité désormais perdue par les politiques marketés :
savoir vulgariser, expliquer; oui, faire comprendre.
Pour tenter de faire bouger les lignes d’une certaine atonie
démocratique dans une crise devenue, ben que oui, permanente.
On n’ose penser
au nombre de sites ou d’opuscules consultés, on n’ose s’imaginer les
interminables conciliabules dopés aux “capsules chatoyantes de Nespresso” (un
des menus plaisirs de notre société de p’tites joies trompeuses) avec Karine
Quarant-Schmidt (qui a collaboré à l’ouvrage) pour un seul objectif. Faire en
sorte que celui qui n’entrave que pouic aux impénétrables “lois du marché” et à
l’inaccessible tribalisme langagier des économistes conseillers des Princes
oligarques, subitement se dise, l’ouvrage refermé: “Mais, bon sang, mais c’est
bien sûr, mais j’ai compris”.
Sur ce plan, avec l’aide tonique et quasi toonesque de ses
marionnettes (John Bigvirus, Dédé,
Toto Lulu ou Rockeux-Foulure) le
livre de Marcel Sel fait bingo dans le tour du proprio.
Il leur pique carrément
la crise, aux économistes assermentés de l’ombre organisée.
Pour enfin comprendre les subprimes, la planche à billets,
les agences de notation, l’enjeu du poids de la dette et autres, on pouvait
difficilement faire mieux.
C’est extrêmement clair, simplifié sans simplismes,
limpidifié à l’humour roulez-jeunesse et plein d’intérêt pas que notionnel.
(et parfois la réalité dépasse la fiction: l’auteur croit
fictionner en inventant, à titre d’exemple de dérision, la “Bigbank”. Eh ben,
il s’est trouvé réellement des banquiers-courtiers pour se donner ce nom
outrancier…)
Ceci étant fait, qu’en tirer comme conclusion ? Né au départ
d’une zizanie de salières (Marcel Sel n’étant pas vraiment d’accord avec
Stéphane Hessel et le fourre-tout
idéologique des Indignés -“Autant, écrit-il, abattre un F16 avec un
scoubidou”), son bouquin propose in fine, une autre voie. Celle de la
citoyenneté simplement redécouverte.
“ Je vous demande, dit-il, de vous intéresser à la
politique, de lire un journal chaque matin, d’interpeller vos élus”, bref,
comme il dit, “de les emmerder au jour le jour”.
Pour reprendre d’abord possession de la démocratie.
Marcel Sel subodore là, mine de rien - sans aller aussi loin-
quelque chose de très juste. Tout ce qu’il aligne est bien réel : chacun est
désormais, dans cette démocratie qui se porte mal, de plus en étranger à
l’autre; une certaine “citoyenneté aseptisée” à toutes les sauces (mouvement
citoyen, attitude citoyenne) démode le syndicalisme; tous les menus plaisirs
privés (fut-ce le gadget à 9€ de chez Lidl) l’emportent sur le politique au
sens noble…
La bonne question soulevée par “Indignés de Cons” ne
serait-elle pas finalement celle-ci: n’entre-t-on pas, mine de rien, si on n’y
prend garde, dans une société au despotisme tout à fait neuf: sans dictateurs,
sans SS fussent-ils de carnaval.
Juste un “despotisme démocratique” ou l’adversaire, le
danger principal, c’est simplement nous-mêmes.
Michel HENRION
“Indignés de Cons” : “La crise expliquée aux cancres et aux
économistes” par Marcel Sel (avec la collaboration de Karine-Quarant-Schmidt).
212 pages. Editions “La Boîte à Pandore”. 17,90€ selon la cotation Bloomberg.